Accueil > 06- REVOLUTIONNARY POLITICS - POLITIQUE REVOLUTIONNAIRE > 3- L’objectif de la dictature du prolétariat > Débat avec le CCI - Gauche communiste sur les buts de la dictature du (...)

Débat avec le CCI - Gauche communiste sur les buts de la dictature du prolétariat et l’expérience russe

jeudi 20 octobre 2011, par Robert Paris

Débat avec la Gauche Communiste et le CCI : Bordiga avait-il raison face aux bolcheviks ?

Amedeo Bordiga

Nous imaginons un débat opposant Samuel, défendant des positions proches de celles du CCI, et Robert, celles de Voix des Travailleurs, qui seront les premiers à intervenir dans ce débat, mais vous pouvez, vous aussi, y participer en réagissant sur le site...

- Samuel  : Rappelons d’abord que la gauche communiste et le CCI sont un courant né à la gauche du courant communiste de Lénine et Rosa Luxembourg et qui estime déterminants la question de la révolution d’octobre 1917, comme révolution prolétarienne communiste ayant renversé l’Etat bourgeois et visant la suppression du capitalisme mondial, et aussi le détournement de cette révolution jusqu’à la deuxième guerre mondiale, comme test des courants dits révolutionnaires, certains ayant participé à la guerre impérialiste (notamment l’essentiel du courant trotskyste). A la suite de la deuxième guerre mondiale, l’impérialisme a écrasé préventivement toute révolution avec l’aide des courants stalinien et social-démocrate. Toutes les attitudes politiques du type défense de l’URSS ou défense de la démocratie ou lutte contre le fascisme ont mené à la même chose : la trahison des intérêts prolétariens et communistes. L’idée que les régimes staliniens de l’ex-bloc de l’Est ou que la Chine, Cuba et la Corée du Nord aujourd’hui, seraient des expressions du communisme ou du marxisme, est le Grand Mensonge du 20ème siècle - un mensonge délibérément entretenu par toutes les fractions de la classe dominante, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Pendant la guerre impérialiste mondiale de 1939-1945, le mythe de la « défense de la patrie socialiste » a été utilisé - avec « l’anti-fascisme » et la « défense de la démocratie » - pour mobiliser les ouvriers en Russie et hors de Russie, dans le plus grand carnage de l’histoire de l’humanité.

- Robert : Bien qu’en désaccord avec la gauche communiste, nous ne succombons pas à cette espèce de criminalisation de ce courant. Tout d’abord, contrairement aux staliniens et à la plupart des trotskystes, nous estimons que la "Gauche communiste" est une aile révolutionnaire du prolétariat communiste. Dans "la maladie infantile du communisme", dont le but est de combattre politiquement ce courant qui fait partie de l’Internationale communiste, du parti bolchevik lui-même et même du gouvernement soviétique, Lénine écrit en préface : « Il est utile et nécessaire de s’arrêter aux raisonnements des « communistes de gauche », car ils sont caractéristiques de la période que nous vivons ; ils font ressortir avec une netteté extraordinaire, sous son aspect négatif, ce qu’il y a de plus important dans cette période ; ils sont riches d’enseignements, car nous avons affaire ici aux meilleurs représentants de ceux qui n’ont pas compris la situation actuelle, à des hommes qui, par leurs connaissances et leur dévouement, sont de beaucoup, de très loin supérieurs aux représentants ordinaires de la même erreur, je veux parler des socialistes révolutionnaires de gauche. »

Rosa Luxemburg, qui était, par bien de ses raisonnements et prises de position, une représentante de ce courant gauche communiste, était elle aussi partie prenante de la révolution d’Octobre. Elle estimait que "Nous sommes tous soumis à la loi de l’histoire et l’on ne peut introduire l’ordre socialiste qu’à l’échelle internationale. Les bolcheviks ont montré qu’ils pouvaient faire tout ce qu’un parti vraiment révolutionnaire est capable d’accomplir dans les limites des possibilités historiques. Qu’ils ne cherchent pas à faire des miracles ! Car une révolution prolétarienne exemplaire et parfaite dans un pays isolé, épuisé par la guerre mondiale, écrasé par l’impérialisme, trahi par le prolétariat international, serait un miracle. Ce qui importe, c’est de distinguer dans la politique des bolcheviks, l’essentiel de l’accessoire, la substance du fortuit. En cette dernière période où les luttes finales décisives nous attendent dans le monde entier, le problème le plus important du socialisme a été et est encore précisément la question brûlante de l’actualité, non pas telle ou telle question de détail de la tactique mais la combativité du prolétariat, l’énergie des masses, la volonté du socialisme de prendre le pouvoir en général. A cet égard, Lénine, Trotsky et leurs amis ont les premiers, par leur exemple, ouvert la voie au prolétariat mondial, ils sont jusqu’à présent encore les seuls qui puissent s’écrier comme Hutten : "J’ai osé" ! Voilà ce que la politique des bolcheviks comporte d’essentiel et de durable. En ce sens, ils conservent le mérite impérissable d’avoir ouvert la voie au prolétariat international en prenant le pouvoir politique et en posant le problème pratique de la réalisation du socialisme, d’avoir fait progresser considérablement le conflit entre capital et travail dans le monde entier. En Russie, le problème ne pouvait être que posé. Il ne pouvait être résolu en Russie. Et en ce sens, l’avenir appartient partout au "Bolchevisme". - Rosa Luxembourg, "La Révolution Russe "

L’un des animateurs les plus connus de la gauche communiste, Amedeo Bordiga, dirigeant de la gauche communiste italienne, affirmait encore en 1924 qu’il était du côté de Lénine (voir ici) Contrairement aux mensonges des staliniens et de certains trotskystes, nous n’estimons pas que le courant dit ’gauchiste" au sens de Lénine soit extérieur au courant du communisme révolutionnaire. Nous sommes d’accord sur l’idée que l’appréciation de la nature de l’URSS par les trotskystes et le prétendu antifascisme les a menés à cette trahison durant la deuxième guerre mondiale qui consistait à choisir un camp dans une guerre impérialiste. Cependant cela ne me semble pas découler directement de l’analyse de Trotsky (voir ici un exemple de ces raisonnements), d’autant que certains trotskystes n’ont pas suivi la même pente : Natalia Sedova, Barta, Muniz ou les trotskystes grecs... Les analyses de Trotsky sur la guerre qui venait ne donnaient pas d’illusion sur son caractère impérialiste (voir ici). Comme vous, nous considérons que l’alliance de l’URSS de Staline avec l’impérialisme US et anglais n’a pas mené à une victoire contre le fascisme mais à la pire défaite du prolétariat. (voir ici)

- Samuel  : Sans doute faut-il aller plus loin que cet accord, car il peut cacher un désaccord avec lequel on n’aurait, selon nous, plus affaire à un courant révolutionnaire. Si, de toutes les positions politiques qui constituent son programme, "la défense de l’URSS" est celle qui manifeste le mieux, le plus nettement son fourvoiement et son aveuglement, on commettra toutefois une grave erreur en ne voulant voir le trotskisme uniquement qu’à travers cette manifestation. Tout au plus doit-on voir dans cette défense l’expression la plus achevée, la plus typique, l’abcès de fixation du trotskisme. Cet abcès est si monstrueusement apparent que sa vue écœure un nombre chaque jour plus grand d’adhérents de cette quatrième internationale et, fort probablement, il est une des causes, et non des moindres, qui fait hésiter un certain nombre de sympathisants à prendre place dans les rangs de cette organisation. Cependant l’abcès n’est pas la maladie, mais seulement sa localisation et son extériorisation.
La défense de l’URSS est certes un des nœuds les plus importants, qui rattache et entraîne le prolétariat dans la guerre impérialiste. Toutefois il n’est pas le seul nœud. Les minoritaires trotskistes qui rejetaient la défense de l’URSS ont trouvé, tout comme les socialistes de gauche et les anarchistes, d’autres raisons, non moins valables et non moins inspirées d’une idéologie bourgeoise, pour justifier leur participation à la guerre impérialiste. Ce furent, pour les uns, la défense de la "démocratie", pour les autres "la lutte contre le fascisme" ou la "libération nationale" ou encore "le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes".
Pour tous, ce fut une question de "moindre mal", qui les avait fait participer dans la guerre ou dans la Résistance du côté d’un bloc impérialiste contre l’autre.

L’origine de la position des trotskystes durant la deuxième guerre mondiale, choisissant le camp de l’URSS, provient seulement en partie de leur interprétation de la nature socialiste de l’Etat de Staline, considéré par eux comme un Etat ouvrier, certes à direction contre-révolutionnaire mais ouvrier quand même. Plus avant, cela remonte à la politique des bolcheviks du vivant de Lénine et aux choix politiques qui ont été les leurs, notamment à partir de la NEP qui visait à faire revenir des normes capitalistes en Russie alors qu’elles y avaient été éradiquées. Et cela repose donc les questions qu’avait posées Bordiga face aux bolcheviks et que Lénine avait cataloguées comme « maladie infantile du communisme »...

- Robert  : Peux-tu développer votre point de vue sur ce qui te semble les fautes de la direction bolcheviks ?

- Samuel : Le reflux de la vague révolutionnaire et l’isolement de la révolution russe ont enclenché un processus de dégénérescence tant dans l’Internationale communiste qu’au sein du pouvoir des conseils en Russie. Le parti bolchevique avait de plus en plus fusionné avec un appareil d’Etat bureaucratique qui prospérait en fonction inverse de la participation du prolétariat et de ses organes de pouvoir propres – les conseils ouvriers, les comités d’usine et les gardes rouges. Au sein de l’Internationale, les tentatives de gagner le soutien des masses dans une phase de déclin de l’activité de ces masses conduisirent à des « solutions » opportunistes – l’insistance croissante sur le travail au sein du parlement et des syndicats, les appels au « Peuples d’orient » à se dresser contre l’impérialisme et, surtout, la politique de front unique avec les partis socialistes et social-démocrates qui jetait par dessus bord toute la clarté si chèrement acquise sur la nature capitaliste de ceux qui étaient devenus des social patriotes.

- Robert  : comment dater ce tournant du bolchevisme, selon toi ?

- Samuel : Dans son "Appel" de 1922, la Vérité ouvrière caractérisait déjà la NEP de "renaissance de rapports capitalistes normaux", comme l’expression d’une profonde défaite du prolétariat russe : "La classe ouvrière en Russie est désorganisée ; la confusion règne dans les esprits des travailleurs ; sont-ils dans un pays de dictature du prolétariat comme le parti communiste le répète à satiété verbalement et dans la presse ? Ou sont-ils dans un pays où règnent l’arbitraire et l’exploitation, comme la vie le leur dit à chaque instant ? La classe ouvrière mène une existence misérable à une époque où la nouvelle bourgeoisie (c’est-à-dire les fonctionnaires responsables, les directeurs d’usines, les hommes de confiance, les présidents des comités exécutifs, etc.) et les hommes de la NEP vivent dans le luxe et nous rappellent à la mémoire le tableau de la vie de la bourgeoisie de tout temps".

- Robert : La NEP te semble donc le tournant de la politique bolchevique vers le capitalisme et l’Etat bourgeois ?

- Samuel  : Lénine expliquait lui-même que la NEP était une forme de capitalisme d’État. En 1918, Lénine défendait déjà que le capitalisme d’État constituait un pas en avant, un pas vers le socialisme pour l’économie arriérée de la Russie. Dans le discours au Congrès du parti bolchevique de 1922, il reprend ce thème, en insistant sur la différence fondamentale à faire entre le capitalisme d’État sous la direction de la bourgeoisie réactionnaire, et le capitalisme d’État administré par l’État prolétarien. Après 1921, la situation où s’est trouvé le parti bolchevik était un véritable cauchemar. A la suite de la défaite des insurrections ouvrières en Hongrie, en Italie, en Allemagne et ailleurs entre 1918 et 1921, la révolution mondiale a subi un profond reflux qui ne devait jamais être endigué, malgré l’irruption ultérieure de luttes de classe comme en Allemagne et en Bulgarie en 1923, en Chine en 1927. En Russie, tant l’économie que le prolétariat lui-même avaient atteint un niveau proche de la désintégration ; les masses ouvrières s’étaient retirées ou avaient été chassées de la vie politique. N’étant plus un instrument dans les mains de la classe ouvrière, l’Etat des soviets avait effectivement dégénéré en une machine pour la défense de "l’ordre" capitaliste. Prisonniers de leurs conceptions substitutionnistes, les bolcheviks croyaient encore qu’il était possible d’administrer cette machine d’Etat et l’économie capitaliste tout en attendant et même en participant au resurgissement de la révolution mondiale. En réalité, les nécessités du pouvoir d’Etat transformaient les bolcheviks en agents effectifs de la contre-révolution, tant à l’intérieur qu’à l’étranger… En Russie, ils étaient devenus les gardiens d’une exploitation de plus en plus féroce de la classe ouvrière. Bien que la NEP ait amené un certain relâchement de la domination économique de l’Etat, surtout sur les paysans, il n’y eut pas de relâchement de la dictature du parti sur le prolétariat. Au contraire, puisque les bolcheviks considéraient toujours les paysans comme le principal danger pour la révolution en Russie, ils étaient arrivés à la conclusion que les concessions économiques accordées aux paysans devaient être contre balancées par un renforcement de la domination politique du parti bolchevik sur la société russe ; et ceci se traduisait par un renforcement des tendances au monolithisme dans le parti lui-même. La seule façon de construire un rempart prolétarien à l’assaut du capitalisme paysan, c’était alors de resserrer le contrôle du parti et au sein du parti.

- Robert  : cela a donc été selon toi la cause du recul du prolétariat mondial ?

- Samuel  : Au niveau international, du fait de la place dominante du parti russe au sein de l’IC, les impératifs de l’Etat russe avaient des effets de plus en plus pernicieux sur la politique de celle-ci. Le Front Unique, le Gouvernement ouvrier, de telles "tactiques" réactionnaires étaient, pour une grande part, l’expression de la nécessité de l’Etat russe de trouver des alliés bourgeois dans le monde capitaliste. Bien que le parti bolchevik n’ait pas encore abandonné définitivement la révolution prolétarienne, toute la logique de la situation dans laquelle il se trouvait le poussait de plus en plus à s’identifier complètement aux besoins du capital national russe ; les derniers écrits de Lénine expriment une préoccupation tournant à l’obsession sur les problèmes de la "construction socialiste" dans la Russie arriérée. La victoire du stalinisme a simplement rendu cette logique implicite ; il a éliminé le dilemme entre l’internationalisme et les intérêts de l’Etat russe, en abandonnant simplement le premier en faveur de ces derniers.

- Robert  : Selon moi, tout oppose la politique de Lénine et Trotsky et celle de Staline (voir ici). Mais revenons donc sur la NEP. Elle vous semble une politique durable des bolcheviks qui considéraient qu’elle menait au communisme, alors qu’elle n’est selon moi qu’une retraite provisoire que Lénine, dans ses derniers moments, voulait abandonner ou du moins arrêter. Ce sont les staliniens qui en ont fait une politique définitive… jusqu’à la crise de 1928 qui les a contraint à affronter les nepman et les koulaks, mais à la manière stalinienne. En 1922-1923, Lénine, malgré sa grave maladie et très probablement son empoisonnement par des médecins liés à Staline, mène le combat contre ce dernier et la bureaucratie. Cela se traduit par un affrontement sur la question du monopole du commerce extérieur qui débute à la fin de 1921. Par la voix de Staline, qui pour la première fois mène ouvertement ses propres batailles contre Lénine, la bureaucratie veut pousser plus avant la NEP, ce "recul provisoire" vers le capitalisme d’Etat, jusqu’à la liaison avec l’impérialisme en supprimant ce monopole. Lénine combat, au contraire, pour qu’on stoppe la retraite que représente la NEP. Le 11 octobre 1922, Lénine s’appuie sur Trotsky pour mener le combat contre Staline sur cette question. Staline répond le 13 octobre 1922 : "La lettre du camarade Lénine ne m’a pas fait changer d’avis quant à la justesse de la décision du plénum du comité central du 6 octobre concernant le commerce extérieur." Cela signifiait que Staline avait déjà le pouvoir de dire ouvertement non à Lénine, chose impensable quelques mois avant ! Le 25 novembre 1922, Lénine rend officiel qu’il approuve les thèses de Trotsky sur la NEP et propose qu’elles soient éditées en brochure par le parti. Le 12 décembre, Lénine et Trotsky passent ensemble à l’offensive sur cette question. Le 15 décembre, Lénine écrit à Trotsky : Camarade Trotsky, je crois que nous nous sommes entendus sur tout ; je vous pris d’annoncer au plénum notre solidarité." Et dans une lettre au comité central, il écrit : "J’ai parachevé un accord avec Trotsky sur la défense de mes opinions concernant le monopole du commerce extérieur." Le 18 décembre 1922, Lénine et Trotsky gagnent la bataille au comité central. Staline bat en retraite. Lénine s’en félicite auprès de Trotsky affirmant que ce n’est que le début de l’offensive commune mais, comme Trotsky, Lénine est sceptique sur le fait que la suite sera aussi facile. Effectivement, c’est le seul point sur lequel Staline reculera. Il a déjà plus de pouvoir que Lénine et Trotsky réunis et, bien entendu, plus que Trotsky seul, quand Lénine mourra. Lénine dit à Trotsky : "On dirait que la forteresse a été prise sans coup férir, par une simple manœuvre ; je propose de ne pas s’arrêter là et de continuer l’offensive." Le combat de Lénine s’oppose non seulement aux méthodes et aux objectifs politiques de Staline mais à toute la bureaucratie qu’il dirige au niveau de l’Etat et du parti. Lénine écrit dans son article "Mieux vaut moins mais mieux" publié (malgré des tentatives bureaucratiques de le jeter à la poubelle) dans "La Pravda" du 4 mars 1923 : "Les choses vont si mal avec notre appareil d’Etat, pour ne pas dire qu’elles sont détestables, qu’il nous faut d’abord réfléchir sérieusement à la façon de combattre ses défauts. Le plus nuisible serait de croire que nous avons les éléments pour édifier un appareil vraiment neuf, et qui mérite véritablement le nom d’appareil socialiste, soviétique, etc. Non, cet appareil, nous ne l’avons pour ainsi dire pas." Et Lénine rajoute : "Voilà cinq ans que nous nous évertuons à perfectionner notre appareil d’Etat, mais ce n’a été qu’une agitation vaine qui, durant ces cinq ans, nous a montré simplement qu’elle était inefficace, ou même inutile, voire nuisible. Cette vaine agitation nous donnait une apparence de travail ; en réalité, elle encrassait nos institutions et nos cerveaux."Le 4 mars 1923, dans ce même article, Lénine mène le combat contre Staline, en tant que chef de l’Inspection ouvrière et paysanne, la bureaucratie étant celle qui en réclame toujours plus en quantité : "Parlons net. Le commissariat du peuple de l’Inspection ouvrière et paysanne ne jouit pas à l’heure actuelle d’une ombre de prestige. Tout le monde sait qu’il n’est point d’institutions plus mal organisée que celles relevant de notre Inspection ouvrière et paysanne, et que, dans les circonstances actuelles, on ne peut rien exiger de ce commissariat. (...) A quoi bon fonder un commissariat du peuple où le travail se ferait tant bien que mal, qui derechef, n’inspirerait pas la moindre confiance ?"

