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Octobre 1961 : un assassinat programmé

vendredi 22 octobre 2010

La guerre d’Algérie, guerre coloniale atroce, n’a pas eu lieu seulement sur le territoire algérien mais aussi en France. Le 17 octobre, un crime d’Etat de grande ampleur a été commis qui a été occulté pendant un grand nombre d’années grâce à la complicité silencieuse de la gauche et des syndicats. Ces derniers n’avaient pas intérêt à rappeler cet épisode car il se déroulait avant que ces organisations n’aient commencé à manifester contre la guerre coloniale, avant Charonne. Elles ont donc fait comme si 1961 et Charonne c’était un seul et même événement !!!

17 octobre 1961, dissimulation d’un massacre

Ce fut un véritable festival de mensonges, d’erreurs et d’intoxication dans la presse française au lendemain des massacres du 17 octobre 1961, à Paris, raconte le journaliste René Dazy qui a vu tellement de sauvagerie se déployer ce jour-là qu’à son retour à la rédaction, il vomit. Ce témoignage accablant est cité par le réalisateur français Daniel Kupferstein dans son film-documentaire d’une poignante vérité, “17 octobre 1961, dissimulation d’un massacre”, projeté jeudi soir au Centre culturel algérien (CCA) à Paris, dans le cadre d’une rencontre-débat avec l’écrivain J.L Einaudi. Ce documentaire de 52 mn revient sur les manifestations organisées à l’appel de la Fédération de France du FLN, pour protester contre le couvre-feu imposé aux Algériens.

À travers les témoignages d’anciens ministres, de journalistes et d’historiens, il constitue une contribution destinée à faire en sorte que les événements tragiques du 17 octobre 1961 retrouvent leur place dans la mémoire collective. Le journaliste Georges Mattei apporte un témoignage lourd sur cette date.

“L’impression que je garde des scènes de violence, dira-t-il, c’est que le peuple de Paris s’est transformé en indicateur, en auxiliaire de la police et dénonçait les Algériens qui se cachaient dans des maisons pour échapper à la sauvagerie”, dira-t-il.

Sur un reportage réalisé et diffusé à l’époque par la chaîne de télévision Antenne 2 à 20h30, qui fit scandale parce qu’il dénonçait les massacres, le journaliste Marcel Trillat dira avec émotion que ce qu’il espérait surtout, c’est que ce reportage “serve de sépulture à tous ces Algériens portés disparus et probablement enterrés dans des fosses communes”.

“Ne pas parler de la guerre d’Algérie fait partie d’un patrimoine commun à la gauche et à la droite”, souligne l’historien Pierre Vidal-Naquet, auteur du livre “La torture dans la République”.
Dans les semaines qui suivirent ces “ratonnades”, Maurice Papon, avec l’appui du ministre de l’Intérieur Roger Frey, du Premier ministre Michel Debré et du président de la République Charles de Gaulle, fera tout pour faire échouer les demandes de commission d’enquête, rapporte le réalisateur. Le 20 mai 1998, J.-L. Einaudi écrivait dans le journal Le Monde : “En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon”. En juillet 1998, Papon porte plainte pour diffamation contre un fonctionnaire public. Pour préparer sa défense, Jean-Luc Einaudi compte sur les documents officiels dont il a demandé communication, trois mois plus tôt, aux Archives de Paris.

Faute de pouvoir produire des documents écrits attestant de la responsabilité de la préfecture de police, l’historien sollicite le témoignage de deux conservateurs des Archives de Paris, qui acceptent et témoignent, l’un par écrit et l’autre à la barre. Maurice Papon, présent, fait témoigner en sa faveur l’ancien Premier ministre, Pierre Messmer, tandis que Jean-Luc Einaudi fait venir à la barre des témoins directs des massacres.

Le 26 mars 1999, Maurice Papon est débouté de sa plainte et l’historien relaxé. Deux archivistes sont sanctionnés pour avoir témoigné. Monique Hervo, ancienne du service civil international de Nanterre, qui témoigna également lors de ce procès, dira qu’elle l’a fait parce que la mémoire, “nous la devons à tous ceux qui ont souffert, qui ont donné leur vie, à tous ceux qui ont été torturés”.
“L’oubli, c’est la continuation du massacre. L’oubli, s’agissant d’un crime contre l’humanité, c’est faire injure à l’humanité tout entière”, dira, quant à elle, l’avocate Nicole Dreyfus Schmidt. Le débat qui suivit cette projection, permit à J.L Einaudi de revenir longuement sur la bataille des archives sur ces massacres qui sont encore occultes pour beaucoup d’historiens.

Discours de Mouloud Aounit (MRAP)

au pont Saint-Michel
17 octobre 1961 : un crime d’État

Le 17 octobre 1961, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants manifestaient pacifiquement à Paris contre un couvre feu raciste décrété par Maurice Papon alors Préfet de Police de Paris leur interdisant de circuler dans les rues après 20h. Ces manifestations silencieuses, appelées par le FLN, exprimaient une exigence de dignité, d’égalité et la volonté d’indépendance de l’Algérie. Une répression sanglante d’une violence et d’une sauvagerie inouie se déchaîna alors, et qui se poursuivra jusqu’au 20 octobre. Arrestations massives, noyades, tortures, et déportations frapperont aveuglément les Algériens de Paris et de sa banlieue.

Partout aux portes de Paris, aux bouches de métro, la police traque l’Arabe avec une férocité sans nom. Dans les commissariats, on humilie, on tue même. Au gymnase Japy, toute la nuit, on torture. De ce même pont Saint-Michel, des Algériens sont assommés et jetés ligotés dans les eaux glacées de la Seine.

