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Darwinisme et marxisme

vendredi 4 mai 2012, par Robert Paris

Darwinisme et marxisme d’Anton Pannekoek et Patrick Tort

Darwinisme et marxisme d’Anton Pannekoek et Patrick Tort est la reprise d’une brochure de Pannekoek de 1909 annotée et commentée par Tort en 2009 et publiée dans le cadre des travaux de l’institut du darwinisme, le Charles Darwin International.

Le premier mérite de ce travail est de rappeler que le parallèle entre les deux thèses fondamentales de Darwin et de Marx n’a rien d’artificiel, sur aucun plan et est au contraire importante pour la compréhension des deux. Pannekoek comme Tort défendent l’idée qu’aucune frontière infranchissable ne sépare les deux points de vue, indispensables même l’un à l’autre, même si les deux n’en avaient pas forcément pas entièrement conscience. Darwin a adressé son œuvre à Marx et Marx a montré son admiration et son approbation aux thèses de Darwin. Mais Pannekoek et Tort soulignent que la proximité des deux est plus grande encore en montrant que l’influence bourgeoise et réactionnaire de la thèse de Malthus sur Darwin ne porte pas sur le fond : ni sur la thèse anthropologique, ni sur la méthode, ni sur la conception idéologique et philosophique.

Mais Pannekoek et Tort ont même réussi à trouver que Marx et Engels n’avaient pas forcément vu à quel point le travail de Darwin apportait de l’eau au moulin de l’idée de la dialectique. En effet, s’opposant à tous ceux qui voient dans l’humain un domaine séparé du reste de la nature puisque la transformation complète de l’environnement par l’homme, par l’outil, est une spécificité humaine, les auteurs montrent que le caractère anti-sélectif de l’action humaine (elle permet de sauver des êtres vivants que la sélection aurait éliminés) est un produit de la sélection darwinienne elle-même. La sélection a donc sélectionné des caractères anti-sélectifs. Voilà effectivement une idée tout à fait dialectique qui mérite même d’être généralisée. En effet, tout le vivant obéit à cette règle que cette brochure souligne. Les espèces qui ont le plus évolué se sont adaptées de manière stricte à un environnement mais elles sont alors anti-sélectives, ayant du mal à supporter un changement un peu brutal de cet environnement et étant appelées, au contraire, à disparaître dans un tel cas. Cela signifie effectivement que le vivant peut sélectionner des caractères qui sont anti-sélectifs et que le cas de la civilisation humaine n’est pas un cas à part. en tout cas, cette brochure a le mérite de rappeler que, si on ne peut pas appliquer la lutte des classes à tout le vivant ni la lutte pour la vie à la civilisation, il n’y a pas deux domaines séparés : d’un côté l’homme et de l’autre le reste de la nature, et il n’y a pas d’un côté le darwinisme, science de la nature, et de l’autre le marxisme, science de la société humaine.

En effet, l’opposition entre le caractère anti-sélectif de la civilisation humaine et la sélection naturelle des espèces vivantes n’est nullement une exception ni une opposition diamétrale. C’est tout simplement l’une des multiples contradictions dialectiques du vivant et un phénomène classique de la sélection darwinienne.

Le fait que la sélection favorise des caractères anti-sélectifs n’a rien de particulier au vivant. C’est même à cause de cela que certains auteurs ont confondu sélection et adaptation, les espèces ayant beaucoup évolué restant stationnaires de longues périodes, en fait tant que l’environnement reste lui-même stable. La sélection pousse aveuglément mais dans un sens permettant d’éviter de tomber sous le couperet de la sélection. Elle favorise donc l’anti-sélection et est bel et bien un exemple des lois dialectiques du vivant dont elle n’est qu’un cas particulier. La frontière entre humain et non-humain n’est pas différente des autres frontières entre genres, entre espèces, entre animaux possédant telle ou telle caractéristique (carapace, vertèbres, œuf, système mammifère,…) ou ne les possédant pas. Toutes sont dues au même phénomène : la sélection a favorisé une transformation brutale discontinue irréversible qui, dans l’environnement du moment, protégeait du couperet de la sélection. Cette contradiction dialectique ne concerne pas seulement l’évolution graduée, ponctuée et gouldienne (des stases longues suivies de courtes éruptions de nouveauté) des espèces : elle caractérise tout le vivant et tous ses mécanismes.

