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Comment la révolution prolétarienne a commencé en Allemagne

lundi 16 juillet 2012, par Robert Paris

APPEL DU NOUVEAU CHANCELIER DE L’EMPIRE EBERT aux CITOYENS ALLEMANDS


Citoyens ! Le Chancelier de l’Empire Prince Max de Bade m’a confié, avec l’assentiment de tous les Secrétaires d’État les fonctions de Chancelier. Je vais constituer le nouveau gouvernement d’accord avec les partis et incessamment, je rendrai compte au public du résultat. Le nouveau gouvernement sera un gouvernement démocratique. Il devra s’efforcer de donner la paix au peuple allemand le plus rapidement possible et de consolider la liberté qu’il a conquise. Citoyens, je vous demande à tous votre appui dans le dur labeur qui nous attend.
Vous savez quelle lourde menace est la guerre pour le ravitaillement de la population. Ce doit être le devoir de tous à la ville et à la campagne de ne pas entraver, mais au contraire d’encourager la production des vivres et leur arrivée dans les villes.
La crise de l’alimentation amène des pillages et des vols, avec la misère pour tous. Les plus pauvres auraient le plus à souffrir. Les ouvriers de l’industrie seraient le plus durement atteints.

Celui qui porte la main sur des vivres ou autres objets de première nécessité ou sur des moyens de transport indispensables à leur répartition, commet une faute des plus lourdes contre la communauté.

Concitoyens ! je vous en prie tous instamment ; ne restez pas dans la rue, veillez au calme et à l’ordre.

Berlin, le 9 novembre 1918

Le Chancelier de l’Empire : Ebert

Comment la révolution des conseils d’Allemagne en novembre 1918 a été trahie, trompée, puis réprimée et écrasée dans le sang par le parti socialiste s’appuyant sur l’Etat-Major militaire et les troupes fascistes des corps francs…

D’après des extraits de « Révolution en Allemagne » de Pierre Broué

Au premier abord, la révolution qui explose aux premiers jours de novembre dans le Reich semble confirmer l’attente et les vues de Rosa Luxemburg. Les masses ouvrières se fraient leur chemin vers l’action révolutionnaire malgré leurs dirigeants et souvent contre eux, de façon presque indépendante des organisations révolutionnaires, dépassées par l’événement, en l’absence de tout mot d’ordre unificateur et finalement de toute direction. En même temps, c’est vers une forme nouvelle d’organisation du pouvoir d’Etat, l’Etat « ouvrier », des conseils d’ouvriers et de soldats, de type soviétique, qu’elle semble se diriger, conformément aux appels lancés depuis des mois par la propagande clandestine des spartakistes : le mot d’ordre des « conseils » devient une force matérielle, repris par des millions d’hommes. (…)

L’agitation a commencé dans les équipages de la marine cantonnés à Wilhelmshaven le 28 octobre. Un ordre d’appareiller donne naissance à des rumeurs inquiètes l’état-major se préparerait à un baroud d’honneur en mer du Nord. Plusieurs manifestations se produisent à bord : un millier d’hommes sont arrêtés et débarqués, et cinq navires sont dirigés sur Kiel.

L’inquiétude sur le sort de détenus déclenche le mouvement : les marins se souviennent du sort des mutins de 1917 et cherchent l’appui des ouvriers. Le 1er novembre, ils se réunissent à la maison des syndicats de Kiel et décident la tenue d’un meeting le 2 novembre. (…) Malgré un appel au calme d’un responsable syndical, les marins décident de manifester dans les rues : ils se heurtent à une patrouille qui tire : neuf morts et vingt-neuf blessés. Le choc s’est produit qui va mettre en mouvement les hommes de la garnison de Kiel, puisque, désormais, les marins ne peuvent plus reculer.