Du 17 au 20 octobre 1961, plus de 11 000 personnes seront raflées, parquées comme du bétail, à la Porte de Versailles, à Vincennes. Bilan : au moins 200 morts et 400 disparus.

Dès le 18 octobre 1961, le MRAP appelait à un meeting de protestation. 49 ans après, malgré la mobilisation d’un certain nombre d’entre nous, un tenace silence pèse toujours et lourdement sur ce véritable crime d’État. Cette ratonnade en plein Paris reste toujours impunie presque un demi siècle après.

Et pourtant, chaque année, depuis 1991, nous nous donnons rendez-vous ici même contre l’oubli. Incontestablement, la mobilisation citoyenne a permis quelques avancées :
La première fut l’échec de Maurice Papon, ce complice de crime contre l’humanité, dans sa misérable tentative de faire condamner Jean-Luc Einaudi, l’un des premiers à avoir dénoncé et démontré l’importance de ce crime et les mensonges de la version officielle à travers son excellent ouvrage « La bataille de Paris ».

Le FLN avait prévu de concentrer la manifestation sur trois grands secteurs, zone de l’Étoile pour les Algériens de la banlieue ouest, les boulevards Saint-Michel et Saint-Germain pour ceux de la banlieue sud et enfin les Grands boulevards pour ceux de la banlieue nord et nord-est[34]. Le 17 octobre, il pleut en fin d’après-midi. Entre 20 000 et 30 000 Algériens, hommes, femmes et enfants, vêtus de l’habit du dimanche pour témoigner de leur volonté de dignité, commencent à se diriger vers les points de regroupements[35].

Une colonne de 10 000 personnes en provenance des bidonvilles de la banlieue ouest : Nanterre, Bezons, Courbevoie, Colombes et Puteaux, se rassemble au rond-point de la Défense et se dirige vers le Pont de Neuilly en vue de gagner le secteur de l’Étoile. Cette colonne est bloquée au pont de Neuilly où est installée une section de la FPA, sept hommes du commissariat de Puteaux et ultérieurement une section d’une compagnie d’intervention, soit en tout 65 hommes. C’est ici, au Pont de Neuilly que se déroule un des affrontements majeurs de la soirée. Jusqu’à 19 heures, la police arrive à faire face et à diriger au fur et à mesure des arrivées 500 Algériens vers le commissariat de Puteaux. Lorsque des milliers de manifestants sont au contact des policiers, ceux-ci doivent faire usage de leurs « bidules », ces longs bâtons en bois dur de 85 cm de long. Une cinquantaine de manifestants arrivent quand même à passer. Des coups de feu sont tirés. D’après Brunet, ce sont sans doute les « chocquistes » du FLN qui auraient tiré en l’air les premiers coups de feu pour provoquer un affrontement[36]. D’après House et MacMaster, c’est plus vraisemblablement la police car aucun policier n’a été touché[37]. Que les policiers aient tiré et qu’ils se soient livrés à des actes d’une violence extrême n’est pas contesté. Qu’il y ait eu des morts dans ce secteur, que durant toute la nuit des hommes aient pu être jetés dans la Seine depuis les ponts de Neuilly, d’Argenteuil ou d’Asnières ne l’est pas non plus [36],[37].

D’autres manifestants ont pu joindre le secteur de l’Étoile par le métro, mais de nombreux cars de police se tiennent prêts à recevoir les Algériens qui sortent des bouches de métro pour les diriger vers les centres d’internement. Plus de 2 500 Algériens sont appréhendés dans ce secteur où les violences restent à un niveau modeste. Il en est de même dans les secteurs de la Concorde et dans une moindre mesure, de l’Opéra où 2 000 manifestants sont conduits aux centres d’identification[38].

Par contraste, les incidents du secteur des Grands Boulevards sont particulièrement violents et sanglants. Les Algériens avaient pu réussir leur rassemblement place de la République. Ils brandissent des drapeaux et écharpes aux couleurs vertes et blanches du FLN et scandent les slogans « Algérie algérienne », « Libérez Ben Bella ». Ils se heurtent à deux compagnies de CRS devant le cinéma Rex. Des coups de feu partent d’un car de police transportant des interpellés vers le commissariat de la rue Thorel et qui est bloqué par des manifestants. Après les événements, l’état de la voie publique sera comparable à celui du Pont de Neuilly : débris de verre, chaussures perdues, flaques de sang, nombreux blessés gisant sur le trottoir[39],[40].

Le troisième secteur d’affrontements violents est celui du secteur Saint-Michel Saint-Germain, à proximité de la préfecture de police dans la cour de laquelle les cars de la police déversent des flots de manifestants interpellés, plus d’un millier au total. Dans la rue, les forces de police encerclent les manifestants qu’ils chargent et frappent. Pour échapper aux coups des policiers, certains préfèrent se jeter du Pont Saint-Michel. Des échauffourées se prolongent jusqu’à 22h30 boulevard Saint-Germain et dans le secteur de Saint-Sulpice où des coups de feu sont tirés[41],[42].

