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Le journal "L’Humanité", tel que vous ne l’avez jamais lu...

20 janvier 2012, 04:33, par MOSHE

Trotzky n’a rien du doctrinaire, mais tout de l’homme d’action et d’organisation. En un pays où l’énormité des distances et la lenteur des communications suppriment chez tous — chez presque tous — la notion du temps, où les méthodes de précision et d’exactitude sans lesquelles nous ne concevons pas de travail pratique sont en général inconnues, il règle, lui, ses occupations, sur une observation scrupuleuse de l’heure. Il besogne à la façon d’un occidental, en « homme d’affaires ». Sans doute parce qu’il est juif. Cela n’importe point.

L’essentiel, c’est que son activité aboutit à des résultats féconds. Chaque fois qu’il faut créer ou remettre sur pied un service, on s’adresse à lui. Depuis un an, on lui a confié les chemins de fer, qui ne marchaient plus guère ; ils fonctionnent. Lénine a songé, dit-on, à remettre entre ses mains, l’industrie. Mais ce qui restera toujours, quoi qu’il entreprenne, son œuvre maîtresse, c’est la formation de cette armée rouge qui, depuis trois ans, a permis à la Révolution de lutter victorieusement et de vivre.

L’armée rouge ? Nous savons tous, parbleu, quelle était redoutable, puisque nous connaissons ses exploits. N’empêche que quand Trotzky, dans une de nos premières conversations, a laissé tomber comme une chose naturelle le chiffre des effectifs auxquels elle a fini par monter, nous nous sommes, à quelques-uns, regardés stupéfaits.

« L’année dernière, disait-il, au moment de la guerre avec la Pologne, nous avions sous les armes cinq millions trois cent mille soldats... »

Cinq millions, peste ! C’est un chiffre que personne en Europe, je crois, n’a soupçonné.

« Ne me raconterez-vous pas pour l’Humanité comment vous êtes arrivés là ? » lui ai-je demandé ? « Mais tant que vous voudrez ! » m’a-t-il répondu en souriant. Et, pendant plusieurs après-midi, dans son cabinet du Commissariat de la guerre, il s’est prêté à mes questions avec une bonne grâce inépuisable, et m’a fourni tous les éléments d’une histoire de l’armée rouge qu’il me faut malheureusement trop résumer ici.

Des débuts peu commodes

« L’armée a été instituée, en principe, par un décret du 15 janvier 1918, signé de Lénine et des commissaires à la guerre et à la marine, Dybenko et Podvoisky. Je négociais alors la paix de Brest-Litovsk avec l’Allemagne comme commissaire aux Affaires extérieures, et c’est en mars que j’ai pris mes nouvelles fonctions.

« Il n’y avait plus rien. L’ancienne armée s’était dissoute au hasard ; les hommes étaient partis chez eux, le matériel gisait un peu partout, abandonné au hasard de l’arrêt des trains. Les soviets locaux, tout jeunes alors, très primitifs encore, me télégraphiaient : « J’ai dix canons..., j’ai un parc d’aviation... Dix soldats..., cinq marins... ». Vous voyez cette pagaïe !

« Mon bureau, à Smolny ? Une foire ! Des gens y venaient, de tous les coins du pays : « Donnez-nous des souliers ! vous n’auriez pas un colonel ? » Reportez-vous à la description que fait Lissagaray du ministère de la Guerre sous la Commune. C’était cela.

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