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La révolution est repartie en Tunisie... comme en Egypte !

lundi 5 décembre 2011, par Robert Paris

Situation économique, sociale et politique explosive en Tunisie

Après s’être aperçus que la révolution n’est pas finie en Egypte, on constate qu’elle ne l’est pas non plus en Tunisie…

Il y a six mois, deux peuples de la Méditerranée renversaient leurs dirigeants, considérés comme des dictateurs et déclenchaient une vague de contestation dans le monde arabe. Mais aujourd’hui, les manifestants ont repris possession de la place Tahrir au Caire et de la Casbah à Tunis. Les affrontements se multiplient de nouveau entre les forces de l’ordre et des manifestants et la police semble reprendre les vieilles méthodes de la répression des rassemblements. Aux yeux des peuples, les choses ne vont pas assez vite et l’ordre social n’a pas changé dans le sens où ils le voulaient.

La situation de la Tunisie ou de l’Egypte est souvent présentée comme un affrontement entre le nouveau pouvoir et les islamistes radicaux, mais la réalité est autre et c’est d’abord et avant tout un affrontement entre le pouvoir et le plus démunis.

Que se passe-t-il en Egypte ?

Et la classe ouvrière de Tunisie est à nouveau de la partie !!

Les intérimaires de la Compagnie des phosphates de Gafsa ont arrêté la production, les travailleurs du secteur pétrolier devaient se mettre en grève le 28 novembre. Les universités sont en grève. La grève des champs pétroliers d’El Borma du gouvernorat de Tataouine, prévue pour du 28 au 30 novembre 2011 a été annulée grâce à l’intervention des bureaucrates syndicaux, mais la situation y est explosive. Les bureaucrates ont négocié des petits arrangements du style de quelques postes pour des jeunes de la région... Des clopinettes ! Les agents de l’AFI (Agence Foncière Industrielle) ont entamé, mardi, une grève de trois jours, « pour protester contre la nonchalance avec laquelle l’autorité de tutelle (le ministère de l’Industrie et de la Technologie) traite leur dossier ».

Des blindés de l’armée et la gendarmerie patrouillaient vendredi à Mdhilla, localité du bassin minier tunisien (centre) où la politique de recrutement du principal employeur de la région, la Compagnie des Phosphates de Gafsa, a entraîné des violences.

Par ailleurs, des dizaines de demandeurs d’emploi de ce bassin minier sont montés à Tunis pour un sit-in de protestation devant le siège social de la Compagnie des Phosphates (CPG), au centre de la tourmente depuis la publication mercredi des résultats d’un concours de recrutement au sein de la compagnie.

Des tractations étaient en cours et une délégation de protestataires devait être reçue pour désamorcer "une situation explosive", selon la direction du Groupe chimique tunisien, maison mère de la CPG.
Le gouvernement de transition, encore en charge des affaires courantes avant la formation d’un nouvel exécutif, a par ailleurs ouvert la voie à des recours et suspendu la proclamation définitive des résultats du concours, selon l’agence TAP.

A Mdhilla, une des localités du gouvernorat de Gafsa où se sont déroulées les violences, blindés de l’armée et de la gendarmerie patrouillaient à la mi-journée, selon un correspondant de l’AFP.
"Tout le monde est sur le qui-vive" dans cette ville où des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se sont répétés dans la nuit de jeudi à vendredi malgré le couvre-feu nocturne instauré dans le gouvernorat.

Les troubles avaient éclaté mercredi à Mdhilla et Oum Larayes, une autre localité de la région, après la publication des résultats du concours de recrutement. Des locaux de la Compagnie des phosphates ont notamment été saccagés et incendiés.

"Un demandeur d’emploi n’ayant pas trouvé son nom sur la liste d’embauches a mis le feu à sa propre maison et tenté de s’immoler", ont rapporté des témoins à l’AFP par téléphone.

La CPG est le principal pourvoyeur d’emplois dans cette région défavorisée et traditionnellement frondeuse. Accusée de pratiquer népotisme et corruption dans sa politique de recrutement, la compagnie estime de son côté ne pas pouvoir embaucher tout le monde.

A Kasserine, une ville située à 350 de Tunis, des milliers de personnes ont manifesté pour dénoncer « l’oubli des martyrs » de leur localité dans l’hommage rendu aux victimes de la révolution lors de la première réunion de l’Assemblée constituante mardi.

