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Qu’est-ce que la démocratie ?

dimanche 4 décembre 2011, par Robert Paris

La révolution qui parcourt le monde arabe et le Maghreb se revendique de la démocratie car elle se heurte à la dictature. Mais est-ce seulement la dictature d’un Moubarak ou la dictature de classe de la bourgeoisie ? Et pour quelle démocratie faut-il se battre ?

« Comprendre clairement la nature sociale de la société moderne, de son Etat, de son droit, de son idéologie constitue le fondement théorique de la politique révolutionnaire. La bourgeoisie opère par abstraction (« nation », « patrie », « démocratie ») pour camoufler l’exploitation qui est à la base de sa domination. (…) Le premier acte de la politique révolutionnaire consiste à démasquer les fictions bourgeoises qui intoxiquent les masses populaires. Ces fictions deviennent particulièrement malfaisantes quand elles s’amalgament avec les idées de « socialisme » et de « révolution ». Aujourd’hui plus qu’à n’importe quel moment, ce sont les fabricants de ce genre d’amalgames qui donnent le ton dans les organisations ouvrières françaises. »

Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (28 mars 1936)

Démocratie pour la bourgeoisie ou pour le prolétariat ?

Lénine


Démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne

"La question que Kautsky a si abominablement embrouillée se présente, en réalité, comme suit.

A moins de se moquer du sens commun et de l’histoire, il est clair que, tant qu’il existe des classes distinctes, on ne saurait parler de « démocratie pure », mais seulement de démocratie de classe (soit dit entre parenthèses, « démocratie pure » est non seulement une formule d’ignorant qui ne comprend rien à la lutte des classes ni à la nature de l’État, mais encore une formule triplement creuse, car dans la société communiste, la démocratie, transformée et devenue une habitude, dépérira, mais ne sera jamais une démocratie « pure »).

La « démocratie pure » n’est qu’une phrase mensongère de libéral qui cherche à duper les ouvriers. L’histoire connaît la démocratie bourgeoise qui prend la relève de la féodalité, et la démocratie prolétarienne qui prend la relève de la démocratie bourgeoise....

Prenez les lois fondamentales des États contemporains, prenez leur administration, prenez la liberté de réunion ou de presse, prenez « l’égalité des citoyens devant la loi », et vous verrez à chaque pas l’hypocrisie de la démocratie bourgeoise bien connue de tout ouvrier honnête et conscient. Il n’est point d’État, même le plus démocratique, qui n’ait dans sa Constitution des biais ou restrictions permettant à la bourgeoisie de lancer la troupe contre les ouvriers, de proclamer la loi martiale, etc., « en cas de violation de l’ordre », mais, en fait, au cas où la classe exploitée « violait » son état d’asservissement et si elle avait la velléité de ne pas se conduire en esclave...

Dans l’État bourgeois le plus démocratique, les masses opprimées se heurtent constamment à la contradiction criante entre l’égalité nominale proclamée par la « démocratie » des capitalistes, et les milliers de restrictions et de subterfuges réels, qui font des prolétaires des esclaves salariés. Cette contradiction précisément ouvre les yeux des masses sur la pourriture, la fausseté, l’hypocrisie du capitalisme. C’est précisément cette contradiction que les agitateurs et les propagandistes du socialisme dénoncent sans cesse devant les masses, afin de les préparer à la révolution ! Et lorsque l’ère des révolutions a commencé, Kautsky lui tourne le dos et se met à célébrer les beautés de la démocratie bourgeoise agonisante.

La démocratie prolétarienne, dont le pouvoir des Soviets est une des formes, a développé et étendu la démocratie comme nulle part au monde, au profit justement de l’immense majorité de la population, au profit des exploités et des travailleurs...

