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Qu’est-ce qui nous étonne, nous choque, nous bouleverse, renverse nos convictions habituelles quand on étudie la matière ? Qu’est-ce qui change notre philosophie ?

mercredi 18 juillet 2012, par Robert Paris

Qu’est-ce qui nous étonne, nous choque, nous bouleverse, renverse nos convictions habituelles quand on étudie la matière ? Qu’est-ce qui change notre philosophie ?

La matière, nous croyons bien la connaitre, nous la voyons tous les jours, nous ne cessons de la toucher, de la bouger, de la casser, de l’utiliser. Nous-mêmes sommes faits de matière, interagissons sans cesse avec la matière inerte que nous mangeons, dont nous nous servons pour nous laver, pour dormir, que nous transformons en travaillant.

Eh bien, en l’étudiant, cette matière, les scientifiques ont découvert qu’elle n’avait rien à voir avec la manière dont elle nous apparaît tous les jours….

Pour le bon sens, la matière est soit solide, soit liquide soit gazeuse ; il y aurait d’un côté la matière et de l’autre la lumière, d’un côté la matière et de l’autre le vide ; ou il y a de la matière ou il n’y en a pas. Si elle est ici, elle ne peut pas en même temps être là. Elle ne peut pas à la fois être présente et absente. Elle ne peut ni apparaître ni disparaître.

Et ce qui est resté dans l’opinion de la connaissance sur la matière est le « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », l’énergie, la matière seraient toujours les mêmes sous de formes diverses. La physique, vue par le commun des hommes, est le règne du rationnel simple, pas de rupture, pas d’apparition, pas de disparition, pas d’émergence de propriétés, une belle continuité en somme… Les objets se déplaceraient dans un espace qui serait un véritable fond de scène complètement passif.

Les lois de la physique, telles qu’on les voyait autrefois et telles que la population continue à les voir, seraient le produit de la conservation : conservation de la matière, de l’énergie, du mouvement, de l’écoulement du temps, du déplacement dans l’espace.

La loi serait une simple « relation de cause à effet », dans laquelle on peut toujours distinguer une cause qui précède un effet. Deux objets différents peuvent toujours y être distingués.

La population pense que le domaine des sciences physiques s’opposerait aux sciences humaines parce que la matière devrait obéir aux lois de manière stricte au point qu’il n’y aurait pas plusieurs potentialités et l’opinion croit à un déterminisme strict de la matière qui serait opposé au libre arbitre humain.

Ne poursuivons pas cette description car tout ce qui vient d’être dit est déjà contredit point par point par ce que la science contemporaine sait déjà de la matière et on peut dire que c’est un renversement de pensée étonnant et bouleversant qu’ont subi en premier les physiciens du début des années 1900 !!!

Et, curieusement, ces changements de conception profonds n’ont commencé ni par la relativité ni par la physique quantique, qui sont pourtant les révolutions les plus connues de la physique…

C’est Poincaré qui est tombé le premier sur cet os, sur ce bouleversement de la pensée, dans l’étude de la matière. Par la loi des trois corps, Poincaré a remarqué que la gravitation entre trois corps ne déterminait pas une seule trajectoire pour ces corps, mais une série de trajectoires possibles, discontinues les unes par rapport aux autres. Il a remarqué qu’on ne pouvait pas dire quelle trajectoire allait être suivie. La connaissance des conditions initiales et des forces physiques en présence ne suffisait donc pas à prédire la suite des événements. C’était pour lui comme pour tout le monde un grand trouble de découvrir cela…

C’est l’origine d’un domaine des sciences qui s’appellera plus tard « le chaos déterministe ».

Il constate que, dans le domaine des forces de gravitation, il suffit des interactions entre trois corps (par exemple trois astres) pour que les trajectoires possibles de ces corps soient multiples.

Quelle en est la raison ?

Si on modifie, aussi peu que ce soit, d’une distance ou d’un poids, d’une vitesse initiale, aussi petit que cela soit, cela entraîne que l’on n’est plus sur la même trajectoire du fait de la discontinuité entre les trajectoires possibles. En sautant d’une trajectoire à l’autre, on n’est pas très loin mais on prépare un avenir très différent à moyen ou long terme. Cette divergence entre des trajectoires proches en un moment s’appelle « la sensibilité aux conditions initiales » : que l’on change un tant soit peu les conditions de départ et la suite de l’histoire en est profondément changée.

Dans le domaine des sciences de l’homme, cette sensibilité était déjà bien connue. Un seul être humain peut changer le cours de l’histoire. Un petit détail peut jouer un rôle dans l’histoire d’un pays et même du monde. Pour donner un exemple, si un citoyen n’avait pas reconnu le roi, la reine et leur fils fuyant la révolution parisienne, toute l’histoire de France et même d’Europe aurait probablement complètement changé puisque le roi apportait son appui et sa direction symbolique à l’armée de la noblesse alliée aux armées des féodalités européennes.

Poincaré découvre donc que le monde des corps matériels n’est pas aussi différent qu’il y paraissait du monde social et humain que nous connaissons…

Certes, la conscience est une propriété que ne possèdent pas les pierres, mais ce choix entre plusieurs actions possibles, entre plusieurs pensée possibles provient du fait que la loi du monde matériel est déjà un univers des possibles qui prend encore une nouvelle forme avec le domaine du vivant, autre univers des possibles…

Bien des auteurs n’ont vu dans la théorie du chaos déterministe qu’une fin de la prédictibilité, une espèce de victoire du désordre sur l’ordre que représentait l’ancienne croyance en des lois physiques prédicitives.

En réalité, dès lors qu’il y avait un grand nombre d’objets, on savait déjà que les lois physiques ne suffisaient pas à prédire. Poincaré a seulement montré que la loi de la gravitation remettait en cause cette prédictibilité à partir de trois corps…

Mais, philosophiquement, il a fait bien plus : il a commencé à montrer qu’il y avait un seul monde, de la matière à la vie et à l’homme et que ce monde n’obéissait pas à la physique du bon sens, celle de la plupart des gens, y compris des physiciens, des autres scientifiques et de la plupart des philosophes…

La capacité de la matière, à partir d’un petit changement, de sauter d’un état à un autre, qualitativement différent, allait poursuivre cette évolution dans la philosophie du monde…

La physique, dans sa recherche des lois de l’énergie, avait en effet étudié les changements d’état de la matière et constaté ce changement qualitatif induit par un tout petit changement de la température, du volume ou de la pression. C’est la thermodynamique qui a étudié ce type de question. Elle n’a pas seulement donné naissance aux moteurs, aux réfrigérateurs et à toutes les innovations sur l’utilisation de l’énergie : elle a changé notre philosophie sur la matière.

L’étude des états (solide, liquide, gaz) de la matière nous a appris bien plus que le fait qu’un corps pouvait changer qualitativement en passant un seuil de température, de pression ou de volume. Elle nous a appris la logique de telles transformations et ce n’est pas une logique simple, celle du oui et du non. En effet, peut-on en observant la matière d’aussi près que l’on veut, à l’échelle même des atomes, savoir s’il s’agit d’un solide, d’un liquide ou d’un gaz. La réponse est non : cela ne se voit nullement à cette échelle car c’est une question d’organisation d’un grand nombre d’atomes et non de la composition de ceux-ci qui, elle, ne change pas quand la matière passe d’un état à un autre.

L’organisation est devenue un point fondamental de cette thermodynamique et on a constaté que cette organisation n’était pas préexistante mais spontanément émergente, ce qui change tout…

Nouvelle révolution conceptuelle, philosophique dans un nouveau domaine de la physique : la thermodynamique. La matière change spontanément son mode d’organisation en sautant de manière discontinue d’un mode à un autre sans intermédiaire !

Et ce n’est pas tout. Ces états de la matière, loin de se contenter de s’opposer diamétralement coexistent, s’échangent sans cesse, se transforment sans cesse.

Le liquide ne s’oppose pas diamétralement au solide ni au gaz. Ils sont sans cesse en train de se transformer l’un dans l’autre et de coexister dans des mélanges de phase.

Par exemple, observons la surface d’un lac. L’eau qui s’y situe passe sans arrêt du liquide au gaz. Observons la surface de la neige d’u névé. Il passe sans cesse du solide (la neige) au liquide (l’eau) et au gaz (la vapeur d’eau).

Et cette thermodynamique ne s’en tient pas là. Même les formes des cristaux solides sont multiples et sont là aussi une série discrète de formes possibles avec des sauts d’une forme à une autre. La glace change sans cesse de structure d’organisation et saute sans continuité d’une structure à une autre.

La matière n’est donc pas seulement un contenu en termes d’objets ou d’énergie, mais aussi une organisation qui se met en place spontanément, sans action extérieure et peut changer tout aussi spontanément de structure…

Mais c’est l’étude thermodynamique de la relation entre matière et énergie qui devait nous révéler les plus grandes surprises…

Au stade où nous en sommes restés, la thermodynamique pouvait déjà dire que l’énergie était reliée aux formes d’organisation et qu’en passant d’un état à un autre, on avait franchi un seuil d’organisation parce qu’on avait passé un cap quantitatif d’énergie.

On pouvait alors imaginer la matière un peu comme l’ordre et l’énergie un peu comme le désordre, l’agitation par exemple à un niveau ou un autre de la structure matérielle, mais on allait faire du chemin conceptuellement par rapport à cette première approche…

On passait du solide au liquide puis au gaz en désorganisant la structure entre les atomes, l’ordre, en fournissant de l’énergie qui agitait les atomes. Cela restait une vision simple, qui se raccrochait à une conception mécaniste de un univers matériel qui serait fondé sur des déplacements d’objets dans l’espace. Les suites des découvertes scientifiques allaient nous amener très loin de ce point de vue…

L’opposition apparemment diamétrale entre matière-ordre et énergie-désordre allait se révéler très loin d’une opposition diamétrale, une association inséparable des contraires, mortellement imbriqués tout en se heurtant sans cesse !

L’autre point sur lequel on opposait diamétralement matière et énergie est que l’on avait fini par admettre que la matière était formée d’unités discontinues (éléments chimiques, molécules, atomes, particules) et que l’attribuait, au contraire, une continuité à l’énergie.

Autant on ne trouvait pas toute une succession d’étapes entre un et deux atomes, autant on passait trouver une continuité entre deux niveaux d’énergie. On pensait qu’on donnait de l’énergie à un liquide que l’on chauffait en passant d’une température à une autre, en lui donnant toutes les étapes d’énergie de manière continue.

La discontinuité de la matière était imagée par les objets et la continuité de l’énergie imagée par les ondes, ces propagations d’énergie se déplaçant continûment. Les objets étaient à une position donnée en un moment donné alors que les ondes occupaient tout l’espace.

Il est impressionnant de constater combien ces notions allaient violemment se trouver contredites par l’étude des relations entre matière et énergie !

L’une des manières dont l’énergie entre et sort de la matière est la lumière. Le physicien Max Planck allait chercher à comprendre comment une matière chauffée émettait de la lumière. Ce phénomène bien connu était l’un des moyens de comprendre les échanges d’énergie au sein de la matière et de les quantifier.

En étudiant les lois de ces échanges, Max Planck allait faire une constatation renversante : il était impossible de conserver l’image d’une énergie se transmettant de manière continue. Il fallait définitivement y renoncer : l’énergie se transmettait par paquets discontinus, les quanta.

Aussi incroyable que si on vous disait que la fusée progresse dans l’espace, l’avion dans le ciel et la voiture sur la route… par petits bonds !

Cette découverte faite en 1905 n’allait jamais être remise en cause depuis, malgré bien d’autres découvertes tout aussi renversantes que celle-ci allait entraîner, détruisant toutes les croyances exprimées au dessus.

C’est ce qu’on allait appeler la physique quantique…

Loin de s’en tenir à donner de la discontinuité à un univers qu’on croyait continu, les ondes de la transmission d’énergie, elle allait aussi donner un caractère ondulatoire à ce que l’on croyait simplement particulaire : la matière !

Dorénavant, après la révolution quantique, la matière et l’énergie allaient tout deux devenir des espèces de monstres composés à la fois d’onde et de particule, pourtant deux images parfaitement contradictoires !

Un objet quantique n’avait plus rien à voir avec ce que l’on pensait être un objet dans l’ancienne physique : au lieu d’être à chaque instant dans un état, dans une position, à un niveau d’énergie, chaque objet quantique était une superposition d’états possibles sans continuité entre eux et sautait sans cesse d’un état possible dans un autre …

La plupart des gens qui s’intéressent aux sciences ont entendu parler de ces découvertes de la physique mais absolument pas de la révolution philosophique qu’elle engendre.

Nous ne pouvons en donner ici qu’une toute petite idée et c’est déjà tellement étonnant…

La suite

Messages

  • La vision globale que vous présentez de la physique moderne dans votre article est très décevante et illusionnante. En physique, les entités abstraites déduites mathématiquement sans être capable d’en prouver l’existence expérimentalement se multiplient. On n’a qu’à penser par exemple à la matière noire et à l’énergie noire. Ne pensez-vous pas que ce sont là des marqueurs de lacunes graves dans la théorie du modèle standard actuel ? Où est votre critique révolutionnaire des concepts actuels de la physique ? Ce que vous prétendez être des avancées philosophiques repose sur des bases bien incertaines à mon avis.

    La théorie en physique ressemble de plus en plus à une nouvelle méta-physique où ce ne sont plus les interactions entre les objets et les phénomènes de la réalité qui servent à expliquer et à représenter la réalité, mais bien des formules et des équations abstraites auquelles on donne des noms. Est-ce là un progrès véritable ?