La nuit du 17 au 18 octobre dans les centres d’identification

Entre 17h et minuit, une noria incessante de cars de police et d’autobus réquisitionnés débarquent entre 6 000 et 7 000 algériens au Palais des sports de la porte de Versailles. Au cours de ces transports, les corps sont parfois empilés les uns sur les autres. Après une heure du matin, les 32 derniers cars, contenant 2 623 « FMA » (Français musulmans d’Algérie, selon la dénomination de l’époque) sont dirigés vers le Stade de Coubertin[43]. Des centaines de manifestants blessés ont été dirigés sur des hôpitaux. Dans cinq hôpitaux seulement, on compte 260 blessés hospitalisés. Jean-Paul Brunet note que sur ces 260 blessés, 88 sont entrés entre le 19 et le 21, ce qui témoignerait de la persistance des brutalités policières bien au-delà de la nuit du 17 octobre[44]. Parmi les policiers, une dizaine a été conduite à la Maison de santé des gardiens de la paix pour des blessures légères[43]. Certains des blessés hospitalisés viennent du Palais des sports où les 150 policiers qui assurent la garde des détenus se livrent à des brutalités dont le syndicaliste policier Gérard Monate dira dans les semaines suivantes « ...d’après ce que nous savons, il y a eu une trentaine de cas absolument indéfendables »[43]. Tous les internés ne sont pas systématiquement frappés au Palais des sports, mais des sévices sont également exercés avant l’arrivée, dans les commissariats ou pendant les transports[43]. Jean-Luc Einaudi a recueilli nombre de témoignages d’appelés du contingent affectés au service sanitaire, d’assistantes sociales et même de certains policiers décrivant la « vision d’horreur » qui les a saisis à l’entrée du Palais des sports ou du Stade de Coubertin[45]. Les sévices sur les détenus se poursuivent jusqu’au 20 octobre où la salle de spectacle doit être libérée pour un concert de Ray Charles[46].

Dans la cour de la préfecture de police de l’île de la Cité les 1 200 détenus sont reçus par des « comités d’accueil ». Vingt blessés graves, souvent victimes de traumatisme crânien doivent être évacués vers l’Hôtel-Dieu et d’autres hôpitaux[47],[46].

La journée du 18 octobre et les jours suivants

Le FLN avait prévu une grève générale des commerçants nord-africains et une nouvelle manifestation sur la voie publique, mais il ne bénéficie plus de l’effet de surprise. À 12h30, 60% des quelque 1 400 commerces concernés sont effectivement fermés et les simples admonestations policières restent sans effet. Il faut attendre 17 heures pour qu’un ordre soit donné d’arrêter les commerçants grévistes. 79 commerçants sont effectivement arrêtés et la menace est assez efficace pour faire rouvrir les commerces à partir de 18h30[48].

Pour les manifestations de la soirée, l’encadrement du FLN est considérablement affaibli par les arrestations de la veille, alors que la police a mobilisé 3 000 hommes, substantiellement plus que les 1 658 de la veille. La préfecture de police a fait le choix, ce soir là, de privilégier la dispersion énergique aux arrestations massives[48]. Les 1 856 arrestations du 18 octobre s’ajouteront quand même aux 11 518 de la veille. Dans ces conditions, les seules véritables manifestations rassemblant quelques milliers de personnes se déroulent en banlieue, à Nanterre et à Colombes[48]. À Nanterre, un véhicule de police est atteint par une balle. Les policiers ripostent faisant huit blessés[48].

# 35 House et MacMaster, Paris 1961, p.152

# 36 a et b Brunet, Police contre FLN, p.187-194

# 37 a et b House et MacMaster, Paris 1961, p.154-158

# 38 Brunet, Police contre FLN, p.196-194

# 39 Brunet, Police contre FLN, p.200-206

# 40 House et MacMaster, Paris 1961, p.159-161

# 41 Brunet, Police contre FLN, p.206-212

# 42 House et MacMaster, Paris 1961, p.158-159

# 43 a, b, c et d Brunet, Police contre FLN, p.219-227

# 44 Brunet, Police contre FLN, p.242-243

# 45 Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris : 17 octobre 1961, éditions du Seuil, 1991, p.189-191

# 46 a et b House et MacMaster, Paris 1961, p.166

# 47 Brunet, Police contre FLN, p.228-230

# 48 a, b, c et d Brunet, Police contre FLN, p.253-254

Portfolio

Messages

  • Philippe Grand et Brigitte Lainé
    toujours sanctionnés pour avoir témoigné contre Maurice Papon en 1999 .

    Déni de justice à la Mairie de Paris.

    En février 1999, Brigitte Lainé et Philippe Grand, conservateurs en chef du patrimoine aux Archives de Paris, avaient témoigné lors du procès intenté par l’ancien préfet de police Maurice Papon à l’historien Jean-Luc Einaudi. Ils ont ainsi contribué à établir la réalité du massacre d’Algériens, longtemps dissimulé par les autorités, qui eut lieu à Paris le 17 octobre 1961. Quelques semaines plus tard, deux notes de service, signées par leur directeur, leur retiraient la totalité de leurs attributions, en dépit de la position exprimée par la Ministre de la Culture, opposée à toute sanction.

    sous le tapis ...Depuis lors, la Ville de Paris nie avec constance cette mise au placard. Saisi par Brigitte Lainé, le Tribunal Administratif reconnaît, en mars 2003, qu’il y a "sanctions disciplinaires déguisées" ; il annule les deux notes de service et demande qu’elle soit réintégrée dans ses fonctions. Dans un communiqué d’avril 2003, le Maire de Paris avait assuré que cette décision de justice serait appliquée. Il n’en a rien été : dans un second jugement de mars 2004, le Tribunal Administratif enjoint, sous peine d’astreinte, le Maire d’exécuter le premier jugement.

    Note de Philippe Grand et Brigitte Lainé à Monsieur Bertrand Delanoë, maire de Paris, en date du 5 janvier 2004
    I - Historique

    8 octobre 1997 - 2 avril 1998 : procès de Maurice Papon, ancien secrétaire général de la Gironde sous le gouvernement de Vichy. Il est condamné par la cour d’assises de la Gironde.