Ces manifestations ont fait soixante-seize blessés d’après l’hôpital de la ville. La liste des noms des martyrs de la révolution avait été improvisée lors de la cérémonie suite à la demande d’un des élus, ce qui a lancé un assemblement spontané de 4000 personnes devant le siège de l’Union générale Tunisienne du Travail de Kasserine (UGTT). Les protestations ont commencé par être pacifique et ont vite déraillé en violence quand des manifestants ont tenté de forcer les portes de la prison et ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre qui ont du riposter par balles en l’air et bombes lacrymogènes.

La région de Kasserine a connu la mort de 23 personnes dans les révolutions, dont 7 seulement on été cités lors de l ‘hommage, pour les habitants de cette ville, cet « oubli » est inacceptable. Des militaires ont été déployés sur place.

Le ministère de l’intérieur a confirmé ces incidents et d’autres incidents similaires à Thala et Feriana, deux localités voisines, ainsi qu’à Gafsa, importante ville minière située à 350 km au sud-ouest de la capitale.

En effet, des manifestants ont brûlé des pneus à Feriana et d’autres ont incendié les équipements d’un district de la gendarmerie. L’armée à du tirer des balles en air pour arrêter les saccages. D’autres actes de vandalismes ont été signalés au siège des recettes des finances.

Depuis mercredi 30 novembre, des centaines de manifestants – enseignants protestant contre des incursions d’extrémistes à l’université, chômeurs de la région minière de Gafsa, femmes inquiètes pour leurs droits – ont investi la place du Bardo, qui fait face au palais de l’Assemblée. Mais samedi 3 décembre, ils ont été rejoints par des milliers de sympathisants islamistes. Certains agitent le drapeau noir du parti salafiste Hizb Tahrir, pourtant interdit dans le pays. La tension est palpable entre les deux camps, et, le 3 décembre, la police a été amenée à disperser les manifestants à coups de gaz lacrymogènes, après de violentes échauffourées.

Près d’un an après la révolution, la situation économique et sociale continue de se dégrader. Le gouverneur de la banque centrale, Mustapha Kamel Nabli, a indiqué samedi 3 décembre que la croissance serait nulle à la fin de l’année 2011 et qu’il prévoyait une hausse du taux de chômage à plus de 18%.

Un mois et demi après la tenue des élections et presque quinze jours après la tenue de la séance inaugurale de l’Assemblée nationale constituante, un constat s’impose : les élus de la Nation, plus particulièrement ceux des trois partis coalisés, semblent plus mus par le partage du gâteau et pour la distribution des « chaises » que par la situation désastreuse prévalant en Tunisie et des véritables préoccupations des Tunisiens.

Ce qui apparait curieux, étrange et révoltant, au peuple tunisien c’est que personne parmi ces « élus » n’ait abordé, durant tout ce temps de « chamailleries », des questions d’ordre économique ou social, pourtant revendications principales de la révolution du 14 janvier.

Des pneus brûlés jonchent le bitume de la rue Habib Bourguiba, avenue principale de M’dhilla. Dans cette petite ville du centre de la Tunisie, près du local de l’UGTT, le principal syndicat tunisien, des chaises, brûlées également, sont disposées sur les trottoirs. Les fenêtres du bâtiment ont été brisées, tout comme celles de la municipalité qui date de l’empire colonial.

"En plus de nos emplois, c’est notre patrimoine qui est parti en fumée", regrette Hossein, 30 ans d’ancienneté à la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG), détenue à 99 % par l’État tunisien et numéro cinq mondial du secteur. Dans la nuit du 23 au 24 novembre, M’dhilla mais aussi Moularès, située à une trentaine de kilomètres, ont été le théâtre de violences. Les manifestants contestaient les résultats, annoncés le 23 novembre, du concours de recrutement de la CPG.

Devenue l’agora de Tunis, la place du Bardo, face au palais qui abrite l’Assemblée constituante, concentre depuis plusieurs jours toutes les colères et revendications du pays.

Depuis mercredi, des centaines de "sit-inneurs", enseignants protestant contre des incursions d’extrémistes à l’université, chômeurs de la région minière de Gafsa, femmes inquiètes pour leurs droits, campent devant l’Assemblée. "Nous sommes ici parce qu’il y a dans le pays des urgences sociales que l’Assemblée doit voir, et régler", explique Ines Ben Othman, "porte-parole" improvisée des sit-inneurs.