    • Lacunes graves du modèle standard, théorie en physique devenant une nouvelle métaphysique, mathématiques remplaçant la réalité, nous ne sommes pas si loin l’un de l’autre dans le constat.

      L’avancée philosophique dont je parle n’est pas celle des physiciens actuels mais celle à laquelle appellent les contradictions que rencontre les théories en physique.

      J’en appelle à considérer que ces contradictions ne sont pas des erreurs mais le constat d’un monde dialectiquement contradictoire.

    • Vous dites que « ces contradictions ne sont pas des erreurs mais le constat d’un monde dialectiquement contradictoire ». Ce qui importe pour moi dans la dialectique, ce n’est pas le constat qu’il y a des contradictions. C’est de trouver la dynamique de création de ces contradictions.

      Prenons par exemple la dualité onde-particule. Pour aller au-delà de la simple énonciation de type kantien de cette dualité (de cette « antinomie »), il faut se rendre compte dans un 1er temps qu’une onde peut être représentée comme les interactions d’un grand nombre de particules (les particules du médium). Ce n’est pas difficile à imaginer, même si dans le cas de l’onde lumineuse, tout le travail reste à faire et que la question est maintenant rejetée du revers de la main par le modèle standard.

      Il faut se rendre compte dans un 2ème temps que ce qui est observé et enregistré dans les expériences de physique comme étant des particules peut aussi être obtenu d’une interaction entre 2 ondes : les molécules et les atomes pouvant être représentées comme des ondes stationnaires, les interactions de particules peuvent aussi être interprétées en termes d’interactions d’ondes. C’est ce que fait d’ailleurs la mécanique quantique au point de vue mathématique quand elle calcule les fonctions d’onde. Qu’une autre formulation équivalente de la mécanique quantique fasse le calcul à partir de matrices non figuratives ne change rien à l’affaire.

      Énoncé ainsi, il me semble que la dualité onde-particule prend un tout autre sens qu’un simple constat paradoxal et mystifiant. Autrement dit, je ne pense pas que les 2 pôles des contradictions sont absolus et constituent des concepts fondamentaux irréductibles. Je ne pense pas qu’en rester au paradoxe de ces 2 pôles constitue une avancée philosophique.

  • Dorénavant, après la révolution quantique, la matière et l’énergie allaient tout deux devenir des espèces de monstres composés à la fois d’onde et de particule, pourtant deux images parfaitement contradictoires !

    Un objet quantique n’avait plus rien à voir avec ce que l’on pensait être un objet dans l’ancienne physique : au lieu d’être à chaque instant dans un état, dans une position, à un niveau d’énergie, chaque objet quantique était une superposition d’états possibles sans continuité entre eux et sautait sans cesse d’un état possible dans un autre …

    La plupart des gens qui s’intéressent aux sciences ont entendu parler de ces découvertes de la physique mais absolument pas de la révolution philosophique qu’elle engendre.

    Nous ne pouvons en donner ici qu’une toute petite idée et c’est déjà tellement étonnant

  • Il me semble que cet article met trop l’emphase sur le problème de la sensibilité aux conditions initiales, qui est trivial et qui n’est pas nouveau. Avant on parlait du nez de Cléopâtre, aujourd’hui on parle de l’effet papillon, mais c’est la même chose. La seule nouveauté consiste en ceci qu’une idée philosophique a été mise en équation dans le domaine de la physique. Et elle est triviale en ceci qu’elle ne met en cause que notre capacité à prédire et non les notions fondamentales de notre vision du monde.
    Mais ce qui me semble plus important est qu’il est tiré des conclusions erronées de la TQ sur une question importante celle de la continuité et de la discontinuité. La TQ bouleverse nos conceptions sur quantité de points, comme il est indiqué, mais je vais me limiter ici à cette question. La matière est certainement discontinue, sauf que la matière n’est pas une substance. La physique nous montre que la matière est un phénomène. C’est un point essentiel.
    Dès lors, il nous faut poser la question du substrat de ce phénomène. Il y a deux positions possibles :
    – Soit il s’agit d’un phénomène sans substrat (phénoménalisme). C’était la position de Whitehead ou du Bouddisme. Pour ma part, j’ai bien du mal à comprendre ce que pourrait être un phénomène sans substrat.
    – Soit il se déroule au sein d’un substrat. Dans ce cas ce substrat est évidemment sub-quantique.
    C’est le soi-disant “ vide quantique ” des physiciens qui en fait est plein comme un œuf. Je pense qu’il vaudrait mieux réintroduire la notion d’éther. Ce ne serait pas évidemment la notion d’éther tel qu’on le concevait au XIX° siècle, Einstein est passé par là, mais un éther non-spatiotemporel pour éviter les contradictions avec la relativité. Cela serait mieux que de continuer de parler de cette absurdité de “ vide quantique ” qui a l’étrange propriété d’être vide pour satisfaire à la relativité et en même temps d’être plein pour satisfaire à la théorie quantique. “ Vide quantique ” signifie vide de particules, mais il est, par exemple, plein d’énergie.
    On avait adopté la notion d’éther au XIX° siècle parce qu’on pensait que la lumière était une onde. Il fallait bien imaginer un support à cette onde. Einstein était d’ailleurs parfaitement conscient du problème. Après avoir nié la notion d’éther, il a tenté de réinterpréter la lumière comme étant des particules. Aujourd’hui, on sait que ce ne sont pas des particules, on sait aussi que ce n’est pas une onde, mais un phénomène, même si on en ignore la nature.
    Certains physiciens tentent d’ailleurs une réinterprétation complète de la physique en faisant abstraction des notions de temps et d’espace. Cela me semble une voie prometteuse et la non-séparabilité serait sans doute moins abracadabrante si elle était comprise comme se déroulant dans un éther non-spatiotemporel.
    Une des conclusions qu’on peut en tirer est que « l’atomisme est mort. » comme disait Schrödinger en 1925. C’était peut-être un peu prématuré à l’époque, mais aujourd’hui c’est tout à fait pertinent. En effet, l’atomisme est l’affirmation selon laquelle le réel ultime est discontinu. Or, le réel ultime n’est plus ce que nous appelons, à tort, les “ atomes ”, ou les particules, mais cet éther. La question de la continuité ou de la discontinuité doit donc être posée au niveau de l’éther ou du “ vide quantique ” pour ceux qui ne veulent pas réintroduire la notion d’éther.
    Les physiciens n’observent que des particules, jamais l’éther. Toutefois, il me semble que nous avons de bonnes raisons de penser que cet éther est continu.
    Il est dit dans ce texte que : « l’énergie se transmettait par paquets discontinus ». Certes, mais ces paquets peuvent prendre n’importe quelle valeur, de façon continue donc. Dans l’équation e = h.f, f varie continument, donc e varie continument. S’il y avait des quantas d’énergie, la fréquence ne pourrait prendre que des valeurs discontinues. On peut dire la même chose pour l’énergie cinétique puisque la vitesse varie continument. C’est seulement ses manifestations qui sont discontinues. En dehors de ces manifestations elle ne peut être que continue. L’énergie n’est pas constitué de quantas, mais seulement la matière.
    Cette révolution dans la physique pose trois problèmes aux matérialistes :
    Le premier est celui de la continuité. Le matérialisme a toujours été associé à l’idée que le réel ultime était discontinu.
    Le second est qu’il a été associé à l’idée que tout ce qui existait était, en principe, susceptible d’une expérimentation. Or, nous n’observons que des “ particules ”. Et nous voyons très mal comment nous pourrions un jour observer l’éther. Il ne pourrait être accessible que par la théorie, mais elle risquerait fort d’être invérifiable.
    Le troisième est que, pour les matérialistes, le réel est censé être intelligible. Or, il est loin d’être évident que les problèmes d’interprétation de la TQ puisse un jour être surmontés. Depuis 90 ans qu’elle a été élaboré, nous avons bien avancé dans ces problèmes, mais à reculons. Toutes les interprétations qui ont été tentées on été mise en défaut par une expérience ou une autre et nous n’avons plus aujourd’hui d’interprétation à proposer.
    Christian Camus

    • Cher Christian, tout d’abord merci de nous communiquer ainsi tes observations. Effectivement, c’est une espèce d’éther qui semble refaire surface, si on peut dire...

      J’aimerai que tu me communiques ton avis après avoir lu ce que nous écrivons sur ce "vide quantique" qui te semble vide intellectuellement parlant...

      Tu peux lire sur le site nos textes sur le vide quantique

      D’autre part, tu sembles penser que la sensibilité aux conditions initiales n’apporte pas grand chose à ce problème or le vide quantique apparaît chaotique...

    • Cher Christian je suis en complet accord avec une partie du début de ton message, en désaccord complet avec l’autre quand tu écris Il me semble que cet article met trop l’emphase sur le problème de la sensibilité aux conditions initiales, qui est trivial et qui n’est pas nouveau. Avant on parlait du nez de Cléopâtre, aujourd’hui on parle de l’effet papillon, mais c’est la même chose. La seule nouveauté consiste en ceci qu’une idée philosophique a été mise en équation dans le domaine de la physique. Et elle est triviale en ceci qu’elle ne met en cause que notre capacité à prédire et non les notions fondamentales de notre vision du monde.

      La sensibilité aux conditions initiales est certes connue depuis longtemps, d’où le souhait d’une connaissance de plus en plus précise depuis des siècles. Mais ce qui est nouveau et que la Théorie du chaos déterministe a bien clarifié c’est que pour certains phénomènes connaitre à 0 % ou à 99,999 % les conditions initiales revient au même. Sans connaissance infiniment précise des conditions initiales on ne prédit rien. Avant, on pensait que plus serait précise notre connaissance de certaines données, plus serait précise notre pouvoir de prédiction. Maintenant on sait que non. Il y a donc un changement de paradigme. Seuls les matérialistes mécanistes y voient du relativisme, du scepticisme. Ils se sentent mieux en croyant que les messages que nous échangeons sur ce site et les sueurs froides que cela leur inspire étaient déjà écrites au moment du Big-Bang. Le démon de Laplace est mort. Dire qu’il n’y a rien de nouveau est à mon avis erroné.

  • La matière est certainement discontinue, sauf que la matière n’est pas une substance. La physique nous montre que la matière est un phénomène.

  • pour les matérialistes, le réel est censé être intelligible. Or, il est loin d’être évident que les problèmes d’interprétation de la TQ puisse un jour être surmontés. Depuis 90 ans qu’elle a été élaboré, nous avons bien avancé dans ces problèmes, mais à reculons. Toutes les interprétations qui ont été tentées on été mise en défaut par une expérience ou une autre et nous n’avons plus aujourd’hui d’interprétation à proposer.

  • Plusieurs points me semblent inexacts Christian sur le plan scientifique avant de mener la discussion philosophique. Je te cite :

     Vide quantique ” signifie vide de particules

     Il est dit dans ce texte que : « l’énergie se transmettait par paquets discontinus ». Certes, mais ces paquets peuvent prendre n’importe quelle valeur, de façon continue donc.

     le problème de la sensibilité aux conditions initiales, qui est trivial et qui n’est pas nouveau

    Puis vient le problème philosophique. Je te cite toujours :

     Cette révolution dans la physique pose trois problèmes aux matérialistes :
    Le premier est celui de la continuité. Le matérialisme a toujours été associé à l’idée que le réel ultime était discontinu.
    Le second est qu’il a été associé à l’idée que tout ce qui existait était, en principe, susceptible d’une expérimentation. Or, nous n’observons que des “ particules ”. Et nous voyons très mal comment nous pourrions un jour observer l’éther. Il ne pourrait être accessible que par la théorie, mais elle risquerait fort d’être invérifiable.
    Le troisième est que, pour les matérialistes, le réel est censé être intelligible.

    Sur aucun de ces points, Christian, la vision que nous défendons ici ne colle avec tes affirmations.

    Tout d’abord, il faut que tu saches que la dernière interprétation du vide quantique provient de la physique quantique relativiste et conçoit le vide comme constitué de quanta virtuels formés d’une particule et d’une antiparticule qui n’existent qu’un temps très court, disparaissant dès qu’elles se joignent et s’annihilent mutuellement. Ce n’est pas une énergie continue. Ce qui est aussi nouveau est que ce vide est à la fois quantique, relativiste et chaotique. Il n’est certes pas observable directement (mais les quanta dits réels non plus) mais ses effets sont observables.

    La théorie du chaos déterministe n’est pas nouvelle puisqu’elle a été fondée par Poincaré. Elle est cependant d’un apport physique et philosophique déterminant.

    Voyons pourquoi : elle rompt l’opposition diamétrale (non dialectique) entre stabilité et instabilité, entre ordre et désordre, entre onde et particule, entre particule et antiparticule, entre matière et énergie, entre espace et temps, entre passé et futur, entre prédictible et imprédictible, etc...