    8 février 1998 : l’écrivain Jean-Luc Einaudi, auteur de La bataille de Paris (Seuil 1991) dépose aux Archives de Paris une demande de dérogation pour avoir accès aux registres d’information du parquet : il recherche en effet les preuves judiciaires du massacre des Algériens intervenu au cours de la manifestation du 17 octobre 1961 et lors des journées suivantes à Paris alors que Maurice Papon était préfet de police.[Une dérogation est exigible pour certaines catégories de documents considérés comme sensibles (loi du 3 janvier 1979).]

    20 mai 1998 : Jean-Luc Einaudi écrit dans Le Monde : "En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon".

    17 juillet 1998 : Maurice Papon porte plainte en diffamation. Pour préparer sa défense, Jean-Luc Einaudi compte sur les documents officiels dont il a demandé communication trois mois plus tôt aux Archives de Paris.
    Le directeur des Archives de Paris, a effectivement transmis sa demande au procureur de la République, assortie d’une mise en garde " sur l’opportunité de lui réserver [...] une issue positive " (12 février) !
    C’était solliciter un refus, refus qui ne sera communiqué à Jean-Luc Einaudi qu’en décembre 1998, après la découverte par Philippe Bélaval, directeur des Archives de France, d’une accumulation de dysfonctionnements aux Archives de Paris.
    A deux mois de son procès, Jean-Luc Einaudi sollicite notre témoignage.

    II - Les raisons de notre témoignage en justice

    En charge des séries des archives judiciaires aux Archives de Paris depuis vingt-cinq ans, nous avons effectivement accès aux documents dont Jean-Luc Einaudi a besoin pour assurer sa défense face à Maurice Papon, mais nous ne pouvons pas les lui communiquer puisqu’il n’a pas obtenu la dérogation nécessaire. La seule solution permettant de conjuguer le respect de la déontologie de notre profession et notre conscience de citoyen, est donc d’accepter d’être cités comme témoins.

    Nous ne pouvions passer sous silence l’existence des documents dont nous avions assuré le versement, le classement et la conservation, sachant que, face à la thèse défendue par Maurice Papon, ces documents apportaient la preuve incontestable du massacre opéré à Paris par les policiers le 17 octobre 1961 et les journées et semaines suivantes.
    Nous taire eût été commettre une faute au regard du code international de déontologie des archives.
    Nous avons toujours considéré que notre mission de conservateurs du patrimoine était à la fois technique et politique.
    C’est nous qui avons découvert les dossiers de spoliation des biens juifs et accéléré leur versement aux Archives de Paris où ils contribuent à enrichir ce qui constitue aujourd’hui la série AJ 38 des Archives nationales. C’est nous qui avons lancé la politique de versement des affaires traitées par le parquet général de la Cour d’appel et le parquet du tribunal de grande instance de la Seine aux Archives de Paris, plutôt que de les laisser dormir, et à terme de faire l’objet de destructions sauvages. Nous avons également trié avec circonspection les dossiers de procédure correctionnelle et ceux des avoués. Si les commissions Mattéoli et Drai ont pu - et peuvent toujours - travailler en toute liberté aux Archives de Paris ; s’il subsiste des dossiers sur la violence de la décolonisation, c’est à notre politique qu’on le doit.

    4, 5, 11 et 12 février 1999 : procès Maurice Papon contre Jean-Luc Einaudi (17ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de la Seine). Nous témoignons donc, l’un par écrit (Philippe Grand), l’autre à la barre (Brigitte lainé).

    III - Les suites de notre témoignage en justice

    18 mars 1999 : enquête administrative diligentée par l’inspection du ministère de la Culture et de la Communication, au mépris de la loi qui délie tout fonctionnaire témoignant en justice du secret professionnel (Code pénal, art. 109). In fine, les enquêteurs doivent renoncer à nous poursuivre au pénal. Ils ne peuvent que réclamer un simple blâme.

    Les choses n’en restent pas au seul niveau judiciaire.
    Avec le soutien de l’inspection des Archives de France, le directeur des Archives de Paris organise alors, avec une vigueur qui depuis lors n’a jamais faibli, notre mise à l’écart, nonobstant le fait que nous sommes ses deux collaborateurs les plus anciens et les plus élevés en grade.

    19 avril et 5 mai 1999 : Deux notes de service nous suspendent de toutes nos attributions et délégations.
    Pour mieux nous isoler, le même directeur nous interdit tout contact avec le public. Indépendamment des rumeurs mises en circulation sur notre compte tant auprès de l’ensemble du personnel que des lecteurs et des différentes administrations parisiennes, nous sommes en butte à des vexations et des humiliations quotidiennes : changement des serrures des salles pour que nous ne puissions plus y avoir accès, communications téléphoniques non transmises, verrouillage de magasins d’archives, mise au secret de documents décrétés sensibles, privation de tout équipement de bureau (nous n’avons toujours pas aujourd’hui d’adresse email professionnelle), etc.

    19 mai 1999 : pression exercée sur le cabinet de la ministre de la Culture, Madame Trautmann, pour l’inciter à prononcer la sanction disciplinaire préconisée, le blâme.
    L’inspection des archives et les Conservateurs généraux sont conviés à signer une pétition de soutien au directeur des archives de Paris : nous serions ainsi solennellement stigmatisés. Le doyen de l’inspection des Archives de France, la personne responsable quelques semaines auparavant de l’enquête administrative diligentée contre nous, porte au ministère cette pétition. Il est devenu ouvertement juge et partie.
    Quelques semaines plus tard, Madame Trautmann fait savoir aux représentants du personnel qu’il n’y a pas lieu de convoquer le conseil de discipline.