Lénine et Trotsky, en leur temps, avaient exprimé, le plus consciemment et scientifiquement possible, les conditions de la montée révolutionnaire du prolétariat en Russie et dans le monde en 1917-1919. L’échec, dans les conditions de l’arriération de la Russie révolutionnaire et de son isolement n’a rien d’étonnant. La dictature bureaucratique n’est étonnante que dans le sens où l’on s’attendait, si la révolution ne réussissait pas à renverser l’impérialisme, à voir la bourgeoisie impérialiste revenir en force en Russie, ce dont elle n’a pas eu la force. Du coup, la bureaucratie est restée curieusement très longtemps au pouvoir et a pu survivre alors qu’elle ne représentait nullement au société pérenne et ayant un sens de classe bien établi. Non pas qu’une société ne puisse pas vivre dans des contradictions éclatantes mais parce qu’une caste parasitaire n’est pas une classe ayant une racine historique dans le processus de développement économico-social. Le maintien en place sur une longue durée de la bureaucratie stalinienne a été une épine dans le pied du prolétariat alors qu’elle est surtout le témoignage que la bourgeoisie a été incapable durant de longues années de se passer de sa béquille stalinienne. Il ne s’agit pas pour nous seulement de réhabiliter la révolution russe ou quelques personnalités .En termes de perspectives, il est politiquement indispensable de savoir distinguer entre la conception stalinienne et la conception révolutionnaire marxiste. La première mise sur l’étatisme, la dictature de l’appareil soi-disant au dessus des classes, le développement économique national, le socialisme dans un seul pays, le parti unique, avec une direction indiscutable, incontestable, et en l’absence totale de toute confiance dans les capacités autonomes des masses. Le marxisme - et du coup le bolchevisme de Lénine et de Trotsky - sont aux antipodes de telles conceptions : internationalisme, débat fraternel entre militants révolutionnaires, confiance dans les capacités historiques des masses, expression politique des aspirations de ces masses, démocratie vis-à-vis d’elles dans la lutte et après la prise du pouvoir, démocratie au sein du parti, etc... sont à l’opposé du stalinisme. Les courants staliniens ou maoïstes - ou même les courants dits trotskystes - qui ont soutenu ou soutiennent la conception stalinienne de la lutte, du parti et de l’Etat ouvrier ou qui, déçus par la défaite de la révolution russe, renoncent à ses objectifs, ne peuvent mener la lutte révolutionnaire de demain qu’à de cinglantes défaites. C’est en cela que cette question n’est pas un simple rectificatif intéressant les historiens mais une question politique d’actualité brûlante...

- Samuel : cependant, même si tu soulignes que Lénine et Trotsky avaient fait partie de l’aile révolutionnaire du courant prolétarien, une fois au pouvoir, comment justifier leur politique qui consiste à « une pause », « un recul momentané », « une entente provisoire avec la bourgeoisie », etc… alors que la lutte du prolétariat et de la bourgeoisie, ainsi que de l’impérialisme, est une lutte à mort qui ne peut pas connaître de telles pauses et qui ne peut que donner ou le prolétariat vainqueur mondialement ou la bourgeoisie à la même échelle internationale. Comment croire que l’on peut construire quelque chose qui aille vers le socialisme en étant isolés. N’est-ce pas déjà le signe d’un raisonnement de type « socialisme dans un seul pays » ? Du coup, l’Etat, n’étant plus l’organe du prolétariat pour le renversement mondial de la bourgeoisie, devient inéluctablement, même si telles n’étaient pas les intentions de Lénine et Trotsky, un Etat qui maintient un statu quo favorable à la bourgeoisie et qui ne peut que devenir à très court terme un Etat capitaliste qui prend parti pour l’ordre mondial bourgeois et impérialiste. Tout en critiquant le stalinisme, cacher ce caractère de classe de l’Etat russe, c’est donc se détourner des tâches du prolétariat. Voilà ce qui caractérisera le trotskysme et expliquera sa trahison pendant la seconde guerre mondiale.

- Robert  : Je comprends ton raisonnement, mais il part d’un point de vue divergent non seulement sur la politique des bolcheviks à la tête de l’Etat ouvrier, mais, plus fondamentalement, sur la signification même de ce qu’est un Etat ouvrier et sur la manière dont il faut philosopher sur la question de « l’Etat et la révolution ».

- Samuel : Je pense, moi aussi, qu’il existe une telle divergence de fond et je souhaiterais que tu développes ton point de vue là-dessus de manière un peu développée.

- Robert  : Commençons par la notion d’ « Etat de classe ». Nous savons tous que celle-ci s’oppose à toutes les notions réformistes et bourgeoises selon lesquelles l’Etat est au service de toute la population et autres balivernes. L’Etat est fondamentalement au service de la classe dirigeante, soit aujourd’hui la classe capitaliste. Le prolétariat ne peut nullement le réformer. Il doit le renverser et le détruire de fond en comble. Il ne doit pas entrer dans l’Etat bourgeois, ni le contrôler, ni le transformer, mais le démolir pierre après pierre. Aucun désaccord entre nous jusque là, je pense. Mais ce n’est là que le B, A, BA élémentaire du marxisme, qu’un réformisme ne comprendra jamais, qui est indispensable à tout travailleur conscient. Ce n’est pas encore suffisant pour raisonner sur les tâches du prolétariat arrivé au pouvoir, ayant mis en place la « dictature du prolétariat », le pouvoir des conseils ouvriers, en ayant renversé la classe dirigeante et son Etat. Parce que la réalité est bien plus complexe que ces notions simplificatrices de base. Toutes ces notions contiennent des contradictions dialectiques en leur sein et elles sont déterminantes pour concevoir une politique révolutionnaire communiste du prolétariat. Chacun sait que, pour les marxistes, les contradictions son le moteur de la dynamique révolutionnaire. On y voit l’idée que la contradiction entre le Capital et le Travail entraîne la révolution sociale et mène au socialisme. Mais ce n’est pas seulement cela que l’on veut dire. Cela signifie aussi que la révolution sociale que doit diriger le prolétariat va poser des problèmes qui ne sont pas seulement ceux des objectifs socialistes et communistes du prolétariat, mais aussi des problèmes démocratiques bourgeois que la bourgeoisie s’est révélée historiquement incapable de résoudre.

Prenons l’exemple de l’Etat bourgeois, avant d’en venir à l’Etat ouvrier.
Eh bien, l’Etat bourgeois n’est pas seulement bourgeois. Il reflète aussi d’autres influences. Il peut représenter des anciennes classes féodales encore présentes et influentes. Il peut représenter partiellement les intérêts, les idées, les objectifs de la moyenne et de la petite bourgeoisie, des villes et des campagnes. Il peut être marqué par l’influence et le poids du prolétariat. Il peut être marqué également par la non-résolution de tâches bourgeoises comme celles liées au droit des nationalités, des régions, des religions, des ethnies. Bien sûr, dans les moments de lutte révolutionnaire, il n’y a que de camps qui offrent des perspectives : la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat communiste. Mais l’opposition diamétrale et violente de ces deux perspectives historiques n’empêche pas que des couches intermédiaires puissent être gagnées ou perdues à la révolution, en fonction de la capacité des deux classes fondamentales de les entraîner à partir de leurs propres objectifs.

Du coup, nous allons voir que la simplification outrancière des notions d’Etat ouvrier diamétralement opposée à celle d’Etat bourgeois, indispensable pour se démarquer des tromperies réformistes, ne peut suffire comme politique révolutionnaire.

Voyons le dans le cas de l’Etat bourgeois. Ainsi, dans la « grande » révolution française débutée en 1789, on peut interpréter fondamentalement les faits comme le renversement de l’Etat féodal et royal en vue de la mise en place de l’Etat bourgeois. Cela est juste à condition de ne pas considérer ces catégories de manière absolue. L’Etat de l’Ancien régime est très loin d’un Etat féodal et l’Etat issu de la révolution encore loin d’un Etat bourgeois, qui ne sera vraiment mis en place qu’après les révolutions bourgeoises de 1830 et 1848, après l’insurrection ouvrière de 1848 et celle de 1871. Le capitalisme n’ayant commencé à vraiment se développer en France qu’après 1871, l’Etat au service du grand capital ne sera vraiment mis en place que plus tard… Ce que je veux souligner ainsi vise à montrer que la nature de classe de l’Etat n’est pas pure, mais au contraire contradictoire.
L’exemple le plus remarquable de ces contradictions dialectiques est justement l’Etat bourgeois russe que le prolétariat renverse en octobre 1917. Ce n’est d’ailleurs déjà plus l’Etat tsariste qui, lui, a été renversé en février 1917, déjà par la révolution prolétarienne, mais avec la mise en place d’un gouvernement provisoire à dominante bourgeoise. Contradiction déjà puisque l’intervention directe du prolétariat organisé et en armes a mené, dans un premier temps, à un pouvoir bourgeois.

L’Etat tsariste lui-même renfermait des contradictions fondamentales qui ont donné les conditions objectives de la révolution en Russie. En effet, la bourgeoisie capitaliste russe, bien que développée sur la base d’une industrie moderne et capitaliste, en liaison avec l’impérialisme mondial, a dû se contenter de garder l’ancien pouvoir royal féodal tsariste. Elle a, du coup, été contraint de conserver les conditions d’arriération sociale et politique de l’Etat et de la société qui caractérisaient ce régime arriéré. Et pourtant, on peut, en un sens, considérer que, faute de mieux, cet Etat, hérité du féodalisme, défendait les intérêts généraux de la bourgeoisie capitaliste, et était donc la forme la moins pire aux yeux de la bourgeoisie. Cette dernière ne se sentait pas capable de renverser cet Etat arriéré, craignant trop les risques d’un prolétariat déjà trop développé pour n’être que la dernière roue du carrosse d’une révolution à la 1789. L’avancement du prolétariat était un élément déterminant du retardement de la bourgeoisie dans ses propres tâches : incapacité de mettre en place une démocratie bourgeoise, de transformer les campagnes, les villes, l’Etat, etc… Et aussi incapacité de donner satisfaction aux nationalités opprimées par l’empire tsariste, la prison des peuples…

Ce sont aussi ces contradictions, certes moins fondamentales que celle qui oppose Capital et Travail salarié, qui déterminaient également les tâches de la révolution en Russie et le programme des révolutionnaires communistes.

Quant à l’Etat ouvrier mis en place en Octobre 1917, il est tout aussi complexe et contradictoire, dans sa nature de classe, que l’était l’Etat bourgeois russe. Il était même partiellement un Etat bourgeois dès sa naissance, sans que cela ait rien à voir avec la politique des bolcheviks. Ce caractère, partiellement bourgeois, était lié aux conditions objectives dans lesquelles naissait ce pouvoir ouvrier. Certes, c’est un Etat ouvrier au sens où c’est clairement le prolétariat organisé en soviets et armé qui a pris le pouvoir avec à sa tête un parti révolutionnaire communiste dont les buts sont sans ambiguïté le renversement mondial de la bourgeoisie et la fin des rapports capitalistes dans la société. Cependant, quand on a dit cela, on n’a pas tout dit sur la révolution. Et le reste est beaucoup plus contradictoire.

Le succès du petit nombre d’ouvriers, essentiellement dans les deux capitales de Pétrograd et Moscou, soit une fraction infime de la société, ne s’explique que parce que ce prolétariat révolutionnaire a su prendre la tête de toutes les couches opprimées par la vieille société bourgeoise et féodale. Le prolétariat s’est ouvertement et clairement porté à la tête des paysans et des nationalités opprimées. Il a pris la tête de toutes les aspirations démocratiques bourgeoises, qui n’avaient pourtant rien de communistes. Ensuite, il a certes mené une guerre sans merci à la bourgeoisie russe et internationale qui visait à l’écrasement de la révolution prolétarienne et fait tout ce qui était en son pouvoir pour l’extension internationale de la révolution prolétarienne. Mais on ne saute pas en se tirant par les cheveux. Et, héritant d’une société dont la transformation bourgeoise n’était pour l’essentiel pas réalisée, il a partiellement réalisé des tâches bourgeoises et démocratiques et pas seulement prolétariennes et communistes. Et cela ne date pas de la NEP, mais même du « communisme de guerre ». Cela a commencé dès le premier jour de la prise du pouvoir du prolétariat. Ce n’est pas une erreur. C’est la réalité de la révolution et du pouvoir qui en est sorti. Se refuser à ce type de politique, c’est ne pas vouloir se heurter à la réalité sociale, politique, économique que l’Histoire nous lègue lorsque nous nous trouvons au pied du mur, face à la prise du pouvoir. Bien sûr, il serait bien plus agréable (plus simple en tout cas) de raisonner comme si on pouvait mener une politique entièrement prolétarienne et communiste directement, dès le premier jour, y compris dans un pays arriéré et isolé, mais ce n’est pas la réalité. Il n’y a que le fait d’affronter la réalité aux principes que nous défendons qui est révolutionnaire.

- Samuel : et alors comment tout cet édifice s’effondre dès la mort de Lénine ? Comment se fait-il que l’instrument de libération, cet Etat aux mains des prolétaires, devient-il un instrument terrible d’oppression ? Et le processus qui devait mener au socialisme mène à un capitalisme dirigé d’une main de fer !

- Robert : il faut d’abord comprendre que ce qui rendait extraordinaire le processus commencé en Russie, ce n’était justement pas le caractère en soi des mesures prises par le pouvoir après 1917 qui étaient en grande partie des mesures à caractère démocratiques petites bourgeoises, mais le fait qu’elles étaient réalisées sous l’égide d’un prolétariat se battait, clairement et ouvertement, pour le communisme mondial en liaison claire et ouverte avec le prolétariat international, lui-même en pleine lutte révolutionnaire. L’échec de ce mouvement révolutionnaire en Europe, au Moyen-Orient et en Chine allait tout changer. Il ne s’agissait pas pour le prolétariat russe de dire qu’à eux seuls ils allaient vers le socialisme, par des mesures économiques et sociales prises sur le seul terrain de la Russie arriérée. Un tel mensonge allait être le propre d’un ancien communiste de gauche, Boukharine et ensuite de la bureaucratie stalinienne elle-même. Il s’agissait d’utiliser les contradictions du capitalisme mondial pour transformer le caractère arriéré du développement capitaliste en Russie en élément avancé de la lutte du prolétariat mondial. Mais le prolétariat russe isolé, se retrouvant seul, du fait de la trahison de la révolution internationale par la social-démocratie, face à tous les éléments petits bourgeois d’un pays arriéré, n’avait plus la même force. L’Etat qui n’avait jamais cessé d’être le reflet du rapport des forces en devenait de plus en plus lié à la petite bourgeoisie, menant à la liaison entre bureaucrate, koulak et nepman que prônait un Staline. Lénine tentait un temps de combattre, en se servant du pouvoir d’état et en en appelant aux travailleurs du rang, cet étranglement inéluctable si la révolution mondiale ne repartait pas de l’avant. Il y avait, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale une course de vitesse qui n’était pas nécessairement perdue. Donner un caractère d’état ouvrier dégénéré à l’horreur de l’état de Staline était étonnant si on ne comprenait pas que la bataille n’était pas encore nécessairement perdue, tant que la lutte révolutionnaire du prolétariat ne l’était pas. La guerre mondiale devait se terminer en révolution mondiale et trouver alors dans l’état russe une situation éminemment contradictoire et instable qui pouvait favoriser la révolution : l’éradication par le prolétariat de la grande bourgeoisie russe... Bien sûr, nous connaissons la suite : menée en Asie (voir ici), quasi seulement du fait de son écrasement et de son détournement par les staliniens alliés aux sociaux-démocrates en Italie, de son étouffement violent en Allemagne et au Japon, la tentative révolutionnaire de l’après guerre n’a laissé qu’une URSS dont la direction état liée à l’impérialisme mondial (voir ici). Le facteur éminemment révolutionnaire ne devenait alors qu’un phénomène éminemment réactionnaire... La dynamique des situations ne peut être comprise qu’à l’aide de la philosophie dialectique. La philosophie selon laquelle le plus n’engendre que le plus et le moins n’engendre que le moins ne peut rien y comprendre...

- Samuel : une fois que l’échec du projet de Lénine et Trotsky est patent, pourquoi s’accrocher à cet espoir absurde que des mesures pro-bourgeoises et pro-capitalistes comme la NEP puissent mener au communisme international ? Même la dialectique la plus échevelée ne permet pas de le comprendre.

- Robert : Bien entendu, l’idée de Lénine et Trotsky n’était pas de passer au capitalisme, comme étape vers le socialisme, mais seulement de tenter de tenir dans un environnement hostile, en réalisant une recul partiel et contrôlé. La NEP n’avait nullement vocation à durer éternellement et Lénine faisait état en 1922 de sa volonté de revenir sur cette retraite provisoire. Ceci dit, sur l’essentiel, échevelée est effectivement la dialectique comme la révolution. L’opposition diamétrale et simple n’y a pas cours. Marx était l’un des premiers à l’avoir montré dans la révolution. Dans son "Adresse à la ligue des communistes", il expliquait la nécessité pour le prolétariat de participer à la révolution bourgeoise, en la transformant en révolution prolétarienne, et inventait ainsi la notion de révolution permanente que Trotsky allait développer.

- Samuel : Marx n’a jamais proposé de confondre et de mêler révolution bourgeoise et révolution prolétarienne. A une époque où la bourgeoisie avait encore des révolutions à faire, il a proposé à un prolétariat embryonnaire qui participait à la révolution bourgeoise de le faire en étant organisé de manière indépendante et sur ses propres objectifs de classe, ce qui est bien différent. Et il ne s’agissait certainement d’une époque impérialiste où la bourgeoisie n’a plus qu’un rôle historique réactionnaire...

- Robert  : Ce que tu dis n’est pas faux. Mais tu omets la notion de révolution permanente développée par Marx et qui en dit bien plus. je résume. Les aspirations démocratiques bourgeoises, à partir de 1848 et pas à partir de l’impérialisme, ne pourront plus être réalisées par la bourgeoisie, petite, moyenne ou grande. C’est le prolétariat qui devra, en prenant la tête de toutes les couches sociales opprimées, les réaliser. Mais, tout en réalisant des aspirations à caractère bourgeois, il ne pourra le faire qu’en dépassant le cadre bourgeois. c’est pourquoi il doit s’organiser de manière indépendante, révolutionnaire jusqu’au bout. la révolution montante avancera en mettant successivement au pouvoir des fractions plus radicales socialement et le prolétariat devra proposer sa propre direction, c’est-à-dire mettre en place la dictature du prolétariat, même si la révolution se pose seulement des objectifs démocratiques dans un premier temps.

