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Trump et la perspective de guerre mondiale

samedi 14 janvier 2017

Avec un soutien bipartite, le futur ministre de la défense de Trump décrit les plans de guerre mondiale

Le général James « Mad Dog » Mattis, le candidat désigné par le président élu Donald Trump comme secrétaire à la Défense, a utilisé son audition de confirmation devant le Comité des services interarmées du Sénat jeudi pour décrire une politique de guerre agressive, désigner la Russie et la Chine comme des ennemis et appeler à une expansion dramatique des dépenses militaires, y compris la « modernisation » des armes nucléaires et l’expansion de la cyberguerre.

Tous les participants présents, les démocrates de même que les républicains, ont fait l’éloge de Mattis pendant l’audition de trois heures et demie. Pas un seul sénateur n’a demandé au candidat comment il pourrait réduire les guerres américaines, qui font actuellement rage dans plusieurs pays. Au lieu de cela, les sénateurs ont rivalisé pour solliciter de Mattis qu’il identifie les menaces pesant sur la « sécurité nationale » que le gouvernement Trump aura immédiatement à traiter.

Aucun sénateur, y compris la démocrate soi-disant « de gauche » Elizabeth Warren, du Massachusetts, n’a interrogé le général retraité des Marines sur son rôle dans l’occupation de l’Irak, où il fut impliqué dans des crimes de guerre. Mattis mena la brutale contre-offensive des Marines qui reprit la ville irakienne de Falloujah en décembre 2004, et il ordonna une frappe aérienne cette année-là contre une fête de mariage dans laquelle plus de 40 civils ont été tués. Il n’a pas non plus été mis en cause au sujet d’un discours public qu’il a prononcé dans lequel il a déclaré qu’il était « amusant » de tuer des gens.

Jusqu’à jeudi, Mattis ne pouvait pas légalement être nommé secrétaire à la défense. La loi fédérale empêche la sélection de tout individu qui n’a pas quitté l’armée depuis au moins sept ans, une règle destinée à protéger le principe démocratique de soumission du militaire au gouvernement civil élu. Immédiatement après l’audition, la Commission des services armées a voté par 24 voix contre 3 une dispense à la loi pour Mattis, qui avait pris sa retraite il y a seulement trois ans, pour intégrer le conseil d’administration du géant de l’industrie de la défense, General Dynamics. Le Sénat américain a rapidement emboîté le pas en votant par 81 voix contre 17 en faveur de la dispense.

Lors d’un échange particulièrement inquiétant pendant l’audition, Mattis a été interrogé par le président de la Commission, le républicain John McCain, qui demandait à savoir si « l’ordre mondial » subissait sa plus grande tension depuis 70 ans. Mattis a répondu : « Je pense qu’il subit les plus grandes attaques depuis la Seconde Guerre mondiale. Et ça vient de la Russie, des groupes terroristes et de ce que fait la Chine en mer de Chine méridionale. » Plus tard dans l’audition, Mattis a dit : « L’Amérique a des responsabilités mondiales et il n’est pas à notre avantage que ces zones du monde soient écartées de nos efforts. »

Il n’y aura pas de fin à ces guerres partout dans le monde, c’est ce qui ressort clairement des questions des sénateurs et des réponses de Mattis. Les États-Unis « seront engagés dans un conflit global pour tout l’avenir prévisible », a déclaré McCain. « Croire le contraire est un vœu pieux […] Le pouvoir dur est important, [il faut] l’avoir, menacer de l’utiliser, l’employer comme arme diplomatique et parfois l’utiliser. »

Bien qu’il se soit efforcé de souligner l’importance des alliances américaines, en particulier de l’OTAN, Mattis, comme McCain, a adopté l’unilatéralisme militaire. Le candidat a déclaré que les États-Unis ont seulement « deux pouvoirs fondamentaux », l’un d’entre eux il a appelé « le pouvoir d’intimidation ». Pour que cette « intimidation » des autres nations fonctionne, il est nécessaire que l’armée américaine soit « le numéro un dans son jeu dans une compétition où la deuxième place est la dernière place. »

En commençant par McCain, les sénateurs ont invité Mattis à plusieurs reprises à dénoncer la Russie et à prendre ses distances par rapport à Trump et sa position moins belliqueuse à l’égard de Moscou, ainsi que son conflit ouvert avec les agences de renseignement américaines sur des allégations non fondées de « piratage » russe des élections américaines.

