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La dialectique du zéro en arithmétique, ou comment les nombres sortent du néant

vendredi 13 juillet 2012, par Alex

La dialectique du zéro en arithmétique, ou comment les nombres sortent du néant

Peut-on considérer zéro, le néant comme un nombre, c’est-à-dire comme un être ?

Le zéro qui représente une absence, qui n’est que le « néant » apparait naturellement dans les systèmes de numération comme le notre, dits de position. Par exemple quand on lit le nombre 2 012 on comprend que ce nombre représente las somme de 2 milliers, une dizaine, 2 unités. Il n’y a pas de centaines. Mais dans ce cas 0 pourrait être remplacé par une croix, par n’importe quel signe autre qu’un chiffre, un espace, car c’est l’absence, le « néant ». Beaucoup de civilisations, et sur le plan philosophique des camarades matérialistes mécanistes, en sont resté là.

Tout mathématicien réfractaire à la dialectique admet aujourd’hui que 2x0=0. Pourtant pendant des siècles cette opération ne faisait pas partie des mathématiques. Considérer le zéro comme un nombre à part entière, comme un « être » a demandé plusieurs millénaires ! Certaines civilisations n’y sont pas arrivé. Cette notion de zéro comme nombre a été découverte et menée à bout en un seul endroit, en Inde il y a environ 1500 ans. Le nombre zéro est donc un sommet de l’abstraction, en arithmétique, car c’est une contradiction.

Les mathématiques les plus modernes s’appuient sur cette contradiction pour construire ... tous les nombres. Quel est le plus petit ensemble que l’on puisse considérer ? L’ensemble vide, qui contient zéro éléments. La révolution du zéro permet de dire que l’ensemble vide est un ensemble a part entière.

Donc quand on parle du vide, on a un ensemble, donc un objet. A partir de zéro objet, on a construit un objet, l’absence de tout objet.

On a donc un ensemble avec un objet. Si la carte d’un restaurant contient un dessert A, combien de choix a le client ? Deux choix : prendre A, ou ne rien prendre , l’ensemble vide ou l’ensemble à un élément. A partir d’un ensemble a un élément (1 dessert) , on a donc construit un ensemble à deux éléments (les 2 choix). En continuant ainsi on trouve des entiers aussi grands qu’on veut. Si la carte propose deux desserts A et B on a 4 choix possibles : rien, A, B, A et B. En continuant on peut construire tous les entiers positifs et dans un article précédent on a vu que les entiers négatifs sont obtenus par des procédés analogues. A partir des entiers on obtient des fractions d’entiers (les nombres rationnels), à partir de ces fractions tous les nombres dits réels (représentés par tous les points d’une droite), puis par le même mécanisme les nombres dits complexes.

Au XIXème ces raisonnements ont permis de faire le lien entre des types de nombres connus mais mal maitrisés. En mathématiques théoriques, ils sont un procédé de construction à la base de l’étude des nombres.

Les mathématiques partent donc au niveau théorique … du vide.

Première conclusion : c’est à à partir de l’ensemble vide que les nombres réels et complexes sont construits dans les maths les plus théoriques. Le début de la Science de la logique de Hegel sur l’identité de l’être et du néant, est familier en mathématiques, autant qu’en physique où on étudie les fluctuations du vide.

Deuxième conclusion : ces petits jeux formels ne sont pas stériles. Ces jeux de constructions ont incité des mathématiciens à construire des ensembles de nombre de plus en plus grands. On peut construire des infinis de plus en plus grands. Mais si ajoute des opérations (additions, multiplications), on ne peut pas continuer ce procédé infiniment. On est vite bloqué (après les complexes, les quaternions, les octonions, puis plus rien). Or on n’a pas reconstruit toutes les structures mathématiques, c’est donc que certaines structures sont vraiment nouvelles, sont ajoutées de manière extérieures aux nombres obtenus à partir des entiers. Cela permet de faire le tri entre ce qui est nouveau et ce qui ne l’est pas, ce qui s’obtient mécaniquement et ce qui est un phénomène "inattendu", exemple de l’émergence en arithmétique.

Le fait que la découverte du zéro est un indicateur du niveau d’une civilisation en mathématiques dans l’histoire, le fait que les mécanismes décrits plus haut sont le reflet d’étapes historiques, de blocages sociaux est souligné par Georges Ifrah dans son Histoire universelles des chiffres p.15 (cf la video http://www.dailymotion.com/video/xf... qui évoque la révolution du zéro et présente le livre) :

Une invention, une découverte ne peut se développer que si elle répond à la demande sociale d’une civilisation, la science fondamentale répondant, elle, à un besoin intériorisé dans la conscience de ses savants. Et en retour, mais en retour seulement, elle transforme ou bouleverse cette civilisation. Des avancées scientifiques, on le sait, ne se sont pas épanouies car la demande sociale les a refusées.

Il est fascinant d’assister aux étapes successives de la pensée mathématique. La découverte de la numération de position a échappé à la majorité des peuples de l’histoire.

(Une numération de position est un système où un neuf par exemple n’a pas la même valeur s’il est placé au rang des unités du premier, du deuxième ou du troisième ordre.)