  • Quand je suis intervenu sur cette page je ne connaissais pas votre site. Vos réponses m’ont incité à le regarder plus avant (j’aurais dû commencer par là). J’ai lu des choses intéressantes sur la physique. J’ai trouvé aussi des propositions bien plus intéressantes encore telles que :
    « Que diriez-vous de vous embarquer pour un parcours philosophique dans le monde du changement radical ? Voilà une balade qui n’aura rien d’ennuyeux ni de monotone, si le narrateur parvient à rapporter toute la variété de ses paysages. [...] Ne vous inquiétez pas si vous n’avez pas de bagage dans ces domaines : il n’existe pas de prêt à penser pour ce type d’itinéraire. Le trajet n’est pas plus tranquille qu’une sortie en mer sur des flots déchaînés. On s’y promène sur un plateau à l’allure tranquille et, d’un seul coup, on dégringole au fond des précipices les plus impressionnants. » (LIVRE UN - chapitre 01 : Invitation au voyage au pays des révolutions)
    Tout ceci est excellent. Mais en poursuivant plus avant la lecture de votre site je me suis aperçu que votre démarche n’était pas du tout à la hauteur de vos déclarations d’intentions. Cela n’a rien de surprenant. Les déclarations sont toujours faciles à faire, mais il est plus difficile de s’y tenir.
    Tout d’abord, qui est concerné par cette proposition de changement radical ? Les lecteurs seulement ou les rédacteurs aussi ? Si les rédacteurs sont également concernés cette déclaration signifie qu’ils sont prêts à remettre en cause toutes les notions auxquelles ils attribuent un sens. Et évidemment (puisqu’il s’agit d’un changement radical) remettre en cause en priorité les notions les plus fondamentales, et en ce qui vous concerne ce serait le matérialisme. Rien ne montre qu’ils l’aient fait ; sont-ils prêts à le faire ?
    En effet, vous adhérez de manière très conformiste à cette idéologie dominante. Et vous restez soigneusement assis sur la chape de plomb que les matérialistes font peser sur la pensée.
    Par exemple, le traitement que vous réservez au principe anthropique est nullissime. Ou bien encore :
    « Qui dit débat philosophique entend que l’objet ne concerne pas seulement des spécialistes des sciences ni de la philosophie mais tout un chacun. Nous sommes concernés de savoir s’il y a une matière au sens objectif ou si nos sens produisent l’apparence de réalité qui n’aurait aucune valeur objective. Nous avons tous besoin de savoir si le monde est continu ou discontinu. La place de l’homme et de sa conscience dans l’univers nous préoccupe tous, etc... » (Physique quantique et philosophie)
    Vous avez absolument raison, et l’importance de la question de la continuité est très bien comprise. Mais dans l’article Qu’est-ce que la continuité et la discontinuité ? bien que cette question soit traitée en long et en large, elle l’est n’importe comment. Les exemples de discontinuité que nous observons à tous les niveaux sont multipliés. Mais la question n’est pas traitée au seul niveau où elle a un sens, c’est à dire au niveau ontologique, en l’occurrence, l’éther (que je continue de refuser d’appeler “ vide quantique”). Comme je l’ai fait remarquer dans mon intervention précédente, c’est uniquement au niveau de ce qui est ultime que la question doit être posée et c’est justement à ce niveau qu’elle n’est pas posée.
    Les scientifiques ont une expression intéressante : « Il faut sauver les phénomènes. » Cela ne concerne pas que les scientifiques, mais les philosophes aussi. Les phénomènes les plus intéressants ne sont pas ceux qui confirment vos façons de penser, mais ceux qui a priori l’infirment. Si vous voulez « vous embarquer pour un parcours philosophique dans le monde du changement radical » c’est à ceux-là qu’il faudrait vous intéresser en priorité.
    Robert Paris me répond : « Sur aucun de ces points, Christian, la vision que nous défendons ici ne colle avec tes affirmations. »
    Et où est le problème ? Pourquoi faudrait-il être d’accord avec vous ? Vous avez une vision à défendre ? Mais pour la défendre êtes-vous prêt à nier les phénomènes qui ne cadrent pas avec elle ? Ou, quand vous ne pouvez les nier, les interpréter systématiquement dans un sens conforme avec vos présupposés, même si cette interprétation est scabreuse, comme cela se pratique généralement.
    Les phénomènes les plus intéressants ne sont pas ceux qui valident vos idées, mais ceux qui semblent les contredire. C’est à ceux-là qu’il faudrait vous intéresser en priorité, tout au moins si vous êtes prêts à vous embarquer dans le monde du changement radical.

    Bien à vous
    Christian Camus

  • J’ai la sale manie de poser des questions qui dérangent. J’ai l’habitude me faire virer pour avoir posé de telles questions. Mais je n’ai pas du tout l’habitude que l’on me réponde ainsi : « Je te remercie de ton intervention intéressante car réfléchie et incisive. » Et moi, je vous remercie pour cette réponse.

    Parler d’ “ éther ” ou de “ vide quantique ” n’est pas une question de physique, mais plutôt de vocabulaire. Choisir un mot plutôt qu’un autre me semble en partie justifié par les malentendus que cela peut créer, ou non.
    Ce que nous entendons par “ vide ”, en règle générale, est plutôt un espace dans lequel il n’y a rien, un contenant sans contenu. Le vide quantique ne correspond en rien à cette idée puisqu’il est seulement vide de particule, mais par ailleurs, il serait plein comme un œuf.
    D’autre part, la notion d’éther est une très vieille notion qui a été comprise différemment selon les époques, mais qui correspond tout à fait à cette idée d’un “ espace ” qui nous semblerait vide en regard de nos moyens d’observation mais qui serait en fait plein. Elle correspond donc tout à fait à la conception actuelle. Les guillemets au mot “ espace ” se justifient en ceci que la conception de cet éther ne pourrait plus être que non-spatiotemporelle.
    Un vocabulaire correct éviterait bien des méprises.
    En ce qui concerne le principe anthropique vous ne pouvez vraiment pas vous contenter de dire qu’il n’est pas scientifique. Bien des scientifiques matérialistes l’ont admis sans rien y trouver à redire parce que la démarche logique correspondante présente une contrainte logique et observationnelle extrêmement forte. Si forte qu’ils ont adopté une hypothèse très lourde qui consiste à imaginer une multitude d’univers.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • « J’ai la sale manie de poser des questions qui dérangent. » dis-tu.

      Ce n’est pas à Matière et révolution qu’on t’en voudra pour cela. Bien au contraire. Ne te gènes pas ! Tu es le bienvenu. Tes questions et même tes critiques sont l’oxygène sans lequel on ne respire pas.

      Ceci dit, passons au sujet...

      « Parler d’ “ éther ” ou de “ vide quantique ” n’est pas une question de physique, mais plutôt de vocabulaire. » affirmes-tu, rajoutant que « Ce que nous entendons par “ vide ”, en règle générale, est plutôt un espace dans lequel il n’y a rien, un contenant sans contenu. »

      « Un vocabulaire correct éviterait bien des méprises » dis-tu.

      Mais tu remarques toi-même que le terme d’éther a été employé dans bien des sens.

      D’abord le terme de vide quantique me semble avoir un avantage : le terme quantique !

      Cela signifie que le vie est peuplé de... quanta, de particules discrètes du vide donc qui ne semblent pas identiques à celles du milieu dit matériel.

      Bien sûr, une expression ne dit pas tout car il y a eu aussi plusieurs interprétations du vide quantique. Mais nous ne nous contentons pas du terme. Nous avons écrit de multiples articles pour expliquer la notion de "virtuel" et de quanta "virtuels".

      « En ce qui concerne le principe anthropique vous ne pouvez vraiment pas vous contenter de dire qu’il n’est pas scientifique. » dis-tu et tu as parfaitement raison : nous ne devons pas nous en contenter et ne nous en contentons pas puisque de multiples articles en parlent.

      Peut-on résumer ici nos arguments contre le principe anthropique ? Ce principe prétend que l’univers a été fait pour que l’homme, animal intelligent et conscient puisse émerger et donne ainsi raison aux religions créationnistes.

      « Le « principe anthropique », énoncé en 1974 par B. Carter de l’Observatoire de Meudon, affirme que les constantes fondamentales ont la valeur qu’elles ont pour permettre l’apparition de l’homme. C’est dire que l’Univers aurait été produit POUR l’Homme. Et pourquoi le monde y compris l’homme, ne serait-il pas un jardin prévu pour le cafard ou pour la bactérie ? Cela signifie que les constantes qui déterminent les fondements de la physique ont été déterminées il y a des milliards d’années avec une précision extraordinaire uniquement pour permettre la vie consciente bien plus tard. Et où cette volonté préexistante de construire la pensée consciente aurait-elle été inscrite ?

      Nous sommes déterministes et nous pensons que les phénomènes obéissent à des lois et donc il est évident que l’univers actuel est le produit des conditions précédentes mais pas seulement car il est aussi le produit de l’histoire, des hasards, des combats, des situations inattendues...

      Tout d’abord parler de principe anthropique, c’est sortir l’homme de l’ensemble, ce qui n’est pas le résultat d’une observation du monde mais d’un choix philosophique.

      C’est également u choix philosophique de penser que tout ce qui existe était indispensable pour en arriver à la situation actuelle.

      Qui dit « créé POUR » dit un créateur, même si une partie des partisans du principe anthropique se défendent de rouler pour les religions. Et, surtout, concevoir les lois de la nature comme des règles POUR arriver à un but, c’est renoncer à la démarche scientifique qui consiste à étudier COMMENT fonctionne la nature et non à lui prêter une volonté.

      Le biologiste François Jacob rappelle dans « La logique du vivant » : « Ce qu’a démontré la biologie, c’est qu’il n’existe pas d’entité métaphysique qui se cache derrière le mot de vie. Le pouvoir de s’assembler, de se reproduire même appartient aux éléments qui composent la matière. » Et le physicien Cohen-Tannoudji rajoute dans son ouvrage « Matière-espace-temps » que « Notre dialogue avec la nature est bien mené à l’intérieur de la nature et ici la nature ne répond positivement qu’à ceux qui explicitement reconnaissent qu’ils lui appartiennent. » Les notions d’émergence et de transition n’apportent nullement de l’eau au moulin du créationnisme.

      La métaphysique créationniste est battue en brèche par la découverte de l’ « auto-organisation de la matière », de l’« émergence des structures dissipatives », de la source génétique de l’ « horloge biologique de l’hominisation » et du lien entre cerveau physique et conscience. L’une des conséquences cruciales de ces nouvelles connaissances est qu’il n’y a plus d’opposition entre la conscience (mécanisme donnant du sens aux événements réels), la vie (mécanisme extrayant une commande de production des interactions moléculaires en désordre) et la matière (définie comme le mécanisme donnant de l’ordre transitoire au désordre du vide).

      Le paléontologue Stephen Jay Gould écrit ainsi dans « Le renard et le hérisson » : « Les propriétés qui apparaissent dans un système complexe sous l’effet des interactions non linéaires de ses composants sont dites émergentes – puisqu’elles n’apparaissent pas à un autre niveau et ne sont révélées qu’à ce niveau de complexité. (...) L’émergence n’est donc pas un principe mystique ou anti-scientifique, ni une notion susceptible d’avoir des échos dans le champ religieux (...) C’est une affirmation scientifique sur la nature des systèmes complexes. »

  • Je ne vois pas dans les connaissances que nous avons aujourd’hui sur l’univers une marche linéaire à sens unique vers un monde donné mais des marches à sens inverse se combattant.

    Par exemple, il y a une expansion et, en même temps, une contraction.

    Il y a une croissance de la taille du cerveau et une décroissance de celle-ci.

    Ce sont ces mouvements et ces forces contradictoires qui imposent sa loi à l’univers et non une marche vers l’homme...

  • Le « principe anthropique » signifie que les conditions intiales de l’Univers auraient été choisies exactement (par qui ?) pour que l’homme puisse apparaître. En réalité, à tous les niveaux où l’on étudie la matière, la vie et l’homme, on n’a trouvé preuve d’aucune sorte d’une telle intentionnalité. Seulement le fait que le présent découle du passé, sans la moindre preuve que le présent était la seule évolution possible, bien au contraire. Rajouter une telle intentionnalité sous le prétexte qu’un changement des conditions initiales rendrait impossible notre univers est absurde. Il y a de multiples exemples de phénomènes dans lesquels un tout petit changement des condtions initiales modifie complètement le cours de choses sans pour autant qu’il faille y voir une intentionalité cachée…

    A contrario, une grande partie des efforts de la science, sur le plan philosophique et théorique, consiste à tenter d’éviter de transformer la vision du monde par la place particulière de l’observateur. La principale des erreurs d’optique consiste en la matière à voir le monde comme s’il était objectivement vu par l’homme et, pire encore, comme s’il avait comme but la création de l’homme et son existence. C’est justement pour détruire ce type d’image que Darwin a fait tout son travail et pas seulement pour chercher les bases de l’évolution.

    On sait que bien des images anciennes du monde reposaient sur la vue depuis sa fenêtre. Une exposition intitulée « cartes et figures de la terre » montrait même de multiples manières des hommes dans l’Histoire de voir le monde depuis sa petite lucarne. C’est une vision qui fausse considérablement l’optique.

    Il y a bien d’autres erreurs que l’optique anthropologique. On peut voir le monde depuis le vivant, depuis la matière, depuis la Terre, depuis notre galaxie, la Voie Lactée, depuis notre époque. Ce sont autant de déformations de la réalité objective.

    Comme il nous a fallu intellectuellement nous extraire de notre galaxie pour imaginer sa forme, nous extraire de notre position de matière pour envisager le vide quantique, il nous est nécessaire de notre position de matière marcroscopique pour observer les particules quantiques et de notre position d’être vivant pour comprendre le fonctionnement biologique et pour étudier les animaux.

    On peut dire que ces déformations ont un point commun : celui de privilégié le point où nous nous situons en considérant qu’il est particulièrement exceptionnel.