Les Soviets sont l’organisation directe des masses travailleuses et exploitées, à qui elle facilite la possibilité d’organiser elles mêmes l’État et de le gouverner par tous les moyens. C’est précisément l’avant garde des travailleurs et des exploités, le prolétariat des villes, qui bénéficie en la circonstance de l’avantage d’être le mieux uni dans les grosses entreprises ; il a le plus de facilité pour élire et surveiller les élus. Automatiquement, l’organisation soviétique facilite l’union de tous les travailleurs et exploités autour de leur avant garde, le prolétariat. Le vieil appareil bourgeois, la bureaucratie, les privilèges de la fortune, de l’instruction bourgeoise, des relations, etc. (ces réels privilèges sont d’autant plus variés que la démocratie bourgeoise est plus développée), tout cela se trouve éliminé sous le régime des Soviets. La liberté de la presse cesse d’être une hypocrisie, les imprimeries et le papier étant enlevés à la bourgeoisie. Il en est de même des meilleurs édifices, des palais, des hôtels particuliers, des maisons seigneuriales, etc. Le pouvoir soviétique a d’un coup enlevé par milliers les meilleurs de ces immeubles aux exploiteurs ; et c’est ainsi qu’il a rendu un million de fois plus « démocratique » le droit de réunion pour les masses, celui là même sans lequel la démocratie est un leurre. Les élections indirectes aux Soviets non locaux facilitent les congrès des Soviets, rendent tout l’appareil moins coûteux, plus mobile, plus accessible aux ouvriers et aux paysans, à une période de vie intense où il importe d’avoir au plus vite la possibilité de rappeler son député local ou de l’envoyer au congrès général des Soviets.

La démocratie prolétarienne est un million de fois plus démocratique que n’importe quelle démocratie bourgeoise ; le pouvoir des Soviets est un million de fois plus démocratique que la plus démocratique des républiques bourgeoises...

Nous sommes gouvernés (et notre État est « policé ») par des fonctionnaires bourgeois, des parlementaires bourgeois, des juges bourgeois. Voilà la vérité simple, évidente, incontestable, que connaissent grâce à leur expérience de la vie, que sentent et perçoivent chaque jour des dizaines et des centaines de millions d’hommes des classes opprimées dans tous les pays bourgeois, y compris les plus démocratiques.

Or en Russie, on a brisé entièrement l’appareil bureaucratique, on n’en a pas laissé pierre sur pierre, on a chassé tous les anciens magistrats, dispersé le parlement bourgeois et l’on a donné une représentation beaucoup plus accessible justement aux ouvriers et aux paysans ; leurs Soviets on remplacé les fonctionnaires, ou bien leurs Soviets ont été placés au dessus des fonctionnaires ; ce sont leurs Soviets qui élisent les juges. Ce fait à lui seul suffit pour que toutes les classes opprimées reconnaissent que le pouvoir des Soviets, c’est à dire cette forme de la dictature du prolétariat est un million de fois plus démocratique que la plus démocratique que la plus démocratique des républiques bourgeoises."

Démocratie et socialisme

La démocratie dont les travailleurs et les peuples ont besoin nécessite qu’ils puissent se réunir librement pour discuter de leurs problèmes et se donner les moyens de les résoudre, notamment en organisant des luttes, mais aussi en décidant définitivement d’organiser eux-mêmes le fonctionnement social en le retirant des mains des exploiteurs. Il ne s’agit pas du seul droit de vote dans les institutions bourgeoises (parlements, présidence) mais du droit de décider des choix à tous les niveau : local, régional, national, aussi bien au plan économique, social et politique. Il s’agit de retirer aux forces armées leurs armes et leur organisation et donc la possibilité de prendre le pouvoir à tout moment en faisant un coup d’état ou d’intervenir pour écraser les mobilisations des masses. Il s’agit de retirer aux classes possédantes leur mainmise sur toute l’organisation de la société en ne leur permettant plus de garder pour elles le pouvoir social, politique, médiatique, militaire ou juridique. Il n’y aura jamais de démocratie là où les besoins des masses populaires ne sont pas satisfaits. Il n’y aura jamais de démocratie là où un patron peut jeter à la rue mille salariés. Il n’y aura jamais de démocratie là où une armée peut prendre en otage une population en instaurant la dictature. Il n’y aura jamais de démocratie là où les généraux, les commissaires, les patrons, les hauts fonctionnaires n’ont aucun compte à rendre à la population. Il n’y aura jamais de démocratie tant que les travailleurs n’auront pas pris le pouvoir politique.