Mattis a qualifié la Russie de « concurrent stratégique » et a déclaré que le président russe Vladimir Poutine essayait de « briser » l’alliance de l’OTAN, qu’il considère comme la plus grande alliance militaire de l’histoire. « Il y a un nombre décroissant de domaines où nous pouvons coopérer activement et un nombre grandissant de domaines où nous allons devoir faire face à la Russie », a déclaré Mattis. Il a également signalé sa déférence envers les agences de renseignement américaines, disant qu’il a un « très, très haut degré de confiance dans notre communauté du renseignement. »

Lorsque le sénateur démocrate Martin Heinrich du Nouveau-Mexique lui a demandé d’identifier les « principales menaces » pesant sur les États-Unis, Mattis a commencé par identifier la Russie, mais à partir de là, il a élaboré une liste qui pourrait inclure n’importe quelle nation dans le monde.

« Je considérerais que la principale menace est d’abord la Russie », a répondu Mattis, « et puis cela comprendrait certainement toutes les nations qui cherchent à intimider les nations autour de la périphérie ou les nations à leur proximité, que ce soit avec des armes de destruction massive ou, par des moyens d’intimidation que j’appelle inhabituels et peu orthodoxes. »

Ce thème a été repris par Warren, qui, aux côtés du sénateur de Vermont Bernie Sanders, est promue comme le visage « de gauche » du Parti démocrate.

« La Russie veut promouvoir sa sécurité par l’instabilité […] en essayant de créer une sphère d’états instables le long de la périphérie », a déclaré Warren. « En tant que secrétaire à la défense, en ce qui concerne les menaces posées par la Russie, allez-vous plaider franchement et énergiquement devant le président pour parler de ces menaces et de la nécessité de les prendre au sérieux ? » Mattis a affirmé qu’il le ferait. « Nous comptons sur vous », a plaidé la sénatrice libérale.

Adoptant Parfois un ton plus militariste que le candidat, les sénateurs ont également encouragé Mattis à faire des déclarations belliqueuses contre la Chine, l’Iran et la Corée du Nord et ont sollicité des déclarations que l’armée américaine, qui dépense chaque année plus que les huit autres plus grandes économies du monde cumulées pour l’armement, serait sous-financée. Les membres du comité, y compris Warren et la démocrate du Missouri Claire McCaskill, ont utilisé leurs interrogations pour demander de nouvelles dépenses importantes pour l’arsenal nucléaire, la Garde nationale et la cyberguerre.

Mattis n’a pas reculé devant les déclarations de Rex Tillerson, l’ex-PDG d’Exxon désigné par Trump pour être le secrétaire d’État [ministre des affaires étrangères], selon lequel les États-Unis devraient empêcher la Chine d’accéder à la mer de Chine méridionale, ce qui constituerait un acte de guerre. Mattis a appuyé la conclusion que la Chine, dans ses projets de poldérisation, « militarise » la mer de Chine méridionale.

Mattis a déclaré son soutien à l’agression américaine intensifiée au Moyen-Orient, en disant à la Commission que la guerre contre l’État islamique en Irak et en Syrie devra suivre « un calendrier plus agressif ».

Dans un document soumis à la Commission avant l’audition, Mattis a identifié l’Iran comme la « plus grande force de déstabilisation au Moyen-Orient » et a déclaré que le gouvernement Trump devrait « bloquer l’objectif de l’Iran pour l’hégémonie régionale ». Dans ses déclarations précédentes, il avait insisté sur l’idée que l’État islamique n’était rien de plus qu’un prétexte pour Téhéran afin de projeter son influence. Cependant, lorsqu’il fut invité par les sénateurs à désavouer le traité avec l’Iran conclu par le gouvernement Obama, qui a supprimé la menace immédiate de guerre, Mattis a dit qu’il le respecterait.

Jeudi également, le Comité du renseignement du Sénat a tenu des auditions pour le candidat de Trump à la tête de la CIA, Mike Pompeo du Kansas, un ancien député du Tea Party qui a des liens étroits avec les frères multimilliardaires Koch. On s’attend également à ce que la candidature de Pompeo soit ratifiée avec peu de résistance des démocrates.

La déclaration de Pompeo se distingue par sa position belliqueuse envers la Russie. Il a défendu le rapport des agences d’espionnage des États-Unis sur le piratage, bien que ce rapport ne contienne pas la moindre preuve et qu’il ait été auparavant mis en doute par Trump.