Ils se réunissent pendant la nuit sur les navires. C’est Karl Artelt, membre du parti indépendant (fraction du parti social-démocrate hostile à la guerre qui a scissionné alors que le parti social-démocrate majoritaire participe aux côtés du pouvoir bourgeois allemand à l’effort de guerre – note VDT), condamné en 1917 à cinq mois de prison, qui prend l’initiative de faire élire sur un torpilleur le premier conseil de marins de la révolution allemande. Au petit matin, il se retrouve à la tête d’un comité désigné par 20.000 hommes. Les officiers sont débordés. L’amiral Souchon qui commande la base fait droit à toutes les revendications que lui présente Artelt au nom de ses camarades : suppression du salut, allègement du service, augmentation des permissions, libération des détenus. Le soir, toute la garnison est organisée en un réseau de « conseils de soldats », le drapeau rouge flotte sur les navires de guerre, nombre d’officiers ont été arrêtés par leurs hommes. A terre, social-démocrates indépendants et majoritaires ont appelé ensemble à la grève générale puis à la désignation d’un conseil ouvrier qui va fusionner avec le conseil des marins. Gustav Noske, dirigeant social-démocrate, nommé gouverneur de Kiel par le gouvernement, s’empresse de reconnaître l’autorité du nouveau conseil d’ouvriers et de soldats afin de rassurer les marins et de circonscrire l’incendie. Le 6 novembre, le calme semble être revenu.

Pourtant, la mutinerie de Kiel a mis le feu aux poudres. (…) Les marins de Cuxhaven se réunissent à la maison des syndicats dans la soirée du 6 novembre, élisent un conseil de soldats au moment où dans les usines les ouvriers font de même, préparant la désignation d’un conseil ouvrier que préside Kraatz, un des organisateurs de la grève de janvier à Berlin. (…)

A Brême, c’est seulement le 7 novembre que la grève, partie des chantiers de la Weser, se généralise et que les conseils ouvriers sont élus dans toutes les usines. Le conseil central local des ouvriers et des soldats est désigné le 9. (…)

A Hambourg, Friedrich Zeller organise un détachement d’une vingtaine de marins qui va sur les quais chercher des appuis. Au milieu de la nuit, ils sont une centaine qui s’installent dans la maison des syndicats et lancent un appel à une manifestation centrale à midi. (…) A l’heure prévue, plus de 40.000 manifestants sont rassemblés. Un dirigeant indépendant fait acclamer la prise du pouvoir politique par le conseil des ouvriers et de soldats. Le radical de gauche Fritz Wolffheim fait approuver le mot d’ordre de république des conseils et Wilhelm Düwell la révocation du général commandant la place et la reconversion des usines. (…) Pendant ce temps, Paul Frölich, à la tête d’un groupe de marins armés, a occupé les locaux et l’imprimerie du quotidien « Hamburger Echo » et y publie le premier numéro du journal du conseil des ouvriers et des soldats de Hambourg, intitulé également « Die Rote Fahne » (le drapeau rouge). Il proclame :

« C’est le début de la révolution allemande, de la révolution mondiale ! Salut à la plus puissante action de la révolution mondiale ! Vive le socialisme ! Vive la République allemande des travailleurs ! Vive le bolchevisme mondial ! »

Parti des villes de la côte, le mouvement s’étend irrésistiblement. A Düsseldorf, le 6, on se bat autour d’un train de prisonniers arrêtés dans une gare et c’est sur place que se constitue le conseil d’ouvriers et de soldats.

En Bavière, le mouvement n’est pas déclenché par les marins, mais par un groupe révolutionnaire agissant dans les rangs du parti indépendant. Eisner, ancien révisionniste (favorable aux thèses de révision réformiste du marxisme – note VDT) devenu radical par pacifisme, a organisé à Munich un cercle de discussion auquel ont participé une centaine d’ouvriers et d’intellectuels. (…) Ils ne sont guère que 400 à l’été 1918, mais ce sont des cadres bien formés qui exercent une influence déterminante parmi les travailleurs de l’usine Krupp et opnt été capables de mettre sur pied un solide réseau d’hommes de confiance dans les autres entreprises. (…) Le 7 novembre, Eisner conduit dans les rues de Munich une manifestation pour la paix au cours de laquelle il fait décider la grève générale et l’assaut des casernes. Le roi s’enfuit et Eisner devient président du conseil des ouvriers et des soldats de la république bavaroise.