- Samuel : La conception trotskiste est basée sur l’idée que l’émancipation du prolétariat n’est pas le fait de la lutte d’une façon absolue, plaçant le prolétariat en tant que classe face à l’ensemble du capitalisme, mais sera le résultat d’une série de luttes politiques, dans le sens étroit du terme et dans lesquelles, allié successivement à diverses fractions politiques de la bourgeoisie, il éliminera certaines autres fractions et parviendra ainsi, par degrés, par étapes, graduellement, à affaiblir la bourgeoisie, à triompher d’elle en la divisant et en la battant par morceaux.

Que ce soit là, non seulement une très haute vue stratégique, extrêmement subtile et malicieuse, qui a trouvé sa formulation dans le slogan ... "marcher séparément et frapper ensemble...", mais que ce soit encore une des bases de la conception trotskiste, nous en trouvons la confirmation dans la théorie de la "révolution permanente" (nouvelle manière), qui veut que la permanence de la révolution considère la révolution elle-même comme un déroulement permanent d’événements politiques se succédant, et dans lequel la prise du pouvoir par le prolétariat est un événement parmi tant d’autres événements intermédiaires, mais qui ne pense pas que la révolution soit un processus de liquidation économique et politique d’une société divisée en classe et, enfin et surtout, que l’édification socialiste soit seulement possible, qu’elle ne peut commencer qu’après la prise du pouvoir par le prolétariat.

Il est exact que cette conception de la révolution reste, en partie, "fidèle" au schéma de Marx. Mais ce n’est qu’une fidélité à la lettre. Marx a connu ce schéma en 1848, à l’époque où la bourgeoisie constituait encore une classe historiquement révolutionnaire, et c’est dans le feu de révolutions bourgeoises, qui déferlaient dans toute une série de pays d’Europe, que Marx espérait ne pas être arrêtées au stade bourgeois, mais débordées par le prolétariat poursuivant la marche en avant jusqu’à la révolution socialiste.

Si la réalité a infirmé l’espoir de Marx, ce fut en tout cas chez lui une vision révolutionnaire osée, en avance des possibilités historiques. Toute autre apparaît la révolution permanente trotskiste. Fidèle à la lettre, mais infidèle à l’esprit, le trotskisme attribue, UN siècle après la fin des révolutions bourgeoises, à l’époque de l’impérialisme mondial, alors que la société capitaliste est entrée dans son ensemble dans la phase décadente, il attribue à certaines fractions du capitalisme, à certains pays capitalistes (et comme le dit expressément le Programme transitoire, à la majorité des pays) un rôle progressiste.

Marx entendait mettre le prolétariat, en 1848, en avant, à la tête de la société, les trotskistes, eux, en 1947, mettent le prolétariat à la remorque de la bourgeoisie proclamée "progressiste". On peut difficilement imaginer une caricature plus grotesque ; une déformation plus étroite que celle donnée par les trotskistes, du schéma de la révolution permanente de Marx.

Telle que Trotsky l’avait reprise et formulée en 1905, la théorie de la révolution permanente gardait alors toute sa signification révolutionnaire. En 1905, au début de l’ère impérialiste, alors que le capitalisme semblait avoir devant lui de belles années de prospérité, dans un pays des plus retardataires de l’Europe, où subsistait encore toute une superstructure politique féodale, où le mouvement ouvrier faisait ses premiers pas, face à toutes les fractions de la social-démocratie russe qui annonçaient l’avènement de la révolution bourgeoise, face à Lénine qui, plein de restrictions, n’osait aller plus loin que d’assigner à la future révolution la tache de réformes bourgeoises sous une direction révolutionnaire démocratique des ouvriers et de la paysannerie, Trotsky avait le mérite incontestable de proclamer que la révolution serait, ou bien socialiste - la dictature du prolétariat - ou ne serait pas.

L’accent de la théorie de la révolution permanente portait sur le rôle du prolétariat, désormais unique classe révolutionnaire. Ce fut une proclamation révolutionnaire audacieuse, entièrement dirigée contre les théoriciens socialistes petit-bourgeois, effrayés et sceptiques, et contre les révolutionnaires hésitants, manquant de confiance dans le prolétariat.

Aujourd’hui, alors que l’expérience des quarante dernières années a pleinement confirmé ces données théoriques, dans un monde capitaliste achevé et déjà décadent, la théorie de la révolution permanente "nouvelle manière" est uniquement dirigée contre les "illusions" révolutionnaires de ces hurluberlus ultragauches, la bête noire du trotskisme.

- Robert : Comme je te le disais au début, nous n’avons aucune bête noire. Nous ne soutenons pas la notion de révolution permanente pour enfoncer un quelconque courant, mais parce que nous estimons que l’histoire, y compris avant le prolétariat ne peut s’interpréter qu’ainsi. (voir ici).

- Bordigus : On peut souligner que :
 la future révolution communiste ne peut pas être la reproduction mécanique de la révolution russe : les anciennes classes petites bourgeoises, ont en partie disparues, remplacées par de nouvelles couches moyennes dont leur fonction économique, sociales et politique est différente ;
 la disparition du prolétariat en tant que classe "pour soi" intégré au capital subissant les lois du capital ;
 le futur Parti communiste ne ressurgira pas sans l’effondrement du capital ; ce ne sont pas les gesticulations des activistes, immédiatistes et volontaristes qui changeront quoi que ce soit.

LA DEGRADATION DES CONDITIONS SOCIALES ET ECONOMIQUES DU PROLETARIAT, L’EFFONDREMENT ECONOMIQUE DU CAPITAL AINSI QUE LA NON SATISFACTION CROISSANTE DE SES INTERETS IMMEDIATS COMME CONDITION INCONTOURNABLE DU RETOUR DE LA LUTTE DE CLASSE ET DE LA REFORMATION DU PARTI COMMUNISTE

« De même qu’il (le capital ndr) a éliminé les antiques classes moyennes, il n’hésitera pas à sacrifier les nouvelles à son procès de valorisation et à la garantie de l’autonomisation de celui-ci. En effet, en dernier ressort, il règle les problèmes comme nous l’avons vu dans la longue citation de Marx à propos de la baisse tendancielle du taux de profit : par la guerre. Il est à noter qu’au cours de la crise leur caractère inessentiel réapparait. Le capital les sacrifiera à son autonomie. En revanche, l’attitude du capital vis-à-vis du prolétariat est différente étant donné que c’est lui qui apporte l’incrément de valeur qui est source de vie au capital. Au cours de la crise, c’est plutôt le prolétariat qui peut menacer le capital : la révolution ».REVUE INVARIANCE N° 2, 1° Série « La nature catastrophique de la crise du capitalisme international ABOLIRA la base rationnelle et déclarée des syndicats et FERMERA toute perspective historique à un quelconque programme revendicatif. Le procès de genèse du parti de classe s’effectuera en OPPOSITION aux syndicats réformistes, de même qu’AU-DELA de toute pratique syndicale, fût elle, dans ses limites spécifiques, restaurée classiste et révolutionnaire. » LE PROGRAMME DE LA SOCIETE COMMUNISTE- LA QUESTION SYNDICALE ET LE MARXISME 1976

La question de la défense des intérêts économiques du prolétariat perdure tant que le travail salarié n’est pas aboli. La question de la baisse du temps de travail et de l’augmentation des salaires, la diminution de l’age de la retraite, l’amélioration des conditions de travail reste une exigence légitime pour la classe ouvrière. Le Parti communiste qui renaitra demain de l’effondrement du capital se retrouvera pas comme le meilleur défenseur des intérêts immédiats du prolétariat au moment même ou sa renaissance coïncidera à l’apparition du chaos social et économique, à l’effondrement économique et que l’action révolutionnaire contribuera à désorganiser l’économie capitaliste. En dernière instance il reste le garant de la réalisation des intérêts historiques du prolétariat, l’organe par lequel le prolétariat s’organise pour conquérir le pouvoir politique, exercer la dictature du prolétariat et la réalisation du Programme communiste. Il ne se présentera pas comme la somme des intérêts catégoriels et divisés de la classe ouvrière. Le Parti de classe pourra t il être plus efficace dans la société capitaliste dans la capacité à satisfaire les revendications économiques ? NON. Si il l’était, cela démontrerait que la crise du captal est un phénomène subjectif liée à la mauvaise compétence ou mauvaise volonté des politiciens ou des capitalistes. il faut redire que 80 ans de contre révolution ont fait disparaitre l’organe du prolétariat révolutionnaire chargé de réaliser la mission de destruction de l’Etat après avoir détruit et conquis le pouvoir politique pour supprimer le salariat et l’existence des classes sociales ; Quelles sont les critères à prendre en considération concernant les revendications que devra prendre le Parti communiste ;

 c’est moins la satisfaction immédiate que l’union grandissante (manifeste de 1847), l’unification au-delà des intérêts catégoriels, nationaux, ethniques en direction du but révolutionnaire ;
 tenir compte de la composition du capitalisme internationale notamment dans l’aire euro-nord américaine (existence d’une aristocratie ouvrière, diminution relative et même absolue du prolétariat, délocalisation, de secteurs industriels vers les zones de pays émergents, explosion des nouvelles couches moyennes, etc…) ; le capital en période de crise se débarrasse par ailleurs d’une partie de ces couches moyennes dans l aire euro nord américaine ou paupérise ; cela permet de rationaliser son procès de circulation ; ce sont d’abord ces couches moyennes qui vont être éliminés du procès de circulation, improductives ; la rationalisation économique par l’informatisation rend superflue une partie de ces couches moyennes au service de l’Etat et provoquera la dislocation de l’Etat providence, base sur laquelle s’est bâti la démocratie sociale d’après deuxième guerre mondiale ;

 favoriser la démystification démocratique : la démission du gouvernement du moment n’est en rien un moyen d’aboutir au procès révolutionnaire puisque le gouvernement d’après est là pour apporter une nouvelle illusion ; le Parti communiste aura pour fonction de combattre les illusions de gauche et d’extrême gauche sur une possible augmentation illimitée des droits et des acquis sociaux ; le capital reprendra ce qu’il a donné dans l’après deuxième guerre mondiale pour chercher à redresser son taux de profit et à faire face à la concurrence des pays émergents ; la crise du capital FERMERA un cycle de satisfactions de revendications économiques initiées après la deuxième guerre mondiale et fera apparaître l’impuissance des syndicats à défendre le prix de la force de travail au niveau de sa valeur et obligera les prolétaires à renouer avec la lutte de classe indépendante dépassant le cadre étroit de revendications immédiates, catégorielles et nationales ; ça serait semer l’illusion que de faire croire que la crise du capitalisme est un phénomène subjectif liée à la mauvaise gestion de tel ou tel politicien ; le marxisme doit dénoncer ce type d’illusion avec la plus grande fermeté et combattre les illusions démocratiques sur la nécessité de démission de tel ou tel politicien qui ne change rien à la fonction de l’Etat bourgeois ;

 l’attitude communiste consistera à favoriser des orientations consistant à dénoncer l’illusion d’une augmentation illimitée des satisfactions économiques notamment dans l’aire euro nord américaine ; la solution ne pourra que passer que par la révolution communiste et l’instauration de la dictature du prolétariat pour la suppression du capitalisme ; tous les discours petits bourgeois d’extrême gauche sur le possibilité d’augmenter les avantages de façon illimitée dans le cadre du capital devront être dénoncés comme un ultime recours pour le capital d’essayer de faire supporter le capitalisme au prolétariat et de pouvoir faire l’économie de la révolution communiste ;

 Dénoncer les slogans interclassistes de revendications commune à toute les classes sociales contrarient la préparation de la création du Parti indépendant du prolétariat révolutionnaire ; les nouvelles classes moyennes, pour partie dont la fonction est de consommer sans produire seront sacrifié en premier en période de crise, d’abord paupérisé, ensuite sacrifié dans la guerre ; la revendication d’avantages économiques accordés supplémentaires sur le dos de la plus value du prolétariat euro nord américain et dans les pays de la périphérie devient obscène et totalement parasitaire ; le capital a généralisé le salariat à l’ensemble de la population et cherche à noyer le prolétariat producteur de plus-value et exploité dans les couches moyennes consommatrices de la plus-value (1) ; cette couche que Ma rx qualifiait de consommateurs sans être producteur est devenu majoritaire mais le capital doit diminuer sa présence en période de crise ;

 La fonction du Parti communiste de demain consistera à convaincre les couches moyennes ayant des conditions similaires au prolétariat sans que celles-ci produisent de la plus value à suivre le Programme du Parti communiste mondial pour la réalisation du communisme et non à se mettre à la remorque de l’idéologie de couches sociales n’ayant aucune mission historique. On ne saurait confondre la défense des exigences légitimes du prolétariat exploité avec certaines conceptions parasitaires, interclassistes, démocratiques et populaires, reflétant la puissance d’attraction de ces nouvelles couches moyennes et la dictature de leur idéologie omniprésente dans les milieux gauchistes et ultra gauchistes.

« Par ailleurs, l’appropriation du sur-travail d’autrui suppose l’existence d’une surpopulation inactive, en opposition à la population nécessaire, c’est-à-dire à la population qui représente le travail nécessaire à la production. En plus de la surpopulation industrielle, liée aux capitalistes industriels, le capital a suscité, au cours de son évolution ultérieure, une surpopulation de purs consommateurs. La grande affaire de ces oisifs, c’est de consommer les produits des autres et, comme la consommation d’articles courants a ses limites, il leur faut des produits plus raffinés, en quelque sorte des produits de luxe » (Fondements, Chapitre du capital) « Dans cette société cette classe représente la consommation pour la consommation, comme la classe capitaliste représente la production pour la production ; l’une incarne la passion de la dépense, l’autre la passion de l’accumulation » (IV ème Livre du « Capital », Malthus), c’est nous qui soulignons.

- Robert : Remarquons que Marx écrivait le "Manifeste du parti communiste" à une époque où aucune organisation ne s’appelait le parti communiste et où aucune organisation n’était consciemment sur des bases communistes. Il affirmait, d’autre part, que le communisme, en tant que théorie, est le bilan de la lutte des prolétaires et de l’histoire de la lutte des classes. Le Parti Communiste est d’abord une conscience, avant même d’être une organisation. D’où viendra cette conscience ? Elle viendra notamment de notre travail, s’il vise ce but de reconstituer une conscience de classe et communiste. Dans ce cas, le parti communiste, en ce sens là, existe déjà dans notre travail. L’un des débats à avoir est justement de savoir en quoi consiste cette conscience communiste du prolétariat.

- Samuel : Pour moi, les bases de cette conscience sont un programme :

1. Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme est un système social en décadence. Il a plongé à deux reprises l’humanité dans un cycle barbare de crise, guerre mondiale, reconstruction, nouvelle crise. Avec les années 80, il est entré dans la phase ultime de cette décadence, celle de sa décomposition. Il n’y a qu’une seule alternative devant ce déclin historique irréversible : socialisme ou barbarie, révolution communiste mondiale ou destruction de l’humanité.

2. La Commune de Paris de 1871 fut la première tentative du prolétariat pour mener à bien cette révolution, à une époque où les conditions n’étaient pas encore mûres. Avec la situation donnée par l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence, la révolution d’Octobre 1917 en Russie fut le premier pas d’une authentique révolution communiste mondiale dans une vague révolutionnaire internationale qui mit fin à la guerre impérialiste et se prolongea plusieurs années. L’échec de cette vague révolutionnaire, en particulier en Allemagne en 1919-23, condamna la révolution en Russie à l’isolement et à une rapide dégénérescence. Le stalinisme ne fut pas le produit de la révolution russe, mais son fossoyeur.

3. Les régimes étatisés qui, sous le nom de « socialistes » ou « communistes », ont vu le jour en URSS, dans les pays de l’est de l’Europe, en Chine, à Cuba, etc., n’ont été que des formes particulièrement brutales d’une tendance universelle au capitalisme d’État, propre à la période de décadence.

4. Depuis le début du XXe siècle, toutes les guerres sont des guerres impérialistes, dans la lutte à mort entre États, petits ou grands, pour conquérir ou garder une place dans l’arène internationale. Ces guerres n’apportent à l’humanité que la mort et la destruction à une échelle toujours plus vaste. La classe ouvrière ne peut y répondre que par sa solidarité internationale et la lutte contre la bourgeoisie dans tous les pays.

5. Toutes les idéologies nationalistes, d’« indépendance nationale », de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », quel que soit leur prétexte, ethnique, historique, religieux, etc., sont un véritable poison pour les ouvriers. En visant à leur faire prendre parti pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie, elles les mènent à se dresser les uns contre les autres et à s’entre-massacrer derrière les ambitions et les guerres de leurs exploiteurs.

6. Dans le capitalisme décadent, le parlement et les élections sont une mascarade. Tout appel à participer au cirque parlementaire ne fait que renforcer le mensonge présentant ces élections comme un véritable choix pour les exploités. La « démocratie », forme particulièrement hypocrite de la domination de la bourgeoisie, ne diffère pas, sur le fond, des autres formes de la dictature capitaliste que sont le stalinisme et le fascisme.

7. Toutes les fractions de la bourgeoisie sont également réactionnaires. Tous les soi-disant partis « ouvriers », « socialistes », « communistes » (les ex-« communistes » aujourd’hui), les organisations gauchistes (trotskistes, maoïstes et ex-maoïstes, anarchistes officiels), constituent la gauche de l’appareil politique du capital. Toutes les tactiques de « front populaire », « front anti-fasciste » ou « front unique », mêlant les intérêts du prolétariat à ceux d’une fraction de la bourgeoisie, ne servent qu’à contenir et détourner la lutte du prolétariat.

8. Avec la décadence du capitalisme, les syndicats se sont partout transformés en organes de l’ordre capitaliste au sein du prolétariat. Les formes d’organisation syndicales, « officielles » ou « de base », ne servent qu’à encadrer la classe ouvrière et à saboter ses luttes.

9. Pour son combat, la classe ouvrière doit unifier ses luttes, en prenant elle-même en charge leur extension et leur organisation, par les assemblées générales souveraines et les comités de délégués, élus et révocables à tout instant par ces assemblées.

10. Le terrorisme n’est en rien un moyen de lutte de la classe ouvrière. Expression des couches sociales sans avenir historique et de la décomposition de la petite-bourgeoisie, quand il n’est pas directement l’émanation de la guerre que se livrent en permanence les États, il constitue toujours un terrain privilégié de manipulation de la bourgeoisie. Prônant l’action secrète de petites minorités, il se situe en complète opposition à la violence de classe qui relève de l’action de masse consciente et organisée du prolétariat.

11. La classe ouvrière est la seule classe capable de mener à bien la révolution communiste. La lutte révolutionnaire conduit nécessairement la classe ouvrière à une confrontation avec l’État capitaliste. Pour détruire le capitalisme, la classe ouvrière devra renverser tous les États et établir la dictature du prolétariat à l’échelle mondiale : le pouvoir international des conseils ouvriers, regroupant l’ensemble du prolétariat.

12. La transformation communiste de la société par les conseils ouvriers ne signifie ni « autogestion », ni « nationalisation » de l’économie. Le communisme nécessite l’abolition consciente par la classe ouvrière des rapports sociaux capitalistes : le travail salarié, la production de marchandises, les frontières nationales. Il exige la création d’une communauté mondiale dont toute l’activité est orientée vers la pleine satisfaction des besoins humains.