    Depuis février 1999, nous avons reçu le soutien de quatre pétitions : des élèves et des professeurs de l’École des Chartes, des universitaires anglo-américains, de la Ligue des droits de l’Homme, du MRAP.
    De nombreux articles de journaux et de revue évoquent régulièrement notre situation - Vacarme (automne 2000 et automne 2003), L’actualité juridique de novembre-décembre 20034, des émissions radiophoniques (France-Inter, France-Culture) et télévisées (Les mots de Minuit, Journal des bonnes nouvelles, etc.).

    20 mars 2003 : le tribunal administratif de Paris reconnaît qu’il y a sanctions disciplinaires déguisées et annule les deux notes de service qui nous dessaisissaient (voir supra).

    Malgré cette décision de justice, le département de Paris ne nous réintègre pas dans nos attributions.

    23 octobre 2003 : À notre demande, le président du tribunal administratif ordonne l’ouverture d’une procédure juridictionnelle à fin d’exécution du jugement du 20 mars 2003.

    Le TA enjoint au maire de Paris d’exécuter ...

    Mars 2004 : Le Tribunal administratif de Paris donne une seconde fois raison à Brigitte Lainé dans l’affaire qui l’oppose à la Ville de Paris. Dans son jugement, notifié le mardi 23 mars, le juge enjoint le Maire de Paris d’exécuter le jugement en date du 20 mars 2003 - resté à ce jour inappliqué - en confiant "à Mme Brigitte Lainé des fonctions similaires à celles de l’emploi qu’elle occupait avant l’intervention des notes de service des 19 avril et 5 mai 1999 annulées par l’article 1er du jugement [...] du 20 mai 2003, correspondant à son grade de conservateur en chef, en rapport avec les archives judiciaires, économiques et financières." Une astreinte de 100 euros par jour est requise si le jugement n’est pas exécuté sous trois mois.

    Le Conseil de Paris adopte un voeu ...

    5 avril 2004 : Lors de la séance du Conseil de Paris, le groupe des élus Les Verts présente un vœu demandant, une nouvelle fois, au Maire de Paris d’exécuter le jugement en date de mars 2003, confirmé par le jugement de mars 2004, et de présenter, au nom de la Ville de Paris, des excuses pour le préjudice subi au cours de ces cinq années par Brigitte Lainé et Philippe Grand. Ce vœu a été adopté, après un long débat.

    Explication de vote de Catherine Gégout sur un vœu des Verts
    concernant la situation des deux archivistes
    et demandant à la Ville de Paris d’exécuter le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 20/03/03

    Je voulais vous dire que nous nous associons très fermement au vœu déposé par le groupe Les Verts. Le Tribunal administratif de Paris a enjoint la Ville, par jugement du 4 mars 2004, d’exécuter le jugement du 20 mars 2003 prévoyant de réintégrer Madame Brigitte Lainé, Conservatrice en chef, dans l’intégralité de ses fonctions. Le vœu ne fait que demander l’application par la Ville de cette décision de justice.

    Je dois dire que je garde une amertume extraordinaire de cette affaire parce que cela avait commencé avant que notre municipalité soit en place. Nous pouvions donc tout à fait prendre le recul nécessaire pour débarrasser cette affaire des conflits et questions personnelles qui avaient pu exister avant, et qui en tout cas n’étaient pas de notre fait, et nous n’avons pas saisi cette occasion.

    D’abord, je voulais dire, concernant Monsieur Philippe Grand, que cet homme était en fin de carrière puisqu’il vient de prendre sa retraite ; il est effectivement resté depuis 1999 dans un placard, ce qui ne lui a pas permis de réaliser le deuxième volume d’inventaire des archives des prisons dont il avait fait le premier volume. Pour cet homme-là, c’est un déni, un mépris de tout ce qu’a été sa vie. Vraiment, c’est quelque chose qui ne peut même pas se réparer ! je pense qu’il faut effectivement lui faire des excuses, mais c’est absolument innommable d’avoir laissé cette situation perdurer.

    Concernant Madame Brigitte Lainé, sur la question de la délégation de signature que le tribunal a rejetée, c’était tout simplement parce que la demande avait été déposée hors délai. Elle a donc été rejetée pour cette raison, cela n’a pas été jugé sur le fond.

    Par contre, l’autre jugement a été parfaitement clair. De plus, véritablement, je ne vois pas quel obstacle il y aurait à mettre en œuvre immédiatement ce jugement, pour une raison toute simple. A la suite des réorganisations qui avaient eu lieu, une personne avait été nommée aux Archives de l’Etat. La grande masse des Archives de l’Etat aux Archives de Paris est constituée des archives judiciaires, économiques et financières de l’Etat. c’était le poste de Madame Lainé.

    La personne qui avait été nommée est maintenant partie et ce poste est vacant.
    Aujourd’hui, le Tribunal demande qu’elle réintègre ses fonctions qui sont toujours inoccupées, et Madame Lainé a toutes les qualifications pour les remplir.

    Je ne vois pas pourquoi, dès demain, elle ne serait pas de nouveau dans ses fonctions. On devrait se débarrasser des questions affectives qui ont marqué cette affaire parce que finalement, on a payé des personnes à ne rien faire pendant des années et à un haut niveau. En outre, on les a détruits moralement et c’est totalement inacceptable.