Rappelons ainsi que la biologie du vivant est marquée par des blocages et inhibitions qui sont des activateurs, des morts qui commandent la vie et des vies qui prévoient la mort, une instabilité qui produit la stabilité structurelle, un désordre qui produit un ordre émergent, un hasard des interactions moléculaires indispensable au déterminisme biologique, etc, toutes propriétés qui sont des exemples de la dialectique du vivant.

Nous nous écartons là un peu du point de vue des auteurs qui défendent davantage une ancienne version du déterminisme, du matérialisme, de la science et… du marxisme dans laquelle le hasard s’opposerait diamétralement au déterminisme et l’ordre au désordre.

Si Pannekoek et Tort reconnaissent que l’ordre social peut obéir à des lois tout en sautant d’un ordre à un autre par la révolution sociale, il ne semble pas qu’ils aient franchi le même cap dans leur compréhension des mécanismes du vivant et pourtant leur démarche devrait y mener puisqu’ils n’opposent pas diamétralement nature et conscience, homme et univers. L’homme lui-même n’est d’ailleurs pas un produit en une fois mais par une série de sauts, par exemple entre erectus, habilis et sapiens. Il n’y a pas un seul homme produit de la sélection naturelle mais plusieurs et qui ont cohabité pendant de longues durées dans le même environnement. Cela montre également que l’évolution n’est pas un simple produit unique de la sélection naturelle. Il y a plusieurs potentialités dans le matériel génétique et non une seule et toutes ces potentialités obéissent à la loi imposée par ce même matériel génétique.

Le déterminisme ne suppose pas une seule évolution possible. Nous le savons bien dans le domaine de l’histoire humaine car, sinon, nous ne militerions pas pour transformer le monde et nous attendrions bien sagement que le monde saute vers un ordre nouveau.

Il en va de même dans la vie et dans la matière dite inerte. Les sauts se produisent en obéissant à des lois mais sans que la suite de l’histoire soit prédéterminée car il y a plusieurs ordres possibles. Les mathématiciens relèvent que les équations de la dynamique matérielle (on n’a pas d’équations générales de la dynamique du vivant) ont des solutions discrètes sans continuité entre elles mais qui sont très nombreuses. Chacune de ces solutions des équations obéit au déterminisme mais on ne peut savoir d’avance laquelle sera choisie par la dynamique historique. Cela dépend de l’agitation de l’environnement. C’est cela qu’on appelle le hasard. Ce n’est pas un mécanisme opposé au déterminisme mais le fond sur la base de laquelle s’exerce le déterminisme.

On a longtemps voulu partir d’un monde de base ordonné pour arriver à un monde structuré ordonné. Cela signifiait un temps et un espace continu, s’écoulant de manière régulière, sans dépense d’énergie, sans perte et sans gain, un espace équivalent au rien, à un fond passif dans lequel la matière se déplacerait ou se transformerait sans véritablement interagir avec cet espace ou avec ce temps. Cette ancienne vision est complètement abandonnée par la science même si bien des scientifiques n’en n’ont pas conscience.

Le monde des possibles, le monde du virtuel est devenu le monde de base à la place d’un monde dit matériel figé. La discontinuité a remplacé la continuité qui semblait souvent, à l’époque de Darwin, synonyme de science et qui, le plus souvent, semble aux auteurs indispensable à la logique. C’est certainement la physique quantique qui a le plus fait pour démolir cette ancienne vision, la relativité y ayant elle aussi contribué, mais aussi les progrès du darwinisme parmi lesquels nous devons citer en premier les conceptions développées par Stephen Jay Gould.