13. L’organisation politique révolutionnaire constitue l’avant-garde du prolétariat, facteur actif du processus de généralisation de la conscience de classe au sein du prolétariat. Son rôle n’est ni d’« organiser la classe ouvrière », ni de « prendre le pouvoir » en son nom, mais de participer activement à l’unification des luttes, à leur prise en charge par les ouvriers eux-mêmes, et de tracer l’orientation politique révolutionnaire du combat du prolétariat.

- Robert : Nous avons, nous aussi, tenté de résumer nos objectifs dans un texte de type programmatique que vous pouvez trouver ici et intitulé Ce que nous voulons et ce dont nous ne voulons plus.

- Samuel : Le critère de validité du programme est dans sa capacité à comprendre toute l’histoire passée des luttes de classe. Et à montrer ainsi que le prolétariat est la seule classe révolutionnaire, la seule classe d’avenir. Et que cet avenir est le communisme.

- Robert : Le communisme est dépassé, nous dit-on. La révolution prolétarienne est périmée. La lutte de classe n’existe plus. Voilà la thèse dominante aujourd’hui et qui infecte bien des travailleurs. Non seulement ils ne croient pas que leur classe pourrait prendre la tête de la société mais beaucoup considèrent que les horreurs du stalinisme sont dues à la tentative des travailleurs de diriger la société. Certains vont même jusqu’à remettre en cause la réalité des classes sociales dans le monde actuel. Pourquoi vouloir s’assimiler une science et une philosophie révolutionnaire puisque le monde ne connaîtra plus de révolutions prolétariennes ? En réalité, la révolution prolétarienne reste la préoccupation centrale de la bourgeoisie et de l’impérialisme. C’est cette obsession qui guide leurs choix fondamentaux Nous allons le montrer sur des exemples comme l’alliance URSS/USA de Yalta, la décolonisation, les guerres civiles (Iran, Yougoslavie), les terreurs blanches (Rwanda, Algérie) et les dictatures militaires, la fin de l’apartheid et de la politique des blocs est/ouest. Mais, avant d’étudier les formes que prend la lutte des classes actuelle, il nous faut nous représenter, autant que faire se peut, comment les luttes et les révolutions ont marqué l’histoire du passé.

Le prolétariat est-il toujours une classe révolutionnaire ? La classe ouvrière joue-t-elle, 80 ans après la révolution d’octobre, le même rôle historique de transformation sociale, capable de menacer le système que celui des prolétaires de Petrograd ? Est-elle encore le fossoyeur de l’ordre bourgeois que Marx avait entrevu ? Bien des commentateurs affirment que ce n’est plus là qu’un vieux mythe, inadapté à un monde moderne dans lequel la classe ouvrière ne serait même plus indispensable économiquement, du fait du progrès technique et de la croissance des services. Même si les licenciements massifs ont effectivement réduit considérablement le nombre de prolétaires actifs, ils n’ont pas réduit leur importance pour l’économie. Quant à dire que l’on pourrait parler moins d’un prolétariat qu’à l’époque de Marx où l’industrie n’existait qu’en Angleterre, où que dans la révolution russe où les ouvriers n’étaient que 3% de la population, c’est carrément une plaisanterie !

Depuis la deuxième guerre mondiale on n’aurait plus, selon eux, assisté une révolution prolétarienne et la crainte de celle-ci ne servirait plus nulle part de base à la politique mondiale. En somme, l’histoire ne serait plus celle de lutte des classes. La chute de l’URSS, celle du régime des pays de l’est comme celle de la Chine et leur réintégration économique dans le marché capitaliste mondial comme leur alignement politique sur les pays occidentaux, toujours selon eux, sonnerait le glas d’un autre mythe : celui du socialisme devant succéder au capitalisme puisque les dirigeants de ces pays se font aujourd’hui eux-mêmes les pourfendeurs de l’idée du socialisme et les meilleurs défenseurs du capitalisme.

Cela ne signifie pas, bien entendu, que ces commentateurs se seraient fait autrefois les défenseurs du marxisme ni des intérêts du prolétariat ni de son rôle révolutionnaire ! Mais, quand même, ils trouvent qu’il y a eu une époque, disons les débuts de la société bourgeoise, où cette perspective était beaucoup plus crédible et même où le prolétariat a été une réelle menace révolutionnaire comme en 1848 et en 1871 à Paris, en 1905, en février et en octobre 1917 en Russie, en 1925-27 en Chine et en 1936 en Espagne. Selon eux, depuis il n’y a plus rien ! Ils admettent que la révolution russe a été le début d’une vague révolutionnaire internationale qui a bien failli emporter l’Europe bourgeoise et même le monde à peine sortie de la première guerre mondiale. La révolution ouvrière partie de Russie où elle a donné le pouvoir aux organisations ouvrières de masse, les soviets, et le pouvoir politique central au parti ouvrier révolutionnaire, bolchevik, s’est étendue à la Finlande, la Hongrie, l’Allemagne, l’Italie, ... et les bourgeoisies de France, d’Angleterre ont dû retirer leurs troupes de Russie, sous la menace de les voir se mutiner et la révolution s’étendre à leur propre métropole. Le dirigeant anglais Lloyd George déclarait même au conseil de quatre grandes puissances en janvier 1919 : « si j’envoie un seul soldat de plus en Russie, j’ai un soviet au pouvoir à Londres ! » Dans le monde entier des insurrections étaient marquées par cette vague révolutionnaire même quand ces luttes étaient dirigées par des petites bourgeoisies nationales car ce qui menaçait les bases mêmes de la domination impérialiste c’était la révolution contre le pouvoir capitaliste débutée en Russie. Aujourd’hui, on nous dit que tout cela est bel et bien fini et ne se reproduira plus.

Les défenseurs ouverts du capitalisme, comme les politiciens qui prétendent le réformer, qu’ils se rangent à droite ou à gauche (même le dirigeant prétendument encore « communiste » français Robert Hue ne veut plus parler de prolétariat mais « des gens » !), prétendent que l’on n’a plus vu intervenir depuis la deuxième guerre mondiale et prédisent que nous ne risquons plus de revoir la révolution prolétarienne. Il ne nous resterait plus en somme qu’à admettre le capitalisme comme éternel et à chercher à l’améliorer.

Est-ce que la bourgeoisie méprise tant ses thuriféraires (qu’ils soient économistes, journalistes, politiciens ou historiens) pour ne tenir aucun compte de leurs avis ou sait-elle parfaitement faire la part de la pure propagande, d’ailleurs payée par ses soins ? En tout cas, elle ne tient aucun compte de telles sornettes et toute sa politique continue de tenir compte comme d’un facteur de première importance du risque de révolution prolétarienne. Même dans un pays riche comme la France, elle maintient des troupes chargées uniquement de s’entraîner à la prise des villes, dans le massif central avec du matériel anti-émeute. Est-ce uniquement pour aider ses confrères des pays pauvres ? L’Etat américain, même s’il est le plus riche du monde, craint lui aussi les émeutes, en particulier du fait d’une fraction particulière du prolétariat : celle des ghettos noirs ! Et elle aussi se prépare en permanence à les affronter. L’accroissement spectaculaire des inégalités entre riches et pauvres est seulement un peu plus spectaculaire aux USA. Malgré un discours anti-communiste relativement efficace selon lequel la menace est disparue, la bourgeoisie américaine n’est pas si rassurée qu’elle le prétend. Et dans le reste du monde, la politique de l’impérialisme ne peut s’expliquer que par la crainte du prolétariat. Elle seule permet de comprendre l’alliance USA/URSS, non seulement pour faire face à l’Allemagne pendant la guerre, mais aussi, à l’après-guerre. C’est elle qui a donné sa durabilité à la bureaucratie russe, et à la politique des blocs qui a suivi. C’est l’impérialisme qui a préféré que se maintienne l’URSS et cela pour la même raison que depuis le début de l’époque stalinienne et du « socialisme dans un seul pays » : du fait de la double faiblesse de l’impérialisme et du prolétariat. Ni l’un ni l’autre n’ont été en état de l’emporter finalement et la bourgeoisie a fonctionné sans cesse avec l’idée d’ « endiguer le communisme », sauf que le communisme, ce n’était pas l’URSS mais une troisième grande puissance mondiale : le prolétariat potentiellement menaçant. Au contraire, le stalinisme était un des puissants moyens politiques et militaires pour faire face aux risques communistes dus au prolétariat. Et cette menace due au prolétariat n’a pu se réaliser qu’en l’absence d’une organisation révolutionnaire du prolétariat, absence due en grande part à l’action internationale et contre-révolutionnaire du stalinisme.

C’est cela qui a dicté à l’impérialisme sa nouvelle politique de la fin des années 80 qui a rendu possible la réintégration pacifique de la Russie dans le giron impérialiste et, avec la chute de l’URSS, celle des pays de l’Est. C’est cela qui dicte la volonté de l’impérialisme de désamorcer les conflits. C’est cela aussi qui l’amène dans les zones à risques à laisser et même à souhaiter que des forces ultra-réactionnaires se chargent de faire le sale boulot de massacrer les masses pauvres quand celles-ci deviennent menaçantes. Les génocides se multiplient ces dernières années (Libéria, Somalie, Rwanda, Congo, Sierra Leone, Tchétchénie, Bosnie, Kosovo, Timor, ....). Alors que la chute de l’URSS aurait semblé » stabiliser le monde, on n’a jamais eu autant de conflits avec autant de massacres aux quatre coins du monde. Les interventions impérialistes armées, elles aussi se sont multipliées force internationale puis américaine dans la guerre du Golfe au Koweït puis contre l’Irak à partir de 1991 et bombardements américains jusqu’en 1999, France au Tchad et au Rwanda, ONU en Bosnie en 1995, USA et ONU en Haïti en 97, ONU en République centrafricaine en 1998, ECOMOG (force internationale africaine) au Sierra Leone en 1998, forces opposées de cinq pays africains (manipulées par la France et les USA) au Congo, OTAN au Kosovo, Kfor ensuite, force internationale dirigée par l’Australie au Timor. Et cette liste ignore les interventions financières ou militaires indirectes comme la France et les USA en Angola, en Ethiopie (en guerre contre l’Erythrée). La nécessité d’interventions violentes soutenues par l’impérialisme, ne provient pas, contrairement à ce que voudrait faire croire la propagande de l’ « intervention humanitaire » de la nécessité de faire face à des tyrans locaux assassins et dangereux pour l’ordre mondial. C’est toujours la même chose qui est dangereux : le vide du pouvoir suscité par des crises politiques et sociales de la domination de la bourgeoisie, vide dans lequel le prolétariat pourrait s’engouffrer. Les guerres entre bourgeoisies ont maintes fois ouvert ce genre de risques (guerre franco-allemande donnant naissance à la commune, guerre russo-japonaise donnant naissance à la révolution russe de 1905, guerre mondiale entraînant la révolution mondiale). L’impérialisme intervient, non du fait d’un danger inhérent à des gens comme les Khadaffi, les Milosevic ou les Saddam Hussein (d’ailleurs des gens formés par lui), mais parce que les conflits engendrent des risques révolutionnaires. Et effectivement n’ont pas manqué, comme on va le voir, les occasions où le prolétariat a été menaçant même si, faute de direction politique, on lui a volé sa victoire : Chili 73, Liban 75, Pologne 80, Afrique du sud 80, Algérie 88, Mali 90.

Au travers de ces exemples concrets, je voudrai souligner trois points sur l’actualité de la révolution prolétarienne :

1°) La division en classe continue de marquer la politique de la direction de la société et celle-ci raisonne toujours en fonction des « risques révolutionnaires » même si elle fait tout ce qu’elle peut pour éviter que les classes populaires ne raisonnent ainsi. Et la lutte de classe quand elle prend un caractère exacerbé entraîne des risques révolutionnaires que la classe dirigeante n’omet jamais de prendre en compte. Même si le prolétariat, faute d’une organisation de classe suffisamment conséquente, n’a pas conscience de sa force et de son rôle, la classe dirigeante n’est jamais portée à en minimiser le danger. Toute sa politique le montre.

2°) La classe ouvrière est une force qui est toujours considérable face à la bourgeoisie. Même si idéologiquement elle se considère comme affaiblie par la chute de l’URSS que l’on a présenté comme la fin du mythe du pouvoir prolétarien, même si les licenciements et le chômage rognent sa force et son moral, le prolétariat reste la seule force capable de menacer la bourgeoisie dans ses bastions, les villes, les trusts et de s’attaquer à son Etat pour le renverser.

3°) Lorsque la société est en crise, toute autre politique que révolutionnaire est un piège sanglant. Et la bourgeoisie ne pardonne pas à une classe révolutionnaire qui a représenté une menace même potentielle. Le bain de sang attend les peuples qui ont commencé à développer des soulèvements risquant de mener à la révolution et qui ne vont pas au bout de leur lutte.

Pourquoi penser que la classe ouvrière est toujours une classe révolutionnaire, c’est-à-dire capable d’entrer dans des luttes mettant en cause le système mondial lui-même ? Beaucoup d’auteurs affirment que l’horizon capitaliste est désormais indépassable et que le prolétariat n’intervient plus comme une classe indépendante mais comme un des éléments du système, divisé sociologiquement de plus entre jeunes et vieux, entre précaires et salariés en fixe, entre salariés des pays riches et salariés des pays pauvres, etc… Cela repose sur de nombreux mensonges et le premier est une fausse image de l’époque où la classe ouvrière apparaissait pour indépendante du système. Elle ne l’était déjà pas du fait que la social-démocratie, les syndicats et le stalinisme ne l’étaient pas. Quant à son existence indépendante, c’est exactement ce qui lui a fait défaut dans la plupart des grands événements où elle a participé. La connaissance du passé nous montre qu’il n’y a pas eu moins d’épisodes de grandes luttes que dans les débuts de la classe ouvrière. En témoignent les événements de 1945 en Asie, ceux de 1947 en d’Afrique, de 1948 en Grèce, de 1952 en Bolivie, de 1953 en Allemagne de l’Est, de 1956 en Hongrie, de 1961 en Belgique, de 1964 aux USA, de 1968 en France, en Italie et en Tchécoslovaquie, de 1970 en Pologne, de 1971 en Jordanie, de 1973 au Chili, de 1975 au Liban et au Portugal, de 1976 en Thaïlande, de 1979 en Iran, de 1980 en Pologne, en Corée du sud, en Afrique du sud, de 1986 en Haïti, de 1988 en Algérie, de 1989-91 en Afrique noire, de 1989 en Chine, de 2001 en Argentine, de 2005 en Equateur et Bolivie, de 2006-2007 en Guinée, … etc