Mais samedi, un autre camp s’est installé, des milliers de sympathisants islamistes étant venus à leur tour marquer leur territoire. "C’est nous la majorité !" proclament-ils, séparés des sit-inneurs par des barrières et des cordons policiers. Des femmes en niqab et des hommes agitant le drapeau noir du parti salafiste Hizb Tahrir, non légal, figurent parmi eux, preuve, selon les "modernistes", de "l’alliance objective" entre le parti islamiste Ennahda et les radicaux religieux.

"Ils n’ont pas respecté les critères de sélection (basés essentiellement sur des critères sociaux, NDLR). Certains ont été pris alors qu’ils avaient déjà un emploi", assure Néji Yacoubi, les dents noircies à cause de la pollution engendrée par le phosphate. Fragilité des os, perte des cheveux, cancer, les effets sur la population locale de l’extraction de cette ressource sont nombreux, pourtant, tout le monde veut travailler dans cette entreprise. Alors que le taux de chômage flirte avec les 40 % dans le gouvernorat de Gafsa, contre 18 % pour la moyenne nationale, l’emploi reste plus que jamais au coeur des préoccupations. Et la CPG, le principal employeur.

Des salaires alléchants (environ 500 dinars -250 euros- pour un chauffeur, alors que le salaire moyen est de 120 à 150 dinars), une retraite juteuse, des avantages sociaux et une sécurité sociale sont les nombreux avantages qu’elle offre. Cette année, elle a reçu plus de 16 000 candidatures pour 2 600 postes au sein de l’entreprise et 1 200 autres à pourvoir dans sa société de préservation de l’environnement. Mais les résultats annoncés le 23 novembre, peu avant la démission du gouvernement, n’étaient que partiels et manquaient de transparence. "Nous avions demandé au ministère de l’Emploi d’attendre et d’afficher les scores de chaque candidat. Mais certaines personnes au sein du gouvernement n’ont pas voulu", regrette Kaïs Daly, le P-DG du groupe, tout en refusant de nommer qui que ce soit. Devant le siège du Groupe chimique tunisien, à Tunis, des militaires sécurisent la zone. Une centaine de personnes, venues du gouvernorat de Gafsa, se sont réunies le 28 novembre, pour dénoncer ces résultats.

Les dents jaunies, un manteau visiblement trop grand pour lui, Hossein, ancien chauffeur de poids lourds, s’avance dans la cour de la compagnie de phosphate, à M’dhilla. À quelques mètres de là, une grue a été la proie des flammes. Derrière, c’est un camion. Plus loin, des carcasses de bus carbonisés trônent. La plaque de marbre qui indiquait l’entrée de la compagnie est en morceaux. Les murs blancs du laboratoire ont été noircis par la fumée. Même vision du côté du bâtiment administratif, construit en 1923, où le plafond d’une aile menace de s’effondrer. Les dégâts matériels s’élèvent à plus de 5 millions de dinars (2,5 millions d’euros), "mais ce n’est rien comparé au manque à gagner - 3 millions de dinars par jour - dû à l’arrêt de la production", souligne Kaïs Daly.

Depuis le 24 novembre, un couvre-feu a été instauré dans tout le gouvernorat. À M’dhilla, quatre blindés de l’armée et de la gendarmerie patrouillent toute la journée.

Cette situation n’est pas sans rappeler celle de 2008. À l’époque, Redeyef, une ville minière située à la frontière algérienne, s’était enflammée. Les manifestants dénonçaient alors la corruption et leurs mauvaises conditions de vie. Pendant plus de six mois, ils ont affronté les forces de l’ordre de Ben Ali. Une contestation violemment réprimée qui a fait deux morts. "Nous avons commencé la révolution à ce moment-là", rappelle Moktar Charfi, le directeur de la maison de la culture de M’dhilla.

Pour calmer les tensions, les résultats du concours sont suspendus. Les habitants souhaitent leur révision, mais surtout des investissements. À M’dhilla, il n’y a ni banque, ni station-service. "Ce sont nos richesses qu’ils exploitent. Ils gagnent beaucoup d’argent, mais le gouvernorat n’en bénéficie pas", déplore Belgacem Mabrouki, employé à l’université de Gafsa.

Difficile d’attirer des investisseurs dans ce bassin minier, dont l’accès se fait essentiellement via des routes défoncées. Il faut plus de cinq heures pour y arriver depuis Tunis. "Nous avons présenté un programme de 400 millions de dinars - 200 millions d’euros - au gouvernement pour développer et créer des emplois dans la région", soutient Kaïs Daly. "Beaucoup de promesses ont été faites, mais rien ne se passe", regrette de son côté le gouverneur, Moncef El Héni.

