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Coup d’état militaire au Mali ? Quelles perspectives pour les travailleurs, la jeunesse et les masses populaires ?

samedi 24 mars 2012, par Robert Paris

Un coup d’état militaire vient d’avoir lieu au Mali. Bien entendu, nous ne sommes nullement partisans des pouvoirs militaires quels qu’ils soient, même s’ils se disent radicaux et populaires. Cependant, nous regardons la figure de ceux qui nous disent vouloir "défendre la démocratie" contre la nouvelle junte militaire et nous trouvons tous les dictateurs du monde capitaliste qui jette le Mali dans la misère et tous les dictateurs d’Afrique aussi. Ensuite, nous y trouvons tous les politiciens bourgeois du Mali qui ont cautionné le régime précédent, bien loin d’être démocratique sur aucun plan... Ensuite, nous estimons que le peuple malien n’a rien perdu en perdant la dictature d’ATT. Qu’y a-t-il de démocratique dans un chef d’état-major des armées qui se fait appeler excellence et gouverne en même temps le pays en détournant les profits de l’or, des diamants, de l’uranium et ceux futurs du pétrole ? Comment se fait-il qu’il ait affirmé qu’il allait négocier pour que le sort de la population touarègue s’améliore et qu’il n’ait rien fait, laissant celle-ci aux mains de la démagogie des chefs de bandes armées ? ATT est tout aussi "démocratiquement élu" que les autres dictateurs africains et c’est dire...

On nous parle de défendre l’"ordre constitutionnel" contre la junte, mais cet ordre n’était-il pas celui dans lequel il n’existe pas de travail, pas d’études, pas d’avenir pour la jeunesse et le peuple travailleur ? Par contre, le Mali d’ATT est cité en exemple par tous les grands organismes de la bourgeoisie mondiale comme la Banque mondiale et l’ONU, par les bourgeoisies française et américaine. Cherchez l’erreur....

Bien sûr, tout cela ne signifie pas qu’un coup d’état militaire évite au peuple travailleur de mener sa propre lutte, mais il pourrait en profiter pour la mener. Il est certain que s’il reste craintif et inactif, rien ne changera... Mais rien ne dit que le peuple travailleur reste passif. C’est à lui d’en décider.

Coup d’état militaire au Mali ? Quelles perspectives pour les travailleurs, la jeunesse et les masses populaires ?

Le président malien Toumani Touré a été démis par une révolte de soldats.

Au départ de la révolte des soldats, il y a eu de deux chocs majeurs : le massacre de 70 militaires maliens le 24 janvier à Aguelhok, une localité du Nord, et la chute de Tessalit aux mains des rebelles touaregs, le 12 mars. En fait, le malaise est bien plus profond, même s’il est révélé par la rébellion touarègue. C’est tout le système social et politique qui est mis en cause.

En recevant massivement des armes depuis la Libye, où les armes circulent et sont en vente en tous sens, notamment en direction de tous les pays voisins, la rébellion touarègue a menacé le nord du Mali, retirant toute crédibilité au pouvoir d’ATT (le président Toumani Touré, lui-même chef militaire). On se souvient que la chute de Moussa Traore avait également un lien avec la reprise des affrontements contre les touaregs.

La déstabilisation de la Libye a déjà eu une première conséquence : celle du pouvoir malien.

La révolte des soldats, spontanée, issue des soldats de base et sans commandement au départ, s’est portée en premier contre la hiérarchie militaire et contre tous les profiteurs du régime. Elle met en cause la manière dont le pouvoir n’a pas fourni à l’armée les moyens de défendre le nord du pays contre la rébellion touareg. Mais elle met en cause également les profiteurs qui détournent toutes les richesses du pays. Elle accuse les classes dirigeantes de corruption et de mise en coupe réglée des moyens d’Etat et des biens produits par la population.