A Halle, ce sont des militants ouvriers de la ville qui débarquent du train, le 6 novembre, à la tête de marins mutinés. Ils soulèvent les soldats du 14ème chasseurs et, avec eux, donnent l’assaut aux autres casernes. Le marin Karl Meseberg, ancien militant local, indépendant, préside le conseil de soldats, qui fusionne bientôt avec le conseil ouvrier, né de l’action d’un réseau de délégués animé par les indépendants : l’indépendant Otto Kilian est le président du conseil d’ouvriers et de soldats. A Erfurt, une grève de solidarité avec les mutins de Kiel permet des assemblées d’usine, le 7 novembre, et après un meeting central, l’élection, le même jour, d’un conseil local central.

A Hanau, une manifestation ouvrière se heurte dans la journée aux forces de police : le jour même est désigné un conseil d’ouvriers et de soldats que préside le spartakiste Scnellbacher. A Brusnwick, le 7 novembre, des marins venus de l’extérieur organisent une manifestation et obtiennent l’ouverture des portes des prisons, cependant que les ouvriers grévistes désignent un conseil ouvrier. Le 8 novembre, le prince a abdiqué et le spartakiste August Merges, président du conseil des ouvriers et des soldats s’intitule président de la république socialiste de Brunswick.

A Leipzig, le petit noyau spartakiste – vingt-cinq militants environ – tente vainement d’entraîner une assemblée des indépendants, le 7 novembre, à prendre l’initiative de lancer la grève générale. Mais des marins venus des ports organisent ce jour-là les premières manifestations de rue, appellent les soldats à se soulever. Le 8, les casernes sont prises d’assaut, un conseil d’ouvriers et de soldats proclamé. (…)

Pendant ces jours décisifs, les dirigeants révolutionnaires berlinois hésitent toujours. Le 4, les délégués réunissent leur noyau dès l’annonce des événements de Kiel. Liebknecht et Pieck proposent de fixer le début de l’action au 8 ou 9 novembre. Mais la majorité se refuse à lancer un mot d’ordre de grève pour ces jours qui sont jours de paie. (…) L’insurrection est décidée pour le lundi 11 novembre au plus tôt. (…)

Mieux que quiconque, les social-démocrates majoritaires sentent venir la tempête. Depuis le 23 octobre, leurs ministres réclament l’abdication de Guillaume II. (…) Konrad Haenisch explique cette attitude dans une lettre privée :

« Il s’agit de la lutte contre la révolution bolchevique qui monte, toujours plus menaçante, et qui signifierait le chaos. La question impériale est étroitement liée à celle du danger bolchevique. Il faut sacrifier l’empereur pour sauver le pays. Cela n’a absolument rien à voir avec un quelconque dogmatisme républicain. » (…)

Les Indépendants décident de rédiger un tract appelant à l’insurrection pour le renversement du régime impérial et l’établissement d’une république des conseils. (…) Liebnecht n’est pas là (et ignore qu’ils ont basculé – note VDT) a décidé, avec ses amis spartakistes de mettre les indépendants et les délégués devant le fait accompli et de briser avec leurs atermiements. (…)

Dans la soirée, les hommes de confiance du parti social-démocrate dans les entreprises présentent leur rapport aux responsables : ils sont unanimes à affirmer que dans toutes les usines, les ouvriers sont prêts à passer à l’action le 9 novembre, et qu’il ne saurait être question de chercher désormais à les retenir. (…)

La révolution est désormais lancée. Ceux qui la voulaient et cherchaient à la préparer, ceux qui la désiraient mais n’y croyaient pas et souhaitaient qu’elle soit provoquée, ceux qui ne la voulaient pas et l’avaient jusqu’au dernier moment combattue, vont ensemble prendre le train en marche. Les nouvelles qui parviennent de toutes les régions d’Allemagne dans la nuit du 8 au 9 le confirment : ici les marins, là les soldats, lancent des manifestations tandis que les ouvriers se mettent en grève. On désigne des conseils d’ouvriers et de soldats. Les prisons sont prises d’assaut. Le drapeau rouge, emblème de la révolution mondiale, flotte sur les édifices publics. (…)

La réunion des hommes de confiance social-démocrate a confirmé, sur proposition d’Ebert, qu’il fallait proposer aux indépendants le partage des responsabilités gouvernementales. (…)

Un conseil de guerre improvisé autour de Barth répartit les tâches : Liebknecht se joint aux colones de manifestants qui marchent sur le palais, Eichorn se dirige vers la préfecture de police, cependant que le populaire Adolf Hoffmann gagne l’hôtel de ville à la tête des ouvriers.