Des situations où le pouvoir est déstabilisé et où la classe ouvrière est des éléments essentiels de la lutte n’ont pas manqué. Imaginons la révolution russe de 1917 sans l’intervention des militants bolcheviks. Les événements auraient-ils pris le caractère de classe qu’ils ont clairement aujourd’hui à nos yeux ? L’absence d’une direction révolutionnaire communiste dans les événements de la fin des années 1900, absence qui n’a rien de spontané et est due en grande partie à l’intervention contre-révolutionnaire consciente du stalinisme, a marqué la suite de l’Histoire. La menace prolétarienne, l’un des moyens de mesurer à quel point elle reste d’actualité est de comprendre les choix de politique de l’impérialisme et des bourgeoisies. Leurs choix politiques et sociaux restent marqués principalement par cette crainte. Il n’est pas possible de comprendre ces choix politiques et sociaux sans intégrer la menace qu’exerce le prolétariat. L’année 1936 avait rappelé cette menace dans quasiment toutes les régions du monde, de l’Espagne à la France, de la Syrie aux grèves ouvrières aux USA. La guerre n’a pas changé la donne. L’impérialisme a laissé le fascisme prendre le pouvoir en Allemagne parce que celui-ci sauvait le monde de la principale menace révolutionnaire : celle du prolétariat allemand. Les historiens s’interrogent encore que l’aveuglement des bourgeoisies « démocratiques » allant jusqu’à laisser faire l’occupation de l’Autriche et à signer l’occupation de la Tchécoslovaquie (accords de Munich) par Hitler, l’aveuglement de Staline s’accordant avec Hitler pour dépecer la Pologne et se la partager. Ce n’est nullement de l’aveuglement mais des choix de classe. L’impérialisme et le stalinisme ont en commun leur haine de la révolution prolétarienne et c’est ce qui va les unir, bien plus que le combat contre l’Allemagne. Et qui va les unir bien plus tard que la chute d’Hitler. En 1943, alors que le fascisme allemand est encore bien solide, celui d’Italie s’effondre sous les coups d’une révolte dans laquelle le prolétariat italien joue le rôle principal. Loin de s’appuyer sur cette révolte, l’impérialisme aimerait sauver ce qui reste de l’Etat italien et de son chef fasciste Badoglio. La raison en est justement la menace prolétarienne que font peser ces villes ouvrières italiennes en révolte. La réponse de l’impérialisme va être de bombarder ces villes et de laisser ensuite le fascisme y rétablir l’ordre. C’est un avant-goût de ce que sera la politique impérialiste dans les pays vaincus à la fin de la guerre, comme le devine déjà le dirigeant trotskyste français Barta. De nombreux pays comme l’Allemagne et le Japon, mais aussi la France, la Belgique, la Finlande, la Hongrie vont voir les quartiers ouvriers de leurs villes bombardées, rasées. La crainte d’une vague révolutionnaire à la fin de la deuxième guerre mondiale dans les pays vaincus, comme en avaient connu les pays vaincus de la première guerre mondiale, est commune à l’impérialisme et au stalinisme, et les unit. Et ce d’autant que la révolte des peuples colonisés ne peut plus être contenue. Cette crainte va s’avérer fondée, puisque l’Asie explose à peine la guerre terminée avec le Japon, en 1945. Ces révoltes et révolutions vont devoir être détournées et écrasées, avec l’appui des forces staliniennes au Vietnam, en Corée, aux Philippines, et, en 1947, en Inde et au Pakistan. Avec l’aide des dirigeants nationalistes, le prolétariat est privé d’une perspective propre, et son combat est mis à la remorque de perspectives bourgeoises. En Inde, la révolte est même contrée par une vague de massacres inter-religieux. Les Gandhi et les Jinnah craignent le prolétariat autant que les craignent les impérialismes. En Afrique noire, contrairement à l’image qui en est souvent donnée, c’est le prolétariat, et non la petite bourgeoisie nationale, qui a donné le signal de la lutte contre l’impérialisme. En 1947, ce sont les travailleurs de Madagascar qui se révoltent. Au Cameroun, en 1948, ce sont encore les travailleurs que l’impérialisme français doit écraser. Ce sont encore les ouvriers qui, en 1947-48, bloquent toute l’Afrique de l’ouest « française », du Sénégal à la Haute Volta, du mali à la Guinée, en passant par la Côte d’Ivoire, en se mobilisant autour de la grève générale des chemins de fer. Travailleurs des docks, petits boulots des villes, chômeurs, femmes sont mobilisés avec les cheminots et les travailleurs des ports. Dans cette même période, toute l’Afrique noire connaît une vaste mobilisation qui entraîne des grèves, remplit brutalement les syndicats, menace l’ordre colonial. La radicalité des travailleurs tranche avec la modération des dirigeants de la petite bourgeoisie noire. Les grèves de cheminots se multiplient dans toute l’Afrique : en 1945, de Matadi à Léopoldville, en Afrique centrale, en 1945-46 à Douala (Cameroun) et en 1947 au Zaïre. On atteint alors le sommet de la mobilisation, avec à la fois la grève générale de 11 jours au Kenya, la mobilisation de 15.000 ouvriers à Mombasa, celle de 10.000 cheminots soudanais, celle des cheminots et mineurs de Gold Coast, avec une émeute populaire à Abidjan, en Côte d’Ivoire, luttes qui se déroulent en pleine grève générale des cheminots de la ligne du Dakar-Niger. Cette mobilisation ouvrière dure jusque dans les années 1950 dans toute l’Afrique, entraînant un développement syndical jusque là inconnu. Des grèves générales la marquent : 1950 à Nairobi, 1955 au Nigeria et 1956 à Abidjan. Souvent l’armée réprime violemment faisant des dizaines de morts. Les organisations ouvrières sont détruites. Dans les années 50, c’est le prolétariat des « pays de l’Est » qui prend la suite, en 1953 en Allemagne de l’Est et en Tchécoslovaquie, en 1956 en Pologne, à Poznan, et surtout en Hongrie, avec la révolution des conseils ouvriers. Le chef du pouvoir, Gerö, avait répondu : « Nous ne tolérerons pas les revendications de la classe ouvrière. » En réponse, les manifestants ouvriers de Hongrie assiègent la radio, les commissariats. Le pays se couvre de conseils ouvriers révolutionnaires. Les combats ont lieu à Budapest, la capitale, les 23 et 24 octobre 1956 – l’Octobre hongrois. Parce que l’armée hongroise et la police hongroise ont volé en éclats, pour écraser le prolétariat, il faut faire appel à l’armée russe et elle ne parvient pas à ses fins que le 30 octobre… Et encore a-t-il fallu faire venir des milliers d’hommes, des troupes fraîches venues d’Asie qui ne parlent pas le Russe ainsi que 2000 chars, car les soldats russes sont sensibles à la révolution et se mutinent ! L’insurrection n’est définitivement vaincue que le 4 novembre. Et ce n’est pas dû au rapport de forces militaire, mais à l’absence d’organisation politique révolutionnaire du prolétariat. Dans les années 60, les pays impérialistes eux-mêmes sont touchés par des mouvements de contestation dans lesquels la classe ouvrière joue un rôle. En 1961, c’est la classe ouvrière de Belgique qui mène une importante grève générale face à une grave crise politique et sociale du pays. Cette lutte est déviée, détournée, trahie par les directions syndicales. En 1964, c’est la principale métropole impérialiste, les USA, qui est menacée. La population noire des grandes villes, une population ouvrière et chômeuse, celle des ghettos et des usines, est mobilisée dans de grandes manifestations, dans une poussée d’organisations politiques et syndicales. La colère explose ici et là. Des dizaines de milliers de militants noirs radicaux, hostiles au système, apparaissent, s’organisent, cherchent des perspectives, s’affirment hostiles au capitalisme et à l’impérialisme, pour le renversement de l’Etat bourgeois. Ils ne renouent pas cependant avec le programme communiste révolutionnaire de Karl Marx que les organisations ouvrières réformistes, staliniennes et syndicalistes ont abandonné elles-mêmes depuis longtemps. En 1964, le pouvoir prend au sérieux la menace que cette direction révolutionnaire noire devienne un danger pour le pouvoir : elle paie des tueurs professionnels pour les éliminer un par un. Le mouvement noir est lié à la lutte des peuples colonisés comme le peuple vietnamien. Cependant, la perspective communiste révolutionnaire n’a pas progressé à la suite de ces combats. Dans les pays du monde dit « communiste », la révolution hongroise a entraîné des tentatives d’éviter les risques prolétariens : les Cent Fleurs en Chine puis, en 1968, c’est le printemps de Prague en Tchécoslovaquie : une tentative de la bureaucratie stalinienne de réformer et de libéraliser le système pour éviter l’explosion. Dans les deux cas, l’échec est flagrant. En Chine s’ouvre un nouveau cycle dans lequel le prolétariat chinois s’émancipe de sa tutelle « socialiste » et renoue avec les luttes. En Tchécoslovaquie, les travailleurs se mobilisent et doivent faire face aux troupes russes, mais ne disposent d’aucune indépendance politique car ils sont à la merci des fausses perspectives des réformistes staliniens (celles du « Printemps de Prague »). En 1973, c’est en Amérique latine, au Chili, que la population ouvrière est mobilisée derrière trois grandes organisations politiques ouvrières, le Parti communiste (stalinien), le Parti socialiste (réformiste) et le MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire – d’extrême-gauche). On connaît le bilan de ce mouvement : le coup d’Etat militaire d’extrême-droite du général Pinochet, aidé par l’impérialisme américain. Mais c’est la politique des organisations ouvrières qui a détourné le début de montée révolutionnaire des travailleurs chiliens et l’a désarmée, politiquement comme physiquement. Au début des années 70, la bourgeoisie du Moyen Orient est menacée par la montée d’un lien entre le mouvement palestinien – né de leur expulsion des terres d’Israël – et le mouvement ouvrier de la région (Egypte en 1968, puis Jordanie en 1971, puis Liban en 1975). Jamais les dirigeants palestiniens et arabes se revendiquant de l’extrême gauche, et qui ne rompent pas avec les perspectives démocratiques bourgeoises et nationalistes, n’ont permis à ces mouvements de développer des perspectives prolétariennes qui existaient pourtant bel et bien. La classe ouvrière, même quand elle a commencé par triompher comme au Liban en 1975, n’a pas pu mettre en avant ses propres objectifs et ses formes d’organisations de classe. Un leader dit « progressiste » comme Yasser Arafat ne voulait surtout pas d’une action prolétarienne contre les régimes bourgeois de toute la région, y compris les plus pro-impérialistes. En juin 1975, il déclarait à propos de la mobilisation révolutionnaire au Liban autour de la résistance palestinienne : « Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait pour sa part que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine et qu’elle ne peut tirer aucun bénéfice d’une bataille marginale qui la détournerait de son véritable chemin. » La liaison avec la révolution des masses opprimées du monde arabe, Arafat n’en voulait surtout pas. Des situations de crise, le monde capitaliste entré en crise après 1970 en a connu de nombreuses : localement comme la crise de domination d’une ancienne puissance coloniale comme le Portugal de 1975, internationalement comme la défaite impérialiste en Indochine, ou mondialement comme la fin de la politique des blocs et le tournant politique international des années 80. Ce tournant mondial a été causé par la crainte du prolétariat, exactement comme la politique des blocs avait trouvé sa source dans la crainte de la révolution prolétarienne après la deuxième guerre mondiale. A la fin des années 70 et au début des années 80, c’est justement dans les pays piliers de la politique des blocs (1979 en Iran, 1980 en Pologne, en Corée du sud, en Turquie et en Afrique du sud) que la classe ouvrière menait des luttes importantes contre des régimes usés maintenus à bout de bras par les deux blocs. Cette politique, qui avait permis de stabiliser le monde depuis la fin de la guerre mondiale, entraînait des conséquences qui devenaient plus dangereuses que ses avantages. C’est l’impérialisme qui a fait les pas nécessaires pour en finir et qui a montré que les bureaucraties staliniennes des appareils d’Etat de l’Est et de Russie ne demandaient pas mieux que d’être réintégrées dans le giron du marché mondial. L’impérialisme en a profité pour proposer « une nouvelle donne » aux « bourgeoisies émergentes » appelée la mondialisation. Au lieu de s’opposer à l’organisation capitaliste de la société, la jeunesse qui s’est alors mobilisée l’a fait contre des conséquences du système : conséquences sociétales, environnementales ou distribution des richesses. La question de la division de la société en classes est systématiquement évitée par ces courants, qu’ils soient humanitaires, anti-mondialisation ou écologistes. C’est dire que ce n’est certainement pas leur développement qui peut offrir une perspective au prolétariat révolutionnaire. Si les situations révolutionnaires ou pré-révolutionnaires, dans lesquelles le prolétariat pouvait jouer son rôle et ne s’y refusait pas, n’ont pas manqué – comme les révolutions bolivienne de 1952, hongroise de 1956 ou iranienne de 1979 pour ne citer que celles-là -, le grand absent c’est une politique communiste révolutionnaire au sein du prolétariat. A la suite du « Printemps de Prague et du « Mai 68 » français, les années 60 ont redonné vie à un courant révolutionnaire séparé du stalinisme, mais les événements eux-mêmes ne pouvaient suffire à redonner vie à une analyse et une politique vraiment révolutionnaires. La mode était plutôt au guévarisme et au maoïsme qu’à un renouveau du marxisme révolutionnaire. C’est cette tâche qui reste indispensable pour que les nouvelles luttes du prolétariat révolutionnaire disposent d’une politique et d’une organisation à la hauteur.

- Samuel : Après la plus longue et profonde contre-révolution de son histoire, le prolétariat retrouve progressivement le chemin des combats de classe. Conséquence à la fois de la crise aiguë du système qui se développe depuis le milieu des années 1960 et de l’apparition de nouvelles générations ouvrières qui subissent beaucoup moins que les précédentes le poids des défaites passées de la classe, ces combats sont d’ores et déjà les plus étendus qu’elle ait menés. Depuis le surgissement de1968 en France, c’est de l’Italie à l’Argentine, de l’Angleterre à la Pologne, de la Suède à l’Egypte, de la Chine au Portugal, des Etats-Unis à l’Inde, du Japon à l’Espagne, que les luttes ouvrières sont redevenues un cauchemar pour la classe capitaliste.

La réapparition du prolétariat sur la scène historique vient condamner sans appel toutes les idéologies produites ou permises par la contre-révolution qu’il a dû subir et qui tendaient à lui nier sa nature de sujet de la révolution. Ce que redémontre magistralement l’actuelle reprise de la lutte de classe, c’est que le prolétariat est la classe révolutionnaire de notre époque et la seule.

Est révolutionnaire toute classe dont la domination sur la société est en accord avec l’instauration et l’extension, au détriment des anciens rapports de production devenus caducs, des nouveaux rapports de production rendus nécessaires par le degré de développement des forces productives. Au même titre que les modes de production qui l’ont précédé, le capitalisme correspond à une étape particulière du développement de la société. Forme progressive de celle-ci, à un moment de son histoire, il crée, par sa généralisation, les conditions de sa propre disparition. La classe ouvrière, par sa place spécifique dans le procès de production capitaliste, par sa nature de producteur collectif de l’essentiel de la richesse sociale, privé de toute propriété sur les moyens de production qu’il met en œuvre et donc n’ayant aucun intérêt qui l’attache au maintien de la société capitaliste, est la seule classe de la société qui puisse, tant objectivement que subjectivement, instaurer le nouveau mode de production qui doit succéder au capitalisme : le communisme. Le resurgissement actuel de la lutte prolétarienne indique, qu’à nouveau la perspective du communisme de nécessité historique, est devenue également une possibilité.

Cependant, l’effort que doit faire le prolétariat pour se donner les moyens d’affronter victorieusement le capitalisme est encore immense. Produits et facteurs actifs de cet effort les courants et éléments révolutionnaires qui sont apparus depuis le début de la reprise prolétarienne portent donc une énorme responsabilité dans le développement et l’issue de ces combats. Pour être à la hauteur de cette responsabilité ils doivent s’organiser autour des frontières de classe qui ont été tranchées de façon définitive par les expériences successives du prolétariat, et qui doivent guider toute activité et intervention en son sein.

C’est à travers l’expérience pratique et théorique de la classe que se dégagent les moyens et les buts de sa lutte historique pour le renversement du capitalisme et pour l’instauration du communisme. Depuis le début du capitalisme, l’activité du prolétariat est tendue vers un effort constant pour, à travers son expérience, prendre conscience de ses intérêts de classe et se dégager de l’emprise des idées de la classe dominante, des mystifications de l’idéologie bourgeoise. Cet effort du prolétariat est marqué par une continuité qui s’étend tout au long du mouvement ouvrier depuis les premières sociétés secrètes jusqu’aux fractions de gauche qui se sont dégagées de la IIIème Internationale.

Malgré toutes les aberrations et toutes les manifestations de la pression de l’idéologie bourgeoise que pouvaient receler leurs positions et leur mode d’action, les différentes organisations qui se sont succédées constituent autant de maillons irremplaçables de la chaîne de la continuité historique de la lutte prolétarienne, et le fait de succomber à la défaite ou à une dégénérescence interne, n’enlève rien à leur contribution fondamentale à cette lutte. Aussi, l’organisation des révolutionnaires qui se reconstitue aujourd’hui comme manifestation de la reprise générale du prolétariat après un demi-siècle de contre-révolution et de rupture dans le mouvement ouvrier, se doit absolument de renouer avec cette continuité historique afin que les combats présents et futurs de la classe puissent s’armer pleinement des leçons de son expérience passée, que toutes les défaites partielles qui jalonnent son chemin ne restent pas vaines mais puissent constituer autant de promesses de sa victoire finale.

Depuis la Première Guerre Mondiale, les syndicats sont devenus des rouages de l’appareil d’État capitaliste. La forme d’organisation syndicale correspondait a la période du capitalisme florissant, historiquement ascendant de la deuxième moitié du XIXe siècle. A cette époque, le capitalisme était capable d’accorder de véritables réformes, durables, en faveur de la classe ouvrière. Le prolétariat pouvait s’unifier autour de la lutte pour des réformes (syndicalisme, parlementarisme). Par contre, dans le capitalisme décadent, le capitalisme des 70 dernières années -dont 30 de crise économique et 10 de guerre mondiale, sans compter l’existence permanente de guerres localisées- le capital a poussé l’exploitation, la misère, la barbarie, l’aliénation de la vie jusqu’à ses dernières limites. Le capitalisme n’est lus réformable.

Pour survivre capitalisme, incapable de donner une économique est contraint d’imposer une domination toujours plus totalitaire : l’État est devenu une sorte de pieuvre gigantesque oui absorbe et contrôle toute parcelle de la vie sociale. Sous sa forme "démocratique", comme dans les pays industrialisés d’occident, sous la forme "bureaucratique", comme dans les pays de l’est, ou sous sa forme militaire, comme dans la plupart des pays sous-développés, le capitalisme décadent est essentiellement un capitalisme d’États

Dans ces conditions, l’efficacité d’une lutte ouvrière dépend directement de sa capacité d’imposer un rapport de forces suffisant à l’État capitaliste, de sa capacité d’assumer son contenu politique, d’affirmer de façon intransigeante ses propres intérêts contre ceux de la logique capitaliste du profit.

De ce fait, la recherche de l’extension constitue la principale dynamique d’une lutte ouvrière forte. Seul le développement du nombre et de l’unité des forces prolétariennes au combat peut imposer, ne fut-ce que momentanément, un rapport de forces capable de contraindre l’État à reculer et de mettre en question la logique absurde et barbare du capital en crise.

Le type de lutte syndicale, qui sépare l’économique du politique, qui accepte de contenir la lutte ouvrière dans le carcan de la logique économique capitaliste, qui organise les ouvriers par secteurs, branches et nations, est à notre époque, totalement inadapté et néfaste pour le prolétariat. Le syndicalisme ne renforce plus la classe ouvrière : il la divise et la condamne à l’impasse.

La perspective de la lutte ouvrière est d’assumer de plus en plus son véritable contenu anti-capitaliste, en affirmant son caractère de classe et donc son unité comme telle, brisant toutes les barrières corporatistes, sectorielles, raciales, nationales... syndicales.

Pour cela, elle ne peut faire confiance à des organisations syndicales, quelque soit le langage "radical" que celles-ci puissent tenir. C’est l’ensemble des travailleurs en lutte qui doit organiser et diriger son combat.

Maintien intransigeant sur le terrain de la défense de ses intérêts de classe, extension de la lutte, auto-organisation, ce sont là les armes principales de toute lutte ouvrière conséquente dans le capitalisme décadent.

L’avenir de la lutte ouvrière est celui d’affrontements de plus en plus globaux et généralisés avec tous les défenseurs de l’ordre établi. Ces affrontements finiront par poser de plus en plus clairement la question de fond : enfoncement dans la barbarie capitaliste ou révolution ouvrière.

Pendant ces dix dernières années, les syndicats ont participé à la gestion du capitalisme en crise, tout comme ils avaient participé à cette gestion pendant la reconstruction de l’après-guerre, tout comme ils avaient participe à la gestion du système pendant les deux guerres mondiales jouant le rôle de premier rang dans les appels à la "défense de la Patrie" et au sacrifice suprême.

Jusqu’à présent, le prolétariat n’a pu étendre, coordonner, et encore moins généraliser son combat. Tant que les ouvriers n’arriveront pas à disputer le contrôle de leurs luttes aux syndicats, tant qu’ils ne réussiront pas à les prendre en main eux-mêmes, tant qu’ils n’affronteront pas les syndicats sur les buts et le contrôle des luttes, ils ne pourront organiser l’extension. C’est dire l’importance de l’auto-organisation pour répondre aux besoins immédiats, premiers de chaque lutte aujourd’hui.

C’est aux assemblées générales de décider et d’organiser l’extension et la coordination. Ce sont elles qui se déplacent si elles le peuvent, qui envoient des délégations massives ou des délégués appeler, à la grève dans les autres usines. Ce sont elles qui nomment et révoquent à tout moment si besoin est, les délégués. Or, jusqu’à présent, la bourgeoisie a réussi à vider de leur contenu toute les assemblées qui ont existé.

Lorsque les travailleurs d’une usine partent en lutte, il peut sembler "naturel" que tout effort d’extension soit orienté vers les autres usines de la même entreprise ou secteur. (Extension "verticale"). Cependant, l’expérience montre qu’une telle orientation n’aboutit en général qu’à isoler la lutte dans une problématique corporatiste ou sectorielle qui affaiblit le mouvement au lieu de l’orienter vers un combat en termes de classe, de masses. La recherche de l’extension "horizontale", c’est à dire vers les centres de production les plus proches géographiquement, les plus combatifs et déterminants politiquement, constitue par contre un renforcement immédiat de la lutte et représente une menace, une MM beaucoup plus puissante contre la classe dominante. C’est pourquoi, elle doit constituer une priorité. La généralisation de la crise économique, en tendant à égaliser par le bas les conditions de vie de tous les secteurs de la classe ouvrière, .crée les conditions de cette forme d’extension.

- Robert : Qu’en déduis-tu comme divergences principales entre nous ?

- Samuel : Ce sont certainement les questions du nationalisme et du syndicalisme. Qu’en penses-tu ?

- Robert : Pour ma part, je rajouterais bien la philosophie. En effet, je pourrais volontiers dire avec toi que le nationalisme et le syndicalisme sont le mal absolu. A condition de rajouter que ces questions sont aussi à la base d’avancées fondamentales. Rappelons que la question nationale a été l’une des bases de la Commune de Paris et les communards, au départ, étaient loin d’être dépourvus d’état d’esprit nationaliste. Mais examinons effectivement les deux questions.