Dans ce sens, le dernier ouvrage, publié de manière posthume et intitulé « Structure de la théorie de l’évolution », de cet auteur est certainement le meilleur prolongement des intéressantes réflexions de Pannekoek et Tort.

Gould a non seulement renoué le fil de la théorie de l’évolution et de la dialectique marxiste, mais il a également développé une conception discontinuiste de l’évolution, comme Marx pour l’évolution des sociétés humaines. Sa thèse dite des « équilibres ponctués » donne non seulement une image nouvelle du changement qui peut être considérée comme la révolution des espèces en ce qui concerne la spéciation, mais en plus il montre que l’évolution ne se produit pas seulement au niveau hiérarchique des individus vivants mais à tous les niveaux, de la molécule au groupe d’espèces en passant par la cellule, l’organe et l’individu ou le groupement d’individus. La sélection ayant un caractère interactif aux différents niveaux d’organisation et celle-ci étant émergente, il en ressort une vision toute nouvelle du darwinisme qui ne rompt nullement avec la conception de son auteur mais la développe dans un sens qui aurait sans doute enchanté Pannekoek… Nous avouons ignorer ce qu’en pense Tort.

Pour reprendre le fil des pensées de ces auteurs, rappelons qu’ils soulignent une erreur de Marx et Engels qui ont sursouligné l’influence de Malthus sur Darwin. On se souvient que Darwin lui-même avait dit avoir trouvé dans la lecture de ce sociologue de la bourgeoisie, qui fondait la société sur une lutte pour la vie qui favorisait les plus aptes et poussait à la mort les plus faibles, lui avait donné l’idée du rôle destructeur de la sélection naturelle éliminant des individus et des groupements.

Si Pannekoek rappelle que le darwinisme s’est battu dans le cadre d’une montée sociale, politique, historique de la bourgeoisie, Tort a raison de faire remarquer que Darwin n’était pas aussi bien accueilli par la bourgeoisie qu’on pourrait le penser, vu de loin, en affirmant que sa conception du progrès allait bien à la bourgeoisie progressiste. En effet, il fait remarquer que cette classes exploiteuse avait vite fait de devenir plus réactionnaire que ses débuts révolutionnaires.

Il a également raison de dire que Darwin avait parfaitement conscience du rôle idéologiquement révolutionnaire de sa thèse, notamment par rapport à l’idéologie religieuse, ce que nous faisions à notre manière remarquer dans un texte (voir ici). Nous rajouterons que Darwin connaissait le caractère révolutionnaire de Marx.

Nous avons même montré dans le texte précédemment cité que Darwin avait voulu développer une thèse qui soit mortelle pour l’idéologie religieuse dominante de son époque tout en craignant les risques que représentaient la réaction de la vieille société, ce qui l’a amené à retarder la publication de « L’origine des espèces » et plus encore celle de « La descendance de l’homme ».

Pannekoek et Tort ont parfaitement raison de rappeler qu’on raisonne souvent comme si le darwinisme s’était arrêté au premier ouvrage tant Darwin était en avance sur son temps, dans son deuxième plus encore que dans le premier…

Quelques citations de la brochure de Pannekoek :

Le darwinisme et le marxisme sont deux théories distinctes, dont l’une vaut pour le monde animal, l’autre pour la société. Elles se complètent en ce sens que le monde animal se développe suivant les règles du darwinisme jusqu’à l’homme et que, à partir du moment où les hommes s’élèvent au-dessus du monde animal, le marxisme devient la loi du développement ultérieur. Si l’on veut cependant transférer une doctrine dans le domaine de l’autre, au sein duquel s’appliquent des lois différentes, on ne peut nécessairement parvenir qu’à des conclusions erronées.

