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La grotte des rêves perdus de Werner Herzog

lundi 5 septembre 2011, par Robert Paris

La grotte des rêves perdus de Werner Herzog

Un film sur la grotte Chauvet et son interprétation scientifique

Au cœur des gorges de l’Ardèche, 3 spéléologues Jean-Marie Chauvet, Éliette Brunel et Christian Hillaire découvrent, le 18 Décembre 1994 la grotte Chauvet, la plus ancienne grotte ornée au monde, à ce jour. La grotte Chauvet fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le 13 octobre 1995.

La grotte Chauvet est unique. C’est la plus ancienne galerie de peinture du monde (environ 450 peintures recensées).

Elle constitue une œuvre d’autant plus inestimable qu’elle témoigne d’emblée d’un art en pleine possession de ses moyens. Ces parois ornées ont provoqué une remise en question de l’histoire de l’art. La vieille idée que des millénaires ont été nécessaires à la gestation de l’art est dépassée. Les chercheurs, qui avaient cru jusque-là déceler une évolution dans la qualité artistique des peintures rupestres, ont admis que celles de la grotte Chauvet (les plus anciennes) sont parmi les plus élaborées. Ils savaient non seulement donner du relief à leurs créatures mais aussi suggérer le mouvement.

Plus surprenant encore : elle est de peu postérieure à l’arrivée de l’homme de Cro-Magnon en Europe, et elle aurait été décorée à une époque où il coexistait encore avec les Néandertaliens. C’est sous la direction de Jean Clottes que la grotte est fouillée et étudiée depuis 1995. La période de - 32 000 à - 29 000, est attestée par les représentations de rhinocéros ainsi que par un aurochs qui galope, le cerf mégacéros et le grand bison.

Les bêtes dangereuses (mammouths et rhinocéros laineux principalement, ours des cavernes, lions, hyènes, panthères) sont les plus nombreuses, mais on trouve également des chevaux, des bisons, des rennes, des aurochs, des bouquetins, quelques cerfs et une espèce de cerf géant aujourd’hui éteinte et même un hibou. Panthères et hibou ne se retrouvent que dans cette grotte ...
Quant à l’homme, il n’est présent que sous la forme d’un être hybride, mi-homme, mi-bison, associé à la plus ancienne peinture murale connue représentant une femme...

Il y a un grand nombre d’empreintes de main en positif ou en négatif.

Interdite à la visite du grand public, il faut attendre 2014 pour la découvrir, grandeur nature, en 3 D, dans un espace qui lui sera entièrement dédié. En attendant visitez l’exposition sur la grotte Chauvet à Vallon pont d’Arc.

La grotte Chauvet a remis en cause toutes les idées reçues sur l’homme et son art. Il ne s’agit pas seulement d’une question de datation. C’est la notion même de progrès continu en art qui est battue en brèche. Et même la notion de progrès continu de la civilisation qui est complètement remise en question.

La relation entre Cromagnon et Néandertal sera peut-être elle même revisitée du fait de cette découverte.

Toute les conceptions de pensée des hommes de cette époque est devant nous et, en même temps, très difficile à imaginer...

Culte de l’ours ? Relation spirituelle entre la tribu et les espèces animales ? Récit de chasse ?

Les plus anciennes peintures de la grotte Chauvet pouvant dater de 37.000 ans, il ne s’agit plus seulement d’une époque Cromagnon, mais également de l’époque de l’homme de Néandertal. Qu’est-ce qui nous prouve que Néandertal, ou un être de sang mêlé, n’est pas à l’origine de ces peintures ? Les dernières découvertes sur notre ADN semblent déceler des gènes issus de Néandertal. Découvrir un art aussi perfectionné à une époque aussi reculée casse la notion de progrès au sens où l’ensemble du schéma des successions de techniques d’art pariétal est complètement renversé. D’autre part, la grotte Chauvet se rajoute à tous les lieux où l’ours pourrait avoir joué un rôle de type spirituel. En effet, la grotte contient un très grand nombre d’ossements d’ours qui n’ont pas seulement été amoncelés là du fait que la grotte était périodiquement habitée par les ours, l’hiver, et par des hommes l’été. Ces os ont été mis parfois en valeur de manière symbolique. D’autre part, le fait que les peintures n’existent que dans les parties sombres de la grotte et non dans la grande salle d’entrée laisse entendre qu’il s’agissait de peintures symboliques destinées à être éclairées avec des torches en vue d’effectuer peut-être des effet d’ombres et lumières avec des danseurs.
Nous n’avons peut-être pas assez d’imagination pour comprendre le peuple des chasseurs et ses pensées. Cela nécessiterait de nous propulser dans un monde où réel et imaginaire sont étroitement mêlés, où l’homme se considère comme un être animal, où la tribu est déterminée par un animal fétiche, où l’histoire des hommes ne ferait que refléter des relations entre les esprits. Il ne faut pas nécessairement voir les peintures comme des représentations de la réalité, par exemple des scènes de chasse, même si on voit quelques fois (pas très souvent) des flèches arriver aux flancs de certains animaux.

Si on imagine que les animaux représentent des hommes oud es tribus, les peintures peuvent signifier une histoire des relations entre tribus. Cette hypothèse n’est faite que pour montrer à quel point nous sommes sans doute loin de nous figurer ce que pensaient ces hommes. L’imagination sociale étant la chose la moins partagée, nous avons tendance à considérer les civilisations passées comme des étapes qui devaient mener à la civilisation actuelle. C’est un contresens complet.

Les civilisations sont caractérisées par la recherche de la conservation d’un ordre. Cette aspiration à conserver est fondée sur l’idée que tout changement dans l’ordre, dans les mœurs, dans les croyances, dans les pratiques quotidiennes entraînerait un effondrement de la stabilité, la fin des bons climats, la fin de l’existence des animaux et des plantes qui permettent aux humains de se nourrir, la fin du monde. L’arrivée d’une nouvelle civilisation est une explosion de libération créatrice et non le produit d’un lent progrès.

La civilisation des chasseurs a été une telle révolution. Elle a représenté un changement matériel et spirituel fondamental. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la pérennité de l’espèce pouvait être assurée. Du coup, les animaux ont représenté une espèce de miracle complètement déterminant pour l’existence. Cela a pu représenter une base pour une conception spirituelle de l’univers. En tout cas, la relation avec les animaux en a été complètement bouleversée. L’homme s’est senti en relation fantasmagorique avec un monde particulier et extraordinaire qui lui a donné des pouvoirs inexplicables et donc surnaturels.

Il nous est très difficile, voire impossible, de nous projeter dans une humanité qui croyait en la réincarnation sous des formes animales, pour laquelle l’image équivalait peut-être à l’esprit, qui n’envisageait pas de séparation entre les espèces, entre l’homme et la nature, qui voyait dans les ossements les moyens matériels d’une future réincarnation, qui concevait le fait de tuer un animal comme un crime qui nécessitait offrandes à la tribu animale concernée, qui ne concevait pas la vie en dehors des nécessités tribales, et, par exemple, qui percevait d’autres tribus comme d’autres animaux et la guerre contre elles comme une chasse.

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