Au Vorwärts, le journal social-démocrate majoritaire, on constitue en toute hâte un comité d’action – bientôt rebaptisé « conseil des ouvriers et des soldats » - de douze ouvriers d’usine, tous membres du parti, auxquels on a ajouté Ebert, Otto Braun, Wels et Eugen Ernst. (…) Les social-démocrates (alors qu’ils sont foncièrement hostiles à la révolution et aux conseils –note VDT) signent leurs tracts des mots magiques : « conseil ouvrier », « conseil de soldats », « comité populaire »…

Pendant ce temps, la foule victorieuse, exaltée, roule, puissante, dans les rues de Berlin, brandit ses drapeaux, scande ses mots d’ordre, chante et se précipite à la suite des chefs qui lui proposent un objectif. (…) Quelques officiers tentent d’organiser la résistance devant l’université puis devant la bibliothèque d’Etat prussienne. La foule les balaie et les bâtiments du Reichstag tombent, sans coup férir. Des dizaines de milliers de Berlinois sont massés devant le bâtiment : Scheidemann, du balcon, s’efforce de les inciter au calme, puis cède aux clameurs et se décide à proclamer la République – initiative quasiment révolutionnaire qu’Ebert va vivement lui reprocher.

Peu après, au palais impérial, Liebknecht, qui a déjà harangué la foule du toit d’une voiture, fait proclamer par acclamations la « république socialiste allemande ». Puis, monté sur le balcon de la demeure des Hohenzollern, il proclame :

« La domination du capitalisme qui a transformé l’Europe en cimetière est désormais brisée. (…) Ce n’est pas parce que le passé est mort que notre tâche est terminée. Il nous faut tendre toutes nos forces pour construire le gouvernement des ouvriers et des soldats et bâtir un nouvel Etat prolétarien, un Etat de paix, de joie et de liberté pour nos frères allemands et nos frères du monde entier. Nous leur tendons la main et les invitons à compléter la révolution allemande. Que ceux de vous qui veulent voir réaliser la libre république socialiste allemande et la révolution allemande lèvent la main ! »

Une forêt de bras se lève. (…)

A 22 heures, les délégués révolutionnaires, auxquels se sont joints plusieurs centaines de représentants des ouvriers insurgés, se réunissent sous la présidence de Barth dans la grande salle des séances du Reichstag. L’assemblée, qui se considère provisoirement comme le conseil des ouvriers et des soldats de la capitale, décide d’appeler à des réunions dans les usines et les casernes le lendemain 10 novembre à 10 heures ; on élira les délégués – un pour 1000 ouvriers et un par bataillon – à l’assemblée générale prévue à 17 heures au cirque Bosch, afin de désigner le nouveau gouvernement révolutionnaire.

Les social-démocrates majoritaires, dont cette décision risque de menacer les positions conquises dans la journée (début de mise en place d’un gouvernement bourgeois « socialiste » avec les majoritaires et les indépendants et le soutien de l’Etat-Major militaire – note VDT), n’émettent sur l’instant aucune protestation ; mais ils vont consacrer la nuit à préparer cette bataille décisive. (…)

Dans la soirée, un groupe d’officiers, parmi lesquels figure le lieutenant Colin Ross, signe un appel aux officiers pour qu’ils collaborent au maintien de l’ordre et appuient le nouveau gouvernement. Il s’agit maintenant pour les majoritaires d’organiser systématiquement cet appui et de l’utiliser pour l’assemblée générale du cirque Busch.