    La méthode scientifique consistera, au contraire, à ne privilégier aucun point de vue particulier et à chercher des lois générales puisque le tout est un seul monde. Il faudra donc trouver en sciences la possibilité que les cas particuliers obéissent quand même aux lois générales car ces derniers doivent s’intégrer à ce monde. Si on oppose diamétralement la matière au reste du vide quantique, l’écoulement du temps à l’espace-temps du vide, notre époque aux autres époques de l’histoire de l’Univers, la vie à la matière inerte, l’homme au reste du vivant, la conscience au fonctionnement général du cerveau, on se retrouve en plein dans ce que l’on appelle le « principe anthropologique », qui est donc un concentré religieux de toutes ces erreurs consistant à placer l’observateur et le penseur au centre du monde qu’il observe et pense…

    Inutile de rajouter que nous sommes radicalement opposés à ce type de point de vue…

  • Tout d’abord, je renonce à défendre l’usage du terme “ éther ”, pour moi ce n’est qu’une question de vocabulaire secondaire, et je n’ai pas envie de m’étendre là-dessus, j’ai mieux à faire.

    Pour ce qui est du principe anthropique, il faudrait commencer par rendre à César ce qui est à César. Brandon Carter n’a jamais énoncé le principe anthropique tel que décrit ici. Il voulait simplement dire que puisque la vie était présente dans l’Univers celui-ci devait présenter des caractéristiques telles qu’il devait permettre son émergence et donc que l’on pouvait peut-être déduire certaines caractéristiques de l’Univers à partir du simple constat de l’existence de la vie. L’ironie de l’histoire est que Brandon Carter est matérialiste et qu’il n’a pas du tout été enchanté du développement qu’a pris son principe.
    Ensuite, les critiques qui proviennent de la dénomination ne sont pas pertinentes (c’est là que l’on voit que le vocabulaire à une certaine importance) comme par exemple son prétendu anthropocentrisme. Elles le sont d’autant moins que celui que lui a donné son nom n’était pas du tout dans une attitude anthropocentrique.
    Il serait préférable de le renommer, comme l’on proposé certains, pour désamorcer ces critiques. Le raisonnement qui est derrière reste le même quel que soit le nom qu’on lui donne. Ce raisonnement conduit à dire simplement que la vie n’était possible que dans le cadre d’un ajustement extrêmement étroit des lois et les constantes de l’Univers. Voici ce dit R. Morris à ce propos :
    « Pour être favorable à la vie, l’univers doit être très particulier. La véritable question que nous posons est la suivante : « Pourquoi l’univers est-il si particulier ? […]
    C’est comme si l’univers avait été consciemment modelé de manière à ce que la vie soit inévitable. Les scientifiques des époques précédentes n’auraient pas hésité à conclure que ces considérations prouvaient l’existence du Créateur […]
    Un moyen très évident de contourner la difficulté consiste à imaginer qu’il y a un nombre infini d’univers. Les univers qui ne possèdent pas le caractère particulier du nôtre existent aussi, mais ils n’abritent aucune vie. La raison pour laquelle notre univers à certaines propriétés spéciales est que, s’il ne les avait pas il n’y aurait personne pour s’en rendre compte.
    Il faut bien préciser que l’hypothèse selon laquelle il existerait un nombre infini d’univers n’est absolument pas une théorie scientifique reconnue. Cependant, je ne vois pas comment on pourrait éviter cette conclusion. Il n’y a tout simplement pas d’autres solutions raisonnables.
     » (Richard Morris Comment l’univers finira et pourquoi ? Édition R. Laffont 1984 traduction Henry-Luc Planchat p. 194-198-199-200)
    L’existence de Dieu, n’est bien entendu pas une hypothèse raisonnable (mais pour ma part, je n’ai pas encore compris pourquoi).
    On peut conclure de cet ajustement qu’il y a une intention à l’origine de l’univers ou qu’il y a une multitude d’univers. La logique ne permet pas de trancher entre ces deux hypothèses. En revanche, nier que la vie réclamait un ajustement extrêmement étroit ne me paraît pas une position tenable. Ce n’est vraiment pas par hasard si nombre de matérialistes imaginent qu’il y aurait un nombre immense d’univers (bien que cette hypothèse les dérange énormément), car elle présente une contrainte logique et observationnelle telle qu’elle me paraît difficilement évitable. Je ne connais personne qui ait émis des critiques valables à l’encontre de ce raisonnement, si vous pouvez m’en indiquer cela m’intéresse (la critique qu’en fait Christian Magnan n’est pas pertinente, ce serait malheureusement assez long de le montrer).

    Merci à vous pour votre ouverture d’esprit, c’est plutôt rare.

    Christian Camus

    • Merci de continuer à contribuer au débat !

      Sur Brandon Carter d’abord. Il est inventeur du principe anthropique dit « faible ».

      Voici ce qu’en dit notamment wikipedia :

      « Cependant, sa contribution la plus connue concerne la cosmologie, pour laquelle il a jeté les bases de ce que l’on appelle le principe anthropique, un ensemble de considérations relatives au fait que l’Univers tel que nous l’observons possède certaines propriétés inéluctables liées au fait que nous y vivons, la présence de structures biologiques évoluées n’étant pas a priori une caractéristique présente dans tous les univers possibles. »

      Lire ici un exposé de ses thèses

    • Cher Christian, vous écrivez que c’est plutôt rare d’être favorable à la critique mais seule la critique permet de véritablement comprendre la thèse. Nous sommes dialecticiens !!!

      D’autre part, vous écrivez : « Ce raisonnement conduit à dire simplement que la vie n’était possible que dans le cadre d’un ajustement extrêmement étroit des lois et les constantes de l’Univers. »

      Pourquoi seulement la vie ? Anthropique veut dire l’homme !

      Les constantes sont indispensables pour produire tout l’univers actuel.

      Cela ne signifie pas qu’une autre voie n’aurait pas donné quelque chose de moins intéressant !

      D’autre part, ce n’est pas seulement l’ajustement des constantes qui est indispensable pour avoir le monde actuel. C’est aussi toute la série de circonstances aléatoires...

      Car les coïncidences sont aussi indispensables que les lois vu que l’évolution de l’univers est historique et subit des événements.

      Il y a eu des transitions de phase nous disent les physiciens.

      Donc il y a eu des phases où la réalité était dans un état intermédiaire, état où la bascule peut entraîner d’un côté ou d’un autre. Il suffit alors de petits facteurs qui ne font pas partie de la loi principale. C’est la sensibilité aux conditions initiales. Il s’agit de lois de chaos déterministe.

      Dans ce cas, l’existence de lois ne signifie pas qu’il y ait une seule suite possible mais plusieurs et des sauts d’un possible à un autre...

      Donc le monde actuel n’était pas le seul possible.

      On ne peut donc pas inverser le raisonnement dans le genre qu’a-t-il fallu pour arriver au monde actuel.

      Car le monde actuel n’est pas la seule conséquence imaginable issu des conditions initiales.

      Il aurait pu y avoir les conditions initiales sans qu’existe la Terre, sans qu’existe la vie, sans qu’existe l’homme...

  • Vous dites :

    « L’existence de Dieu, n’est bien entendu pas une hypothèse raisonnable (mais pour ma part, je n’ai pas encore compris pourquoi). »

    Je ne sais pas pourquoi vous supposez l’existence de dieu.

    Voyant ce que vivent les êtres humains sur cette terre pour l’essentiel d’entre eux, y compris des enfants qui n’ont encore fait de mal à personne, j’aurai plutôt pensé que vous alliez suggérer l’hypothèse d’un diable.

    Quand vous voyez que les religieux ne sont pas à l’abri de faire souffrir des enfants (voir la pédophilie de certains prêtres), vous devriez constater au moins que la religion ne semble pas adoucir les moeurs. Et je ne parle pas des autres horreurs commises en leur nom. Par exemple les père blancs du Rwanda...

    Quelle nécessité de voir dans tout cela une volonté divine ?

    S’il y avait un dieu, j’aurai tendance à penser que c’est un sale bonhomme pour ne pas dire plus !

  • Tu cites la phrase suivante :

    « Pour être favorable à la vie, l’univers doit être très particulier. »

    Je suis à la fois d’accord et pas d’accord.

    La vie telle que nous la connaissons, oui.

    Mais, dans ces conditions, cela devient une tautologie et, comme toutes celles-ci, cela se mord la queue !

    Pour avoir tout ce que nous avons, il a fallu tout ce qu’il y a eu. Eh oui ! Sans doute !

    Mais LA VIE, je ne sais pas ce que c’est exactement.

    Je connais seulement "la vie telle que nous la connaissons ici sur Terre".

    Est-ce qu’il pourrait exister de toutes autres sortes de vie ? Aucune idée sur la question.

    je ne dispose même pas de critères sûrs du vivant.

    Je n’ai sous les yeux qu’une vie et ses diverses variétés et qu’une matière (celle du vide) et ses diverses formes. Rien n’empêche en soi qu’il y en ait d’autres mais comment raisonner sur ce qu’on ne sait absolument pas ?

    On ne peut en tout cas pas raisonner scientifiquement en disant qu’aucune forme de vie n’aurait été possible dans d’autres conditions.

    On peut dire qu’une forme de vie fondée sur l’ADN, l’ARN, les protéines et les cellules (pour résumer) n’aurait pas été possible ? Oui ! C’est tout mais cela ne dit pas tout.

    Encore une fois, il faut voir ce que l’on peur affirmer en faisant tourner le film de l’Histoire à l’envers.

    Là dessus, je conseille de lire l’ouvrage de Stephen Jay Gould :

    « La vie est belle »

    "L’ordre est largement le produit de la contingence. (…) Tout déroulement de l’histoire, altéré d’un iota apparemment insignifiant à son commencement, aurait donné un aboutissement également sensé et totalement différent, mais extrêmement déplaisant pour notre vanité, puisqu’il n’inclurait pas de vie consciente d’elle-même. (…) Des milliers et des milliers de fois, il s’en est fallu de peu pour que nous soyons purement et simplement effacés du film de la vie. (...) Homo sapiens est un détail dans l’histoire de la vie, et n’en incarne pas une tendance."

    Stephen Jay Gould dans "La vie est belle"

    • Gould rejette l’idée de progrès qui suppose une transformation positive dans un sens unidirectionnel prédéterminé, par un processus lent, régulier, continu, ce qui mène à la notion de directionnalité, de linéarité, de but, d’amélioration et de réalisation d’un objectif : « Il n’y a aucun progrès régulier dans le développement plus élevé de la conception des organismes vivants. Dans les trois cinquièmes ou trois sixièmes de l’histoire de la vie, seuls les unicellulaires ont habité la terre et nous ne constatons aucun progrès régulier « vers le haut » des procaryotes inférieurs. » (dans « La vie est belle ») Sur les rythmes de l’évolution, il précise « L’histoire de la vie n’est pas un continuum de développement, mais une série ponctuée par de brefs, parfois géologiquement instantanés, épisodes d’extinctions de masse et de diversification suivante. » Il rappelle que six extinctions de masse principales – il y a 600, 500, 345, 225, 180 et 63 millions d’années – (et de multiples de moindre ampleur) se sont déroulées dans un temps relativement extrêmement court devant la durée de l’immobilité qui la précédait : « Ceci peut sembler comme une longue durée dans le cadre de nos vies, mais c’est un instant géologique… si les espèces surgissent en des centaines ou milliers d’années puis persistent, en grande partie inchangées, durant plusieurs millions, la durée de leur apparition est une fraction minuscule d’un pour cent de leur durée totale. »

  • Vous réagissez rapidement et abondamment et étant donné que je suis le seul à soutenir ma position, je risque d’être rapidement débordé. Et cela se complique du fait que certains semblent m’avoir mal lu.
    Tout d’abord, comme je l’ai dit, les critiques pourtant sur la dénomination du principe anthropique sont malvenu, seules les critiques portant sur le raisonnement peuvent être pertinentes.
    D’autre part, le principe anthropique ne porte pas sur l’état actuel de la vie sur Terre, mais sur les conditions de possibilité de la vie en général.
    Pour que la vie existe il faut que l’Univers présente des caractéristiques telles qu’elles permettent son apparition. Là-dessus, tout le monde est d’accord.
    Le principe anthropique, tel qu’il s’est développé, — et non tel que l’a exposé B. Carter, on peut voir un article de lui dans la revue Ciel et espace de février 2004 p. 58) — est tout simplement l’idée que l’ajustement des lois et des constantes de l’univers est extrêmement critique.
    Le problème est donc :
    1) De savoir si l’ajustement de ces caractéristiques est critique, ou non.
    2) S’il est très critique, de savoir si c’est étudié pour ou si c’est par hasard.

    Voici quelques exemples :
    L’eau et l’air ne sont transparents qu’à l’égard de certaines longueurs d’ondes. Certaines fenêtres de transparence correspondent aux fréquences d’émissions du Soleil (et des étoiles bien entendu) si l’air ou l’eau était opaque nous ne serions pas là.
    Il n’y a que deux liquides qui sont moins denses à l’état solide qu’à l’état liquide. L’un d’entre eux est l’eau. Si l’eau se comportait comme un liquide normal, nous ne serions pas là.
    Ces exemples ne sont pas très critiques, mais il y en a d’autres qui le sont bien plus, et surtout ces exemples sont très nombreux. Et encore, une fois il ne s’agit pas de nous mais de la vie elle-même.
    La constante de couplage est de 1/137. Elle pourrait être a priori n’importe quoi. Mais si elle était un tout petit peu différente (1/10000 je crois) dans un sens il n’y aurait presque que de l’oxygène et pratiquement pas de carbone, dans l’autre sens il n’y aurait pratiquement que du carbone et pas d’oxygène. Et il semble que rien ne pourrait remplacer le carbone et l’oxygène.
    Encore une fois, les exemples de cette sorte abondent. C’est cela le raisonnement qui conduit au principe anthropique et dont il convient de parler, le reste est du bavardage.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • Vous écrivez :

      « il semble que rien ne pourrait remplacer le carbone et l’oxygène.