En fait, cette règle essentielle n’a été imaginée que quatre fois au cours de l’histoire. Elle est apparue une première fois, au début du IIe millénaire avant notre ère, chez les savants de Babylone.

Elle a été redécouverte ensuite par les mathématiciens chinois un peu avant le début de l’ère chrétienne, puis, entre le III et le Ve siècle après. J.-C., par les astronomes mayas, et enfin par les mathématiciens de l’Inde aux alentours du Ve siècle.

En dehors de ces quatre peuples, aucun bien sûr n’éprouva le besoin de posséder un zéro. Mais ce concept fut rendu nécessaire dès lors que l’usage du principe de position était érigé en système.
Et pourtant, trois peuples seulement, les Babyloniens, les Mayas et les Indiens, surent parvenir à cette ultime abstraction, les Chinois ne l’ayant introduite dans leur système que sous l’influence indienne.

Mais ni le zéro babylonien ni le zéro maya ne fut conçu comme un nombre : seul le zéro indien a eu à peu près les mêmes possibilités que celui que nous utilisons aujourd’hui. C’est d’ailleurs lui qui nous a été transmis par les Arabes en même temps que les chiffres portant leur nom, et qui ne sont autres que les chiffres indiens un peu déformés par l’usage, le temps et les voyages.

Cette histoire ne nous est certes connue que de façon fragmentaire, mais elle converge inexorablement ainsi vers ce système de numération que nous utilisons aujourd’hui et qui s’est étendu depuis peu à toute la planète

Messages

  • « Une invention, une découverte ne peut se développer que si elle répond à la demande sociale d’une civilisation, la science fondamentale répondant, elle, à un besoin intériorisé dans la conscience de ses savants. Et en retour, mais en retour seulement, elle transforme ou bouleverse cette civilisation. »
    ce passage sous-entend-t-il que que notre cerveau est capable de comprendre des choses que nous ne prenons pas conscience ? Les intuitions et les idées ne sont-ils issues pas de notre inconscience ?
    Est-ce que ça se passe ainsi dans les révolutions sociales ?

    • Premier élément de réponse. Quand Georges Ifrah écrit « Une invention, une découverte ne peut se développer que si elle répond à la demande sociale d’une civilisation » il souligne un aspect important de l’histoire des techniques et des sciences. Tout idée sortie du cerveau d’un être humain tombe sur un terrain social. Parfois, une invention qui aura du succès à une époque ultérieure n’en n’a aucun la première fois qu’elle voit le jour.

      Deux exemples.

      Le célèbre historien Marc Bloch fait la réflexion suivante sur le moulin à eau : « invention antique le moulin à eau est médiéval à l’époque de sa véritable extension. » La société esclavagiste de l’empire romain n’a pas développé les moulins à eau alors que la société féodale européenne y a été très favorable. Le système esclavagiste romain n’était pas favorable au progrès technique. Par exemple dans la Vie des douzes Césars de l’écrivain antique Suétone on lit (Vie de Vespasien XVIII) : même quand un ingénieur lui promettait de transporter à peu de frais au Capitole d’énormes colonnes, Vespasien lui offrit une somme énorme pour son invention, mais il refusa de l’utiliser, en lui disant : permettez-moi de nourrir le pauvre peuple. Voir d’autres info, dont cette citation par exemple sur http://www.petruccijean.com/Article...

      De même on sait l’impact révolutionnaire qu’eut l’ouvrage de Copernic « Sur les révolutions des orbes célestes » paru en 1653. Copernic présente un système solaire dont le centre est le soleil. Pourtant ce système avait été proposé près de 2000 auparavant par cf Aristarque de Samos ... sans succés.

    • Deuxième élément de réponse : il est évident que les processus inconscients jouent en sciences, comme à chaque fois que le cerveau analyse.

      En mathématiques on dit que des résultats très profonds passent par 3 phases : 1) impossible à démontrer 2) démontrable 3) très facile à démontrer, évident.

      C’est parce que pendant une longue période, un résultat n’est même pas envisageable. Dès qu’il devient envisagaeble, on s’aperçoit qu’il est simple.

      Par exemple un des résultats les plus profonds au XIXè siècle en mathématiques est que certains infinis sont plus infinis que d’autres, comme Coluche disait qu’on est tous égaux, mais que certains sont plus égaux que d’autres. C’est Cantor qui a obtenu ce résultat, il fut traité de fou. Il démontra que l’infini obtenu en comptant sans s’arrêter (1, 2, 3 etc) est plus petit que l’infinité des points d’un segment de droite. Raymond Smullyan dans son livre « Set Theory and the continuum problem » (Théorie des ensembles et problème du continu) commente : pendant 12 ans Cantor a essayé de démontrer que tous les infinis sont égaux, la treizième année il a démontré que ce n’était pas le cas.

      Aujourd’hui la preuve de Cantor est accessible à un lycéen ou à tous ceux qui aiment lire des ouvrage de vulgarisation mathématique. Il a fallu des siècles de sciences pour que l’humanité ose se poser ce problème des différents infinis, 13 ans à un des génies du XIXè siècle pour le résoudre, quelques minutes pour le comprendre aujourd’hui, cela montre que la difficulté n’est pas technique, mais réside dans le fait d’oser se poser certaines questions. Un blocage inconscient a bloqué le progrès des mathématiques.

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