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Un rapport de l’OIT met en garde contre l’agitation sociale et une baisse marquée de l’emploi

dimanche 5 février 2012, par Robert Paris

Un rapport de l’OIT met en garde contre l’agitation sociale et une baisse marquée de l’emploi

Par Joseph Kishore

10 novembre 2011

L’Organisation internationale du travail (OIT), une agence des Nations unies, a publié un rapport lundi soulignant la situation désastreuse des emplois dans le monde et le « cercle vicieux » qui entraîne l’économie mondiale dans une nouvelle récession.

« Les prochains mois seront cruciaux pour empêcher une baisse dramatique de l’emploi et une autre intensification importante des troubles sociaux », a souligné l’éditorial d’introduction au World of Work report, publié avant la tenue d’une réunion du G20.

En plus de documenter la situation de l’emploi qui affecte tant les pays avancés que ceux « en développement », le rapport trace un portrait accablant du capitalisme mondial moderne : la croissance de la financiarisation, la réduction des taxes sur les riches et les sociétés et l’effondrement de la part du revenu allant à la classe ouvrière.
Trois ans après le krach de 2008, « la croissance économique dans les grandes économies avancées est au point mort et certains pays sont de nouveau en récession, surtout en Europe », note l’OIT. « La croissance diminue aussi dans d’importants pays émergents et en développement. »

La grande majorité des pays dits économiquement avancés – surtout les États-Unis et l’Europe – a subi une baisse dans la croissance de l’embauche au dernier trimestre et plus de la moitié de ces pays a vu son nombre d’emplois diminuer. De plus, environ la moitié des pays dits « émergents ou en développement », dont la Russie et le Mexique, a aussi vu son nombre d’emplois diminuer.

Il y a aujourd’hui 13 millions d’emplois de moins dans les pays avancés qu’en 2007. Plus de la moitié de ces pertes sont survenues aux États-Unis (6,7 millions d’emplois de perdus) et en Espagne (2,3 millions d’emplois de perdus). En tenant compte de la croissance de la main-d’oeuvre, il faudrait créer 27 millions d’emplois dans les pays avancés, et 80 millions mondialement, au cours des deux prochaines années pour réduire les taux de chômage à ce qu’ils étaient avant la crise.

La situation de l’emploi est particulièrement sombre pour la jeunesse, et cela est vrai presque partout dans le monde. « Parmi les pays dont les statistiques récentes sont disponibles, plus d’un jeune sur cinq [de 15 à 24 ans], soit 20 pour cent, était sans emploi au premier trimestre de 2011, par rapport à un taux de chômage global de 9,6 pour cent. »
Selon les prévisions de l’OIT, qui sont basées sur la supposition qu’il n’y aura pas une autre baisse marquée dans la croissance économique mondiale, on anticipe que le taux de chômage global des pays avancés ne va revenir à son état d’avant la crise que bien après 2016.

Les possibilités d’une reprise dans l’emploi et la croissance économique sont minées par plusieurs facteurs, dont une nouvelle crise financière en Europe et un tournant vers l’austérité par les gouvernements à travers le monde. La baisse marquée des salaires pour les travailleurs, notamment dans les pays avancés, entraîne une chute dans la consommation.

« Bref, écrit l’OIT, il se développe un cercle vicieux où une économie affaiblie affecte les emplois et la société, ce qui entraîne une réduction des investissements réels et de la consommation, donc un ralentissement de l’économie, et ainsi de suite. »

Toute perspective d’un retour à la croissance est aussi minée par la montée de conflits nationaux de plus en plus acerbes entre les puissances capitalistes. « Tandis qu’en 2008-09 on tentait de coordonner certaines politiques, surtout parmi les pays du G20, il semble aujourd’hui que les pays agissent chacun de leur côté », affirme le rapport.

L’OIT espère que les gouvernements instaureront des programmes de création d’emploi afin de résoudre la crise. Toutefois, l’impossibilité que cela se produise est soulignée par le fait que le rapport cite les États-Unis comme le seul pays avancé à mettre de l’avant un « plan national pour l’emploi ». En fait, la proposition de l’administration Obama, même si elle était concrétisée dans sa totalité, ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan. Depuis son annonce en septembre, elle a déjà été revue à la baisse de façon significative. Peu importe la proposition adoptée, elle consistera largement en une réduction d’impôts pour les sociétés.

La crise économique produit, comme il fallait s’y attendre, une forte augmentation de la grogne populaire. L’année 2011 a déjà été marquée par une intensification significative de la lutte de classe, en commençant par les soulèvements révolutionnaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Depuis, ils se sont étendus en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis, y compris le mouvement « Occupons Wall Street », qui a débuté en septembre.

Selon une échelle « d’agitation sociale », basée sur différents indicateurs, y compris le chômage, l’OIT calcule que pour 40 pour cent des pays sondés, il y a une hausse significative de risque d’agitation. La probabilité d’agitation sociale a augmenté de façon drastique particulièrement dans les pays avancés. De plus, mondialement, la majorité des pays ont rapporté un effondrement de la confiance publique envers les gouvernements nationaux.