      Si l’eau se comportait comme un liquide normal, nous ne serions pas là.

      si l’air ou l’eau était opaque nous ne serions pas là.

      il ne s’agit pas de nous mais de la vie elle-même. »

      Il s’agit bel et bien de nous, c’est-à-dire de la seule vie que nous connaissons.

      De même que nous voyons sur terre la seule matière que nous connaissions mais dont nous ignorons si c’est la seule matière possible.

      Rien ne dit que ce soit la seule vie possible…

      Vous écrivez :

      « La constante de couplage est de 1/137. Elle pourrait être a priori n’importe quoi. »

      On ne peut pas raisonner ainsi. C’est à l’envers et sans point d’appui.

      Comme dit le proverbe : avec des si on irait au bout du monde.

      Et si l’homme avait trois cerveaux et pas un seul, s’il avaot deux ailes et pas deux jambes.

      Et si nous étions bêtes au lieu d’être intelligents.

      Et j’en passe.

      On peut raisonner sur le monde et c’est déjà suffisamment difficile.

      On ne peut pas modifier le monde dans sa seule tête.

      Ou alors, on se condamne à rester dans sa seule tête sans pouvoir convaincre quelqu’un qui ne veut pas y entrer.

      Chacun peut imaginer ce qu’il veut mais alors cela ne découle pas de l’étude du monde tel qu’il est.

      Je ne dis pas qu’une pensée pure et détachée de la réalité n’est pas du tout intéressante mais elle n’est pas scientifique. Chacun peut développer ses rêves, son art, ses romans. Cela peut être génial mais ce n’est pas lié aux observations du monde.

      Je ne dénie pas la valeur des pensées idéalistes puisque je tire ma dialectique de Hegel.

      Je pense que les hommes, s’ils conservent des pensées religieuses, en tirent une réponse à certains besoins psychologiques. Cela ne m’amène pas à penser que l’idéologie religieuse permette de comprendre le monde.

  • Au départ, le raisonnement anthropique met l’accent sur le fait que la vie ne peut pas apparaître dans n’importe quelles circonstances et que par conséquent, du fait même que nous existons, nous devons « vérifier » que les conditions nécessaires à l’apparition de la vie sont réalisées. Par exemple, les atomes lourds, tels que le carbone, l’azote ou le soufre, sont des éléments indispensables à la matière vivante. Et comme ces composés atomiques ne peuvent se forger qu’à l’intérieur des étoiles, nous pouvons affirmer que le monde est « forcément » plus vieux que l’âge moyen d’une étoile, c’est-à-dire qu’il a une bonne dizaine de milliards d’années.

    Cependant, on comprend bien qu’aucune « contrainte » n’est exercée a posteriori par la vie sur notre Univers. Si de contrainte on tient à parler, elle est de l’ordre de la déduction logique d’un Sherlock Holmes se permettant de « déduire » d’effets constatés la nécessité pour certaines causes d’être réalisées. Pour prendre une comparaison : comme seules les femmes enfantent, nous pouvons en déduire que la personne qui a donné naissance a tel bébé est « nécessairement » une femme. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de prétendre que ce qui a déterminé le sexe de cette personne une génération auparavant, lors de sa conception par son père et sa mère, c’est la naissance aujourd’hui constatée du bébé !

    En affirmant que notre Univers est conditionné par notre présence, le principe anthropique mêle les effets et les causes et, renversant l’ordre normal de la causalité, s’affirme ipso facto anti-scientifique. La tentation de remplacer l’explication en terme de causalité par l’explication en terme de finalité a toujours existé. Cette tentation est d’autant plus forte que la première échoue momentanément, ce qui est aujourd’hui le cas, car devant la question de la naissance du monde notre science est complètement désarmée. Pire, elle sait que ses outils sont impuissants à descendre en dessous des limites fatidiques de temps et d’espace appelées « limites de Planck ». En deçà, il nous faudrait une physique toute nouvelle faisant table rase de tous les concepts auxquels nous nous sommes habitués.

    Face au défi que représente l’origine du monde, la science, si elle veut rester science, ne peut se retrancher derrière des explications toutes faites et se contenter d’annoncer : si le monde est ce qu’il est, c’est parce qu’il nous contient ! Un tel « principe », qui cherche à combler à bon compte le vide de la théorie, signe en fait l’abdication de toute recherche. Et c’est face à cette attitude inacceptable qu’il faut afficher clairement son camp.

  • On connaît encore l’argument repris par nombre de vulgarisateurs relatif aux prétendus « choix » concernant les conditions prévalant à l’origine de l’Univers, et notamment le choix relatif à la vitesse intiale d’expansion : trop rapide, et l’Univers sera ouvert, trop faible, et il sera fermé. On avance souvent à ce propos l’exemple du lancement d’une sonde spatiale, laquelle doit posséder une vitesse suffisante pour ne pas retomber sur Terre.

    Et de se gargariser autour de la précision inimaginable (donc inexplicable, sinon après coup par argument anthropique !) avec laquelle « il a fallu » ajuster la vitesse d’expansion pour en arriver à l’état actuel. Or cet ajustement d’apparence extraordinaire existe en réalité dans tous les modèles d’univers que nous fabriquons avec nos équations, et non pas exclusivement dans celui qui nous concerne. Les équations d’univers d’Einstein contiennent en effet un terme de « courbure spatiale » qui devient asymptotiquement négligeable devant les autres lorsqu’on se rapproche du temps zéro. Du même coup, les termes qui « comptent vraiment » se compensent de plus en plus exactement. Faire croire que cet écart infime est exceptionnel pour notre Univers relève de la tricherie.

    Il s’agit ici de la même confusion dénoncée plus haut entre les effets et les causes. Ce n’est pas la vitesse d’expansion qui détermine le type d’univers (ouvert ou fermé), mais l’inverse. La véritable condition aux limites (à l’origine) concerne en effet le type d’univers, de sorte que, si choix il y a, c’est entre un univers fermé ou ouvert. Mais, dès lors que ce « genre » est fixé, toute possibilité de choix ultérieur disparaît : une fois l’univers choisi, la vitesse d’expansion est elle-même fixée sans ambiguïté à chaque instant.

    Ainsi, contrairement à ce que voudrait faire croire une vulgarisation tapageuse, on ne « lance » pas un univers comme un simple satellite artificiel !

    Enfin et surtout, parler de « choix » en ce qui concerne l’univers relève, en l’état de nos connaissances, de la fantaisie, et ce pour au moins deux raisons.

    La première est une question de principe. Notre Univers est unique et nous ne pouvons donc pas le comparer à d’autres univers. Considérer comme des objets physiques réels des univers hypothétiques existant « au-delà » du nôtre mais avec lesquels, par définition même (autres univers), nous ne pouvons pas établir le moindre contact est pure mystification. Car le champ de la physique se limite au domaine de l’expérience et qu’au-delà, il s’agit, à proprement parler, de « métaphysique ».

    La seconde est que, si nos modèles comportent bien des paramètres, nul n’en connaît le statut. Supposer avec les partisans du principe anthropique que tous les choix sont possibles sans la moindre discrimination est une hypothèse « sauvage » constituant en réalité un aveu inacceptable d’impuissance.

    Tant que nous ne possèderons pas de théorie sérieuse de création des univers, toutes ces questions de « choix » relèveront de la fiction et ne mériteront pas la caution de la science.

    Maignan

  • On sait que la vie existe (même si le sens de ce mot demeure ambigu). Conséquemment, il est logique que les conditions nécessaires à son existence existent aussi. Il s’agit d’une fausse coïncidence ; c’est-à-dire un simple rapport de cause à effet qui feint d’être une coïncidence. Si les variables étaient trop différentes de ce qu’elles sont, la vie n’existerait pas. Mais si elles étaient légèrement différentes, peut-être la vie existerait-elle mais serait-elle aussi légèrement différente. Puisque la vie existe telle que nous la connaissons, alors les variables qui autorisent son existence et font qu’elle est ce qu’elle est, sont telles qu’elles sont.

  • Votre argumentation ne répond guère à ce que j’ai dit puisque je parlais des propriétés de l’eau et de la constante de couplage.
    Toutefois, il me semble qu’une autre critique ressort de vos interventions et qui serait que la principe anthropique n’est pas scientifique. Je ne suis pas si sûr que le principe anthropique ne soit pas un raisonnement scientifique. Mais de toute façon, pour pouvoir prendre en compte cette critique il faudrait que :
    1) Faire de l’épistémologie et se mettre d’accord sur ce que veut dire être scientifique. Les épistémologues sont très partagés sur cette question. Cela risquerait de nous entraîner assez loin.
    Quand bien y parviendrions-nous il faudrait satisfaire à une deuxième condition :
    2) Montrer que l’argument est pertinent compte tenu du cadre dans lequel il s’inscrit. Ce qui n’est manifestement pas le cas. Ce site est philosophique. Et il fait ce que la vraie philosophie a toujours fait : s’inspirer des découvertes scientifiques pour élaborer une pensée.
    Si nous acceptions ce genre d’argument cela voudrait dire qu’il faudrait effacer 95 % de ce qu’il y a dans ce site. Et la première chose qu’il conviendrait d’enlever est le matérialisme, autrement dit il ne resterait rien de votre site. Car je ne pense tout de même pas que vous croyez que le matérialisme est prouvé scientifiquement. Il y a longtemps que l’on en a finit avec de genre d’ânerie.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • C’est plutôt ton intervention qui ne répond pas à la mienne. Le matérialisme n’est pas prouvé par la science dis-tu, semble-t-il pour me contredire alors que je t’ai donné l’adresse de mon article intitulé La science donne-t-elle la preuve de la non-existence de dieu ? et qui répond que non. La science, c’est-à-dire l’étude raisonnée de l’observation des lois de la nature, ne répond pas à des questions philosophiques à la place des hommes eux-mêmes. Elle ne donne que des clefs et plutôt en négatif, en excluant certaines hypothèses, qu’en positif, en garantissant le succès d’autres.
      Donc les hommes continueront à philosopher, à opposer par exemple matérialisme et idéalisme et dialectique et métaphysique et ainsi à s’enrichir du débat. Comme nous le faisons ici.

  • Le principe anthropique n’est pas scientifique, ai-je dis. Et cela ne te convainc pas. Suppose que je te dise que moi, Robert Paris, je suis en train d’écrire pour mon site Matière et Révolution et que toutes les conditions existantes du monde m’ont amené à être là à le faire. Sans la dernière crise, sans la révolution arabe, personne ne lirait ce site. Donc toute la situation était là pour faire réussir le site Matière et révolution.

    Si tu lisais cela sous ma plume, j’ose espérer que cela te ferait doucement rigoler et que tu me dirais que j’inverse les causes et les effets.

    Eh bien tu en fais autant en prétendant que, puisque le monde actuel n’existerait pas sans des causes bien précises comme les quantités caractéristiques de la matière, de la lumière, ou de l’eau, donc c’est que le monde actuel était conçu par avance comme but lors de la fondation de l’Univers…

    Je te dirais que ce sont les horreurs du monde actuel, oppression, l’exploitation, la violence sosu toutes ses formes, y compris le viol des femmes et des enfants, la misère accrue, alors qui étaient un but et que ton dieu n’est rien d’autre qu’un diable !

  • Qu’est-ce qui change notre philosophie quand on étudie la matière ?

    Eh bien, c’est lorsque la matière ne se comporte pas comme on pouvait l’imaginer !

    Cela ne veut pas dire que l’observation de la matière nous dicte notre nouvelle philosophie mais qu’à celui qui a une attitude scientifique (qui veut se fonder sur l’observation de la réalité) cela lui impose de changer ses raisonnements.

    Est-ce que la connaissance des quantités caractéristiques de l’Univers imposent de croire au principe anthropique ?

    Si on les changeait un tant soit peu, l’Univers actuel serait nous dit-on impossible. Mais cette observation ne peut pas dire qu’un autre univers ne serait pas possible ni que l’Univers actuel existait en but dès "le départ" car le big bang n’est pas une origine, seulement un seuil...

  • Je n’avais lu que la première partie de votre article ; je n’avais pas vu qu’il y avait une suite. Le raisonnement que vous tenez n’est évidemment pas le genre de raisonnement que des scientifiques pourraient considérer comme scientifique. C’est un raisonnement philosophique qui s’appuie sur les découvertes scientifiques.