"Rien n’a changé depuis 2008. Les pratiques restent les mêmes. Et la corruption est toujours là", constate Rim Ammar, jeune avocate de Gafsa, alors que l’impatience sociale se fait sentir. Devant le siège du gouverneur, des chauffeurs de taxi ont planté une tente. Ils souhaitent recevoir des autorisations pour travailler. Au loin, une épaisse fumée noircit le ciel de Gafsa. Devant la gare, des hommes brûlent un pneu de poids lourd. Moatassim Karam, 50 ans, est au chômage. Comme la cinquantaine de personnes présentes sur place, il souhaite que le gouvernement s’occupe d’eux. "Le local de réparation des wagons a été transféré à Sfax. Huit cents personnes se sont retrouvées au chômage, alors que les installations sont toujours là. (...) Si rien n’est fait rapidement, on va brûler Gafsa", lance-t-il, reconnaissant que ce n’est peut-être pas la solution, "mais j’ai besoin de manger et de faire manger ma famille".

Certaines entreprises, comme la société de câblage Yazaki ou encore Benetton, se sont depuis installées à Gafsa grâce au pôle de compétitivité voulu par la CPG, mais cela n’est pas suffisant. "On ne cherche pas des salaires importants, on veut juste travailler. Toutes ces destructions et ces contestations ne sont pas une bonne chose, mais que faire ? On ne connaît pas la démocratie, analyse, tel un sage, Hossein, alors qu’il fume son narguilé. C’est la mission des intellectuels de nous l’enseigner."

Les événements qui secouent, une nouvelle fois, toute cette région du bassin minier de phosphate qui s’étend sur plusieurs localités. L’éclairage qui nous en est donné reste très superficiel mettant surtout le projecteur sur les destructions et incendies de matériels et bâtiments sur fond de revendications peu explicitées, résultant de la contestation des résultats du dernier concours organisé en vue du recrutement de nouveaux agents.

Cette population de 250.000 personnes qui, rappelons-le, a une très longue tradition de bras de fer avec cette nébuleuse qu’est devenue la CPG–GCT, et qui vit depuis bien trop longtemps dans une situation de précarité extrême.

Le chômage y est trois fois supérieur au taux moyen de 18%, soit près d’un jeune sur deux sans emploi, tandis que les conditions matérielles d’existence côtoient de leur coté les bas niveaux de vulnérabilité, -doux euphémisme- pour désigner la pauvreté, tels que les établissent l’INS et la Banque mondiale.

De fait, c’est une population qui n’accepte pas, -ayant elle aussi contribué à cette révolution-, que les choses restent inchangées.

Cette population exprime, à sa manière, et une nouvelle fois, une « saine » colère qui vient bousculer les modes d’organisation et de gestion bien trop vite qualifiés de modernes, d’efficients et responsables.

Concilier nous dit-on les impératifs de la production et de la gestion des ressources humaines. Encore une de ces perceptions largement partagée qui n’a plus du bon sens que le nom. Le technocratisme a la vie dure, notamment quand il soumet le traitement de revendications sociales aux seules méthodes d’une critériologie informatisée.
Eh oui ! Sous les apparences de rationalité, de neutralité et d’objectivité, une population « cible » (sic) est donc « traitée », à travers des critères de diplômes, d’employabilité, de localisation géographique, accessoirement de statut familial. Il en ressort une liste informatique de « promus », liste inique qui, de nouveau, suscite la défiance, réactive le ressentiment, et provoque cette nouvelle flambée de manifestations multiformes.

Pourquoi les dirigeants perpétuent-ils donc des méthodes qui ne répondent en rien aux exigences d’une population bien trop largement dépendante de cette seule mono-industrie ?
Il va sans dire qu’il ne peut être question ici de refaire l’histoire, très ancienne par ailleurs, de ce bassin ouvrier qui n’a cessé de lutter pour ses droits.

S’offusquer des déprédations commises est un raccourci « intellectuel » peu flatteur pour ceux qui le pratiquent à longueur de temps. Rappelons tout de même à toutes fins utiles que cette entité CPG-GCT a vu ses comptes s’améliorer notablement depuis 2007, à la suite de la multiplication par 3 du prix du phosphate brut comme de ses dérivés.