Tel est le cas surtout lorsqu’on veut déduire d’un principe de la nature la forme de société qui serait naturelle, ou la plus conforme à la nature. Tel était précisément le but poursuivi par les darwinistes-bourgeois : déduire du darwinisme, qui vaut pour le monde animal, que l’ordre social capitaliste, qui est en conformité avec lui, est de ce fait l’ordre naturel et doit durer toujours.

A l’opposé, il y avait également des socialiste qui voulaient prouver de la même manière que le socialisme est l’ordre naturel. (…) D’après leurs principes darwiniens, le mode de production socialiste serait donc celui qui peut être qualifié de véritablement naturel et logique. (…)

Le marxisme nous a appris qu’une chose telle qu’un ordre social naturel n’existe pas et ne peut pas exister. En d’autres termes : que chaque ordre social est naturel. Parce que chaque ordre social est nécessaire et naturel au sein des conditions qui supportent son existence. Il n’existe pas un seul ordre social qui puisse prétendre être naturel. Mais les ordres sociaux les plus divers se succèdent en raison du développement des forces productives, et chacun d’eux, dans son époque, est exactement aussi naturel que le suivant dans une époque ultérieure.

Le capitalisme n’est pas le seul ordre naturel, comme le croit la bourgeoisie, pas plus que tel ou tel ordre socialiste mondial ne serait l’unique ordre naturel, comme certains socialistes veulent nous le prouver. Le capitalisme était naturel sous les conditions du 19ème siècle, tout comme le féodalisme l’était sous celles du Moyen-Âge, et comme le socialisme le sera au stade prochain de développement des forces productives. La tentative de faire passer un ordre social particulier pour le seul ordre naturel a aussi peu de raisons d’exister que celle de faire passer tel ou tel animal pour l’animal le plus parfait. Le darwinisme nous enseigne en effet que chaque animal, dans son espèce et dans ses conditions de vie particulières, est le plus parfaitement constitué, c’est-à-dire le mieux adapté, et de la même façon le marxisme nous enseigne que chaque ordre social est adapté à ses conditions, et, dans ce sens, est bon et excellent.

Telle est la raison principale pour laquelle la tentative, par les darwinistes bourgeois, d’une défense du capitalisme en déclin par le moyen du darwinisme est nécessairement vouée à l’échec. Des arguments tirés des sciences naturelles conduiront presque toujours à des conclusions fausses dans les questions sociales, parce que la nature reste toujours la même dans ses grands traits durant l’histoire de l’humanité, alors que les formes de la société pendant ce temps, changent d’une façon rapide et constante. »

Il est certain que nous ne raisonnerions pas exactement ainsi aujourd’hui. Nous avons appris aussi que, en un sens, les formes de la société stagnent durant de longues périodes et qu’inversement il y a sous nos yeux des changements brutaux dans le fonctionnement du vivant et même dans le fonctionnement de la matière dite inerte. Du coup, on n’est nullement tenus de raisonner comme les sociobiologistes réactionnaires si on considère la nature et la société dans un même ensemble. Voir le texte suivant

D’ailleurs, il ne nous est pas possible de faire autrement comme Pannekoek et Tort l’expliquent eux-mêmes dans d’autres passages du même texte. Il n’y a qu’un monde auquel appartiennent à la fois l’homme et le reste de l’univers. Du coup, bien des frontières sont beaucoup plus floues qu’elles n’apparaissaient : entre l’homme et l’animal, entre l’inerte et le vivant notamment, mais aussi entre le rationnel et l’irrationnel, entre hasard et déterminisme. Le potentiel ou le virtuel n’est pas à séparer du réel. C’est bel et bien la dialectique qui relie ces contraires.

Malgré ces réserves sur certains des raisonnements des auteurs, nous estimons que cet ouvrage mérite lecture et discussion.

