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Quelles révolutions de la matière ?

22 septembre 2012, 23:58, par F. Kletz

En fait, le freudo-marxisme, ça ne veut pas dire que Marx était freudien ou que Freud était marxiste.

Marx est mort en 1883, Freud était encore très jeune, il avait autour de 26 ou 27 ans lorsque Marx est mort. Freud pouvait connaître l’œuvre de Marx, Marx n’a pas pu même connaître le livre de Freud intitulé L’Interprétation des rêves (Traumdeutung) publié en 1900 par Freud.

En fait, Freud crée sa psychanalyse après la mort de Marx. Il développe son activité psychanalytique et il commence à devenir célèbre dans les années 1900 et 1910. C’est la période tactique et stratégique où il refuse des innovations de son disciple Jung, avec qui il finira par se brouiller.

Freud a eu beaucoup d’admirateurs et des psychanalystes qui se sont formés à ses côtés ont eu des sympathies avec des courants d’idées des philosophies très différentes de celle de Freud. C’est pourquoi il n’y a jamais eu une seule psychanalyse. Il existe de par le monde de multiples associations psychanalytiques. Certaines fonctionnent, comme en politique, comme des sectes, d’autres sont intégrées à l’appareil académique et/ou universitaire (ce qui n’est pas antinomique : on peut fonctionner comme une secte et avoir une reconnaissance universitaire).

Dans tous ces courants psychanalytiques, l’un d’entre eux est particulièrement intéressant, le freudo-marxisme, qui a essayé d’harmoniser les théories de la lutte de classe et du Capital avec les thèses de l’inconscient freudien.

Le travail a été plus ou moins réussi, il reste certainement encore beaucoup à réaliser en ce domaine, mais des bases ont été explorée par au moins deux auteurs :
Wilhelm Reich, et Marcuse.

Wilhelm Reich a travaillé sur la morale sexuelle (L’irruption de la morale sexuelle, La révolution sexuelle) en s’appuyant sur les travaux de Malinovski, l’anthropologue.

A mon sens, Reich est le plus intéressant, mais j’ai peu lu les autres. Reich a été exclu de l’internationale communiste et de l’association internationale de psychanalyse de Freud.

Il a mal fini, il passe pour être devenu fou. C’est bien dommage, car son travail a exploré des champs théoriques que peu ont étudié réellement après lui, et le fait qu’il soit devenu « fou » a certainement contribué à donner des arguments aux défenseurs du système pour que de jeunes psychanalystes explorent une psychanalyse de la lutte de classe. De plus, il vaut toujours mieux avoir une clientèle riche et donc bourgeoise, qui paye mieux que la clientèle prolétaire !

Ainsi, dans la société bourgeoise, on trouvera peu de médecins ou de psychanalystes qui abandonnent une carrière qui permet de vivre à peu près confortablement pour se casser la tête face aux obstacles immenses auxquels s’est confronté W. Reich.

Peut-être si une ambiance révolutionnaire comme celle qu’a provoqué la révolution russe revenait, nous connaitrions de nouveau des individus qui n’auraient pas peur de s’affronter aux institutions bourgeoises comme l’a fait Reich. Car il semble bien que pour faire ce qu’il a fait il faut croire dans la force révolutionnaire du prolétariat, ce que peu de bourgeois pensent aujourd’hui.

Mais cela peut revenir !

Il y a bien eu des médecins comme Franz Fanon, qui sont intéressants à étudier, mais je crois bien qu’il a pris parti pour le FLN, ce qui démontre les limites d’un type qui a pourtant compris que la psychanalyse devait s’adapter à la compréhension culturelle des autochtones.

Tahar Ben Jelloun a en cela écrit un livre passionnant, très dur, et en même temps profondément touchant : La plus haute des solitudes.

Il y fait le portrait de l’immigré qui n’a aucune vie sociale et qui connaît la misère de l’impuissance sexuelle car il n’est qu’une force de travail dont tout le monde se moque.

Ainsi, je pense que le freudo-marxisme et en particulier Reich est lu, mais il semble difficile de s’en réclamer pour réaliser une carrière et se faire une place dans la société bourgeoise. C’est pour cela aussi que le freudo-marxisme est lu "en cachette", c’est-à dire peu cité dans les mémoires universitaires et les thèses soutenues dans les universités ; car il est lu, mais déconsidéré comme Freud était déconsidéré lorsqu’il était jeune et qu’il cherchait à mettre en avant ses thèses.

C’est pour toutes ces raisons que le freudo-marxisme est mis de coté et peu exploré dans les universités aujourd’hui.

Il est donc, selon moi, important de s’attacher à étudier Reich et le freudo-marxisme pour comprendre comment la répression de la sexualité va avec l’oppression et l’aliénation de l’individu, oppression et aliénation qui sont au cœur de la société de classe, aliénation déjà identifiée par Marx et souvent niée par les épigones et les staliniens.

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