Aujourd’hui encore et selon toute vraisemblance, les prix devraient rester à leur niveau compte tenu de la demande mondiale, autour de 140$ la tonne, bien au dessus des années difficiles des 24-28$ des années 90 ou même celui des années 2004-2005 autour de 40$.

Peu est donc dit, pour ne pas dire masqué, sur l’embellie que connaît ce conglomérat public, 2e source de devises du pays, 1e utilisateur de la nappe phréatique dont le niveau est au seuil critique, 1e responsable de pathologies industrielles et environnementales graves.

Parler du traitement social du chômage est une vue de l’esprit qui satisfait bien des « états d’âmes » mais qui occulte la trop fameuse responsabilité sociale de l’entreprise. Depuis des années cette société, engluée dans une logique de stricte gestion des coûts de court terme, néglige la formation professionnelle qualifiante, tant quantitativement que d’un point de vue qualitatif. L’essentiel est consacré à « l’adaptation au poste de travail ou à la conduite d’engins », qui ne donne ainsi que peu de perspective à un collectif de travail toujours en retard d’une technologie.

En son temps le président déchu avait dit une chose fort sensée, par ailleurs inaperçue dans l’opinion publique du moment : « il faut fournir un emploi à chaque famille ». Mais il y avait loin des mots à la réalité !

Voilà bien un véritable objectif simple et lucide qui transcende toutes les gesticulations technocratiques sur des « ressources humaines » plus considérées comme des appendices de production, que comme collectif voulant vivre et travailler au pays.

Les média dénoncent ce « ludisme » (les toutes premières formes historiques de luttes ouvrières contre l’outil de travail) de cette population de jeunes en désespérance, de travailleurs exténués, de mères de famille sans ressources dont le mari est au chômage ou est mort dans ces mêmes mines….quand on sait les harcèlements, les brutalités les persécutions auxquels ont été soumis tous les porteurs de ces demandes syndicalistes aguerris et reconnus, comme les figures locales, tous détruits.

Oui les formes de contestation et de lutte sont ce qu’elles sont, souvent d’une violence aveugle. Mais la violence sociale vient d’en haut...

Les commentateurs se lamentent que le peuple travailleur n’a que des porte-paroles improvisés sans légitimité historique (et pour cause), sans liens avec les classes dirigeantes et, contrairement aux appareils syndicaux, sans capacité de dialogue trompeur et d’"intermédiation", donc sans capacité de tromperie concertée. Tant mieux ! Il n’a pas besoin des trompeurs professionnels et des bureaucrates syndicaux ou politiques chargés de le calmer ou de le tromper !

Oui, les relations sociales dans ce pays en sont là, en déliquescence avancée. Aucun des signes forts d’un dialogue authentique ne sont encore émis. D’un côté, une direction à Tunis qui travaille seule sur son ordinateur et qui croit avoir les réponses, et de l’autre une population qui répond « soit je travaille, soit personne ne travaille ». Une population sous-prolétarisée à grande vitesse dont le droit au travail, comme celui du travailleur, ont été bafoués, population qui a, pour ainsi dire, perdu elle-même la totalité de ses propres repères passés faits d’entraide et de solidarité active sur fonds de compromis difficilement acceptés. Voilà le moment où ces « gueux » retrouvent par la lutte la fierté ouvrière !

Et en Egypte ?

Le 11 février dernier, au soir de l’abdication d’Hosni Moubarak, certains, déjà, ne cachaient pas leur inquiétude. « Le problème de cette révolte, c’est qu’elle n’a pas de tête », s’inquiétait ainsi un diplomate européen. L’opposition égyptienne, face au vide politique laissé par le départ du Raïs, était de toute évidence disparate et divisée. D’un côté une jeunesse urbaine avide de modernité et de liberté. Ayant pour toute structure politique, les réseaux sociaux Facebook et Twitter, et forte seulement de quelques blogs enthousiastes. De l’autre, les Frères musulmans, opposants historiques au régime, se retrouvant, pour la première fois de leur histoire, au seuil du pouvoir.

Soucieux de convaincre les plus réticents (étrangers et égyptiens) du sérieux de leur conversion aux règles et aux valeurs démocratiques (comme leurs « frères » tunisiens, ils se réclament désormais du modèle Turc), les islamistes paraissaient s’inscrire, sans trop rechigner, dans le processus de transition « en bon ordre » souhaité par l’armée. Une fois de plus, en Egypte, un pacte de non-agression était conclu entre les « barbus » et les généraux.

