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Le bouddhisme et les femmes

26 novembre 2016, 14:12, par Emmanuel D.

(J’expose dans ce message une interprétation des enseignements bouddhistes peut-être trop personnelle… J’assume entièrement et personnellement toute erreur d’interprétation et m’en excuse par avance auprès des lecteurs/lectrices spécialistes.)

Bonjour M. Paris,

Oui, tout à fait, le bouddhisme n’est pas moins respectable qu’une autre religion mais pas plus non plus. La culture humaine est riche de voies spirituelles et philosophiques, chaque individu peut suivre et/ou construire le chemin qui lui correspond.

Le bouddhisme n’a pas de texte fondateur à proprement parler. Les soutras du Canon Pali sont une compilation d’enseignements oraux du bouddha achevée par ses disciples à sa mort. C’est avant tout une tradition orale. Beaucoup de ses enseignements sont des commentaires des soutras et des commentaires de commentaires enseignés par de grands disciples ayant vécu au long des siècles. Ces enseignements sont tous, et sans exceptions, des posologies applicables à l’esprit du pratiquant. Les textes bouddhistes contiennent une multitude de posologies, que le pratiquant utilise (médite) en fonction de ses problèmes du moment, tout comme l’on ingurgite un médicament en fonction de sa maladie. Ces médicaments visent à équilibrer l’esprit du pratiquant en développant les qualités psychologiques bénéfiques pour lui-même et autrui (ouverture, patience, amour, compassion, concentration…). Le bouddhisme est un corpus d’outils psychologiques pragmatiques. L’astuce de la méditation bouddhiste consiste à appliquer encore et toujours une ‘force’ opposée pour remettre l’esprit ‘à l’équilibre’, dans un état serein (cet état n’est pas le but principal mais est necessaire pour aller plus loin dans le cheminement). Par exemple, si nous avons des tendances à la colère, nous méditerons ses inconvénients (physiques et psychologiques) et méditerons également les bienfaits de la patience. Le but consiste à se défaire progressivement de nos habitudes psychologiques nuisibles à notre propre personne (nous empêchant d’être heureux) et par voie de conséquence, nuisibles aux autres individus (nos proches par exemple).

La méditation mentionnée dans l’article ("La Précieuse Guirlande des Avis au Roi" de Nagarjuna) insiste sur l’aspect impur du corps car, du point de vue bouddhiste, un esprit, perturbé par le désir sexuel, perçoit son objet d’attirance comme pur et parfait. Ce désir est basé sur une surestimation des qualités du corps humain (que se soit celui de l’homme ou de la femme, il n’y a pas de différence). Pour contrer cette habitude psychophysiologique libidineuse, il faudra entraîner notre esprit à changer de point de vue sur l’objet désirable. Cela se fera en l’analysant en profondeur, de l’intérieur (avec l’œil de l’imagination) de sorte à voir son côté ’impur’. Cela ressemble à une forme d’autopsie imaginaire où l’aspect idyllique et pur du corps de l’être désiré s’étiolera au fur et a mesure de la méditation. Il apparaîtra d’une manière beaucoup plus réaliste et beaucoup moins désirable…

Dans cette optique, et pour répondre à votre question : méditer l’aspect impur du désir sexuel ne sera pas efficace. En effet, comment méditer cela concrètement (la méditation ne consiste pas à penser : « le désir sexuel est impur ») ? Notre esprit n’adhérera pas à cette façon de percevoir le désir et cela ne le diminuera pas. Essayez les deux méthodes et jugez par vous-même…

Cette méditation sur ‘le corps tel qu’il est de l’intérieur’ ne se pratique pas hors de tout contexte et les enseignants ne conseillent pas ce genre de méditation aux laïcs. Elle sera utile aux moines et aux nonnes pour diminuer leur libido. Pour les laïcs, elle est utile seulement dans le cas de longue retraite de méditation visant à obtenir un haut niveau de concentration (‘calme mental’). Par exemple, durant la retraite, si une trop forte énergie sexuelle submerge le pratiquant, il pourra avec cette méthode, saper ce désir et diriger l’énergie, par sublimation, dans la pratique de la concentration.
En dehors de ces contextes très particuliers, cette méditation n’a, à ma connaissance, aucune utilité.

Les enseignements du bouddhisme ne sont pas dogmatiques. Ils ne s’intéressent pas au statut de ceci ou de cela mais visent à entrainer notre esprit à atteindre un état libre des opinions dualistes et de toute forme d’attachement (surtout celui à notre égo...) : Le désir sexuel n’a rien d’impur, le corps de la femme tout comme celui de l’homme n’a rien d’impur non plus. Ces trois objets ne comportent pas davantage de qualités de pureté. Ces qualités de pureté ou d’impureté n’apparaissent que dans l’interdépendance entre les objets et l’esprit qui les conçoit ainsi. Simple imputation, simple désignation, simple conception, rien de concret et d’absolu en soi.

De mon point de vue, le bouddhisme –ou toute autre voie spirituelle, philosophique ou religieuse- n’a pas de qualité, en soi, susceptible d’améliorer la condition humaine, notamment le statut de la femme dans notre société fortement phallique. Tout comme la masse des particules élémentaires dans le modèle standard, n’est pas une propriété intrinsèque de celles-ci, mais se trouve être une propriété émergente liée à leur interaction avec un champ scalaire (celui de Brout-Englert-Higgs), les qualités du pratiquant émergent de l’interaction avec les enseignements qu’il pratique (*)… Ainsi, ce sont seulement les qualités spirituelles que les femmes et les hommes auront développées qui seront porteur d’espoir pour l’humanité et non telle ou telle philosophie. Dans cette perspective, si le texte présenté dans cet article était une vue profonde du bouddhisme, les pratiquants (et pratiquantes) ne devraient-ils pas êtres tous sexistes ?

Je vous ai humblement proposé un autre angle d’approche (peut être un peu moins aigu ?). Une interprétation ‘de l’intérieur’, en tant que pratiquant. Mais je comprends que vous ne soyez pas convaincu. Le bouddhisme bénéficie souvent d’une aura positive en occident. Il est souvent méconnu, qu’a l’instar des religions monothéistes, l’historicité bouddhiste comporte également son lot de contradictions et de tâches douloureuses. Toutefois, il serait tout de même regrettable de limiter son jugement sur la profondeur de cette philosophie à ces douloureuses tâches...

Encore merci d’avoir publié le message précédent et d’y avoir répondu si promptement !

Amicalement
Emmanuel D. Toulouse (26/11/2016)

(*) : J’apprécie particulièrement cette analogie car dans le mécanisme BEH, à ma connaissance, l’interaction constante avec le champ de Higgs n’engendre aucun effondrement du vecteur d’état des particules (ou celui d’un quelconque système quantique). Par analogie, la philosophie est le champ et le pratiquant est la particule : le pratiquant voit émerger, dans l’interaction, ses qualités tout en lui laissant toute latitude sur son chemin… (Je reste conscient que cette liberté psychologique n’est malheureusement pas l’apanage de tous les pratiquants de voie spirituelle…Mais, l’est-elle pour ceux qui ne suivent aucun chemin ?)

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