- Samuel : Et d’abord le nationalisme.

Au XIXe siècle, la révolution bourgeoise a presque toujours permis d’instaurer des régimes plus ou moins démocratiques qui accordaient aux travailleurs le droit de s’organiser. I1 n’existe pas de preuve plus flagrante de l’impossibilité d’aucune révolution bourgeoise de nos jours que le caractère politique des régimes de “libération nationale”. Ceux-ci sont inévitablement organisés dans le but avoué d’empêcher et, si nécessaire, de briser par la force tout embryon de lutte autonome de la classe ouvrière. La plupart d’entre eux sont des États policiers à parti unique qui proscrivent le droit de grève. Leurs prisons sont remplies de dissidents. Nombreux sont ceux qui se sont illustrés dans l’écrasement sanglant des soulèvements de la classe ouvrière ; nous avons déjà mentionné la précieuse contribution de Ho-Chi-Minh à l’écrasement de la Commune ouvrière de Saigon ; nous pourrions aussi rappeler comment Mao a envoyé l’armée de “Libération du peuple” “restaurer l’ordre” après les grèves, les débuts d’insurrection et les aventures “ultra-gauchistes” qu’avait provoqués la soi-disant “révolution culturelle”. Nous devrions aussi nous souvenir de la répression des grèves des mineurs par Allende ou de celle exercée par la très “progressiste” junte militaire de Peron. La liste est pratiquement inépuisable. Quant aux paysans, eux aussi ont connu la misère sous les tendres auspices de ces régimes. Avant même que les villes ne tombent entre leurs mains, c’est sur les paysans que les “armées de libération nationale” imposent leur domination dans les districts ruraux, en les terrorisant, en leur extirpant des impôts, en les mobilisant comme chair à canon. La fuite des paysans saisis de panique devant l’avancée des Viêt-Congs en mars 1975, bien après que les Américains aient cessé tout bombardement des régions contrôlées par les Viêt-Congs, montre à quel point est vide de sens la promesse des tiers-mondistes pour qui la “libération nationale” apporterait le bonheur aux paysans. Après la prise du pouvoir par les forces de libération nationale, les souffrances des paysans se sont poursuivies. Le régime a écrasé les paysans qui s’étaient révoltés en 1956 contre les nationalisations d’Ho-Chi-Minh, pendant qu’en Chine, les paysans mobilisés pour la construction de barrages, de ponts, etc., subissaient une intensification de leur exploitation de la part de l’Etat (la destruction forcée de la paysannerie dans le tiers-monde est une caricature particulièrement violente de ce qui s’est passé de façon graduelle dans les métropoles).

Mais c’est aussi contre… les minorités nationales que ces régimes de libération nationale perpétuent l’oppression. Dans les régimes indépendants d’Afrique noire, ce sont les Asiatiques qui sont opprimés ; au Soudan, ce sont les noirs par un régime arabe de gauche ; à Ceylan, les Tamils sont privés de tous leurs droits civiques et subissent une exploitation impitoyable dans les plantations de thé de la part du gouvernement social-démocrate, stalinien et trotskiste ; et la bourgeoisie polonaise (malgré ce qu’a prescrit Lénine) continue à persécuter les juifs que le régime n’a pas encore pu chasser ! Et en effet, la plupart des fronts de libération nationale ont souvent dans leur programme 1a claire intention de remplacer une forme d’oppression nationale par une autre. Le programme sioniste prévoit, ouvertement ou non, l’expulsion des Palestiniens et le programme du mouvement national palestinien, avec sa revendication d’un État où musulmans, juifs et chrétiens puissent vivre ensemble en tant que communauté religieuse, n’a indirectement pas d’autre intention que de supprimer la nationalité juive israélienne et de la remplacer par une nation arabe palestinienne. De même en Irlande, le programme de l’IRA ne peut que faire des protestants une minorité religieuse nationale opprimée.

Et il ne pourrait en être autrement. Puisque tous les programmes de libération nationale sont des programmes capitalistes, ils ne peuvent en aucun cas mettre fin à l’oppression nationale qui n’est d’autre que le capitalisme lui-même.

Mais pour revenir à la situation spécifique de la classe ouvrière dans de tels régimes, nous pouvons dire que les coups les plus forts que les fronts de libération nationale peuvent porter à la classe ouvrière, ce sont précisément les guerres de libération elles-mêmes. A cause du caractère constant des rivalités impérialistes dans une période de crise historique chronique, la bourgeoisie du tiers-monde est continuellement mêlée à des querelles impérialistes et autres péripéties contre ses rivaux locaux. Depuis 1914, il n’y a guère eu de moments où une partie au moins du monde sous-développé n’ait été plongée dans la guerre.

Les guerres de libération nationale sont une nécessité pour les impérialismes secondaires s’ils veulent survivre sur le marché mondial ; la concurrence est d’autant plus féroce dans ces pays que la domination des pays avancés les contraint à se confronter les uns les autres s’ils veulent se faire un peu de place sur le marché mondial. Mais à la classe ouvrière, ces guerres ne font qu’apporter une plus grande exploitation, une militarisation plus poussé et surtout des massacres et des destructions à grande échelle. Des millions de travailleurs se sont fait tuer durant ce siècle dans ces guerres sans y gagner rien d’autre que le remplacement d’un exploiteur par un autre. Comme toutes les guerres nationales, les luttes de libération nationale ont servi à museler la lutte de classe, à diviser les rangs du prolétariat et à y entraver la maturation de la conscience communiste. Et puisque le capitalisme décadent ne peut que s’orienter vers des conflagrations impérialistes à une échelle toujours plus grande, les luttes nationales localisées servent de banc d’essai aux futurs conflits mondiaux qui pourraient compromettre les possibilités de l’instauration du communisme.

- Robert : Je rappelle d’abord la position qui était celle de Lénine et telle qu’il l’exposait à la fin de sa vie dans un ouvrage contre le stalinisme d’oppression nationale intitulé "la question des nationalités ou de l’"autonomie" de mars 1922 :

"J’ai déjà écrit dans mes ouvrages sur la question nationale qu’il est tout à fait vain de poser dans l’abstrait la question du nationalisme en général. Il faut distinguer entre le nationalisme de la nation qui opprime et celui de la nation opprimée, entre le nationalisme d’une grande nation et celui d’une petite nation.

Par rapport au second nationalisme, nous, les nationaux d’une grande nation, nous nous rendons presque toujours coupables, à travers l’histoire, d’une infinité de violences, et même plus, nous commettons une infinité d’injustices et d’exactions sans nous en apercevoir. Il n’est que d’évoquer mes souvenirs de la Volga sur la façon dont on traite chez nous les allogènes : le Polonais, le Tatar, l’Ukrainien, le Géorgien et les autres allogènes du Caucase ne s’entendent appeler respectivement que par des sobriquets péjoratifs, tels « Poliatchichka », « Kniaz », « Khokhol », « Kapkazski tchélovek ».

Aussi l’internationalisme du côté de la nation qui opprime ou de la nation dite « grande » (encore qu’elle ne soit grande que par ses violences, grande simplement comme l’est, par exemple, l’argousin) doit-il consister non seulement dans le respect de l’égalité formelle des nations, mais encore dans une inégalité compensant de la part de la nation qui opprime, de la grande nation, l’inégalité qui se manifeste pratiquement dans la vie. Quiconque n’a pas compris cela n’a pas compris non plus ce qu’est l’attitude vraiment prolétarienne à l’égard de la question nationale : celui-là s’en tient, au fond, au point de vue petit-bourgeois et, par suite, ne peut que glisser à chaque instant vers les positions de la bourgeoisie.

Qu’est-ce qui est important pour le prolétaire ? Il est important, mais aussi essentiel et indispensable, qu’on lui assure dans la lutte de classe prolétarienne le maximum de confiance de la part des allogènes. Que faut-il pour cela ? Pour cela il ne faut pas seulement l’égalité formelle, il faut aussi compenser d’une façon ou d’une autre, par son comportement ou les concessions à l’allogène, la défiance, le soupçon, les griefs qui, au fil de l’histoire, ont été engendrés chez lui par le gouvernement de la nation « impérialiste »."

Lénine, contrairement à Staline, combattait le nationalisme russe de grande puissance et défendait les droits des nationalités face à l’oppresseur.

Bien entendu, il n’idéalisait pas les perspectives petites bourgeoises des nationalistes, mais il savait que la question nationale est un puissant ferment révolutionnaire. Il savait aussi que le pouvoir ouvrier en Russie tenait sa légitimité aussi de son soutien à ce droit des peuples. C’est lui aussi qui avait permis la fondation de l’armée rouge et sa victoire face aux armées blanches.

Si on examine la question nationale aujourd’hui, peut-on dire que la question nationale n’a plus qu’un caractère réactionnaire ? Certainement pas ! Bien des peuples du tiers monde subissent encore une oppression nationale, religieuse, régionale ou ethnique. Pensons par exemple à ce qui vient de se passer en Côte d’Ivoire, aux Palestiniens, aux Kurdes, aux Arméniens, etc, etc... Le fait de dire qu’en soi le nationalisme n’est pas une perspective ne suffit pas à indiquer que le prolétariat doive totalement se détourner de tout soutien à ceux qui subissent une oppression sur ce bases-là !

Samuel : Il faudrait surtout reparler des syndicats, un point de désaccord fondamental entre nous. En particulier, nous sommes contre l’idée qu’il suffirait que les révolutionnaires dirigent les syndicats...

Sous les coups de boutoirs de la crise économique, les conditions de vie de la classe ouvrière sont en train de se dégrader à toute vitesse. Nous sommes tous touchés de plein fouet, travailleurs du privé et du public, chômeurs et RMIstes, retraités et futurs travailleurs. Pour faire face à ces attaques de plus en plus violentes, il n’y a qu’une seule solution : lutter en développant notre unité et notre solidarité. Cela apparaît aujourd’hui comme une évidence. Si nous nous battons chacun dans notre coin, inévitablement, nous perdrons tous, les uns après les autres.

Légalement, c’est aux syndicats qu’incombe la tâche officielle d’organiser ces luttes et la riposte à toutes ces attaques. Ils devraient donc être actuellement à pied d’œuvre pour tisser des liens dans les rangs ouvriers. Or, que font-ils depuis des mois ? Tout le contraire ! Ces "spécialistes de la lutte" n’ont de cesse d’organiser... la dispersion et la division ! Une journée de grève pour telle usine par-ci, une journée d’action pour tel secteur du public par-là... La riposte orchestrée par les syndicats n’est pas simplement "molle", elle est surtout morcelée, saucissonnée, imprégnée du poison corporatiste. Il n’y a pas meilleur moyen pour emmener la classe ouvrière à la défaite.
Alors, pourquoi cette politique syndicale ? S’agit-il simplement d’une erreur de tactique de leur part ou, au contraire, les syndicats poignardent-ils volontairement la classe ouvrière dans le dos ? Dans quel camp les syndicats sont-ils vraiment ?

Si les syndicats sont le produit de la possibilité de la lutte pour des réformes dans le capitalisme ascendant du xixe siècle, cela signifie aussi qu’ils sont marqués du sceau de cette période historique particulière. L’arme syndicale fut forgée et aiguisée par le prolétariat pour mener à bien les batailles pour les réformes, pas pour détruire le capitalisme et le salariat. Ainsi, quand le capitalisme cessa d’être progressiste, qu’il devint un système décadent et que "l’ère des réformes" laissa sa place à "l’ère des guerres et des révolutions", les syndicats ont cessé d’être un instrument de la classe ouvrière pour devenir au contraire le bras armé de la bourgeoisie contre les intérêts de la classe ouvrière. Au cours de la Première Guerre mondiale, on put ainsi voir les syndicats s’intégrer définitivement à l’État totalitaire et participer activement à la mobilisation des ouvriers dans la boucherie impérialiste, aux côtés des partis sociaux-démocrates. Dans la vague révolutionnaire internationale qui suivit, ils feront tout pour entraver les élans du prolétariat. Depuis lors, les syndicats appartiennent à la bourgeoisie et ont intégré définitivement l’État. Ils se dressent à ses côtés face à la classe ouvrière. D’ailleurs, même financièrement, les syndicats sont maintenus en vie, non par les ouvriers, mais bel et bien par l’État. Ils constituent un des rouages essentiels de l’appareil d’État. Toute leur activité est tournée vers le soutien de la bourgeoisie et le sabotage de "l’intérieur" des luttes ouvrières. Ils participent activement à la réglementation du travail permettant l’intensification de l’exploitation. Ils déploient un grand zèle à faire respecter "le droit du travail", c’est-à-dire le droit bourgeois qui codifie l’exploitation. Ils font de la négociation un but en soi, dans le secret des bureaux patronaux ou ministériels, en demandant aux ouvriers de s’en remettre à eux, de leur déléguer le pouvoir, afin de mieux contrôler leurs luttes. Leur fonction est non seulement d’encadrer la classe ouvrière et ses luttes, mais d’assurer en permanence la police dans les usines, les bureaux, les entreprises. Ils divisent et isolent les ouvriers en se servant du corporatisme dans le but d’empêcher l’unification des luttes et leur nécessaire généralisation. Bref, depuis plus d’un siècle maintenant, les syndicats sont les chiens de garde du capital !

Comment se battre sans les syndicats ? Comment se passer de ces "spécialistes officiels de la lutte" ? La principale faiblesse de toute classe exploitée est le manque de confiance en elle-même. Tout est bâti dans les sociétés de classe pour inculquer dans l’esprit des exploités l’idée du caractère inévitable de leur situation et de leur impuissance à bouleverser l’ordre des choses, sentiment que "les professionnels de la grève", ces permanents syndicaux payés par l’État, entretiennent allègrement. Or, la classe ouvrière est capable de se battre massivement et de prendre entre ses propres mains, directement, l’organisation de la lutte.

Depuis plus de 100 ans, les seules grandes luttes ont été des grèves sauvages, spontanées et de masse. Et toutes ces luttes se sont données comme base d’organisation, non pas la forme syndicale, mais celle des assemblées générales, où tous les ouvriers débattent de leur propre lutte et des problèmes à résoudre, avec des comités élus et révocables pour centraliser la lutte. La grande grève de Mai 1968 en France est déclenchée malgré les syndicats. En Italie, au cours des grèves de l’Automne chaud de 1969, les travailleurs chassent les représentants syndicaux des assemblées de grévistes. En 1973, les dockers d’Anvers en grève s’attaquent au local des syndicats. Dans les années 1970, en Angleterre, les ouvriers malmènent souvent les syndicats tout comme ceux de Longwy, Denain, Dunkerque en France, lors de la grève de 1979. En août 1980, en Pologne, les ouvriers rejettent les syndicats qui sont ouvertement des rouages de l’État et organisent la grève de masse sur la base des assemblées générales et des comités élus et révocables (les MKS). Les micros sont utilisés pendant les négociations, pour que tous les ouvriers puissent suivre, intervenir et contrôler les délégués. Et il faut se souvenir en particulier de comment cette lutte s’est terminée : par l’illusion d’un nouveau syndicat, libre, autonome et combatif, à qui la classe ouvrière pouvait confier les rênes de la lutte. Le résultat fut immédiat. Ce nouveau syndicat, "tout beau, tout neuf", nommé Solidarnosc, coupa les micros pour tracter en secret et orchestra, de concert avec l’État polonais, la dispersion, la division et, finalement, la défaite violente de la classe ouvrière ! Les exemples sont légion de ces manœuvres de sabotage permanent des luttes ouvrières et de cette nécessité de ne compter que sur nous-mêmes. Plus récemment, en 2006, en France, lors de la lutte contre le CPE, des dizaines de milliers d’étudiants ont eux aussi montré la capacité de la classe ouvrière à prendre en main ses luttes, à s’organiser et à débattre collectivement au sein d’assemblées générales souveraines et ouvertes à tous les travailleurs, chômeurs et retraités.

De tous ces moments de lutte, deux leçons essentielles peuvent être tirées :

1) C’est aux assemblées générales de décider et d’organiser l’extension et la coordination de la lutte. Ce sont elles qui se déplacent, qui envoient des délégations massives ou des délégués, pour appeler à la grève dans les autres usines. Ce sont elles qui nomment et révoquent à tout moment, si besoin est, les délégués. Ces assemblées générales doivent être coordonnées entre elles par des comités constitués eux-aussi par des délégués élus, responsables en permanence devant elles et donc révocables. Telle est la première condition d’une réelle extension des luttes et d’un réel contrôle de celles-ci par les travailleurs et leurs assemblées.

2) Lorsque les travailleurs d’une usine partent en lutte, ils doivent rechercher la solidarité et l’extension du mouvement vers les centres ouvriers (usines, administrations, hôpitaux...) les plus proches géographiquement et les plus combatifs.

suite à venir...

Quelle politique défendait Amedeo Bordiga

La gauche communiste en France

Messages

  • Saurons-nous achever notre tâche immédiate, oui ou non ? Et cette NEP, servira-elle, oui ou non, à quelque chose ? Si la retraite est justifiée, une fois que nous avons reculé, allions-nous à la masse paysanne, et toujours avec elle, avançons, cent fois plus lentement, mais d’un pas ferme, irrésistible, afin qu’elle voie sans cesse que tout de même nous progressons. Alors notre œuvre sera absolument invincible, aucune force au monde ne pourra triompher de nous. Jusqu’à présent, au bout de la première année, nous n’y sommes pas encore parvenus. Il faut le dire franchement. Et j’ai la conviction profonde (notre nouvelle politique économique permet de tirer net et ferme cette conclusion) que si nous comprenons l’immense danger que comporte la NEP, si nous orientons toutes nos forces vers les points faibles, nous saurons nous acquitter de cette tâche.

    Il faut nous allier à la masse paysanne, aux simples paysans travailleurs, et avancer beaucoup moins vite, infiniment plus lentement que nous ne l’avions rêvé mais, en revanche, de telle sorte que réellement toute la masse avancera avec nous. Et alors il arrivera un moment où ce mouvement marquera une accélération comme nous ne pouvons pas même la rêver aujourd’hui. C’est, selon moi, la première leçon politique essentielle qui se dégage de la nouvelle politique économique.