Les sans-étiquettes de « la république de Tahrir », quant à eux, le rejetaient. Ils n’entendaient pas en rester là, notamment avec les militaires, déjà suspectés de vouloir conserver le pouvoir. Mais sans le soutien des Frères musulmans, les dernières tentes des protestataires disparurent en quelques jours de la place Tahrir.
L’armée n’a rien lâché

Une transition douce, voilà le scénario dont on rêvait – en croisant souvent les doigts il est vrai – à Paris, Londres et Washington. Pour les Etats-Unis comme pour les Européens, il est impératif que le plus grand pays du monde arabe demeure un allié fidèle, que l’Egypte reste dans leur sphère d’influence. La long chemin du pays des pharaons vers la démocratie ne doit pas remettre en cause les alliances et les grands équilibres de la région. Cela supposait que l’armée garantisse, d’une part, la paix sociale jusqu’à l’organisation d’élections libres. Et, d’autre part, convienne avec les forces en présence, d’un nouveau partage du pouvoir. C’est ce dernier point qui explique les événements de ces derniers jours. L’armée n’a rien lâché. Elle demeure toute puissante dans le pays, tant sur le plan économique que politique. Riche, elle est présente dans les secteurs de l’énergie, de la construction, de la distribution d’eau et de l’hôtellerie, au travers d’entreprises et de sociétés dont elle n’a pas l’intention de se défaire. Enfin, l’élection qui s’annonce (le 28 novembre) ne réforme pas la constitution existante. L’assemblée élue ne sera pas (comme en Tunisie) une constituante. l’Egypte, devrait donc conserver un régime présidentiel autoritaire. Personne ici n’oublie que, de Nasser à Moubarak, tous les présidents égyptiens étaient des militaires… Autant d’incertitudes qui expliquent, qu’à nouveau, et à l’approche du scrutin, les mêmes acteurs (jeunes éduqués et islamistes conservateurs) se retrouvent, côte-à-côte, dans la rue. l

Les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre auraient fait plus de 30 morts et quelque 1.700 blessés depuis samedi. Lundi, les policiers tiraient encore des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes sur les « révolutionnaires » qui, en retour, leur jetaient des pierres et des cocktails Molotov. Répartis en petits groupes, ces derniers tenaient toujours la place Tahrir, le lieu emblématique de la révolte populaire ayant entraîné la chute de Hosni Moubarak. Les accrochages les plus durs se déroulaient aux abords du ministère de l’Intérieur, cible privilégiée de la foule, et fortement protégé par des forces anti-émeutes. La télévision publique a retransmis ces scènes de guérilla urbaine en direct. Les slogans visaient en particulier le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA). Par ailleurs, selon les services de sécurité égyptiens, un policier aurait été tué et un autre blessé, lundi, dans le Sinaï égyptien, lors de heurts avec des membres d’un groupe islamiste radical soupçonné d’avoir attaqué un gazoduc. Le groupe est soupçonné d’avoir fomenté les attaques qui ont endommagé le gazoduc égyptien livrant du gaz à Israël et à la Jordanie. Le gazoduc a été attaqué sept fois depuis la chute d’Hosni Moubarak en février.

Ce n’est pas une seconde « révolution » qui a pris corps au Caire le 19 novembre dernier, c’est plutôt la première révolte égyptienne qui s’est ravivée – elle couvait toujours sous les cendres de la répression sanglante après la démission du 11 février puis le démantèlement des barricades des insurgés. Ce jour de novembre a lancé le deuxième round...

Ce n’est pas une seconde « révolution » qui a pris corps au Caire le 19 novembre dernier, c’est plutôt la première révolte égyptienne qui s’est ravivée – elle couvait toujours sous les cendres de la répression sanglante après la démission du 11 février puis le démantèlement des barricades des insurgés. Ce jour de novembre a lancé le deuxième round de la révolte égyptienne qui pourrait bien, cette fois, accoucher d’une révolution c’est-à-dire du renversement total de l’ancien régime militaire compradore corrompu. Mais, cette fois ci sera-t-elle la bonne ?

