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Le journal "L’Humanité", tel que vous ne l’avez jamais lu...

29 novembre 2013, 20:23

« L’article suivant a été publié dans « l’Humanité », organe du Parti Communiste Français en 1923 à l’occasion du 6e anniversaire de la Révolution Russe. ». Ce texte avait d’abord paru dans la Pravda et dans Inprekorr.

Léon Trotsky

article de Karl Radek

Pour vaincre, il fallait que la révolution eût à la tête de l’armée un homme d’une volonté inébranlable, jouissant de la pleine confiance du Parti, et sachant se soumettre l’ennemi obligé de prendre du service chez nous. Trotsky fut cet homme et fit plus. Il sut conquérir la confiance des meilleurs techniciens de la guerre et transformer les ennemis du régime des Soviets en des défenseurs convaincus. Il m’arriva d’observer ces victoires morales de Trotsky, pendant les pourparlers de Brest-Litovsk. Des experts mobilisés par force, remplissaient leur tâche, avec le sentiment d’assister à une comédie destinée à masquer le marché depuis longtemps conclu entre les bolcheviks et les Allemands. Mais au fur et à mesure que Trotsky développait sa défense des principes de la révolution russe contre l’impérialisme allemand, au fur et à mesure que s’affirmait, dans la salle des séances, la victoire idéologique et morale du représentant du prolétariat russe, au fur et à mesure que se déroulait la tragédie de Brest-Litovsk, la méfiance des experts et des techniciens s’évanouissait. Une nuit, feu l’amiral Altfater, un des premiers chefs de l’ancien régime qui se donna de tout son cœur à notre œuvre, vint chez moi et me dit simplement : « Je suis venu ici parce qu’on m’y a forcé. Je ne vous croyais pas. Mais désormais je suis avec vous, avec vous sans réserves, dans la conviction de servir la patrie. »

C’est une des grandes victoires de Trotsky d’avoir su persuader des hommes venus chez nous par contrainte, pris parmi nos ennemis, que le gouvernement des soviets luttait pour le peuple russe. On conçoit que ce ne fut pas seulement le résultat de son énergie indomptable qui inspirait à tous le respect, ni de sa force morale, ni même de l’autorité militaire que réussit à acquérir cet écrivain et tribun socialiste placé par la révolution à la tête d’une armée ; il fallut aussi, pour cette conquête d’une élite d’ennemis, l’abnégation des dizaines de milliers de nos militants à l’armée, la discipline de nos rangs, l’esprit de suite avec lequel nous allions vers notre but, les prodiges accomplis par des masses de soldats qui, hier, fuyaient le front et aujourd’hui se battaient dans des conditions infiniment plus difficiles qu’avant-hier. Mais l’influence des éléments psychologiques et politiques de la vie des masses trouvait son expression la plus forte et la plus concentrée dans la personnalité de Trotsky. La révolution russe agissait, par le cerveau, le cœur et le système nerveux de l’animateur de l’armée rouge.

Au début de nos premières épreuves militaires — le mouvement des Tchécoslovaques — le Parti et avec lui Trotsky. montrèrent comment on pouvait appliquer à la guerre le principe des campagnes politiques préconisées jadis par Lassalle. Toutes nos forces matérielles et morales se concentrèrent sur la guerre. Le Parti entier saisissait la nécessité de l’effort. Mais cette nécessité trouve son incarnation achevée dans l’inflexible volonté de Trotsky. Après notre victoire sur Dénikine, en mars 1920, Trotsky dit au Congrès du Parti : « Pour battre les blancs nous avons pillé toute la Russie. » Ces quelques mots expriment avec force la formidable concentration de volonté qui nous procura la victoire.

La victoire révolutionnaire exigeait un homme qui incarnât l’appel au combat, qui s’identifiât à toutes les nécessités du combat, qui exigeât de tous une soumission absolue à la sanglante loi de la guerre.

Cet homme ne pouvait être qu’un travailleur acharné, sachant être impitoyable envers lui-même et parler au soldat. Il fallait un tel homme pour porter l’étendard du peuple travailleur en armes. Trotsky fut tout. Il sut peser les conseils stratégiques des généraux et les confronter avec l’estimation révolutionnaire des forces sociales en présence — concentrer les impulsions venant de quatorze fronts, écouter les voix des dizaines de milliers de communistes qui lui disaient ce qu’était l’armée et ce qu’on en pouvait faire — et de ces matériaux innombrables et divers élaborer un plan stratégique unique, un unique schéma d’organisation. Dans ce travail grandiose, il sut mieux que personne appliquer la science des facteurs moraux dans la guerre. Le stratège, l’organisateur militaire, le politique se confondant en lui comprenaient la valeur pour l’Armée Rouge d’un poète populaire tel que Diéman Biedni ou d’un peintre tel que Moor. Notre armée était paysanne. La dictature du prolétariat, c’est-à-dire, la direction de l’armée paysanne par des ouvriers et par les représentants des ouvriers y était réalisée par Trotsky et par ses collaborateurs de telle façon qu’ils réussirent à l’aide du Parti Communiste, à faire pénétrer profondément dans la masse paysanne, la conviction qu’elle se battait pour ses propres intérêts.

Dans la création de l’armée rouge, Trotsky a collaboré avec tout le Parti. Sans le Parti jamais il n’eut accompli sa tâche. Mais sans lui, la création et la victoire de l’Armée Rouge, eussent coûté des sacrifices beaucoup plus grands. Si notre Parti entre dans l’histoire comme le premier parti prolétarien qui sut former une puissante armée, le nom de Lev Davidovitch Trotsky demeurera gravé en lettres ineffaçables sur cette page glorieuse de la révolution russe. Son œuvre et sa personnalité, précieuses aux générations montantes du prolétariat appelé à conquérir le monde, feront l’objet de fécondes études.

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