    Il me semble que nous sommes d’accord sur deux points :
    1) La question de l’existence de Dieu est absolument essentielle.
    2) C’est la science qui doit répondre à cette question. S’il y a une intention à l’origine de l’Univers, on doit en trouver la trace.
    (À mon avis, un mystique peut avoir son propre mode de connaissance sur cette question. Nous ne pouvons préjuger de la validité de cette connaissance, mais son expérience ne vaut que pour lui.)
    Toutefois, il me semble que nous sommes en désaccord sur un point essentiel. Pour moi, ce n’est pas la science telle qu’elle est aujourd’hui qui peut répondre à cette question, mais c’est la science telle qu’elle devrait être. La différence réside dans son principe de matérialisme méthodologique (parce qu’il n’a jamais reçu aucune justification sérieuse).
    Ainsi s’appuyer sur la science pour tenter de montrer que Dieu n’existe pas présente un sérieux problème. En raison de ce principe, la recherche scientifique est totalement biaisée par rapport à cette question.
    Soit la science renonce à ce principe et les arguments tirés de la science peuvent servir à une telle démonstration. Soit elle accepte ce principe et cela signifie qu’elle doit renoncer à toute prise de position sur la question ontologique. Et cela signifie aussi que tout argument tiré de la science qui tend à valider le matérialisme doit être considéré avec une grande suspicion.
    ______________________________________________
    C’est bien la première fois de ma vie que je rencontre des personnes capables d’aborder une telle question sereinement et poliment, et je vous en remercie.
    J’ai eu l’habitude de n’être pas pris au sérieux pour n’être pas matérialisme et par des personnes qui étaient en même temps totalement incapables d’aborder la question rationnellement, c’est plutôt déplaisant.
    Et il serait tout de même temps que l’on aborde sérieusement et rationnellement cette question. Mais ce n’est pas dans les habitudes de nos intellectuels. Par exemple, à la Sorbonne il y a deux départements de philosophie, Paris I est plutôt matérialiste et Paris IV spiritualiste. Mais jamais ils ne se rencontrent pour discuter. C’est pareil partout, mais de la part de profs de philo, c’est plutôt lamentable. Le dialogue n’est sans doute pas facile mais il faudrait au moins s’y essayer.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • Le raisonnement que vous tenez n’est évidemment pas le genre de raisonnement que des scientifiques pourraient considérer comme scientifique. C’est un raisonnement philosophique qui s’appuie sur les découvertes scientifiques.

      Parfaitement d’accord avec vous !

      On ne peut pas s’en tenir à ce que dit la science.

      Les scientifiques non plus ne le peuvent pas à mon avis.

      Car elle ne dit pas énormément de choses si on ne raisonne pas.

      Or il reste à choisir comment on raisonne.

      Et à le faire consciemment.

      Ce choix ne provient pas uniquement de l’observation.

      Einstein se revendiquait de sa philosophie qu’il appelait le réalisme.

      Il ne l’avait pas trouvée par la seule observation.

      Planck, Heisenberg, Bohr, Prigogine et tous les grands physiciens avaient leur philosophie personnelle et ils l’appliquaient dans leur science. Ils ne l’avaient pas tirée de la science mais de leur cerveau....

  • Notre désaccord ne porte pas seulement sur le matérialisme mais aussi sur la dialectique. Et enfin il porte sur les buts de la philosophie comme de la science. Nous divergeons totalement à part sur le fait qu’il est bon de discuter...

  • Cher Christian,

    Tu as parfaitement le droit de considérer que ma démarche n’est pas scientifique. Elle n’est pas nécessairement celle de tous les scientifiques. Tu affirmes que le matérialisme en général n’est pas scientifique et tes raisonnements sous-entendent que l’idéalisme est scientifique de même que le serait la métaphysique.

    On peut penser avec les outils que l’on veut. Personne n’a jamais empêché les scientifiques d’être idéalistes et ils l’ont souvent été et ont été malgré tout des penseurs scientifiques intéressants.

    Par contre, selon moi, certains raisonnements sont faux au plan du raisonnement. C’est le cas du principe anthropique qu’on le prenne sous sa forme faible ou forte.

    C’est un faux raisonnement à partir du moment que d’une série d’actions historiques qui ont donné le monde actuel et du fait que, tout changement dans ces actions ne donnaeraient plus le monde actuel, on déduirait que le monde actuel était inclus en but, en objectif quasiment conscient aux moments dits initiaux qui n’existent pas…

    L’existence de seuils de niveaux de structure ne signifient pas des instants initiaux et des création ex nihilo.

    La création du monde existe en permanence et partout car existent partout des discontinuités du monde. Le fameux big bang n’est rien d’autre qu’une discontinuité. Il n’est en rien création à partir de rien du monde matériel, mais création à partir des particules virtuelles du vide des particules matérielles et séries de conséquence qui en sont découlées.

    Tu ne précises pas suffisamment pour quelle raison tu estimes que tout matérialisme doive être contraire à la science pour qu’on te réponde sur ce point.

    Par contre, il est étonnant que tu estimes que ta religion doive s’appuyer sur la science. On aurait pu croire que le christianisme n’avait besoin que de la foi.

    Le marxisme, à l’opposé des religions, a toujours eu comme souci de s’appuyer sur les résultats des sciences. Cela ne signifie pas qu’il considère que la pensée humaine ne soit pas nécessaire. L’idéalisme humain, l’abstraction, l’imagination, la conceptualisation, le raisonnement humain, sont indispensables à la science et à la philosophie et il ne suffit pas d’observer le monde pour le comprendre. Par contre, l’observation est la pierre de touche de toute théorie scientifique.

    Peux-tu m’expliquer quel lien tu établis entre science et christianisme ?

  • Vous dites : « Notre désaccord ne porte pas seulement sur le matérialisme mais aussi sur la dialectique. Et enfin il porte sur les buts de la philosophie comme de la science. Nous divergeons totalement à part sur le fait qu’il est bon de discuter... »
    Je pense que le but de la philosophie et de la science est le même, c’est la recherche de la vérité (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la philosophie doit s’inspirer de la science). Science et philosophie divergent sur leurs exigences et leur méthode. Bien sûr, il y a beaucoup de philosophes et de scientifiques dont ce n’est pas le but, mais quand à moi je n’ai rien de sérieux à faire avec eux. Pour discuter, il est indispensable que nous soyons d’accord sur ce but.
    C’est un point important. Si nous sommes d’accord sur le fait qu’il est bon de discuter, encore faudrait-il que nous soyons d’accord sur le but de cette discussion.
    Nous divergeons peut-être sur la dialectique. Mais c’est un point secondaire, cela concerne la méthode et non le but et peut faire partie du débat. Alors que je ne suis pas convaincu que le but puisse faire l’objet d’un débat. Quel argument pourrait-on trouver qui pourrait convaincre quelqu’un de choisir la vérité pour but ?
    Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est intéressant de faire un bilan de ce sur quoi nous sommes d’accord, ou non, au plus profond et de voir si les conditions minimums d’un dialogue sont réunies. Je pense que les conditions minimums sont : d’être d’accord sur le but, et sur la méthode (aborder la ou les questions en ne se fondant que sur la raison et l’expérience sensible). Mais en fait, la méthode peut éventuellement faire l’objet d’un débat. Seul le but ne peut pas en être l’objet.
    Je pense aussi qu’il est préférable de discuter de ce sur quoi nous divergeons au plus profond. Il n’y a pas de sens de discuter sur une question s’il n’y a pas d’accord sur des positions plus fondamentales qui la conditionnent. Notre divergence la plus profonde me semble clairement de savoir s’il y a, ou non, une intention à l’origine de l’Univers.
    Je répondrais plus tard à votre dernière intervention.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • « Pour discuter, il est indispensable que nous soyons d’accord sur ce but.
       »
      dites vous.

      Ce n’est pas certain. On peut très bien discuter entre personnes qui ne sont pas d’accord sur les buts.

      Rechercher la vérité n’est pas suffisant pour savoir si on a les mêmes buts car il y a dans les buts des visions historiques, sociales, idéologiques et donc des philosophies.

      A priori nous n’avons rien de commun dans les buts. Ce n’est pas dramatique. Cela ne fait pas de vous quelqu’un avec qui nous ne pouvons pas parler car notre conception n’est pas religieuse. Nous ne demandons pas du tout au gens d’être d’accord pour discuter mais seulement de défendre leur point de vue, ce qui ne semble pas vous faire défaut.

      Pour notre part, nous cherchons à développer les possibilités historiques de libération de l’humanité des chaînes économiques et sociales de l’exploitation et de l’oppression.

      Nous estimons pour notre part que la philosophie dialectique est non secondaire mais principale en la matière. En effet, la transformation sociale est de nature dialectique.

  • Bonjour,
    À mon avis, une démarche scientifique est censée opérer une contrainte logique et observationnelle de manière à convaincre les autres scientifiques. Et c’est la communauté scientifique qui est juge de la validité d’une théorie ou d’une idée. Il y a bien aussi un échange d’idée et de raisonnement chez les philosophes mais en fin de compte, le philosophe est seul juge de la validité des idées qu’il tient pour vraie. La science est une démarche collective, la philosophie une démarche personnelle.
    Voilà pourquoi je pense que votre démarche est philosophique, je ne pense pas qu’elle offre une réelle contrainte logique.
    Le matérialisme ne peut être en aucun cas être scientifique précisément parce qu’une exigence de la science est le matérialisme méthodologique (pas forcément reconnu par tous les scientifiques, mais la pression est telle qu’un scientifique ne peut guère travailler qu’en faisant comme si il le reconnaissait). On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Adopter le matérialisme méthodologique signifie renoncer à se prononcer sur le matérialisme ontologique.
    Vous dites : « Tu affirmes que le matérialisme en général n’est pas scientifique et tes raisonnements sous-entendent que l’idéalisme est scientifique de même que le serait la métaphysique. » Matérialisme, pour moi, ne s’oppose pas à idéalisme, il s’oppose à spiritualisme. C’est la question de savoir si c’est l’esprit ou la matière qui précède.
    Mais vous avez raison quelque part, je considère que le spiritualisme (pas l’idéalisme) est plus scientifique que le matérialisme. Le spiritualisme ne nie aucun phénomène ; le matérialisme ne tient qu’en niant, sans examen sérieux, tout un ensemble de phénomènes.
    C’est une habitude couramment répandue chez les hommes de nier les faits qui les dérangent. Mais un spiritualiste peut très bien l’être sans nier quoi que ce soit : alors qu’un matérialiste doit forcément nier, ou ignorer, tout un ensemble de faits.
    Vous me demandez : « Peux-tu m’expliquer quel lien tu établis entre science et christianisme ? » Je pense que la science devrait abandonner le matérialisme méthodologique (qui n’a, je le répète, aucun fondement). Cela signifie que bien des phénomènes non reconnus par la science (parce qu’ils n’ont aucune explication possible à l’intérieur du matérialisme) pourraient faire l’objet de la science, et l’on pourrait tenter d’élaborer une métaphysique à partir de ces phénomènes. C’est certainement un travail extrêmement délicat, mais aussi d’une importance primordiale.

    Vous dites : « Par contre, il est étonnant que tu estimes que ta religion doive s’appuyer sur la science. On aurait pu croire que le christianisme n’avait besoin que de la foi. »
    Tout d’abord, je n’ai pas de religion, je suis chrétien tout seul et n’appartiens à aucun groupe. Je suis méfiant vis-à-vis de la foi, tous les spiritualistes s’en réclament pour valider les idées les plus diverses. La foi semble aussi un peu trop influencée par les idées reçues. Je ne puis reconnaître la foi que si elle ne prétend pas valider tout un contenu et se contente d’un discours minimum. Pour ma part, c’est une expérience mystique qui m’a ouvert les yeux. Les spiritualistes ont tellement abusé de la foi et lui on fait dire tellement de choses qu’elle ne peut plus servir. De même, les rationalistes on fait dire beaucoup trop de choses à la raison, par exemple nous faire croire qu’elle validait le matérialisme, ou que le marxisme était scientifique.
    Si on a conception réaliste de la science, ce qui est mon cas, il est normal de mettre ses idées en accord avec elle ; à moins d’être prêt à vivre de rêves et d’illusions, ce qui n’est pas mon cas.
    Je fais une différence entre discuter et bavarder. Discuter signifie argumenter. « La philosophie est une discipline argumentative » dit Bouveresse.
    Pour pouvoir discuter ainsi, il faut être d’accord sur le fait que nous cherchons ensemble la vérité. Nous pouvons bien chacun avoir d’autres buts personnels, mais celui-là est le premier.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • Merci de discuter et de ne pas seulement bavarder.

      Tu dis que « le philosophe est seul juge de la validité des idées qu’il tient pour vraie. La science est une démarche collective, la philosophie une démarche personnelle. »

      Permet moi de ne pas approuver ton avis sur ce point.

      Le scientifique est engagé dans une démarche personnelle comme l’a montré maintes fois Poincaré (le physicien, mathématicien et philosophe).

      Les Einstein, Planck, Bohr ou Heisenberg, pour ne citer que ceux-là, étaient engagés dans un combat scientifique et philosophique et sur aucun de ces plans l’un n’a pas convaincu les autres. Seule la mort a interrompu le débat qui n’était pas du bavardage.

      Quant au philosophe, il n’est pas un poète et il fait aussi partie d’un débat qui se fonde d’ailleurs sur les sciences notamment.

  • Tu dis : « un matérialiste doit forcément nier, ou ignorer, tout un ensemble de faits. »

    Pas de problème. peux-tu me citer un texte ou un extrait dans lequel je nie des faits.

    Certes, si tu appelle le principe anthropique un fait d’observation, on ne peut être d’accord. On ne peut raisonner sur l’hypothèse "changeons les conditions initiales de l’Univers" puisque personne ne peut réaliser une telle expérience.

    Je crains fort qu’en vouant prouver qu’il existe des preuves scientifiques donc matérielles de l’existence de dieu, tu ne sois le meilleur éloge du matérialisme !

  • Tu dis : « Pour ma part, c’est une expérience mystique qui m’a ouvert les yeux. »

    C’est tout à fait crédible. Ce n’est pas parce que tu peux avoir fait une telle expérience que le monde ne serait pas matériel.

    Notre cerveau est capable de telles expériences. Notre psychologie peut les susciter parce qu’elle en a besoin.