    Lénine mars 1922 - rapport au congrès du parti bolchevik

  • Voilà comment Lénine appréciait la situation en mars 1923 dans "Mieux vaut moins, mais mieux" :

    "Le trait général caractérisant notre vie actuelle est celui‑ci : nous avons détruit l’industrie capitaliste, nous nous sommes appliqués à démolir à fond les institutions moyenâgeuses, la propriété seigneuriale, et sur cette base, nous avons créé la petite et très petite paysannerie qui suit le prolétariat, confiante dans les résultats de son action révolutionnaire. Cependant, avec cette confiance à elle seule, il ne nous est pas facile de tenir jusqu’à la victoire de la révolution socialiste dans les pays plus avancés ; car la petite et la toute petite paysannerie, surtout sous la NEP, reste, par nécessité économique, à un niveau de productivité du travail extrêmement bas. Au demeurant, la situation internationale fait que la Russie est aujourd’hui rejetée en arrière ; que dans l’ensemble la productivité du travail national est maintenant sensiblement moins élevée chez nous qu’avant la guerre. Les puissances capitalistes de l’Europe occidentale, partie sciemment, partie spontanément, ont fait tout leur possible pour nous rejeter en arrière, pour profiter de la guerre civile en Russie en vue de ruiner au maximum notre pays. Précisément une telle issue à la guerre impérialiste leur apparaissait, bien entendu, comme offrant des avantages sensibles ; si nous ne renversons pas le régime révolutionnaire en Russie, nous entraverons du moins son évolution vers le socialisme, voilà à peu près comment ces puissances raisonnaient, et de leur point de vue, elles ne pouvaient raisonner autrement. En fin de compte elles ont accompli leur tâche à moitié. Elles n’ont pas renversé le nouveau régime instauré par la révolution, mais elles ne lui ont pas permis non plus de faire aussitôt un pas en avant tel qu’il eût justifié les prévisions des socialistes, qui leur eût permis de développer à une cadence extrêmement rapide les forces productives ; de développer toutes les possibilités dont l’ensemble eût formé le socialisme ; de montrer à tous et à chacun nettement, de toute évidence, que le socialisme implique des forces immenses et que l’humanité est passée maintenant à un stade de développement nouveau, qui comporte des perspectives extraordinairement brillantes."

  • un débat opposant Samuel, défendant des positions proches de celles du CCI, et Robert, celles de Voix des Travailleurs, qui seront les premiers à intervenir dans ce débat, mais vous pouvez, vous aussi, y participer en réagissant sur le site...

     Samuel : Rappelons d’abord que la gauche communiste et le CCI sont un courant né à la gauche du courant communiste de Lénine et Rosa Luxembourg et qui estime déterminants la question de la révolution d’octobre 1917, comme révolution prolétarienne communiste ayant renversé l’Etat bourgeois et visant la suppression du capitalisme mondial, et aussi le détournement de cette révolution jusqu’à la deuxième guerre mondiale, comme test des courants dits révolutionnaires, certains ayant participé à la guerre impérialiste (notamment l’essentiel du courant trotskyste). A la suite de la deuxième guerre mondiale, l’impérialisme a écrasé préventivement toute révolution avec l’aide des courants stalinien et social-démocrate. Toutes les attitudes politiques du type défense de l’URSS ou défense de la démocratie ou lutte contre le fascisme ont mené à la même chose : la trahison des intérêts prolétariens et communistes. L’idée que les régimes staliniens de l’ex-bloc de l’Est ou que la Chine, Cuba et la Corée du Nord aujourd’hui, seraient des expressions du communisme ou du marxisme, est le Grand Mensonge du 20ème siècle - un mensonge délibérément entretenu par toutes les fractions de la classe dominante, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Pendant la guerre impérialiste mondiale de 1939-1945, le mythe de la « défense de la patrie socialiste » a été utilisé - avec « l’anti-fascisme » et la « défense de la démocratie » - pour mobiliser les ouvriers en Russie et hors de Russie, dans le plus grand carnage de l’histoire de l’humanité.

     Robert : Bien qu’en désaccord avec la gauche communiste, nous ne succombons pas à cette espèce de criminalisation de ce courant. Tout d’abord, contrairement aux staliniens et à la plupart des trotskystes, nous estimons que la "Gauche communiste" est une aile révolutionnaire du prolétariat communiste. Dans "la maladie infantile du communisme", dont le but est de combattre politiquement ce courant qui fait partie de l’Internationale communiste, du parti bolchevik lui-même et même du gouvernement soviétique, Lénine écrit en préface : « Il est utile et nécessaire de s’arrêter aux raisonnements des « communistes de gauche », car ils sont caractéristiques de la période que nous vivons ; ils font ressortir avec une netteté extraordinaire, sous son aspect négatif, ce qu’il y a de plus important dans cette période ; ils sont riches d’enseignements, car nous avons affaire ici aux meilleurs représentants de ceux qui n’ont pas compris la situation actuelle, à des hommes qui, par leurs connaissances et leur dévouement, sont de beaucoup, de très loin supérieurs aux représentants ordinaires de la même erreur, je veux parler des socialistes révolutionnaires de gauche. » MOSHE LA LECTURE DE CETTE IMAGINATION EST UN PLAISIR SANS FIN.

  • On peut souligner que :
     la future revolution communiste ne peut pas etre la reproduction mecanique de la revolution russe : les anciennes classes petites bourgeoises, ont en partie disparues, remplacees par de nouvelles couches moyennes dont leur fonction economique, sociales et politique est differente ;
     la disparition du proletariat en tant que classe "pour soi" integre au capital subissant les lois du capital ;
     le futur Parti communiste ne ressurgira pas sans l’effondrement du capital ; ce ne sont pas les gesticulations des activistes, immediatistes et volontaristes qui changeront quoi que ce soit.

    LA DEGRADATION DES CONDITIONS SOCIALES ET ECONOMIQUES DU PROLETARIAT, L’EFFONDREMENT ECONOMIQUE DU CAPITAL AINSI QUE LA NON SATISFACTION CROISSANTE DE SES INTERETS IMMEDIATS COMME CONDITION INCONTOURNABLE DU RETOUR DE LA LUTTE DE CLASSE ET DE LA REFORMATION DU PARTI COMMUNISTE
    « De même qu’il (le capital ndr) a éliminé les antiques classes moyennes, il n’hésitera pas à sacrifier les nouvelles à son procès de valorisation et à la garantie de l’autonomisation de celui-ci. En effet, en dernier ressort, il règle les problèmes comme nous l’avons vu dans la longue citation de Marx à propos de la baisse tendancielle du taux de profit : par la guerre. Il est à noter qu’au cours de la crise leur caractère inessentiel réapparait. Le capital les sacrifiera à son autonomie. En revanche, l’attitude du capital vis-à-vis du prolétariat est différente étant donné que c’est lui qui apporte l’incrément de valeur qui est source de vie au capital. Au cours de la crise, c’est plutôt le prolétariat qui peut menacer le capital : la révolution ».REVUE INVARIANCE N° 2, 1° Série
    « La nature catastrophique de la crise du capitalisme international ABOLIRA la base rationnelle et déclarée des syndicats et FERMERA toute perspective historique à un quelconque programme revendicatif. Le procès de genèse du parti de classe s’effectuera en OPPOSITION aux syndicats réformistes, de même qu’AU-DELA de toute pratique syndicale, fût elle, dans ses limites spécifiques, restaurée classiste et révolutionnaire. » LE PROGRAMME DE LA SOCIETE COMMUNISTE- LA QUESTION SYNDICALE ET LE MARXISME 1976

    La question de la défense des intérêts économiques du prolétariat perdure tant que le travail salarié n’est pas aboli. La question de la baisse du temps de travail et de l’augmentation des salaires, la diminution de l’age de la retraite, l’amélioration des conditions de travail reste une exigence légitime pour la classe ouvrère. Le Parti communiste qui renaitra demain de l’effondrement du capital se retrouvera pas comme le meilleur défenseur des intérêts immédiats du prolétariat au moment même ou sa renaissance coîncidera à l’apparition du chaos social et économique, à l’effondrement économique et que l’action révolutionnaire contribuera à désorganiser l’économie capitaliste. En dernière instance il reste le garant de la réalisation des intérêts historiques du prolétariat, l’organe par lequel le prolétariat s’organise pour conquérir le pouvoir politique, exercer la dictature du prolétariat et la réalisation du Programme communiste. Il ne se présentera pas comme la somme des intérêts catégoriels et divisés de la classe ouvrière. Le Parti de classe pourra t il être plus efficace dans la société capitaliste dans la capacité à satisfaire les revendications économiques ? NON. Si il l’était, cela démontrerait que la crise du captal est un phénomène subjectif liée à la mauvaise compétence ou mauvaise volonté des politiciens ou des capitalistes.
    il faut redire que 80 ans de contre révolution ont fait disparaitre l’organe du prolétariat révolutionnaire chargé de réaliser la mission de destruction de l’Etat après avoir détruit et conquis le pouvoir politique pour supprimer le salariat et l’existence des classes sociales ;
    Quelles sont les critères à prendre en considération concernant les revendications que devra prendre le Parti communiste :
     c’est moins la satisfaction immédiate que l’union grandissante (manifeste de 1847), l’unification au-delà des intérêts catégoriels, nationaux, ethniques en direction du but révolutionnaire ;
     tenir compte de la composition du capitalisme internationale notamment dans l’aire euro-nord américaine (existence d’une aristocratie ouvrière, diminution relative et même absolue du prolétariat, délocalisation, de secteurs industriels vers les zones de pays émergents, explosion des nouvelles couches moyennes, etc…) ; le capital en période de crise se débarrasse par ailleurs d’une partie de ces couches moyennes dans l aire euro nord américaine ou paupérise ; cela permet de rationaliser son procès de circulation ; ce sont d’abord ces couches moyennes qui vont être éliminés du procès de circulation, improductives ; la rationalisation économique par l’informatisation rend superflue une partie de ces couches moyennes au service de l’Etat et provoquera la dislocation de l’Etat providence, base sur laquelle s’est bâti la démocratie sociale d’après deuxième guerre mondiale ;
     favoriser la démystification démocratique : la démission du gouvernement du moment n’est en rien un moyen d’aboutir au procès révolutionnaire puisque le gouvernement d’après est là pour apporter une nouvelle illusion ; le Parti communiste aura pour fonction de combattre les illusions de gauche et d’extrême gauche sur une possible augmentation illimitée des droits et des acquis sociaux ; le capital reprendra ce qu’il a donné dans l’après deuxième guerre mondiale pour chercher à redresser son taux de profit et à faire face à la concurrence des pays émergents ; la crise du capital FERMERA un cycle de satisfactions de revendications économiques initiées après la deuxième guerre mondiale et fera apparaître l’impuissance des syndicats à défendre le prix de la force de travail au niveau de sa valeur et obligera les prolétaires à renouer avec la lutte de classe indépendante dépassant le cadre étroit de revendications immédiates, catégorielles et nationales ; ça serait semer l’illusion que de faire croire que la crise du capitalisme est un phénomène subjectif liée à la mauvaise gestion de tel ou tel politicien ; le marxisme doit dénoncer ce type d’illusion avec la plus grande fermeté et combattre les illusions démocratiques sur la nécessité de démission de tel ou tel politicien qui ne change rien à la fonction de l’Etat bourgeois ;
     l’attitude communiste consistera à favoriser des orientations consistant à dénoncer l’illusion d’une augmentation illimitée des satisfactions économiques notamment dans l’aire euro nord américaine ; la solution ne pourra que passer que par la révolution communiste et l’instauration de la dictature du prolétariat pour la suppression du capitalisme ; tous les discours petits bourgeois d’extrême gauche sur le possibilité d’augmenter les avantages de façon illimitée dans le cadre du capital devront être dénoncés comme un ultime recours pour le capital d’essayer de faire supporter le capitalisme au prolétariat et de pouvoir faire l’économie de la révolution communiste ;
     Dénoncer les slogans interclassistes de revendications commune à toute les classes sociales contrarient la préparation de la création du Parti indépendant du prolétariat révolutionnaire ; les nouvelles classes moyennes, pour partie dont la fonction est de consommer sans produire seront sacrifié en premier en période de crise, d’abord paupérisé, ensuite sacrifié dans la guerre ; la revendication d’avantages économiques accordés supplémentaires sur le dos de la plus value du prolétariat euro nord américain et dans les pays de la périphérie devient obsène et totalement parasitaire ; le capital a généralisé le salariat à l’ensemble de la population et cherche à noyer le prolétariat producteur de plus value et exploité dans les couches moyennes consommatrices de la plus value (1) ; cette couche que Ma rx qualifiait de consommateurs sans être producteur est devenu majoritaire mais le capital doit diminuer sa présence en période de crise ;
     La fonction du Parti communiste de demain consistera à convaincre les couches moyennes ayant des conditions similaires au prolétariat sans que celles-ci produisent de la plus value à suivre le Programme du Parti communiste mondial pour la réalisation du communisme et non à se mettre à la remorque de l’idéologie de couches sociales n’ayant aucune mission historique. On ne saurait confondre la défense des exigences légitimes du prolétariat exploité avec certaines conceptions parasitaires, interclassistes, démocratiques et populaires, reflétant la puissance d’attraction de ces nouvelles couches moyennes et la dictature de leur idéologie omniprésente dans les milieux gauchistes et ultra gauchistes.

    « Par ailleurs, l’appropriation du sur-travail d’autrui suppose l’existence d’une surpopulation inactive, en opposition à la population nécessaire, c’est-à-dire à la population qui représente le travail nécessaire à la production. En plus de la surpopulation industrielle, liée aux capitalistes industriels, le capital a suscité, au cours de son évolution ultérieure, une surpopulation de purs consommateurs. La grande affaire de ces oisifs, c’est de consommer les produits des autres et, comme la consommation d’articles courants a ses limites, il leur faut des produits plus raffinés, en quelque sorte des produits de luxe » (Fondements, Chapitre du capital)
    « Dans cette société cette classe représente la consommation pour la consommation, comme la classe capitaliste représente la production pour la production ; l’une incarne la passion de la dépense, l’autre la passion de l’accumulation » (IV ème Livre du « Capital », Malthus), c’est nous qui soulignons

  • le camarade Bordiga et ses amis "gauches" tirent de leur juste critique de MM. Turati et Cie cette conclusion fausse qu’en principe toute participation au parlement est nuisible. Les "gauches" italiens ne peuvent apporter l’ombre d’un argument sérieux en faveur de cette thèse. Ils ignorent simplement (ou s’efforcent d’oublier) les exemples internationaux d’utilisation réellement révolutionnaire et communiste des parlements bourgeois, utilisation incontestablement utile à la préparation de la révolution prolétarienne. Simplement incapables de se représenter cette utilisation "nouvelle", ils clament en se répétant sans fin, contre l’utilisation "ancienne", non bolchevique, du parlementarisme.

    Là est justement leur erreur foncière. Ce n’est pas seulement dans le domaine parlementaire, c’est dans tous les domaines d’activité que le communisme doit apporter (et il en sera incapable sans un travail long, persévérant, opiniâtre) un principe nouveau, qui romprait à fond avec les traditions de la II° Internationale (tout en conservant et développant ce que cette dernière a donné de bon).

    Considérons par exemple le journalisme. Les journaux, les brochures, les tracts remplissent une fonction indispensable de propagande, d’agitation et d’organisation. Dans un pays tant soit peu civilisé, aucun mouvement de masse ne saurait se passer d’un appareil journalistique. Et toutes les clameurs soulevées contre les "chefs", toutes les promesses solennelles de préserver la pureté des masses de l’influence des chefs, ne nous dispenseront pas d’employer pour ce travail des hommes issus des milieux intellectuels bourgeois, ne nous dispenseront pas de l’atmosphère, de l’ambiance "propriétaire", démocratique bourgeoise, où ce travail s’accomplit en régime capitaliste. Même deux années et demie après le renversement de la bourgeoisie, après la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, nous voyons autour de nous cette atmosphère, cette ambiance des rapports propriétaires, démocratiques bourgeois des masses (paysans, artisans).

    Le parlementarisme est une forme d’action, le journalisme en est une autre. Le contenu dans les deux cas peut être communiste et doit l’être si, dans l’un comme dans l’autre domaine, les militants sont réellement communistes, réellement membres du parti prolétarien de masse. Mais dans l’une et dans l’autre sphère - et dans n’importe quelle sphère d’action, en régime capitaliste et en période de transition du capitalisme au socialisme - il est impossible d’éluder les difficultés, les tâches particulières que le prolétariat doit surmonter et réaliser pour utiliser à ses fins les hommes issus d’un milieu bourgeois, pour triompher des préjugés et des influences des intellectuels bourgeois, pour affaiblir la résistance du milieu petit-bourgeois (et puis ensuite le transformer complètement).

    N’avons-nous pas vu dans tous les pays, avant la guerre de 1914-1918, d’innombrables exemples d’anarchistes, de syndicalistes et d’autres hommes d’extrême "gauche", qui foudroyaient le parlementarisme, tournaient en dérision les socialistes parlementaires platement embourgeoisés, flétrissaient leur arrivisme, etc., etc., - et qui eux-mêmes, par le journalisme, par l’action menée dans les syndicats, fournissaient une carrière bourgeoise parfaitement identique ? Les exemples des sieurs Jouhaux et Merrheim, pour ne citer que la France, ne sont-ils pas typiques à cet égard ?

    "Répudier" la participation au parlementarisme a ceci de puéril que l’on s’imagine, au moyen de ce procédé "simple", "facile" et prétendument révolutionnaire, "résoudre" le difficile problème de la lutte contre les influences démocratiques bourgeoises à l’intérieur du mouvement ouvrier, alors qu’en réalité on ne fait que fuir son ombre, fermer les yeux sur la difficulté, l’éluder avec des mots. L’arrivisme le plus cynique, l’utilisation bourgeoise des sinécures parlementaires, la déformation réformiste criante de l’action parlementaire, la plate routine petite-bourgeoise, nul doute que ce ne soient là les traits caractéristiques habituels et dominants que le capitalisme engendre partout, en dehors comme au sein du mouvement ouvrier. Mais ce même capitalisme et l’atmosphère bourgeoise qu’il crée (laquelle est très lente à disparaître, même la bourgeoisie une fois renversée, puisque la paysannerie donne constamment naissance à la bourgeoisie), enfantent dans tous les domaines du travail et de la vie sans exception, un arrivisme bourgeois, un chauvinisme national, de la platitude petite-bourgeoise, etc., qui sont au fond exactement les mêmes et ne se distinguent que par d’insignifiantes variations de forme.

    Vous vous imaginez vous-mêmes "terriblement révolutionnaires", chers boycottistes et antiparlementaires, mais en fait vous avez pris peur devant les difficultés, relativement peu importantes, de la lutte contre les influences bourgeoises dans le mouvement ouvrier, alors que votre victoire, c’est-à-dire le renversement de la bourgeoisie et la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, suscitera ces mêmes difficultés dans une proportion encore plus grande, infiniment plus grande. Tels des enfants, vous avez pris peur devant la petite difficulté qui se présente à vous, aujourd’hui, sans comprendre que, demain et après-demain, vous aurez à parfaire votre éducation, à apprendre à triompher de ces mêmes difficultés, en des proportions infiniment plus vastes.