Dans la nuit du 9 au 10, le dirigeant majoritaire Wels rédige et fait imprimer à 40.000 exemplaires un tract qu’il adresse « aux hommes de troupes qui soutiennent la politique du Vorwärts (journal majoritaire – note VDT) ». Il est nommé par Ebert commandant militaire de la capitale et le commandant Reinhard donne à tous les commandants d’unités des ordres pour que les hommes accrédités par lui aient libre accès aux casernes. (…)

Malgré le refus de Liebknecht, l’entente se fait entre majoritaires et indépendants pour former un gouvernement bourgeois :

« Le cabinet est formé exclusivement de social-démocrates, qui sont commissaires du peuple (imitation frauduleuse du gouvernement soviétique de Russie – note VDT). » (…)
Les dirigeants des deux partis se sont aussi mis d’accord sur des noms : à Ebert, Scheidemann et Lansberg, désignés la veille par les majoritaires, se joindront Dittman, Haase et Barth pour les indépendants.

A 14 heures, dans les locaux du Vorwärts, Wels réunit les hommes de confiance de son parti dans les entreprises et les délégués des soldats afin de préparer la réunion du cirque Busch, dont il est essentiel (pour la manœuvre des majoritaires : remplacer un gouvernement des conseils par un gouvernement bourgeois d’affichage socialiste – note VDT) qu’elle entérine l’accord conclu au sommet. (…)

L’assemblée commence avec un important retard. Plus de 1500 délégués occupent la salle, les ouvriers dans le haut, les soldats en bas, encadrant la tribune. L’atmosphère est houleuse, on interrompt fréquemment l’orateur, on brandit des armes, on s’empoigne. (…) C’est Barth qui préside en tant que représentant du « conseil ouvrier » : il fait sans difficulté ratifier la composition d’un bureau qui a peut-être fait l’objet d’une négociation antérieure : le lieutenant Waltz est vice-président, le soldat majoritaire Brutus Molkenbuhr secrétaire. Puis il donne la parole au majoritaire Ebert pour exposer la situation :

« Les conditions d’armistice imposées par les capitalistes et les impérialistes de l’Entente sont très dures, mais il faut les accepter pour mettre fin au massacre. »

(note VDT : le même Ebert a soutenu tout au long la poursuite du massacre jusqu’à ce qu’éclate la révolution et il ne veut arrêter la guerre que pour mieux disposer de toutes les forces pour écraser la révolution, mais, bien entendu, cela il ne l’explique pas !)

Il annonce aux délégués que les deux partis social-démocrates se sont mis d’accord pour constituer ensemble un gouvernement paritaire sans aucun ministre bourgeois. L’indépendant Haase lui succède, qui parle dans le même sens et confirme l’accord.

Liebknecht, très calme, mais incisif, n’a pas la partie facile : l’écrasante majorité des soldats est contre lui, hachant son discours d’interruptions, d’injures, le menaçant même de leurs armes, scandant : « Unité ! Unité ! » à chacune de ses attaques contre les majoritaires. Il met en garde les délégués contre les illusions de l’unité, rappelle la collaboration des majoritaires, « ces gens qui vont aujourd’hui avec la révolution et qui avant-hier encore étaient ses ennemis », avec l’état-major, dénonce les manœuvres qui visent à utiliser les soldats contre les ouvriers, répète : « La contre-révolution est déjà en marche, elle est déjà en action, elle est au milieu de nous ! ».