    Tu as cru en lisant Marx ou des commentaires de Marx que celui-ci niait l’existence des expériences de pensée. Dommage !

  • Le matérialisme permet-il d’expliquer des expériences psychologiques particulièrement étonnantes ?

    Cela dépend ce que l’on appelle étonnantes et ce que l’on appelle le matérialisme.

    Nous nous contenterons de parler de celui de Marx à Trotsky et nous nous contenterons comme expériences dites étonnantes des expériences dites mystiques dont nous parle Christian Camus.

    Eh bien oui !

    L’étude neurologique de l’homme permet de comprendre que l’on puisse se mettre soi-même en situation d’entendre des voix, de se sentir dans un autre monde (ce que font couramment les mystiques et... les drogués), de vivre des sentiments étonnants.

    Cela fait partie des relations possibles entre notre corps et notre cerveau : c’est notre capacité de nous balancer des neurotransmetteurs et d’abord d’en produire une grande quantité si nous nous mettons physiquement et psychologiquement dans certains types d’états.

    Ce n’est pas magique. c’est seulement neurologique, même si je reconnais que les êtres humains en tirent des impressions fortes.

  • Bonjour,

    Tout d’abord, par rapport à mon texte que vous indiquez, la version sur mon site doit être plus récente, cliquez ici. Vous l’avez aussi en version PDF. Il y a aussi d’autres textes qui vous concernent comme Il faut raison garder.
    Vous me dites : « Le scientifique est engagé dans une démarche personnelle comme l’a montré maintes fois Poincaré (le physicien, mathématicien et philosophe). » Bien entendu, mais je parlais de la science, pas des scientifiques. Les scientifiques peuvent très bien être engagés dans une démarche philosophique personnelle — d’ailleurs, je ne vois pas comment il pourrait faire autrement, les théories ayant un caractère de scientificité sont tout à fait insuffisantes à régler notre vie — mais ce n’est pas de la science. Rien ne les empêche de faire, à côté de la science, bien d’autres choses, comme de la philosophie.
    Vous me dites : « Pas de problème. Peux-tu me citer un texte ou un extrait dans lequel je nie des faits. » Je ne parlais pas spécialement de vous. Mais surtout, je vous fais remarquer que j’ai dit « nier ou ignorer ». Vous ne nier peut-être rien, mais alors vous devez sans doute ignorer.
    D’autre part, il existe une façon de nier où celui qui nie n’a pas l’impression de nier car il justifie cette négation par des arguments qu’il croit rationnel. Et ainsi, c’est celui qui y “ croit ” qui est, à ses yeux, naïf ou crédule. Par exemple, en ce qui concerne le principe anthropique, est-ce que vous qui niez ou est-ce moi qui me suis laisser piéger par un raisonnement qui ne vaut pas un clou ? Ce n’est pas si facile à déterminer. D’autre part, il ne faut pas confondre raisonner et rationaliser. La différence est que dans un raisonnement la conclusion est à la fin, dans une rationalisation elle est au début. Les philosophes, et les intellectuels, sont d’ailleurs remarquablement habiles à ce petit jeu, ils possèdent des outils inaccessibles au commun des mortels. L’immense majorité d’entre nous adoptent les idées qui leur conviennent, qui les arrangent, les intellectuels aussi. Ils sont seulement plus habiles à les justifier.
    Ainsi, l’honnêteté, la sincérité, la volonté de regarder la réalité en face quelle qu’elle soit, sont les conditions d’une démarche intellectuelle correcte, beaucoup plus que l’intelligence. Ce sont aussi les conditions pour qu’un authentique débat soit possible.
    Mais je puis affirmer que dans l’ensemble de ceux qui se réclament du matérialisme il existe bien une négation. Certains d’entre eux peuvent être de bonne foi, mais nombre d’entre eux aussi non seulement ne prennent pas la peine d’examiner des phénomènes incompatibles avec leur façon de penser, mais les écartent avec mauvaise foi quand ils y sont confrontés. C’est évidemment pareil partout, ce n’est pas un travers spécifique aux matérialistes. En ce qui me concerne, je n’ai pas l’impression de nier quoi que ce soit, comme vous sans doute. Lequel de nous deux nie, ou raisonne de travers, ou ignore quelque chose ? Il me semble qu’il est intéressant de faire porter le débat sur des questions moins complexe que le principe anthropique.
    Il existe tout un ensemble d’observations dont les matérialistes se désintéressent, et pour cause, je ne crois que le matérialisme pourrait tenir sans les ignorer. Je pourrais vous citer beaucoup de choses. Je me contenterai de vous citer ce qui me paraît le plus intéressant. À mon avis, ce sont les travaux de Ian Stevenson sur la réincarnation.
    Il a observé des enfants (vers 3-4 ans) qui racontaient des vies qu’ils auraient vécu et donnaient bien des détails que Stevenson à vérifier et qu’ils n’étaient pas du tout censés connaître. Il a observé 2000 ou 2500 cas, la plupart d’entre eux ne sont sans doute pas très intéressants, il en a publié 26 en français et quelque chose comme 70, je crois, en anglais. Vous pouvez lire :
    Biologie et réincarnation aux éditions Dervy
    20 cas suggérant le phénomène de réincarnation aux éditions J’ai lu
    La première raison pour laquelle je trouve ses travaux intéressants c’est qu’ils tendent à montrer l’existence de la réincarnation. S’il existe quelque chose comme la réincarnation, c’est un bouleversement formidable pour la pensée.
    Stevenson était chef de service en psychiatrie à l’hôpital de Virginie. Il ne peut être soupçonné d’invention. Il connaissait très bien la méthode scientifique. À ma connaissance, il n’existe pas de critique sérieuse de ses travaux.
    Il faut remarquer que Stevenson n’a jamais prétendu avoir prouvé la réincarnation. Il existe, en effet, des hypothèses alternatives qui pourraient expliquer ses observations. Toutefois, toutes ces hypothèses sont totalement incompatibles avec le matérialisme.
    D’autre part, Stevenson présente pour vous un autre intérêt. Les statistiques montrent qu’en occident 20 à 25 % d’entre nous admettent l’idée de réincarnation (30 % chez les jeunes). C’est sans doute ce que les matérialistes appellent la montée de l’irrationnel. Les catholiques pratiquants sont aujourd’hui moins de 5 % et ça se déglingue à la vitesse V. Les spiritualistes de loin les plus nombreux sont aujourd’hui des réincarnationistes. Ce ne sont pas encore vos adversaires, les quelques intellectuels qui l’admettent s’écrasent, c’est sans doute plus prudent pour leur carrière. Mais il va falloir compter que, demain, ce seront eux vos principaux adversaires. Mieux vaut connaître leurs arguments, mais je gage que vous aurez plus de difficultés.
    Vous risquez aussi de vous embarquer « dans le monde du changement radical ». C’est une aventure qui demande du courage car « Il est bien plus facile de mourir pour ses idées que de les mettre en question. »
    Vous me dites : « Je crains fort qu’en voulant prouver qu’il existe des preuves scientifiques donc matérielles de l’existence de dieu, tu ne sois le meilleur éloge du matérialisme ! » Je ne prétends pas du tout prouver l’existence de Dieu. Mais au moins, la position matérialiste pourrait devenir très scabreuse. On pourrait peut-être même prouver la fausseté du matérialisme, au moins tel qu’on le conçoit en occident. Cela conduirait, au minimum, à un élargissement du matérialisme, c’est-à-dire de devoir admettre l’existence de mondes subtils.
    Vous dites : Dans ces conditions, peut-on comme le fait Christian Camus défendre le principe anthropique fondé sur des raisonnements du type "si on change les conditions initiales de l’Univers" alors que l’histoire de l’Univers n’est pas un phénomène reproductible. »
    Le principe anthropique ne se fonde pas uniquement sur la cosmogonie. D’ailleurs, les exemples que j’avais pris ne relevaient pas de la cosmogonie. Je ne suis pas astronome ou physicien pour pouvoir en discuter valablement, tout au moins par rapport à la cosmogonie.
    Il y a beaucoup de matérialistes qui admettent le principe anthropique et qui imaginent une hypothèse lourde avec cette idée d’une multitude d’Univers. Pourquoi ont-ils pris au sérieux une idée qui les dérange énormément si elle ne vaut pas un clou ?
    Vous dites : « comme expériences dites étonnantes des expériences dites mystiques dont nous parle Christian Camus » Je ne vous en ai parlé que pour répondre à la question de la foi, je n’en fais pas un argument. Je suis bien conscient que cela n’a qu’une valeur personnelle. Et aussi, je pense qu’une analyse externe faite par quelqu’un qui n’a pas fait une telle expérience ne vaut pas un clou. De plus, de telles analyses ne prennent généralement pas en compte l’expérience telle qu’elle est rapportée, mais celle-ci est déformée pour pouvoir parvenir aux conclusions voulues, choisies en fonction de la détermination à continuer à penser de la même façon coûte que coûte. C’est ainsi que le monde fonctionne.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • Vous me dites qu’il y a énormément de faits que je refuse d’examiner et vous me citez des interprétations de Stevenson en termes de réincarnation.

      Pourquoi appeler cela des faits ?

      Il n’y a pas besoin, si on cherche ce type de "faits" de parler de Stevenson ni de ses réincarnations dont vous dites vous-mêmes que :
      « Il faut remarquer que Stevenson n’a jamais prétendu avoir prouvé la réincarnation. »

      On pourrait mettre au rayon de ce type de "faits", la venue des martiens sur terre, la civilisation extra-terrestre des pierres dressées, toute la sorcellerie (en Afrique comme dans le monde entier).

      D’autre part, vous affirmez que le scientifique peut parfaitement faire de la philosophie, mais alors ce n’est plus le scientifique qui parle.

      Cela me paraît tout à fait contre-productif de raisonner ainsi.

      Tout d’abord, pour ma part, je reste le même et je n’ai pas plusieurs casquettes sous lesquelles je serai quelqu’un de différent. Désolé.

      J’estime, d’après ma connaissance de gens comme Einstein, Poincaré, Heisenberg ou Planck ou encore Prigogine et Darwin qu’ils considéraient que leur philosophie était à la base de leur conception scientifique. Permettez moi par conséquent de refuser votre catégorie "le scientifique" séparée de celle du "philosophe". J’ai un peu développé ce point de vue dans ce texte

    • Vous dites :
      « Le principe anthropique ne se fonde pas uniquement sur la cosmogonie. » alors que je vous ai fait remarquer que ce principe ne peut être scientifique au sens de votre propre définition puisqu’il s’agit de raisonner sur un événement non reproductible et en plus de raisonner comme si on changeait les conditions initiales ce qui n’est pas productible et pas reproductible.

      Dire que des scientifiques font ce type de raisonnement vous paraît prouver que c’est valable puisqu’ils n’avaient aucune raison selon vous de penser ainsi.
      Là encore, ce type de raisonnement n’est pas valable. Il faut se contenter de dire oui ou non on peut raisonner valablement ainsi de manière scientifique.

      Pas uniquement sur la cosmogonie. Non ! Pas du tout !

  • Vous dites : « Le matérialisme permet-il d’expliquer des expériences psychologiques particulièrement étonnantes ? » (Je ne répète pas le développement de votre intervention, ce serait un peu long).
    Est-ce que le but d’une explication est de comprendre un phénomène ou de pouvoir continuer à penser de la même façon ?
    J’ai bien peur que les explications que donnent la plupart des hommes des phénomènes n’ont d’autre but que de pouvoir persévérer dans leurs erreurs. On peut, par exemple, le voir en ceci que les explications ne sont pas confrontées aux phénomènes qu’elles sont censées expliquer pour vérifier si elles en rendent compte correctement, mais que ce sont plutôt les observations qui sont déformées pour se conformer aux “ explications ”.
    Ce petit jeu tout le monde, ou presque, y joue. Ceux qui hantent les couloirs de nos universités savent très bien y jouer, c’est assez souvent grâce à cela qu’ils conservent leur poste.
    En ce qui vous concerne, c’est intéressant de voir comment vous portez des conclusions sur une expérience que vous ne connaissez même pas, puisque je ne l’ai même pas racontée. Est-il nécessaire d’ailleurs que je la raconte ? Votre explication tiendra-t-elle compte du contenu de l’expérience ?
    Je vous rassure, les spiritualistes ne font pas mieux. La plupart ne s’intéressent aux expériences mystiques que dans la mesure où elles confortent leurs présupposés. Alors qu’en fait, les expériences mystiques sont extrêmement diverses et ne confortent les présupposés de personne, ni des religieux, ni des matérialistes, et ne se satisfont pas d’une explication simple. Au moins, si on veut vraiment prendre en compte leur contenu.
    Mais je pense que vous allez avoir beaucoup plus de difficultés avec les observations de Stevenson et que c’est même la raison pour laquelle elles sont complètement occultées par notre intelligentzia. On peut trouver quelques arguments tirés par les cheveux sur des sites américains, destinés à évacuer des observations dérangeantes, mais ils ne tiennent pas longtemps.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • Avant de vous répondre sur le fond, je voulais vous remercier infiniment de venir nous porter ainsi la contradiction sur notre site. il n’y a pas meilleur moyen de comprendre un point de vue que de le voir contredit par un point de vue adverse. Donc encore merci. Je vous répondrais plus avant sur votre intervention. Mon souhait serait que des dizaines de personnes veuillent en faire autant que vous le faites et avec autant de ténacité.