En février 2011, nous l’avions fortement souligné, les jeunes petits-bourgeois « Twitters - des réseaux sociaux », pseudo révoltés, formés en Serbie, nous a-t-on dit, avait réussi, non pas à soulever les masses, mais bien à récupérer et à endiguer vers un cul-de-sac électoraliste le mouvement spontané des jeunes désoeuvrés de la rue, rapidement appuyé par la population égyptienne mal logée, paupérisée, affamée, assoiffée d’eau, de justice et d’équité, mais surtout pas d’élection bidon réservée aux riches pour consolider leurs institutions d’oppression (1).

Au premier round, le mouvement né Place Tahrir avait été trahi parce qu’il était désorienté par l’idéologie petite bourgeoise réformiste – social-démocrate – des « indignés désolés » qui aurait préféré sauvegarder le système compradore de Moubarak, mais sans Moubarak, le fantoche. La junte militaire qui avait porté ce larbin au pouvoir, après l’avoir forcé prématurément à une retraite dorée dans sa datcha de Charm el Cheikh, promettait d’assurer et de réformer – dont la tenue d’élection – la drogue des petits bourgeois internautes – quelques réformettes d’un système que l’armée d’opérette avait elle-même érigé et qu’elle manœuvre toujours en sous main.

Demander à une armée fasciste d’assurer l’abolition du fascisme, ce n’était pas une bonne composition. Il survient ce que nous avions pressenti la rue arabe n’a rien obtenu et aujourd’hui elle se rappelle au bon souvenir des maréchaux en goguette (2).

Le 19 novembre dernier, les petits-bourgeois égyptiens (courroie de transmission de ces vauriens) sont donc retournés dans la mêlée, Place Tahrir, parmi les jeunes et le peuple égyptien écoeuré – enragé – révolté, afin, comme au premier round, de pervertir le mouvement de l’intérieur, de le trahir à partir du cœur, par des slogans électoralistes et réformistes – comme celui de chasser le maréchal Tantaoui du pouvoir – un autre maréchal pourra-t-il diriger la révolution contre le pouvoir des maréchaux ? Un Président civil et une Assemblée du peuple à la solde pourront-ils assurer l’emploi, la relance économique, la sortie de crise financière, le développement social, les soins de santé, les logements décents, la fin de la vie chère, la fin de la dictature du FMI et de la Banque Mondiale sur le budget de l’État pharaonique ? Évidemment non !

L’ex-premier ministre de Moubarak, le laquais Kamal el Ganzouri nommé Premier ministre par les militaires (une nomination qui résonne comme une provocation au regard de la « révolution ») pourra-t-il imaginer autre chose que la collusion avec l’impérialisme et la mondialisation (3) ? Non évidemment !

L’élection pseudo « démocratique » à l’Assemblée du peuple de la clique des « Frères musulmans », demeurée lâchement et opportunément en réserve de la trahison nationale ; leur campagne électorale, lourdement financée par les Émirats dictatoriaux du Golfe persique et par les intégristes Wahhabite – royalistes jamais élue – d’Arabie Saoudite – poussant l’outrecuidance jusqu’à donner des leçons de démocratie aux peuples arabes – pourra-t-elle accoucher d’autre chose que de la capitulation nauséabonde (4) ? Non assurément !

Depuis quelques mois, cinq peuples, ceux d’Égypte, de Grèce, d’Espagne, du Maroc et de Tunisie ont clairement affiché, par leur refus de voter, leur total mépris pour ces mascarades électorales et leur dégoût pour ces fadaises « démocratiques » par et pour les riches. Ce n’est pas le départ du maréchal Tantaoui que réclame les révoltés du Caire, pas plus qu’ils ne réclamaient stricto sensu la mise à la retraite anticipée de Moubarak, c’est la fin totale du système militaire compradore (40 % du PIB égyptien est entre les mains de l’armée) – qu’ils réclamaient et qu’ils réclament toujours.

C’est le système capitaliste compradore égyptien qui doit être totalement démantelé et culbutée cette lâche assemblée à la solde de l’armée. C’est la seule façon de répondre aux exigences des révoltés – et de venger les 42 martyrs assassinés par cette armée soi-disant neutre et au-dessus de la mêlée. Nous l’avions écrit, une armée n’est jamais neutre. Une armée est toujours le bras séculier d’une classe pour diriger. L’armée égyptienne ne faisait pas exception à la règle en février dernier, pas davantage qu’en novembre cette année (5).