« La social-démocratie allemande est-elle réellement infectée de la maladie parlementaire et croit-elle que, grâce au suffrage universel, le Saint-Esprit se déverse sur ses élus, transformant les séances des fractions parlementaire en conciles infaillibles et les résolutions des fractions en dogmes inviolables ? (…)

A en croire ces Messieurs, le parti social-démocrate ne doit pas être un parti exclusivement ouvrier mais un parti universel, ouvert à « tous les hommes remplis d’un véritable amour pour l’humanité ». Il le démontrera avant tout en abandonnant les vulgaires passions prolétariennes et en se plaçant sous la direction de bourgeois instruits et philanthropes « pour répandre le bon goût » et « apprendre le bon ton ». (…) Bref, la classe ouvrière par elle-même, est incapable de s’affranchir. Elle doit donc passer sous la direction de bourgeois « instruits et cultivés » qui seuls « ont l’occasion et le temps » de se familiariser avec les intérêts des ouvriers. (…) Le programme ne sera pas abandonné mais seulement ajourné – pour un temps indéterminé. (…)

Ce sont les représentants de la petite-bourgeoisie qui s’annoncent ainsi, de crainte que le prolétariat, entraîné par la situation révolutionnaire, « n’aille trop loin ». (…)

C’est un phénomène inévitable, inhérent à la marche de l’évolution, que des individus issus de la classe dominante se joignent au prolétariat en lutte et lui apportent des éléments constitutifs. Nous l’avons dit dans « Le Manifeste communiste », mais ici deux observations s’imposent :

1°) Ces individus, pour être utiles au mouvement prolétarien, doivent vraiment lui fournir des éléments constitutifs d’une valeur réelle (…)

2°) Lorsque ces individus venant d’autres classes se joignent au mouvement prolétarien, la première chose à exiger est qu’ils n’y fassent pas entrer les résidus de leurs préjugés bourgeois, petits-bourgeois, etc, mais qu’ils fassent leurs, sans réserve, les conceptions prolétariennes. (…)

Quant à nous, eu égard à tout notre passé, une seule voie nous reste ouverte. Nous avons, depuis presque quarante ans, signalé la lutte des classes comme le moteur de l’histoire le plus décisif et nous avons notamment montré que la lutte sociale entre la bourgeoisie et le prolétariat était le grand levier de la révolution sociale moderne. Nous ne pouvons donc, en aucune manière, nous associer à des gens qui voudraient retrancher du mouvement cette lutte de classes. Nous avons formulé, lors de la création de l’Internationale, la devise de notre combat : l’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre de la classe ouvrière elle-même. Nous ne pouvons, par conséquent, faire route commune avec des gens qui déclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour se libérer eux-mêmes. (…) »

Lettre circulaire de Karl Marx (1879)

Les consignes de Karl Marx aux militants révolutionnaires dans les révolutions bourgeoises après la révolution de 1848 : "A côté du nouveau gouvernement officiel, les travailleurs doivent créer leurs propres gouvernements ouvriers révolutionnaires, soit sous la forme de conseils ou de présidences de communes, soit sous la forme de clubs ou de comités ouvriers, afin que non seulement les gouvernement démocratiques bourgeois perdent immédiatement tout moyen d’action sur les ouvriers, mais encore qu’ils se voient dès le début surveillés et menacés par des autorités derrière lesquelles se dresse toute la masse des ouvriers."

"Quelles que soient les formes revêtues par la république, fût-elle la plus démocratique, si c’est une république bourgeoise, si la propriété privée de la terre, des usines et des fabriques y subsiste, et si le capital privé y maintient toute la société dans l’esclavage salarié, autrement dit si l’on n’y réalise pas ce que proclament le programme de notre Parti et la Constitution soviétique, cet Etat est une machine qui permet aux uns d’opprimer les autres. Et cette machine, nous la remettrons aux mains de la classe qui doit renverser le pouvoir du capital. Nous rejetterons tous les vieux préjugés selon lesquels l’Etat, c’est l’égalité générale. Ce n’est qu’un leurre ; tant que l’exploitation subsiste, l’égalité est impossible. Le grand propriétaire foncier ne peut être l’égal de l’ouvrier, ni l’affamé du repu. Cet appareil qu’on appelait l’Etat, qui inspire aux hommes une superstitieuse vénération, ajoutant foi aux vieilles fables d’après lesquelles l’Etat, c’est le pouvoir du peuple entier, - le prolétariat le rejette et dit : c’est un mensonge bourgeois. Cette machine, nous l’avons enlevée aux capitalistes, nous nous en sommes emparés. Avec cette machine, ou avec ce gourdin, nous anéantirons toute exploitation ; et quand il ne restera plus sur la terre aucune possibilité d’exploiter autrui, qu’il ne restera plus ni propriétaires fonciers, ni propriétaires de fabriques, qu’il n’y aura plus de gavés d’un côté et d’affamés de l’autre, quand cela sera devenu impossible, alors seulement nous mettrons cette machine à la ferraille. Alors, il n’y aura plus d’Etat, plus d’exploitation. Tel est le point de vue de notre Parti communiste."