L’élection du comité exécutif des conseils de Berlin donne lieu à une bataille confuse. Barth propose d’abord d’élire le bureau de l’assemblée, soit dix-huit membres, neuf soldats et neuf ouvriers. Richard Müller présente une liste préparée par les délégués révolutionnaires, qui comprend les membres du noyau qui a préparé l’insurrection et, aux côtés des principaux délégués, Barth, Ledebour, Liebknecht et Rosa Luxemburg. Mais les soldats vocifèrent de plus belle. Le délégué social-démocrate Büchel réclame alors la représentation paritaire des deux partis ouvriers. Ebert le soutient ; Barth et Richard Müller combattent sa proposition. Les soldats agitent leurs armes, scandent « Parité ! ». (…) Les soldats, encadrés par les hommes du majoritaire Wels, continuent leur obstruction. Barth finit par céder et émet une proposition conforme à leurs exigences : un exécutif formé de douze délégués des soldats, social-démocrates majoritaires ou influencés par eux, et de douze délégués des ouvriers, dont six majoritaires et six indépendants. Liebknecht, dont le nom est mis en avant ainsi que ceux de Pieck et de Rosa Luxemburg, pour figurer dans la liste des six délégués indépendants, refuse avec indignation, proteste contre ce viol grossier de la démocratie la plus élémentaire où une minorité bruyante interdit en définitive à la majorité de se prononcer par un vote. Finalement, six membres du noyau des délégués révolutionnaires acceptent de se porter comme représentants de la fraction indépendants des délégués ouvriers : ce sont Barth, Richard Müller, Ledebour, Eckert, Wegman et Neuendorf. (Les plus révolutionnaires au sein d’une direction de la contre-révolution et qui va vite le prouver, c’est les moutons qui se réunissent avec le loup… - note VDT). (…)

La deuxième journée de la révolution allemande a donc vu les social-démocrates, qui avaient tout fait pour l’empêcher, remporter une victoire incontestable : leur chaf Ebert, chancelier du Reich par la grâce de Max de Bade (et non par la révolution – note VDT), devenu « commissaire du peuple » par la décision des états-majors des partis social-démocrates, majoritaire et indépendant, position ratifiée par la première assemblée des conseils de la capitale, et devient simultanément chaf du gouvernement légal et du gouvernement révolutionnaire. (C’est lui qui va diriger en chef l’assassinat de la révolution, déclarant notamment qu’il fallait un chien sanglant pour écraser cette révolution qu’il hait comme le péché ! Remarquons que, depuis Moscou, Radek commet l’erreur de minimiser la défaite et affirme que ce n’est que le commencement d’événements extraordinaires et qu’il ne faut pas exagérer l’importance de ces débuts. La gravité de la situation, c’est qu’il est apparu que les conseils cautionnaient le gouvernement bourgeois alors que l’appareil de l’armée n’était nullement aux mains de la révolution et, au contraire, lié au nouveau gouvernement anti-ouvrier en réalité. – note VDT)

La suite

Messages

  • Il proclame :

    « C’est le début de la révolution allemande, de la révolution mondiale ! Salut à la plus puissante action de la révolution mondiale ! Vive le socialisme ! Vive la République allemande des travailleurs ! Vive le bolchevisme mondial ! »

    Parti des villes de la côte, le mouvement s’étend irrésistiblement. A Düsseldorf, le 6, on se bat autour d’un train de prisonniers arrêtés dans une gare et c’est sur place que se constitue le conseil d’ouvriers et de soldats.

    En Bavière, le mouvement n’est pas déclenché par les marins, mais

  • Rosa Luxemburg wrote :


    « In the fiery atmosphere of the revolution, people and things mature with incredible rapidity. Only three short weeks ago, when the conference of the workers’ and soldiers’ councils ended, it seemed that Ebert and Scheidemann were at the zenith of their power. The representatives of the masses of revolutionary workers and soldiers throughout Germany had surrendered blindly to their leaders. The convocation of the National Assembly from which the ‘people in the streets’ were barred, the degradation of the Executive Council, and with it the councils, to impotent mock-figures – what a triumph for the counter-revolution all along the line ! The fruits of November 9th seemed to be squandered and thrown away, the bourgeoisie once more breathed a sigh of relief, and the masses were left perplexed, disarmed, embittered and, indeed, doubting. Ebert and Scheidemann fancied themselves at the peak of power.

    The blind fools ! Not even twenty days have gone by since then, and their illusory power has overnight begun to totter. The masses are the real power, the actual power, by virtue of the iron compulsion of history. One may put them in chains for the time being, one may formally deprive their organizations of any power – but they need only stir, only straighten their backs obstinately, and the earth will tremble under the feet of the counter-revolution.