Le mécontentement envers la disponibilité d’emplois de qualité est à plus de 80 pour cent en Afrique subsaharienne et à plus de 70 pour cent en Europe de l’Est et en Europe centrale. Il est à plus de 60 pour cent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, bien que significativement plus élevé dans certains pays, y compris l’Égypte.
La colère envers la situation de l’emploi est au-delà de 70 pour cent en Grèce, en Italie, au Portugal et en Espagne, soit les pays actuellement au centre de la campagne européenne pour couper dans les programmes sociaux et éliminer tous les gains antérieurs de la classe ouvrière.

La financiarisation de l’économie mondiale

Les conditions sociales mondiales se sont nettement détériorées depuis le krach de 2008, précipité par l’effondrement massif de la bulle spéculative qui a gonflé au cours de la décennie précédente. Alors que la chute des marchés financiers mondiaux a mené à un déclin immédiat de la richesse de l’aristocratie financière, les actions des gouvernements, les États-Unis en tête, ont servi à renverser rapidement cette tendance.

En plus de documenter les conditions de travail mondiales, le rapport de l’OIT inclue quelques données importantes par rapport à la financiarisation de l’économie mondiale, et le processus parallèle de transfert de la richesse, avant et après le krach de 2008.
Il note, avec désapprobation, qu’au lendemain du krach, « les pays se sont progressivement concentrés à apaiser les marchés financiers » plutôt que de rétablir l’emploi, et que cela « s’est souvent centré sur l’austérité fiscale et l’aide aux banques, sans nécessairement réformer les pratiques bancaires qui ont mené à la crise, ou élaborer un plan de reprise pour l’économie réelle ».

En 2008, la part de capitaux parmi les sociétés financières a chuté mondialement de plus de 25 pour cent, après une décennie de croissance continue. Seulement un an plus tard, toutefois, les parts sont retournées aux niveaux d’avant la crise, un produit direct des différents plans de sauvetage des banques.

« D’un autre côté, note l’OIT, le déclin dans le secteur non financier a été plus graduel, mais la part de capital pour ce groupe – qui compte pour 87 pour cent des emplois dans les pays avancés – continuent de diminuer.

Cela produit ce que le rapport appelle un « paradoxe » : « L’impact de la crise économique mondiale de 2007-2008 sur le secteur financier fut initialement de courte durée – même s’il était à la base de la récession. »

La croissance des profits des entreprises depuis le krach a largement profité aux entreprises financières. De plus, les sociétés non financières, au lieu d’investir, ont misé sur les marchés boursiers. « En 2009, plus de 36 pour cent des profits ont été distribués sous forme de dividendes, par rapport à moins de 35 pour cent en 2007 et moins de 29 pour cent en 2000… »

Ce processus de financiarisation fait partie d’une tendance à long terme, dans laquelle l’accumulation de richesse par la spéculation a remplacé l’investissement productif. Loin de renverser cette tendance, la crise économique l’a plutôt exacerbée.

Au même moment, une partie de plus en plus petite des revenus va à la classe ouvrière. Selon l’OIT, « le partage des salaires – la part du revenu intérieur qui va aux travailleurs – a diminué dans près des trois quarts des 69 pays pour lesquels cette donnée est disponible ».

C’est aussi une tendance à long terme.

En plus des injections directes d’argent dans les banques, le transfert de richesse vers l’aristocratie financière et patronale a été facilité par des politiques fiscales qui placent une partie encore plus grande du fardeau fiscal sur la classe ouvrière.

Entre 2000 et 2008, 43 pour cent des pays ont diminué leur taux d’imposition pour les revenus les plus élevés, alors que 70 pour cent des pays ont diminué leur taux d’imposition sur les profits des sociétés. Pendant la même période, 30 pour cent des pays ont augmenté leurs taxes sur la valeur ajoutée et leurs taxes à la consommation et c’est la classe ouvrière qui a été ciblée de manière disproportionnée.

Globalement, le taux d’imposition pour les revenus les plus élevés est passé de 31,4 pour cent à 29,1 pour cent en 2009. Les taxes sur les sociétés sont passées de 29,5 pour cent à 25 pour cent pour la même période.

Encore une fois, cette tendance n’a fait que continuer depuis la crise de 2008. La proportion des revenus du gouvernement qui proviennent des taxes régressives à la consommation a augmenté, tandis que les taxes sur les revenus et les entreprises ont diminué.

D’un autre côté, les politiques recommandées par l’ OIT sont complètement insuffisantes tout en étant impossibles à réaliser dans le cadre du capitalisme. En plus d’un programme de création d’emplois, l’OIT espère que les gouvernements vont coopérer pour augmenter la part du revenu qui revient aux travailleurs, tout en plaçant plus de contraintes sur le système financier.

En fait, le rapport démontre plutôt que toute tentative de résoudre la crise dans les intérêts de la classe ouvrière entre directement en conflit avec le système capitaliste et l’aristocratie financière qui le contrôle.

(Article original de WSWS paru le 1er novembre 2011)

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