La suite

Messages

  • En 1860, Marx qui vient de lire « L’origine des espèces », écrit dans une lettre à Engels : « (…) c’est dans ce livre que se trouve le fondement historico-naturel de notre conception. »

  • Plékhanov en 1895 :

    « (…) Darwin a résolu le problème de l’origine des espèces végétales et animales dans la lutte pour la vie. Marx a résolu celui de la naissance des diverses espèces d’organisation sociale dans la lutte des hommes pour leur vie. Logiquement, les recherches de Marx commencent juste au point où celles de Darwin s’achèvent. Animaux et végétaux sont soumis à l’action du milieu physique. Sur l’homme social, cette action s’exerce par le moyen de rapports sociaux tirant leur origine de forces productives qui se développent initialement plus ou moins vite, selon les particularités du milieu physique. L’esprit qui a guidé l’un et l’autre penseur dans leurs recherches est rigoureusement identique. Aussi peut-on dire que le marxisme est du darwinisme appliqué à la science des sociétés. »[

  • Anton Pannekoek : « (…) le marxisme et le darwinisme ne sont pas deux théories indépendantes, chacune s’appliquant à son domaine spécifique, sans rien avoir en commun avec l’autre. En réalité, le même principe est à la base des deux théories. Elles forment une unité. La nouvelle direction prise par les hommes, la substitution des outils aux organes naturels, fait se manifester ce principe fondamental différemment dans les deux domaines ; celui du monde animal se développe selon les principes darwiniens, alors que pour l’humanité le principe marxiste s’applique. »

  • Engels : « (…) de même que Darwin a découvert la loi du développement de la nature organique, de même Marx a découvert la loi du développement de l’histoire humaine (…) »

  • Darwin regarded the pace of evolution as a gradual process of orderly steps. It proceeded at a constant rate. He adhered to Linnaeus’ motto : "Nature does not make leaps." This conception was reflected elsewhere in the scientific world, most notably with Darwin’s disciple, Charles Lyell, the apostle of gradualism in the field of geology. Darwin was so committed to gradualism, that he built his whole theory on it. "The geological record is extremely imperfect," stated Darwin, "and this fact will to a large extent explain why we do not find interminable varieties, connecting together all the extinct and existing forms of life by the finest graduated steps. He who rejects these views on the nature of the geological record, will rightly reject my whole theory." This Darwinism gradualism was rooted in the philosophical views of Victorian society. From this ‘evolution’ all the leaps, abrupt changes and revolutionary transformations are eliminated. This anti-dialectical outlook has held sway over the sciences to this present day. "A deeply rooted bias of Western thought predisposes us to look for continuity and gradual change," says Gould.

    However, these views have given rise to a heated controversy. The present fossil record is full of gaps. It reveals long term trends, but they are also very jerky. Darwin believed that these jerks were due to the gaps in the record. Once the missing pieces were discovered, it would reveal a gradual smooth evolution of the natural world. Or would it ? Against the gradualist approach, palaeontologists Niles Eldredge and Stephen Jay Gould have put forward a theory of evolution called punctuated equilibria, suggesting that the fossil record is not as incomplete as had been thought. The gaps could reflect what really occurred. That evolution proceeds with leaps and jumps, punctuated with long periods of steady, gradual development.

    "The history of life is not a continuum of development, but a record punctuated by brief, sometimes geologically instantaneous, episodes of mass extinction and subsequent diversification," says Gould. Rather than a gradual transition, "modern multicellular animals make their first uncontested appearance in the fossil record some 570 million years ago—and with a bang, not a protracted crescendo. This ‘Cambrian explosion’ marks the advent (at least into direct evidence) of virtually all major groups of modern animals—and all within the minuscule span, geologically speaking, of a few million years."