    Anyone who witnessed yesterday’s mass demonstration in the Siegesallee, who felt this adamant revolutionary conviction, this magnificent mood, this energy that the masses exuded, must conclude that politically the proletarians have grown enormously through their experience of recent weeks, in the latest events. They have become aware of their power, and all that remains is for them to avail themselves of this power.

    Ebert-Scheidemann and their customers, the bourgeoisie, who incessantly cry putsch, are at this moment experiencing the same disillusionment felt by the last Bourbon when his minister replied to his outraged cry about the ‘rebellion’ of the people of Paris with the words, ‘Sir, this is no rebellion, it is a revolution !’

    Yes, it is a revolution with all its externally chaotic development, with its alternating ebb and flow, with momentary surges towards the seizure of power and equally momentary recessions of the revolutionary breakers. And the revolution is making its way step by step through all these apparent zig-zag movements and is marching forward irresistibly.

    The mass must learn to fight, to act in the struggle itself. And today one can sense that the workers of Berlin to a large extent have learned to act ; they thirst for resolute deeds, clear situations, sweeping measures. They are not the same as they were on November 9th ; they know what they want and what they should do.

    However, are their leaders, the executive organs of their will, well informed ? Have the revolutionary chairmen and delegates of the large-scale concerns, have the energy and resolve of the radical elements of the USPD grown in the meanwhile ? Has their capacity for action kept pace with the growing energy of the masses ?

    We are afraid that we cannot answer these questions with a straightforward yes. We fear that the leaders are still the same as they were on November 9th, that they have learned little more. Twenty-four hours have gone by since the Ebert government’s attack on Eichhorn.[1] The masses enthusiastically followed the appeal of their leaders ; spontaneously and on their own strength they brought about the reappointment of Eichhorn. On their own spontaneous initiative they occupied Vorwärts and seized the bourgeois editors and the W.T.B. [Wolff’s Telegraphic Bureau] and, so far as possible, they armed themselves. They are waiting for further instructions and moves from their leaders.

    And meanwhile, what have these leaders done ? What have they decided ? Which measures have they taken to safeguard the victory of the revolution in this tense situation in which the fate of the revolution will be decided, at least for the next epoch ? We have seen and heard nothing ! Perhaps the delegates of the workers are conferring profoundly and productively. Now, however, the time has come to act.

    Ebert, Scheidemann, et al., are surely not frittering away their time with conferences. Most certainly they are not asleep. They are quietly preparing their intrigues with the usual energy and circumspection of the counter-revolution ary ; they are sharpening their swords to catch the revolution unawares, to assassinate it.

    Other spineless elements are already industriously at work paving the way for ‘negotiations’, bringing about compromises, throwing a bridge across the abyss which has opened up between the masses of workers and soldiers and the Ebert government, inducing the revolution to make a ‘compromise’ with its mortal enemies.

    Now there is no time to lose. Sweeping measures must be undertaken immediately. Clear and speedy directives must be given to the masses, to the soldiers faithful to the revolution. Their energy, their bellicosity must be directed towards the right goals. The wavering elements among the troops can be won for the sacred cause of the people by means of resolute and clear actions taken by the revolutionary bodies.

    Act ! Act ! Courageously, resolutely, consistently – that is the ‘accursed’duty and obligation of the revolutionary chairmen and the sincerely socialist party leaders. Disarm the counter-revolution, arm the masses, occupy all positions of power. Act quickly ! The revolution obliges. Its hours count as months, its days as years, in world history. Let the organs of the revolution be aware of their high obligations ! »

  • Oui, le social-démocrate Ebert a organisé conjointement avec l’Etat-Major et les nzeis l’écrasement conscient et volontaire de la révolution prolétarienne qui était la plus déterminante pour l’avenir de la révolution russe, pour celle du monde : la révolution en Allemagne.

    Et c’est un autre social-démocrate, Gustav Noske, qui annoncera que « s’il faut un chien sanglant, je serai celui-là » et qui dirigera l’action des milices fascistes...

    C’est de là et non d’ailleurs qu’est venu l’échec de la vague révolutionnaire en Europe et, du coup, le stalinisme.

    C’est le premier point à comprendre si on veut analyser l’échec de la révolution communiste la plus importante de l’Histoire...

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