  • Une lettre du SNASUB-FSU [extraits]

    Paris, le 24 juillet 2003

    Philippe Grand et Brigitte Lainé ont été tous les deux très sévèrement sanctionnés pour avoir témoigné en février 1999 au procès en diffamation intenté par Maurice Papon contre Jean-Luc Einaudi. Si le ministère de la Culture n’a finalement pas donné suite - heureusement - aux sanctions pénales qui ont plané sur eux dans un premier temps (un an de prison ferme et une lourde amende !), ces deux archivistes ont néanmoins été lourdement réprimés puisqu’ils ont été privés de toutes leurs responsabilités par la direction des Archives de Paris : privés des dossiers dont ils s’occupaient, interdits de tout contact avec le public, interdits de réunions de services ... Bref, ces " deux pestiférés " (pour reprendre le terme de Libération du 18/04/03) ont été " mis au placard " pendant quatre ans pour avoir osé sortir de leur " devoir de réserve ".

    Dès que le SNASUB-FSU a eu connaissance de la gravité de ces sanctions, il lui a semblé très important de réagir à titre syndical pour prendre la défense de ces collègues.

    Anne-Marie Pavillard
    Secrétaire générale adjointe du SNASUB-FSU

    Octobre 61. L’historien Jean-Luc Einaudi (1951 - 2014)revenait sur cette sombre période et s’insurge contre l’interdiction d’accès aux archives.

    [ L’Humanité, 17 octobre 2000 ]
    " Octobre 1961 est un crime contre l’humanité "

    La préfecture de Paris vous a interdit l’accès aux archives relatives aux dramatiques événements d’octobre 1961. Quelles sont les raisons ?

    Jean-Luc Einaudi. Pour mener mes recherches sur ces événements largement occultés par l’État français, j’avais demandé l’accès aux archives des administrations, particulièrement celles du ministère de l’Intérieur et de la préfecture de police. On m’a opposé le délai de soixante ans. Ce qui fait que j’ai écris la Bataille de Paris (1) avec toutes les sources disponibles dont j’avais pu disposer. Il est paru en 1991. Et puis, en octobre 1997, les parties civiles au procès de Papon devant la cour d’assises de Bordeaux m’ont demandé de venir témoigner. J’ai donc parlé en particulier du massacre d’octobre 1961...

    D’où le procès que vous a intenté Maurice Papon en 1999 ?

    Jean-Luc Einaudi. Devant la cour, j’ai d’abord posé le problème politique de l’accès aux archives. Est-ce que, oui ou non, on veut que toute la lumière soit faite ? À la sortie du tribunal, on m’a dit que Mme Trautmann, alors ministre de la Culture et de la Communication, avait décidé l’ouverture de l’accès aux archives. Puis il y a eu le procès que m’a intenté Papon au mois de février 1999. Ce procès a été un échec pour Papon et, pour la première fois, il y a eu un début de reconnaissance par le parquet qu’il y avait eu un massacre en octobre 1961 à Paris. Entre-temps j’avais écris au premier ministre et au ministre de l’Intérieur. Et au mois de mai de l’année dernière, le premier ministre a dit qu’il demandait aux administrations concernées de faciliter le travail des chercheurs.

    Alors que s’est-il passé ?

    Jean-Luc Einaudi. Le problème qui me concerne est que du côté du ministère de l’Intérieur et de la préfecture de police, il n’y avait aucun changement. Par contre, on a autorisé un autre universitaire, Jean-Paul Brunet, à avoir accès aux archives de la préfecture de police. Il en a sorti un livre, qui non seulement met en cause mon travail, mais est plutôt complaisant vis-à-vis de la version policière. Quant à moi, j’ai continué à demander à avoir accès aux archives. Finalement, la semaine dernière, le préfet de police, M. Massoni, m’a répondu négativement en invoquant le délai de soixante ans. De deux choses, l’une : ou bien ce délai s’impose à tout le monde, ou alors il ne s’impose à personne !

    Selon vous, qu’est-ce qui explique ce refus sélectif ?

    Jean-Luc Einaudi. Je vais vous le dire franchement. Sur octobre 1961, il y a déjà eu des éléments publiés. Mais c’est mon livre, la Bataille de Paris, qui, malgré tout, a permis largement d’établir les faits. On a commencé à reconnaître quelque chose qui était nié jusque-là. Je pense donc que l’actuel préfet de police s’inscrit dans des réseaux de complicité qui vont de préfet à préfet.

    Est-ce pour vous empêcher de découvrir des choses sur lui que l’accès aux archives vous a été interdit ?

    Jean-Luc Einaudi. Je dis que M. Massoni n’agit pas conformément aux orientations publiquement indiquées par le premier ministre, et je dis que sa démarche vise délibérément à m’empêcher de poursuivre mes recherches. J’ajoute qu’il a eu une partie importante de sa carrière liée à la préfecture de police sous Papon.

    De façon générale, ne pensez-vous pas que par cette interdiction, on essaie d’empêcher l’indispensable travail de mémoire ?

    Jean-Luc Einaudi. Bien évidemment, je suis amené à considérer que c’est mon travail qui a permis de sortir cette affaire de l’oubli, et qu’on vise à entraver le travail d’élucidation. Le procès que m’a intenté Papon, l’année dernière, s’inscrivait dans cette ligne, me faire taire.

    Pour en revenir à octobre 1961, partagez-vous l’idée, développée par beaucoup, qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité ?

    Jean-Luc Einaudi. Oui, je partage ce point de vue. C’est ce que j’ai dit devant le tribunal correctionnel, en présence de Papon. Et dans cette affaire-là, aussi scandaleux que ce soit, c’était moi le prévenu. Le procès s’est renversé. En définitive, c’est l’action policière sous les ordres de Papon qui a été mise en accusation. À mon sens, donc, il y a eu crime contre l’humanité : en octobre 1961 à Paris, il y a eu une véritable chasse à l’homme. Des gens ont été blessés, très gravement, des gens ont été tués, des gens ont été méprisés, en fonction d’un critère, celui de l’apparence physique, c’est-à-dire en fonction de critères racistes, et en fonction de leur appartenance réelle ou supposée à une communauté humaine, en l’occurrence la communauté algérienne. Alors je dis que ça entre dans le cadre des crimes contre l’humanité.