« En ce qui concerne ce rapport en particulier, il est assez clair sur ce qui s’est passé ici, sur la participation de la Russie aux efforts pour pirater des informations et peser sur la démocratie américaine », a déclaré Pompeo. « Cela a été un acte agressif pris par la direction gouvernementale en Russie ». Pompeo a également accusé la Russie d’avoir « envahi et occupé l’Ukraine, menacé l’Europe et [de] ne rien faire pour aider à la destruction et à la défaite de l’État islamique. »

La lutte acharnée sur les allégations d’« ingérence » russe aux élections américaines se résume à un différend sur la politique étrangère, à savoir s’il faut régler les comptes avec la Russie d’abord, ou de se concentrer sur une confrontation avec la Chine. L’hystérie médiatique et l’intervention de l’appareil de renseignement et des républicains de premier plan tels que McCain pour appuyer ces allégations équivaut à une tentative pour s’assurer que le gouvernement Trump intensifiera la politique anti-Russe du gouvernement Obama qui aurait été la priorité dans les affaires de la Maison Blanche sous Hillary Clinton.

Les agissements des démocrates, y compris de leur faction « de gauche » dirigée par Warren, démontre qu’il n’y a pas de faction favorable à la paix au sein de la classe dirigeante américaine. Quels que soient leurs différends transitoires sur la cible immédiate, l’orientation vers la guerre pour poursuivre les intérêts de l’oligarchie capitaliste américaine est la politique consensuelle des deux partis.

Par Tom Eley

Messages

  • Les menaces belliqueuses du président Donald Trump la semaine dernière que Washington pourrait recourir à une « option militaire » contre le Venezuela ont déclenché une vague de déclaration d’opposition formelle parmi les gouvernements à travers l’Amérique latine, incluant des régimes de droite comme ceux en Argentine, au Pérou et en Colombie, qui appellent à la destitution du président Nicolas Maduro et collaborent étroitement avec Washington.

    Accompagné du secrétaire d’État Rex Tillerson, l’ancienne tête dirigeante d’ExxonMobil, dont la société antérieure a longuement dominé la production pétrolière du Venezuela, et de l’ambassadrice américaine aux Nation-Unis Nikki Haley, Trump a déclaré : « Nous somme partout dans le monde et nous avons des troupes partout dans le monde dans des régions très, très éloignées. Le Venezuela n’est pas très loin et les gens souffrent. Ils sont en train de mourir. Nous avons plusieurs options pour le Venezuela incluant une option militaire, si nécessaire. »

    Lorsqu’un journaliste lui a demandé si sa déclaration impliquait une opération militaire américaine dans ce pays d’Amérique du Sud, Trump a répliqué, « Nous n’en parlons pas, mais une opération militaire, une option militaire, est certainement quelque chose que nous pourrions envisager. »

  • Trump s’en va en guerre aussi en Afghanistan !!!

    Trump exclut tout retrait d’Afghanistan et intensifie l’effort militaire...

    Il fait des déclarations ouvrant la porte à l’envoi de soldats supplémentaires et accentuant la pression sur le Pakistan accusé d’être un repaire pour « des agents du chaos ».

    C’est un volte face complet de Trump.

    Avant d’accéder à la Maison Blanche, Donald Trump avait plusieurs fois exprimé sa préférence pour un retrait du pays. « Quittons l’Afghanistan », écrivait-il sur Twitter en janvier 2013. « Nos troupes se font tuer par des Afghans que nous entraînons et nous gaspillons des milliards là-bas. Absurde ! Il faut reconstruire les USA ».

  • En écho à ses menaces de « détruire totalement » la Corée du Nord, de tenir tête à la Chine en Asie-Pacifique et de s’opposer à l’expansionnisme de l’Iran au Moyen-Orient, le chef de la Maison-Blanche préside à un renforcement considérable des forces armées américaines.

    Le Sénat américain vient d’adopter un budget de 692 milliards de dollars pour le Pentagone en 2018, à peu près équivalent aux 696 milliards budgétés par la Chambre des représentants. Cette hausse spectaculaire, de près de 100 milliards de dollars par rapport à 2016, dernière année du mandat d’Obama, dépasse aussi de 37 milliards la somme demandée par Donald Trump. Pourquoi ce renforcement, alors que les dépenses militaires des États-Unis sont déjà supérieures à celles des quinze autres plus grandes armées du monde combinées ?

  • Durant la campagne présidentielle de 2016, Trump a promis de « rebâtir une armée plus forte qu’on ne l’a jamais vue ». Il s’est aussi engagé à éliminer le « séquestre », terme qui désigne le plafonnement des dépenses militaires imposé par une loi de 2011. En vertu du Budget Control Act, les crédits pour la défense devraient être limités à 609 milliards de dollars en 2018, dont 60 milliards pour les opérations extérieures. En décidant une dérogation de plus de 80 milliards, le Congrès n’a pas formellement abrogé la loi. Mais pour mettre en œuvre le plan de Trump, le think-tank conservateur American Enterprise Institute (AEI) a calculé qu’une rallonge de 250 à 300 milliards de dollars sur quatre ans serait nécessaire.

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