    Gould also points to the feature that the boundaries of geological time coincide with turning points in the evolution of life. This conception of evolution comes very close to the Marxist view. Evolution is not some smooth, gradual movement from lower to higher. Evolution takes place through accumulated changes which burst through in a qualitative change, through revolutions and transformations. Almost a century ago, the Marxist George Plekhanov polemicised against the gradual conception of evolution :

    "German idealist philosophy," he noted, "decisively revolted against such a misshapen conception of evolution. Hegel bitingly ridiculed it, and demonstrated irrefutably that both in nature and in human society leaps constituted just as essential a stage of evolution as gradual quantitative changes. ‘Changes in being,’ he says, ‘consists not only in the fact that one quantity passes into another quantity, but also that quality passes into quality, and vice versa. Each transition of the latter kind represents an interruption in gradualness, and gives the phenomenon a new aspect, qualitatively distinct from the previous one.’"

    "Evolution" and "revolution" are two sides of the same process. In rejecting gradualism, Gould and Eldredge have sought an alternative explanation of evolution, and have been influenced by dialectical materialism. Gould’s paper on "Punctuated Equilibria" draws parallels with the materialist conception of history. Natural selection theory is a good explanation of how species get better at doing what they do, but provides an unsatisfactory explanation for the formation of new species. The fossil record shows six major mass extinctions took place at the beginning and end of the Cambrian period (600 million and 500 million years ago respectively), and the ends of the Devonian (345 million years ago), the Permian (225 million), the Triassic (180 million) and the Cretaceous (63 million). A qualitatively new approach is needed to explain this phenomenon.

  • Est-ce que la science contemporaine continue à donner raison à Darwin sur ses détracteurs ? On peut dire que oui, mais on peut dire aussi que, sans les critiques anti-évolutionnistes des créationnistes religieux, le débat serait clos depuis longtemps. Les thèses de Darwin ont tellement marqué les sciences du vivant que l’on considère encore que la seule polémique valable dans le domaine de la formation des espèces devrait s’articuler autour de : évolution darwinienne ou non darwinienne ? Mais on peut formuler une bonne dizaine de changements fondamentaux dans la conception du vivant depuis Darwin qui modifient complètement la question et, sans remettre directement en question la problématique de Darwin, la dépassent définitivement.

    Il y a eu plusieurs révolutions scientifiques du vivant depuis l’évolution des espèces dans les domaines suivants :
     plusieurs révolutions concernant l’ADN avec le rôle activateur des ARN et des protéines ainsi que des parties non codantes, ainsi que les multiples potentialités de la bibliothèque des gènes
     la génétique du développement avec les homéogènes
     le rôle de la biologie de la mort (gènes et protéines de l’apoptose)
     les découvertes de l’épigénétique
     la coévolution des espèces
     d’autres types de sélection (sélection à différents niveaux hiérarchiques du vivant) que celles découvertes par Darwin (sélection des espèces et sélections sexuelle).
     le type de dynamique dite des équilibres ponctués de la spéciation (longues phases de stagnation ponctuées par de très courtes phases de changement brutal donnant naissance à des structures totalement nouvelles du vivant) découverte par Gould.

    Ce sont des découvertes qui changent fondamentalement la compréhension du vivant et de son évolution et il ne nous semble pas judicieux dans ces conditions, même en ne négligeant pas la lutte idéologique contre les religieux créationnistes, de continuer à dire qu’on en serait resté à Darwin sur le terrain conceptuel.

    Il nous semble fondamental idéologiquement d’intégrer ces changements scientifiques au niveau philosophique même si c’est une tâche difficile et colossale. Le plus grand respect aux efforts de nos prédécesseurs comme Darwin ou Marx ne nous semble pas de nous incliner respectueusement devant leur travail mais de le poursuivre dans la mesure de nos forces….

    Nous ne sommes nullement contraints d’en rester aux concepts de Darwin en termes d’évolution des espèces et il n’y a rien d’anti-évolutionniste de remarquer que la dynamique du développement n’est pas fondée sur un principe actif qu’il s’appelle le progrès, l’adaptation, la lutte pour la vie, ou l’évolution.