Le plus remarquable, c’est la réaction violente de tous les Etats et les classes dirigeantes du monde qui profitent actuellement du détournement des richesses au Mali, à commencer par le gouvernement français, mais aussi le gouvernement chinois. Les États-Unis ont fermement condamné jeudi le coup d’État militaire au Mali et exigé le "retour immédiat de l’ordre constitutionnel". Toutes les institutions de l’impérialisme ont été unanimes pour dénoncer le renversement militaire d’ATT, elles qui ne faisaient que féliciter le pouvoir d’ATT : Banque mondiale, ONU, et autres USA ou France interrompent leur aide financière qui les aidait surtout, elles, à piller l’or, les diamants et autre richesses agricoles. Cela ne fait que confirmer que le pouvoir malien était bel et bien vendu aux classes dirigeantes des pays riches.

Il ne s’agit pas d’un mouvement militaire préparé, dirigé ou manipulé par un pays, par certains dirigeants militaires, par d’autres corrompus visant le pouvoir.

Il s’agit bel et bien d’une révolte de soldats qui fait partie de la révolte de toute la population contre la corruption. On a parfois assisté à ce genre de révolte de soldats en Afrique, révolte qui se déroule en même temps qu’un discrédit du pouvoir dans la population, notamment en Côte d’Ivoire, en Guinée au Burkina-Faso. Cela n’est pas identique à une révolte menée par un groupe d’officiers. Même les quelques petits gradés, un lieutenant, un adjudant-chef et un capitaine, qui semblent diriger la junte militaire ne se sont ralliés qu’au dernier moment et ne sont pas complètement obéis par les troupes. Le discrédit du pouvoir auprès des soldats semble général, hormis quelques troupes de fidèles du régime. Ce discrédit est général aussi dans la population.

La bonne foi des petits soldats ne signifie pas qu’il leur soit facile de trouver une issue positive pour la population. Une telle issue ne peut nullement être un pouvoir militaire. Quelle que soit la bonne foi des soldats, un pouvoir militaire ne peut qu’être une dictature qui finit par se retourner contre les classes populaires, même si elle ne le souhaitait pas.

Pour les petits soldats qui souhaiteraient vraiment changer les bases de la société au Mali, il est nécessaire d’ouvrir les droits politiques à tous les membres de ces milieux populaires en leur permettant d’organiser la société civile en dehors de l’influence des classes dirigeantes, c’est-à-dire en comités de travailleurs et d’habitants des quartiers populaires. C’est le seul moyen de donner une vraie base sociale à une transformation de fond de la société, en unissant petits soldats et milieux populaires, en donnant aussi aux soldats des liens avec les comités de travailleurs et des quartiers populaires, en permettant au peuple de s’organiser militairement avec des armes.

Ce n’est pas une élection dans le cadre de la bourgeoisie, du type de celle qui a donné le pouvoir à ATT, qui peut libérer le peuple malien. ATT est tombé parce que les élections qu’il comptait organiser et dans lesquelles il avait annoncé vouloir se retirer, se préparaient avec un avenir préprogrammé aux mains des anciens du régime ATT. L’alternance mise en place par ATT ressemblait aussi peu à la démocratie que le désert ressemble à une oasis ! Après la révolution qui a fait chuter Moussa Traoré, ATT n’a eu de cesse que d’empêcher d’avoir une crédibilité quelconque quiconque voulait contester le pouvoir. C’est cela aussi que contestent les petits soldats.

Même si ces soldats ont actuellement les feux de la scène de l’actualité, il est évident que l’avenir pour les travailleurs ne peut venir des seuls militaires.

Tout dépendra d’abord et avant tout du peuple travailleur. Profitera-t-il de la crise pour développer ses revendications et aspirations. Ce sont les comités de salariés et de membres des quartiers populaires qui doivent se faire entendre et s’imposer. C’est de là que viendront les perspectives d’avenir pour le peuple et de nulle part ailleurs.
Le peuple malien ne peut et ne doit pas avoir d’illusions dans les conséquences qu’un pouvoir militaire même si le pouvoir « civil » précédent n’a apporté que des déceptions. La corruption et la soumission d’un pouvoir militaire aux grandes puissances et aux profiteurs peut être aussi grand pour un pouvoir militaire que pour un pouvoir dit civil.
Le Mali a connu des coups d’états militaires puisque Moussa Traore et ATT sont tous deux venus au pouvoir ainsi sur la base d’un discrédit du pouvoir précédent aux yeux du peuple.