    Sous le pouvoir des Soviets, il s’insinuera dans votre parti et dans le nôtre, le parti du prolétariat, un nombre encore plus grand d’intellectuels bourgeois. Ils s’insinueront dans les Soviets et dans les tribunaux, et dans les administrations, car on ne peut bâtir le communisme qu’avec le matériel humain créé par le capitalisme ; il n’en existe pas d’autre. On ne peut ni bannir, ni détruire les intellectuels bourgeois, il faut les vaincre, les transformer, les refondre, les rééduquer, comme du reste il faut rééduquer au prix d’une lutte de longue haleine, sur la base de la dictature du prolétariat, les prolétaires eux-mêmes qui, eux non plus, ne se débarrassent pas de leurs préjugés petits-bourgeois subitement, par miracle, sur l’injonction de la Sainte Vierge, sur l’injonction d’un mot d’ordre, d’une résolution, d’un décret, mais seulement au prix d’une lutte de masse, longue et difficile, contre les influences des masses petites-bourgeoises. Sous le pouvoir des Soviets, ces mêmes problèmes qu’aujourd’hui l’antiparlementaire rejette loin de lui d’un seul geste de la main, si orgueilleusement, avec tant de hauteur, d’étourderie, de puérilité, renaissent au sein des Soviets, au sein des administrations soviétiques, parmi les "défenseurs" soviétiques (nous avons supprimé en Russie, et nous avons bien fait de supprimer le barreau bourgeois, mais il renaît chez nous sous le manteau des "défenseurs" "soviétiques"). Parmi les ingénieurs soviétiques, parmi les instituteurs soviétiques, parmi les ouvriers privilégiés, c’est-à-dire les plus qualifiés, et placés dans les meilleures conditions dans les usines soviétiques, nous voyons continuellement renaître tous, absolument tous les traits négatifs propres au parlementarisme bourgeois ; et ce n’est que par une lutte répétée, inlassable, longue et opiniâtre de l’esprit d’organisation et de discipline du prolétariat que nous triomphons - peu à peu - de ce mal.

    Il est évidemment très "difficile" de vaincre, sous la domination de la bourgeoisie, les habitudes bourgeoises dans notre propre parti, c’est-à-dire dans le parti ouvrier : il est "difficile" de chasser du parti les chefs parlementaires de toujours, irrémédiablement corrompus par les préjugés bourgeois ; il est "difficile" de soumettre à la discipline prolétarienne un nombre strictement nécessaire (même très limité) d’hommes venus de la bourgeoisie ; il est "difficile" de créer dans le parlement bourgeois une fraction communiste parfaitement digne de la classe ouvrière ; il est "difficile" d’obtenir que les parlementaires communistes ne se laissent pas prendre aux hochets du parlementarisme bourgeois, mais s’emploient à un travail substantiel de propagande, d’agitation et d’organisation des masses. Tout cela est "difficile", c’est certain. Ç’a été difficile en Russie, et c’est infiniment plus difficile encore en Europe occidentale et en Amérique, où la bourgeoisie est beaucoup plus forte, plus fortes les traditions démocratiques bourgeoises et ainsi de suite.

    Mais toutes ces "difficultés" ne sont vraiment qu’un jeu d’enfant à côté des problèmes, absolument de même nature, que le prolétariat aura à résoudre nécessairement pour assurer sa victoire, et pendant la révolution prolétarienne et après la prise du pouvoir par le prolétariat. A côté de ces tâches vraiment immenses, alors qu’il s’agira, sous la dictature du prolétariat, de rééduquer des millions de paysans, de petits patrons, des centaines de milliers d’employés, de fonctionnaires, d’intellectuels bourgeois, de les subordonner tous à l’Etat prolétarien et à la direction prolétarienne, de triompher de leurs habitudes et traditions bourgeoises, - à côté de ces tâches immenses, constituer sous la domination bourgeoise, au sein d’un parlement bourgeois, une fraction réellement communiste d’un véritable parti prolétarien, n’est plus qu’un jeu d’enfant.

    Si les camarades "gauches" et les antiparlementaires n’apprennent pas dès maintenant à vaincre une aussi mince difficulté, on peut dire à coup sûr qu’ils se trouveront dans l’impossibilité de réaliser la dictature du prolétariat, de se subordonner et de transformer sur une grande échelle les intellectuels bourgeois et les institutions bourgeoises ; ou bien qu’ils seront obligés de complêter hativement leur instruction, et cette hâte portera un immense préjudice à la cause du prolétariat, leur fera commettre des erreurs plus qu’à l’ordinaire, tes rendra plus faibles et malhabiles au-dessus de la moyenne, etc., etc.

    Tant que la bourgeoisie n’est pas renversée et, ensuite, tant que n’ont pas disparu totalement la petite exploitation et la petite production marchande, l’atmosphère bourgeoise, les habitudes propriétaires, les traditions petites-bourgeoises nuiront au travail du prolétariat tant au-dehors qu’au-dedans du mouvement ouvrier, non point dans une seule branche d’activité, l’activité parlementaire, mais nécessairement dans tous les domaines possibles de la vie sociale, dans toutes les activités culturelles et politiques sans exception. Et l’erreur la plus grave, dont nous aurons nécessairement à expier les conséquences, c’est de vouloir se dérober, tourner le dos à telle tâche "fâcheuse" ou difficulté dans un domaine quelconque. Il faut apprendre à s’assimiler tous les domaines, sans exception, du travail et de l’action, vaincre toujours et partout toutes les difficultés, toutes les habitudes, traditions et routines bourgeoises. Poser la question autrement est chose simplement peu sérieuse et puérile.

    Lénine - 12 mai 1920

    • Staline bat en retraite. Lénine s’en félicite auprès de Trotsky affirmant que ce n’est que le début de l’offensive commune mais, comme Trotsky, Lénine est sceptique sur le fait que la suite sera aussi facile. Effectivement, c’est le seul point sur lequel Staline reculera. Il a déjà plus de pouvoir que Lénine et Trotsky réunis et, bien entendu, plus que Trotsky seul, quand Lénine mourra. Lénine dit à Trotsky : "On dirait que la forteresse a été prise sans coup férir, par une simple manœuvre ; je propose de ne pas s’arrêter là et de continuer l’offensive." Le combat de Lénine s’oppose non seulement aux méthodes et aux objectifs politiques de Staline mais à toute la bureaucratie qu’il dirige au niveau de l’Etat et du parti. Lénine écrit dans son article "Mieux vaut moins mais mieux" publié (malgré des tentatives bureaucratiques de le jeter à la poubelle) dans "La Pravda" du 4 mars 1923 : "Les choses vont si mal avec notre appareil d’Etat, pour ne pas dire qu’elles sont détestables, qu’il nous faut d’abord réfléchir sérieusement à la façon de combattre ses défauts. Le plus nuisible serait de croire que nous avons les éléments pour édifier un appareil vraiment neuf, et qui mérite véritablement le nom d’appareil socialiste, soviétique, etc. Non, cet appareil, nous ne l’avons pour ainsi dire pas." Et Lénine rajoute : "Voilà cinq ans que nous nous évertuons à perfectionner notre appareil d’Etat, mais ce n’a été qu’une agitation vaine qui, durant ces cinq ans, nous a montré simplement qu’elle était inefficace, ou même inutile, voire nuisible. Cette vaine agitation nous donnait une apparence de travail ; en réalité, elle encrassait nos institutions et nos cerveaux."Le 4 mars 1923, dans ce même article, Lénine mène le combat contre Staline, en tant que chef de l’Inspection ouvrière et paysanne, la bureaucratie étant celle qui en réclame toujours plus en quantité : "Parlons net. Le commissariat du peuple de l’Inspection ouvrière et paysanne ne jouit pas à l’heure actuelle d’une ombre de prestige. Tout le monde sait qu’il n’est point d’institutions plus mal organisée que celles relevant de notre Inspection ouvrière et paysanne, et que, dans les circonstances actuelles, on ne peut rien exiger de ce commissariat. (...) A quoi bon fonder un commissariat du peuple où le travail se ferait tant bien que mal, qui derechef, n’inspirerait pas la moindre confiance ?"

  • Au sein du CCI, nous venons de discuter de cet article, de ce débat imaginaire entre VdT et le CCI.

    Nous répondrons dès que possible à l’argumentaire qui est développé. Mais nous tenons à saluer d’ores et déjà cette excellente initiative. L’état d’esprit de ce débat imaginaire, le souci d’exprimer au mieux les arguments de chacun, avec une grande honnêteté, sans à aucun moment essayer de "marquer des points"... tout ceci, nous l’avons trouvé remarquable et rare.

    CCI (internationalism.org)

  • Posons franchement la question sur le fond : la social-démocratie doit-elle toujours, sans condition, revendiquer l’indépendance nationale, ou doit-elle ne le faire que dans des conditions déterminées, et dans quelles conditions précisément ? Le P.S.P. a toujours nettement répondu oui à cette question, et c’est pourquoi nous ne sommes nullement étonnés de sa tendresse à l’égard des socialistes-révolutionnaires russes [4], qui réclament un régime politique de type fédéral, se prononçant pour une reconnaissance totale et inconditionnelle du droit à l’autodétermination nationale (article intitulé « L’asservissement national et le socialisme révolutionnaire » dans le n° 18 de Révolutsionnaïa Rossia [5]). Malheureusement, cela n’est rien de plus que l’une de ces phrases démocratiques bourgeoises, qui montrent pour la centième ou pour la millième fois la nature véritable du prétendu parti des soi-disant socialistes-révolutionnaires. Mordant à l’appât de ces phrases, se laissant séduire par ce battage, le P.S.P. à son tour montre par là combien, dans sa conscience théorique et dans son activité politique, sa liaison avec la lutte de classe du prolétariat est faible. C’est précisément aux intérêts de cette lutte que nous devons subordonner la revendication de la libre expression de la volonté nationale. Et c’est précisément dans cette condition que réside la différence entre notre façon de poser la question nationale et la façon d’un démocrate bourgeois. Celui-ci (ainsi que le socialiste opportuniste contemporain qui suit ses traces) s’imagine que la démocratie élimine la lutte de classe, et c’est pourquoi il pose toutes ses revendications politiques dans l’abstrait, en bloc, « inconditionnellement » , du point de vue des intérêts de « tout le peuple » ou même du point de vue d’un absolu moral éternel. Le social-démocrate dénonce impitoyablement ces illusions petites-bourgeoises, toujours et partout, qu’elles s’expriment dans une philosophie idéaliste abstraite ou dans la façon de poser inconditionnellement la revendication de l’indépendance nationale.

    S’il est encore nécessaire de démontrer qu’un marxiste ne peut reconnaître la revendication de l’indépendance nationale autrement que sous condition, et précisément sous la condition indiquée plus haut, nous allons citer les paroles d’un auteur qui défendait d’un point de vue marxiste la revendication par le prolétariat polonais d’une Pologne indépendante. Dans un article intitulé « Finis Poloniae ? » [6], Karl Kautsky écrivait en 1896 : « Dès le moment où le prolétariat polonais s’occupe de la question polonaise, il ne peut pas ne pas se prononcer pour l’indépendance de la Pologne, il ne peut pas, par conséquent, ne pas saluer chaque pas en avant qui peut être accompli dès à présent dans cette direction, dans la mesure où un tel pas est compatible en général avec les intérêts de classe du prolétariat international en lutte. »

    Lénine (1903)

    LA QUESTION NATIONALE DANS NOTRE PROGRAMME

    • S’il est encore nécessaire de démontrer qu’un marxiste ne peut reconnaître la revendication de l’indépendance nationale autrement que sous condition, et précisément sous la condition indiquée plus haut, nous allons citer les paroles d’un auteur qui défendait d’un point de vue marxiste la revendication par le prolétariat polonais d’une Pologne indépendante. Dans un article intitulé « Finis Poloniae ? » [6], Karl Kautsky écrivait en 1896 : « Dès le moment où le prolétariat polonais s’occupe de la question polonaise, il ne peut pas ne pas se prononcer pour l’indépendance de la Pologne, il ne peut pas, par conséquent, ne pas saluer chaque pas en avant qui peut être accompli dès à présent dans cette direction, dans la mesure où un tel pas est compatible en général avec les intérêts de classe du prolétariat international en lutte. »

      Lénine (1903)

      LA QUESTION NATIONALE DANS NOTRE PROGRAMME

  • Nous vous informons d’une Réunion Publique du CCI dont nous avons reçu l’information. Elle se déroulera samedi 30 juin de 15h à 18h30 au CICP (21 ter rue Voltaire, 75011 – PARIS - métro rue-des-boulets).

    Voici le thème de discussion exposé par le CCi :

    A travers la montée en puissance du Front National,
    y-a-t-il une réelle menace fasciste ?

    Le FN a aujourd’hui une influence grandissante. Son idéologie nauséabonde, nourrissant la peur des immigrés, la haine de l’autre et le racisme, semble se propager dans une partie toujours croissante de la population. L’UMP même est un relais de plus en plus important de cette xénophobie. Et il ne s’agit pas là d’une exception française. Cette dynamique se vérifie à l’échelle internationale. En Europe, les partis populistes semblent prendre une part grandissante dans le jeu politique. En Hongrie par exemple, l’extrême droite participe au gouvernement. Aux Etats-Unis, le Tea-party défend les thèses les plus obscurantistes et réactionnaires. Alors, le fascisme menace-t-il de revenir comme dans les sombres années 1930 ? Pour mieux comprendre le monde à venir, nous proposons d’essayer de répondre à ce questionnement par un débat collectif ouvert et fraternel lors de nos prochaines réunions publiques.

    Si tu veux préparer la discussion en te renseignant sur notre analyse des idéologies fascistes et anti-fascistes, tu peux lire notre brochure en cliquan sur ce lien :

    http://fr.internationalism.org/R%C3%A9volution%20Internationale

    Et en bonus (chanceux), voici le lien vers notre journal du mois de juin :

    http://fr.internationalism.org/node/2773

  • Lénine ne comptait pas en rester à la retraite de la NEP !

    « Notre retraite économique est finie

    Nous voyons déjà clair dans la situation qui s’est créée chez nous et nous pouvons dire tout à fait fermement que nous sommes déjà en mesure d’arrêter notre retraite et que nous l’arrêtons. C’est assez. Nous comprenons et nous ne cachons pas que notre nouvelle politique économique est une retraite. Nous avions pris plus que nous ne pouvions garder, et c’est la logique de la lutte. Ceux qui se souviennent de ce qui se passait en octobre 1917, et ceux qui l’ont appris depuis, sa¬vent combien de propositions de compromis les bolcheviks ont faites alors à la bourgeoisie. Nous lui disions : « Vous croulez, nous allons prendre le pouvoir et nous le garderons. Ne voudriez-vous pas que ça se passe, comme dit le paysan, sans scandale » — Mais il n’y eut pas seulement des scandales, il y eut des tentatives d’insurrections provoquées par les mencheviks et par les socialistes-révolutionnaires. Ceux-ci, pourtant, s’étaient proclamés tout disposés à remettre le pouvoir aux Soviets. Je viens de lire, dans un journal parisien (ils contiennent bien des choses dans cet ordre d’idées) un article de Kérensky contre Tchernov. M, Kérensky expose qu’au temps même de la Conférence démocratique, son gouvernement était tout disposé à céder la place à ceux qui auraient pris sur eux de former un gouvernement homogène. — Nous ne nous y refusions pas. Nous le déclarions déjà en juin 1917. En octobre 1917, le Con¬grès des Soviets donna la majorité aux bolcheviks. Kérensky fit alors appel aux junkers, joignit le général Krasnov, voulut faire marcher l’armée contre Pétrograd. Nous bousculâmes un peu ces gens-là qui boudent et se fâchent encore et nous traitent d’usurpateurs, voire de bourreaux. Nous leur répondons : « Prenez-vous-en à vous-mêmes ! Ne vous imaginez pas que les ouvriers et les paysans russes ont oublié vos œuvres. Vous nous avez provoqués, vous avez suscité la lutte la plus acharnée en octobre 1917, à quoi nous avons répondu par la terreur et triplement par la terreur, et s’il le faut, nous sommes prêts à recommencer, si vous recommencez ». Aucun ouvrier, aucun paysan ne doute que ce soit nécessaire ; personne n’en doute si ce n’est quelques intellectuels mécontents. Nous avons eu à faire la guerre contre un ennemi qui nous était cent fois supérieur en nombre, dans des conditions économiques effroyablement difficiles. On comprend qu’il fallut aller loin dans la voie des mesures exceptionnelles communistes. On nous y obligeait. Nos ennemis voulaient nous briser, nous soumettre, non en paroles, mais en fait. Ils ne consentaient à aucun compromis. Nous répondîmes : « Si vous vous imaginez que nous reculerons devant les me¬sures communistes les plus extrêmes, vous vous trompez ». — Nous n’avons pas reculé et nous avons vaincu. Maintenant, ces positions nous ne pourrions les garder, nous reculons parce que nous avons assez conquis de terrain pour garder les lignes dont nous avons besoin. Tout ce qu’il y a de blancs, mencheviks et socialistes-révolutionnaires en tête, exultent en constatant notre retraite. Exultez, si cela vous fait du bien. La joie de nos ennemis ne nous est pas désavantageuse quand elle les détourne du travail actif. Leurs illusions ne nous découragent pas. »

    Lénine

    Les Tâches actuelles de la Russie des Soviets

    6 mars 1922

    https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/03/vil19220306.htm

  • Lénine écrit ensuite :« 

    Nos difficultés sont immenses

    Quand je dis que nous cessons notre retraite économique, ce n’est pas que j’oublie les difficultés infernales que nous avons à surmonter et que je veuille à ce sujet vous rassurer. La question des limites d’une retraite et de sa cessation n’est pas celle des difficultés qui nous environnent Nous savons que noua n’avons pas encore su vaincre cette calamité. Nous savons ce que c’est que la crise financière dans un pays obligé de faire du commerce et où des quantités fabuleuses de papier-monnaie ont été émises. Ces difficultés sont énormes. Je ne crains pas de dire qu’il n’est pas possible de les embrasser d’un coup d’œil. Mais nous n’en sommes pas accablés. Nous puisons au contraire notre force dans notre franchise a l’égard des ouvriers et des paysans aux¬quels nous montrons ces difficultés et le danger qui les menace du côté des puissances occidentales. Travaillons et considérons avec calme notre tâche. Quand nous cessons notre retraite, ce n’est pas que nous considérions les bases de notre nouvelle économie comme établies. Il n’en est rien. Il ne nous est pas encore permis d’envisager l’avenir avec sécurité. Nous sommes entourés de dangers, du danger militaire que j’ai indiqué, des dangers économiques à l’intérieur, famine, ruine du paysan, désorganisation financière. Dangers énormes, exigeant une énorme tension des forces mais qui ne nous empêcheront pas de faire la guerre si on nous l’impose. Mais elle ne serait pas si facile à nos adversaires. En 1918, il leur était aisé de la commencer et en 1919 de la continuer. Mais depuis, jusqu’à 1922, il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts et beaucoup de sang. Les ouvriers et les paysans des pays d’Occident ne sont plus les mêmes qu’en 1919.

    Nous ne ferons plus aucune concession

    Au moment où le projet de Gênes semble remis en question par des hésitations dont on ne voit pas la fin, alors que nous avons fait dans notre politique intérieure tant de concassions, il est donc temps de dire que nous n’en ferons plus, que nous n’en ferons plus aucune. Si les capitalistes s’imaginent qu’ils peuvent encore gagner du temps avec nous et obtenir davantage, je répète que nous devons les en avertir : « C’est assez, vous n’aurez rien demain ! » Si l’histoire du pouvoir des Soviets et de ses victoires ne leur a rien appris, libre à eux. Nous avons fait ce qui dépendait de nous en le proclamant devant le monde entier. J’espère que notre Congrès proclamera la fin de notre retraite. Elle est finie et tout notre travail va en être modifié. »

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.