  • Gould observe qu’il y a un parallélisme temporel entre l’œuvre de Marx et celle de Darwin, chacun, de son côté, bouleversant ce qui existait avant. Il observe ce que connaissent tous les chercheurs, que Marx admirait Darwin. Il fouille plus loin, le Capital a été envoyé par Karl à Charles, mais celui-ci a répondu courtoisement, et on a retrouvé dans sa bibliothèque l’exemplaire offert, dont les premières pages seules étaient découpées. Par ailleurs, sur cette question de la révolution darwinienne et de ses échos, Jay Gould rappelle l’enthousiasme de Marx pour une œuvre peu connue, Origine et transformations de l’homme et des autres êtres, de Pierre Trémaux, 1865. Et il précise qu’Engels reprocha à Marx cet engouement, à juste titre, confirme Jay Gould qui a pu se procurer ce livre, théorie assez délirante qui explique tout par la géologie (les grandes civilisations se sont développées sur les sols géologiquement les plus complexes…).

    Ce qui intrigua Jay Gould, c’est le compte-rendu des obsèques de Marx le 18 mars 1883, au cimetière de Highgate, à Londres. Cérémonie intime, petite tombe (l’image qu’on connaît, c’est celle du monument érigé en 1954). Et aussi peu de monde que pour, mettons, Mozart. C’est Engels qui énumère : en plus de lui-même, la femme et la fille de Marx (l’autre fille était morte), Charles Longuet et Paul Lafargue, ses deux gendres, socialistes français, quatre connaissances socialistes de longue date, Wilhelm Liebknecht, Friedrich Lessner, G. Lochner et Carl Schorlemmer, ce dernier non seulement militant communiste mais aussi professeur de chimie à Manchester. Quelques discours, Liebknecht, Engels, Longuet, lecture de messages des partis ouvriers français et espagnols.

    Mais Engels cite encore une autre personne, dans ce petit groupe : Edwin Ray Lankaster (1847-1929), éminent biologiste britannique, darwinien. Type, par ailleurs, de la grande bourgeoisie anglaise, insoupçonnable de sympathies « rouges », parfaitement déplacé ici. On a vu que le darwinisme de Marx fut assez théorique, et rien ne nous renseigne sur les relations de Marx avec ce ponte de l’establishment. Jay Gould essaye de trouver pourquoi Lankaster était là, et il n’offre pas de réponse du type « scoop » ; l’origine des relations entre les deux hommes fut sans doute une consultation médicale, ils restèrent en relation ensuite, chacun trouvant dans l’autre un interlocuteur curieux, excitant, puis un véritable ami.

    Les rapports entre Marx et Darwin ont donné lieu à bien des écrits, et ont été parfois exagérés (selon Jay Gould, une lettre de Darwin, refusant poliment que Marx lui dédicace le second tome du Capital, est à l’origine de fausses interprétations, cette lettre n’aurait pas été adressée à Marx mais à Edward Aveling, compagnon d’une fille de Marx, qui la conserva longtemps dans ses papiers ; la lettre se trouva mélangée à l’autres, et l’on identifia par erreur son destinataire comme Karl Marx).

    Toutefois, il semble clair que Marx s’est bien considéré comme un disciple de Darwin, et cela suffit sans doute à expliquer le plaisir qu’il trouva à fréquenter un jeune savant britannique darwinien, Lankester.

    Terminons par deux citations de Marx, une sur Darwin : « Il est remarquable à quel point Darwin reconnaît chez les bêtes et les plantes sa société anglaise, avec sa division du travail, sa compétition, sa création de nouveaux marchés, son ‘invention’ et sa malthusienne ‘lutte pour l’existence’. C’est le bellum omnium contra omnes (la guerre de tous contre tous) de Hobbes ». Et une autre, plus générale : « Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font ».

  • Lire aussi sur Marx critique de Darwin :

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