Le 11 février 2011, quand quelques petits bourgeois pseudo dirigeants des manifestants de la Place Tahrir, porte-voix de la Secrétaire d’État américaine, madame Hillary Clinton, présentèrent le parachute doré de Moubarak (30 milliards de dollars environ) comme la victoire de « la plus grande révolution de tous les temps », la révolte égyptienne avortée venait d’accoucher d’une souris lobotomisée. Heureusement, la leçon du premier round aura porté fruit, et aujourd’hui, aurez-vous noté que la presse occidentale tarde à dénicher et à nous présenter quelques « héros », fils à papa des réseaux sociaux, qui viendraient nous seriner les chants « électoralistes » pseudo démocratiques de la mère Clinton que tous les petits bourgeois de la terre brûlent d’envie d’entonner.

Les révoltés crient, du Caire à Alexandrie, au prix de leur vie : « Écoutez nos voix plutôt que de les compter ». C’est bien dit, ils rejettent ainsi la mystification électoraliste. Nous leur disons, tenez bon, et surtout, écartez les mauvais augures du compromis, les pacifistes, les « indignés déprimés » et les fils à papa apeurés de vos délibérés. Ils vous restent toutefois quelques illusions. C’est compréhensible, l’expérience vous apprendra que vous ne devez pas quémander aux riches et aux dominants de vous écouter, c’est inutile. Vous, le peuple, êtes en contradiction antagoniste irréductible avec eux. Rien à attendre de la compassion de ces « dieux » mafieux. Vous devez renverser le système capitaliste compradore qu’ils ont érigé pour qu’une nouvelle humanité surgisse des cendres de ce que vous brûlez. C’est là une tâche révolutionnaire à votre mesure, peuple frère.

Luttes ouvrières en Egypte

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    Entretien avec Hossam el-Hamalawy

    Hossam el-Hamalawy
    Hossam el-Hamalawy est un important journaliste, photographe et militant socialiste égyptien établi au Caire. Il anime un blog très lu : 3arabawy [http://www.arabawy.org/]. Il est très impliqué dans l’organisation des Socialistes Révolutionnaires, le Centre pour les études socialistes. J’ai eu l’heureuse possibilité de discuter avec lui de ses vues sur l’état actuel de la révolution égyptienne à la suite de la dernière révolte, en novembre, sur la place Tahrir. Cette révolte fut sans doute la plus dure et la plus importante de la résistance populaire au pouvoir du régime militaire en place depuis que le soulèvement du 25 janvier renversa l’ancien président Hosni Moubarak il y a quelque dix mois....

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  • UN AN APRES....TEMOIGNAGE D’une amie reçu le 14 01 2012

    copie de sa lettre

    ...tu me questionnes à propos de la révolution, je vais répondre à tout encore une fois,je te dis d’abord que tout à changé après la révolution le 27 janvier 2010, mon fils est venu à ce monde alors il faut que j’aide mon mari ,le 15 mars je travaille avec lui, cuisinière au fast food, le patron est étrangé, il est russe, tout est beau tout va bien jusqu’au 20 novembre là on commence les grèves et les cartouches en toute la république aussi le patron nous dit prenez quelques jours de congé et revenez le1decembre pour la paye.. à ce jour on est revenu et voilà la surprise le patron s’enfuit car il a peur qu’elle sera la guerre. Pas de payement,pas de remboursement de maladie ,rien que les mûrs et après quelque jours comme ça commence le couvre feu et on peux même pasvoir au fenêtre ou sortir jour ou nuit biensur et peux pas trouver centre de travail et même qu’il n’y a pas ni pour moi ni pour mon mari et voilà Benali s’enfuit et la Tunisie meurt de faim et de maladie croyez moi que depuis le mois de janvier j’ai pas payé le loyer et l’électricité est coupé j’ai vendu beaucoup de choses de la maison pour qu’on peut manger, il faut que je paye 2750 dinar pour le proprio c’est un grand problème si tu me vois maintenant tu ne me connais plus j’ai 50 Kilogrammes on a fait beaucoup de grève devant le gouvernement et toujours la même réponse on peux rien faire un peu de patience s’il vous lait j’ai envoyé beaucoup de demande à l’union du national du travail et aussi pas de réponse je croix qu’il faut que je me brûle pour qu’il me réponde......

    à certain moment je crois que je suis en cauchemar mais maintenant je me lève à ta lettre ça a changé le rythme de tristesse à la prochaine.

    • Texte de l’affiche apposée avant l’élection de la Commune de Paris :

      « Citoyens,

      Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à mot spirituel. Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. Citoyens, Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.

      Le Comité Central de la Garde Nationale »

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