    Le chiffre de 200 morts à Paris est contesté...

    Jean-Luc Einaudi. Moi, j’ai constaté qu’il y avait eu au moins 200 morts. Vous savez, un pouvoir d’État, qui veut dissimuler un crime commis par lui-même, dispose de moyens extrêmement importants. Il y a eu des Algériens qui ont été tués au Palais des Sports, dont on ignore ce qu’il est advenu de leurs corps. D’autres qui sont morts noyés dans la Seine, etc. Je maintiens l’évaluation du nombre de victimes que j’ai formulé jusque-là.

    39 ans après ces faits, l’anniversaire d’octobre 1961 coïncide avec les accusations de torture contre les généraux Massu et Bigeard durant la guerre d’Algérie. Partagez-vous l’idée qu’il faut les juger, comme le demande Louisette Ighilahriz ?

    Jean-Luc Einaudi. Soyons très clair. Ce qui est assourdissant dans cette affaire-là, comme cela été le cas il y a quelques années sur Le Pen, c’est le silence de nos gouvernants. Tout de même ! Bigeard, ancien général, " grande gloire militaire française ", ancien ministre, qui justifie l’usage de la torture, c’est-à-dire d’une pratique criminelle interdite par la loi, Est-ce que vous avez entendu l’actuel ministre de la Défense ou quelque autre autorité politique officielle intervenir ? Autrement dit, on est toujours, en définitive, dans la même situation qu’en 1956. Eh bien, tout se passe comme si rien n’avait existé. En 1956, justement, le socialiste Guy Mollet disait que tout cela n’était que mensonge, et aujourd’hui on se tait. Je considère le fait que nos gouvernants continuent de se taire comme quelque chose d’extrêmement nocif pour une démocratie. Ça signifie à mon sens que des pratiques criminelles ayant eu lieu peuvent continuer à se perpétuer dans les mentalités.

    Partagez-vous le point de vue de Nicole Dreyfus, ancienne avocate des détenus du FLN pendant la guerre d’Algérie, qui a estimé que l’État français devrait faire un geste comme il l’a fait pour les crimes de Vichy ?

    Jean-Luc Einaudi. Concernant Vichy, la France l’a fait 50 ans après, vous vous imaginez, 50 ans après ! Pour répondre à votre question, je dirais qu’il s’agit d’une nécessité d’un double point de vue : du point de vue de la société française elle-même, par rapport à tous ces enfants issus de l’émigration algérienne, qui sont français et dont les familles ont très souvent été meurtries par ces années de guerre, et qui fait que cela continue d’agir dans la mémoire consciente ou inconsciente. Et du point de vue de sa fidélité à ses principes proclamés, qui sont les droits de l’homme. Ce sera extrêmement important, également, du point de vue des relations franco-algériennes.

    Revenons à la question de tout à l’heure. Approuvez-vous Louisette Ighilahriz qui demande le jugement de Massu et Bigeard ?

    Jean-Luc Einaudi. Très franchement, je ne me suis jamais situé sur le terrain judiciaire. Je me situe sur celui de la recherche des faits, sur le terrain de l’histoire. Mais il est tout à fait légitime que les victimes et leurs familles veuillent que les crimes commis soient jugés. Le problème est qu’en mars 1962 un décret amnistiant les crimes commis durant la guerre d’Algérie a été promulgué. Ce qui fait qu’il n’y a jamais eu un quelconque militaire ou policier jugé pour avoir pratiqué la torture.

    Selon vous que faut-il faire ?

    Jean-Luc Einaudi. Allons donc, un massacre a eu lieu à Paris, au cour de la capitale française, commis par des forces de police françaises, et le pouvoir politique resterait muet ? Il faut à la fois poursuivre les travaux de recherche, que les administrations impliquées dans ces événements ouvrent leurs archives, qu’elles les mettent à la disposition des Archives de France - ce qui n’a pas toujours été le cas -, et que se développe une action citoyenne en faveur de la recherche de la vérité pour que le pouvoir politique prenne ses responsabilités.

    Entretien réalisé par Hassane Zerrouky

    Lors de sa séance du 5 avril 2004, le Conseil de Paris a adopté un nouveau voeu - le quatrième - présenté par le groupe des élus Les Verts, avec le soutien du groupe des élus communistes : il demande une nouvelle fois au Maire de Paris d’exécuter ces jugements, et de présenter aux deux archivistes "des excuses de la Ville de Paris pour le préjudice subi au cours de ces cinq années de sanctions".

    A la faute morale et politique, s’ajoute un gâchis scientifique et humain : les deux archivistes ont dû abandonner leurs travaux de recherche. Brigitte Lainé entame sa sixième année de lutte pour la reconnaissance du tort subi ; quant au sort de Philippe Grand, la mairie de Paris semble s’en laver les mains en se contentant d’invoquer son départ à la retraite.

    Ceux qui ont témoigné de la vérité ont été traités, en toute illégalité, comme des coupables et injustement sanctionnés pendant cinq ans. Par son obstination, la Ville de Paris a cautionné une négation des faits et accrédité l’idée d’une "histoire officielle". Par deux fois la justice a dit le droit. La mairie de Paris et son administration doivent maintenant s’exécuter.
    Aujourd’hui, la Ville de Paris doit appliquer les décisions de justice et réhabiliter Brigitte Lainé et Philippe Grand !