Lénine dans "De l’Etat"

"Le terme de démocratie, appliqué au Parti communiste, n’est pas seulement inexact au point de vue scientifique. Aujourd’hui, après mars 1917, c’est un bandeau mis sur les yeux du peuple révolutionnaire, qui l’empêche de faire du neuf librement, hardiment et sur sa propre initiative, c’est-à-dire d’organiser des Soviets de députés ouvriers, paysans et autres en tant que pouvoir unique dans l’ « Etat », un tant qu’annonciateurs du « dépérissement » de tout Etat."

Lénine

"Le pouvoir des Soviets est un nouveau type d’Etat, sans bureaucratie, sans police, sans armée permanente, où la démocratie bourgeoise fait place a une démocratie nouvelle qui porte au premier plan l’avant-garde des masses laborieuses, fait de celles-ci le pouvoir législatif et exécutif, leur confie la défense militaire, et crée un appareil susceptible de rééduquer les masses."

Lénine - discours du 8 mars 1918

« La théorie de la révolution permanente (...) démontrait qu’à notre époque l’accomplissement des tâches démocratiques, que se proposent les pays bourgeois arriérés, les mène directement à la dictature du prolétariat, et que celle-ci met les tâches socialistes à l’ordre du jour. (...) » « C’est ce que Lénine appelait la transformation de la révolution démocratique en révolution socialiste. Ce n’est pas le pouvoir bourgeois qui se transforme par hypertrophie en pouvoir ouvrier et paysans et, ensuite, prolétarien : non, le pouvoir d’une classe ne se « transforme » pas en pouvoir d’une autre classe, mais on l’arrache l’arme à la main. » « A propos du saut par dessus les étapes historiques « Savoir distinguer entre la révolution bourgeoise et la révolution prolétarienne, c’est l’abc politique. Mais, après avoir appris l’alphabet, on apprend les syllabes qui sont formées de lettres. L’histoire a réuni les lettres les plus importantes de l’alphabet bourgeois et les premières lettres de l’alphabet socialiste. (...) Il est absurde de dire qu’on ne peut jamais sauter par dessus les étapes. Le cours vivant des événements historiques saute toujours par dessus les étapes qui sont le résultat d’une division théorique de l’évolution prise dans sa totalité, c’est-à-dire dans son ampleur maximale et, aux moments critiques, il exige le même souci dans la politique révolutionnaire. On peut dire que la capacité de reconnaître et d’utiliser ces moments distingue avant tout le révolutionnaire de l’évolutionniste vulgaire. »

Léon Trotsky dans « La révolution permanente »

Démocratie bourgeoise et révolution

Démocratie bourgeoise et dictature populaire dans la Révolution française

Les élections contre ... la vraie démocratie

Démocratie ouvrière

La suite

Messages

  • « Comprendre clairement la nature sociale de la société moderne, de son Etat, de son droit, de son idéologie constitue le fondement théorique de la politique révolutionnaire. La bourgeoisie opère par abstraction (« nation », « patrie », « démocratie ») pour camoufler l’exploitation qui est à la base de sa domination. (…) Le premier acte de la politique révolutionnaire consiste à démasquer les fictions bourgeoises qui intoxiquent les masses populaires. Ces fictions deviennent particulièrement malfaisantes quand elles s’amalgament avec les idées de « socialisme » et de « révolution ». Aujourd’hui plus qu’à n’importe quel moment, ce sont les fabricants de ce genre d’amalgames qui donnent le ton dans les organisations ouvrières françaises. »

    Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (28 mars 1936)

  • « pendant la crise et au lendemain de celle ci, notre unique adversaire sera toute la masse réactionnaire groupée autour de la démocratie pure ; et c’est ce que l’on ne doit, à mon avis, négliger en aucun cas.  »

    Engels

  • « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

    Aldous Huxley dans « Le meilleur des mondes »

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