La démocratie dont le peuple a besoin n’est pas celle des parlements et des gouvernements bourgeois qu’elle a déjà connu et qui ne sont que des formes d’organisation au service des classes dirigeantes mondiales capitalistes. Pour changer vraiment, le peuple travailleur a besoin de ses propres formes d’organisation, de ses comités de soldats mais aussi de ses comités de travailleurs des villes et des campagnes, de ses comités de femmes, de ses comités de jeunes. Ce sont les masses populaires elles mêmes qui peuvent dire quel avenir elles souhaitent.

Si les petits soldats ne souhaitent pas mettre en place une nouvelle dictature, s’ils ne veulent pas que le pays connaisse de nouveaux bains de sang, il faut qu’ils ne s’opposent pas à l’organisation des masses populaires par elles-mêmes. C’est la seule manière d’avoir la force d’en finir avec les profiteurs et les corrupteurs, de l’impérialisme comme de la bourgeoisie nationale.

La seule issue de la crise du Mali, c’est le pouvoir révolutionnaire des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes et des petits soldats.

Seul un tel pouvoir peut trouver la voie pour s’unir au peuple touareg sans guerre et sans oppression nationale et sociale.

La révolte des soldats peut donner le pire comme le meilleur. Si le peuple se contente d’attendre d’eux des miracles, ce ne sera que le pire. Si les soldats veulent s’unir au peuple travailleur, il ne suffit pas de promettre futurement une élection mettant en place à nouveau un cadre bourgeois. Il faut qu’ils acceptent le contrôle d’organisations autonomes des masses populaires sur leurs armes et leur utilisation. Qui a les armes et l’organisation a le pouvoir !

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Messages

  • Hollande, en bon soutien des dictatures en place et des des intérêts de l"impérialisme français en Afrique, a déclaré :
    "Nous condamnons sans réserve l’usage de la violence par des mutins à Bamako. Alors qu’une élection présidentielle est prévue au Mali le mois prochain, aucune justification ne saurait être apportée à une tentative armée de déstabilisation d’un pouvoir démocratiquement élu. Les échanges de tirs et la situation dans la capitale nous inquiètent profondément. Dans ce contexte, nous appelons au calme et au respect des institutions et témoignons de notre solidarité aux ressortissants français résidant au Mali dont la sécurité doit être garantie.

    Au moment où la démocratie progresse en Afrique on ne peut que déplorer et condamner cette tentative de retour en arrière. Il appartient à la France et à l’ensemble de la communauté internationale de condamner avec vigueur cette tentative de coup de force.

    Nous appelons au respect du cadre institutionnel et du calendrier électoral prévu. Nous appelons également les institutions régionales, comme l’Union africaine, à se saisir sans délai de cette situation et à étudier les conditions d’un soutien au gouvernement malien légitime."

  • Les soldats de l’ex-junte malienne, qui ont subi dans la nuit des attaques de la garde présidentielle (Bérets rouges) favorables à l’ancien président ATT, ont contre-attaqué mardi matin en livrant l’assaut contre le camp de Djicoroni-Para, au centre de Bamako.

    Suite à l’attaque - repoussée - des Bérets rouges (Garde présidentielle) lundi soir contre l’ex-junte à Bamako, c’est au tour de cette dernière de contre-attaquer. Après avoir reçu des renforts de Segou et de Koulikoro notamment, les Bérets verts ont pris d’assaut le camp de parachutistes de Djicoroni-Para, où les soldats « loyalistes » - ils sont contre le coup d’État qui a renversé le 22 mars l’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT, exilé à Dakar) – ne sont apparemment pas nombreux.

    Des tirs intenses ont commencé vers 10 heures locales, après que l’ex-junte malienne a dit contrôler la situation, notamment à l’aéroport de Bamako et au siège de la télévision nationale (ORTM), où de violents combats ont eu lieu dans la nuit.

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