    Bande annonce du film Ici on noie les Algériens—>voir ici

  • mercredi 6 juin 2018 à 19h

    L’ACB Ouvre les Guillemets aux Éditions Premiers Matins de Novembre

    pour le livre « Mohamed Boudia - Oeuvres »

    animée par Marie-Joëlle Rupp et Arezki Metref

    Introduction par le Éditions Premiers Matins de Novembre

    Le jeudi 28 juin 1973 Mohamed Boudia est assassiné à Paris par le Mossad et les complices du sionisme. Algérien, homme de théâtre et de culture, militant pour l’indépendance algérienne, écrivain, journaliste et combattant de la révolution arabe.

    Mohamed Boudia a vécu, lutté et créé en traversant un temps historique qui s’écrivait et, sans doute plus qu’un autre, se vivait à l’intersection de la culture populaire et de l’action militante, entre la guerre de liberation algérienne et la révolution palestinienne en Europe. C’est cette époque et cette vie faites de dignité reconquise, de poésie gonflée d’espoir, d’armes au poing et d’internationalisme libérateur que cet ouvrage veut présenter.

    Cet ouvrage permet de mettre en perspective les éléments biographiques de la vie de Mohamed Boudia dans le contexte particulier des luttes de libération nationale à travers la présentation de ses écrits. Il vient combler le manque préoccupant en ce qui concerne la pensée de Boudia et l’incroyable pluralité de ses écrits. En effet, ces derniers, pourtant très nombreux pour un homme mort à 41 ans et longtemps condamné à la clandestinité, n’ont pour la plupart jamais été rendus publics depuis leur publication entre 1962 et 1973, et n’ont jamais fait l’objet d’analyses ou de lecture politique dans leur globalité. C’est à cette tâche que s’attelle cet ouvrage en liant le militant politique Boudia, de la Féderation de France du FLN au Rassemblement Unitaire des Révolutionnaires et « Septembre Noir », à sa pensée et à son œuvre. Il ne s’agit pas d’une quelconque hagiographie, mais bel et bien de présenter enfin les premiers jalons d’une biographie politique de Mohamed Boudia à travers ses écrits.

    ACB

    Association de Culture Berbère

    37 bis rue des Maronites

    Paris

    Métro Ménilmontant

  • Et combien de minutes de silence pour les morts d’octobre 1961 et du massacre français d’Algérie ?

  • Pas crédibles les regrets de Macron pour le 17 octobre 1961 alors qu’il prépare une nouvelle guerre à laquelle il prépare l’armée française et qui pourrait avoir lieu au Maghreb disait-il !!!

  • Macron fait de la pure hypocrisie en prétendant regretter le massacre des Algériens d’Octobre 1961 !

    Il reconnaît des crimes de la République de 1961 mais pas les actuels en Afrique par exemple !

    • Si Macron est hypocrite, il a un ex-gauchiste comme B. Stora qui est heureux de travailler pour lui, et affirmer sur France Culture (19/10) que ce que Macron fait est extraordinaire. Sous-entendu : si vous êtes un bourgeois "progressiste" ou "réformiste" comme lui-même, vous pouvez sans problème de conscience voter pour Macron.

    • Hypocrisie ? Certes, mais pas seulement. Il y a un axe derrière les mots. Il y a même une duplicité dans la phrase relevée par le quotidien Le Monde.

      Certains lui reprochent de ne pas aller assez loin. Mais est-ce bien cela la question essentielle ? En fait, dire qu’il ne va pas assez loin est une manière de faire croire qu’il a réellement prononcé des regrets. Or, les regrets du Président ne sont en rien des regrets. Ils sont en réalité une menace, un avertissement de massacres en nombre à venir, qu’ils soient racistes ou pas.

      Voici les propos rapportés par le quotidien Le Monde et imputés au Président de la République :

      « Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République. »

      Il n’a pas dit : « Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables. » Que veut dire que ces crimes sont inexcusables pour la République ? cela veut dire que pour d’autres que la République, ces crimes seraient excusables ? mais de qui parle cette phrase au juste ?

      En fait, en précisant pour qui ces crimes seraient inexcusables, le Président dit qu’il y aurait une institution pour laquelle ces crimes seraient excusables. Or, le Président au pouvoir, en instaurant une dictature sanitaire, prépare à une dictature tout court.

      Or, nous avons assisté, depuis le 12 juillet 2021 et encore plus depuis le 5 août, à une remise en cause d’un nombre importants de droits : droit à disposer de son corps (certes limité, mais l’expérimentation de médicament était « volontaire »), droit au choix du médecin, droit au choix des traitements, droit au secret médical, droit au travail, et cette liste est loin d’être exhaustive.

      Or, avec la remise en cause de ces droits, nombre de principes classiquement attribués à la République sont remis en cause. Cela a pour fonction et pour but de faire accepter le remplacement des principes Républicains par des principes de dictature et de préparer les esprits à cette dictature qui n’est pas encore totalement en acte.

      Or, pour qui est en train d’instaurer une dictature sous couvert de cette république, la phrase citée constitue une phrase qui permet de préparer les crimes et génocides, guerres civiles et nationales de toutes sortes. Dire que pour la République, ces crimes seraient inexcusables, cela sert à dire que pour le régime à venir, ces crimes ne seront pas inexcusables. Ainsi, on peut se préparer à les commettre à nouveau ou sous une autre forme.

      Le théâtre et le discours du Président de la République ne révèle pas que de l’hypocrisie. La phrase citée constitue une phrase très très politique, pleine de duplicité, et qui annonce une suite sanglante. En réalité la référence référence à Papon est bien là pour commettre de nouveau les même crimes racistes et les génocides comme au 17 octobre 1961, ou comme à partir du 6 avril 1994 au Rwanda.

      Pour quelqu’un qui est en train

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