    • Cher Christian, vous me dites :

      « En ce qui vous concerne, c’est intéressant de voir comment vous portez des conclusions sur une expérience que vous ne connaissez même pas, puisque je ne l’ai même pas racontée. »

      Et, par ailleurs, vous remarquez vous-mêmes que le fait de l’avoir racontée ne changerait rien, non pas pour moi mais comme preuve.

      Mais, Christian, j’ai eu l’occasion de connaître historiquement l’existence de phénomènes plus que curieux, y compris de phénomènes complètement incompris des scientifiques.

      Cela ne signifie pas que votre philosophie soit juste. Cela signifie que la science est en recherche.

  • En ce qui concerne la réincarnation de Stevenson, je voudrais vous faire remarquer que le sérieux scientifique de celui-ci donne des éléments plutôt contre qu’en faveur de la thèse.

    En effet, il a rencontré dit-il 2600 cas où on pouvait penser à une réincarnation. Ce qui est assez considérable pour avoir été observés directement par un seul scientifique. On dispose donc d’un panel sérieux !

    Et que voit-on sur ces 2600 cas où on croit à une réincarnation ? Stevenson n’en retient que 64 auxquelles il en rajoutera plus tard six nouvelles. Donc 70 en tout sur 2600 ! C’est moins que les miracles de la papauté. Mais c’est encore beaucoup !

    Mais pour une rédaction détaillée, il ne retient que 20 pour lesquels il écrit "Vingt cas suggérant le phénomène de réincarnation".

    Donc sur 2600, il y en a 20 seulement qui "suggèrent" le phénomène !!!

    Mais, malheureusement, il s’avère que ces cas ne se manifestent quasiment que dans des régions du monde où on croit à une religion de la réincarnation. Pourquoi des gens venus de pays où on n’y croit pas ne pourraient pas connaitre des réincarnations ?

    Pour ma part, je suis non croyant en toutes sortes de croyances. Même la version scientifique de type religieuse me laisse de marbre.

    Je ne cherche pas de preuve ni de la religion ni de la non religion.

    Je cherche à examiner le monde, à le comprendre.

    Je ne pense pas que 20 personnes sur lesquelles on a trouvé des signes physiques correspondant à des personnes disparues soient nécessaires pour "croire mystiquement" à la réincarnation.

    Celui qui croit à la réincarnation psychique n’a nullement besoin de Stevenson et sa réincarnation physique.

    Comme je vous le disais vous êtes un véritable éloge du matérialisme puisque vous cherchez des preuves physiques de notions idéalistes !

  • Bonjour,
    Il semblerait que vous ayez mal lu ce que j’ai dit, quand à Stevenson, il semblerait que vous ne l’avez pas lu du tout. Vous n’avez pas eu le temps de le lire depuis que je vous en ai parlé, l’auriez-vous lu avant ? Les arguments que vous avancez sont connus et réfutés. Il semblerait que vous les répétez par ouï-dire.
    Mais je voudrais d’abord vous faire remarquer que c’est le matérialisme qui est en question présentement, pas la réincarnation. Non seulement parce que c’était le sujet de notre échange, mais aussi parce que j’avais précisé que ni Stevenson, ni moi, ne prétendons que ses observations prouvent la réincarnation. J’avais dit qu’il existe des hypothèses alternatives à la réincarnation, mais que ces hypothèses sont toutes incompatibles avec le matérialisme.
    Vous dites : «  je voudrais vous faire remarquer que le sérieux scientifique de celui-ci donne des éléments plutôt contre qu’en faveur de la thèse ».
    J’aimerai savoir quels sont ces éléments. Est-ce que vous avez des informations précises, ou est-ce que se sont seulement des ragots colportés par ceux que ses travaux dérangent ? Vous savez très bien que quand quelqu’un touche à un sujet sensible les dénigrements gratuits vont bon train. Il n’est pas le seul à travailler sur la réincarnation, il y a même des scientifiques, par exemple : Patrick Drouot, physicien, Jean-Louis Siemons, docteur en physique, avez-vous aussi des informations sur eux ?
    Mais de toute façon, c’est un argument ad hominem, qui, vous le savez, ne vaut rien en science (et ailleurs, pas grand chose). Une expérience ou une observation scientifique s’étudie pour elle-même sans considération de l’auteur. Ce n’est pas l’homme qui est scientifiquement douteux, ce sont ses travaux, et il faut prendre la peine de dire en quoi ils le sont. Et c’est seulement après avoir étudié sa démarche que l’on peut en conclure qu’il est scientifiquement douteux, et il faut évidemment préciser pourquoi sa démarche ne l’est pas. Sans ces précisions, ce n’est que du dénigrement.
    Vous dites : « Pour ma part, je suis non croyant en toutes sortes de croyances. »
    C’est vous qui croyez, pas moi. J’ai étudié la question, j’y ai réfléchi, pas vous. Votre croyance à la non-réincarnation ne s’appuie sur aucune étude ni aucune réflexion valable, mais sur l’absence d’étude, sur le dénie des observations. Être non-croyant, comme vous dites, c’est donc encore une forme de croyance. Je pense qu’il vaudrait arrêter de croire quoi que ce soit et se contenter de penser et surtout en examinant les observations si on ne veut pas réfléchir en l’air.
    Si vous étiez né dans un pays où presque tout le monde admet la réincarnation, vous l’admettriez sans doute aussi. Mais vous êtes né dans un pays où la pensée dominante est le matérialisme, doit-on penser que c’est la raison profonde pour laquelle vous êtes matérialiste ? Pour ma part, je pense que la réincarnation existe (sans exclure les hypothèses alternatives) non parce que mes parents ou ma culture me l’ont appris, mais parce que j’ai étudié les observations et les témoignages. Est-ce votre conditionnement ou votre lucidité qui vous empêche d’étudier ces observations ?
    Vous dites : « Je ne cherche pas de preuve ni de la religion ni de la non religion. »
    Vous ne cherchez pas de preuves au matérialisme ? Je suis plutôt surpris. Vous êtes extrêmement actif sur ce site, et bien pour défendre, entre autres, le matérialisme. Vous y êtes d’ailleurs si actif que je peux très bien comprendre pourquoi vous me répondez de façon si sommaire.
    Vous dites : «  Je ne pense pas que 20 personnes sur lesquelles on a trouvé des signes physiques correspondant à des personnes disparues soient nécessaires pour "croire mystiquement" à la réincarnation. »
    Ce n’est pas 20, mais 6, sur lesquelles on a trouvé des signes physiques. Pour les 20 autres, il n’y avait pas de tels signes. Ce qui montre bien le niveau de connaissance que vous avez de ces observations. Et évidemment vous oubliez complètement l’essentiel, qui consiste en ceci que les enfants racontaient quantité de détails sur des vies qu’ils auraient vécus qu’ils n’étaient pas du tout censés connaître et qui ont été vérifiés. Ce sont évidemment cette connaissance des détails et leur vérification qui sont importantes. C’est tout de même nettement plus sérieux que la caricature que vous en faites.
    Vous dites : «  Mais pour une rédaction détaillée, il ne retient que 20 pour lesquels il écrit "Vingt cas suggérant le phénomène de réincarnation". Donc sur 2600, il y en a 20 seulement qui "suggèrent" le phénomène !!! »
    Je ne vois pas très bien où est le problème. Les scientifiques ont-ils l’habitude de publier leurs expériences qui n’ont pas marché ?
    S’il avait publié les 2600 cas, savez-vous ce qui serait arrivé ? Les debunkeurs auraient choisis les cas les plus faibles, auraient montré qu’ils ne valaient rien et auraient considéré que leur conclusion s’étendait à tous les autres cas. Ce n’est pas difficile à deviner, c’est toujours ainsi que l’on procède, ou presque. Avec seulement les cas les plus solides sous la dent, le travail des debunkeurs est nettement plus difficile, alors ils ont recours à une autre stratégie : ils ignorent ces travaux et se contentent de calomnies.
    Vous dites : « Mais, malheureusement, il s’avère que ces cas ne se manifestent quasiment que dans des régions du monde où on croit à une religion de la réincarnation. Pourquoi des gens venus de pays où on n’y croit pas ne pourraient pas connaitre des réincarnations ?  »
    Cela fait partie des critiques habituelles qui ne valent pas un clou. Il est clair que dans un pays où l’on n’admet pas la réincarnation, pratiquement personne n’écoute un enfant parler de vies qu’il aurait vécues, on le fait même taire. Ce qui explique aisément pourquoi la plupart proviennent de ces pays.
    Vous dites : «  Comme je vous le disais vous êtes un véritable éloge du matérialisme puisque vous cherchez des preuves physiques de notions idéalistes ! »
    J’ai déjà répondu à cela en vous disant : « bien des phénomènes non reconnus par la science (parce qu’ils n’ont aucune explication possible à l’intérieur du matérialisme) pourraient faire l’objet de la science, et l’on pourrait tenter d’élaborer une métaphysique à partir de ces phénomènes.  » Une telle démarche n’est pas nouvelle (voir, par exemple, William James ou Bergson). La conscience humaine pourrait bien être un pont entre le monde sensible et suprasensible.
    C’est aussi une attitude normale pour un spiritualiste, même si elle n’est peut-être pas très courante. Et c’est précisément ce genre d’attitude qui vous pose un sérieux problème. Vous êtes absolument tranquille quand un spiritualiste se réfère à la foi, le débat s’en trouve complètement stérilisé et il ne peut ébranler votre position. Mais que faites-vous devant quelqu’un qui se réfère à l’expérience, et pire encore à une expérience reproductible, comme c’est le cas de Stevenson ? Ce qui permet au matérialisme de tenir c’est que les expériences du domaine “ parapsychologique ” sont rarement répétables à volonté. Mais quand il arrive qu’elles le soient, comme c’est le cas de celles de Stevenson, on trouve un autre moyen de s’en débarrasser.
    Vous dites : «  Je cherche à examiner le monde, à le comprendre. »
    Là je vous rejoins tout à fait. Il me semble que là-dessus nous sommes parfaitement d’accord. Nous en avons parlé. Qu’est-ce qui pourrait vous faire penser que je cherche autre chose ? J’ai bien dit que : « Si on a conception réaliste de la science, ce qui est mon cas, il est normal de mettre ses idées en accord avec elle ; à moins d’être prêt à vivre de rêves et d’illusions, ce qui n’est pas mon cas. » Croyez-vous donc que c’était du bavardage ?
    Je crois que la différence réside en ceci que pour vous le monde s’arrête à ce qui tombe sous les organes des sens et pas pour moi. Il y a bien des choses qui tombent sous les organes des sens et qui ne peuvent s’expliquer par le matérialisme. Et en général, ces choses sont liées à la conscience humaine. Je ne vois vraiment aucune raison de penser que le monde s’arrêterait à ce que nous en observons. C’est d’ailleurs une vieille histoire. Et l’histoire des sciences a largement montré que le monde ne s’arrêtait pas à ce que nos sens pouvaient en percevoir.
    Je pense qu’une pensée bien conduite doit tenir compte de l’ensemble des phénomènes appartenant à l’expérience humaine. Et que les phénomènes les plus intéressants ne sont pas ceux qui confortent nos façons de penser, mais ceux qui sembleraient, a priori, l’invalider. Une pensée bien conduite ne consiste pas à “ expliquer ” les phénomènes susceptibles de la bouleverser afin de les évacuer et de les délester de leur pouvoir subversif sur nos idées. Mais au contraire, elle consiste à mettre ses idées à l’épreuve des observations. Mais nous observons que la pensée de l’immense majorité des hommes s’élabore en laissant de côté les observations et les expériences susceptibles de mettre en cause leurs idées.
    C’est dans ce genre de réactions que l’on observe très bien la folie du monde. Une conduite normale pour la pensée serait que plus une idée est fondamentale, importante, plus on devrait opérer un examen soigneux et faire l’objet d’éventuelle remise en cause ; et plus elle est superficielle, secondaire, plus on pourrait se croire autorisé à l’adopter après un examen moins soigneux. On peut aisément observer que l’immense majorité d’entre nous fonctionnent exactement à l’inverse.
    Je vous suggère donc de mettre votre pensée à l’épreuve des phénomènes, des observations, plutôt que d’évacuer les phénomènes qui sont susceptibles de la déranger.
    C’est d’ailleurs l’attitude normale pour un scientifique. Quand un physicien élabore une théorie, aussitôt il y en a d’autres qui tentent d’imaginer une expérience pour la casser (ou la vérifier). Et c’est partout pareil en science, et c’est assez bien respecté partout ; au moins pour les théories qui n’ont aucune implication philosophique. Mais plus une théorie a des implications profondes, plus on observe de résistances. Et évidemment, le matérialisme est l’idée qui a les implications philosophiques les plus profondes et donc où la résistance est la plus forte. Le matérialisme méthodologique fait partie de l’arsenal spécieux servant à bétonner le matérialisme ontologique.

    Bien à vous
    Christian Camus

    • Cher Christian, vous me répondez :

      « Vous dites : « Pour ma part, je suis non croyant en toutes sortes de croyances. » C’est vous qui croyez, pas moi. »

      Alors vous êtes non croyant et moi je suis croyant ? Je crois au matérialisme selon vous.

      Mais vous ne voyez peut-être pas qu’il y a une très grande distance entre ma version du matérialisme et celles que vous connaissez.

      Je pense qu’il est nécessaire par exemple qu’existe un combat permanent entre matérialisme et idéalisme. Pas vous.

      Je pense nécessaire et irremplaçable le combat d’une manière générale.

      C’est là que se situe notre divergence principale.

      Pour vous, il faut rechercher LA vérité.

      Pour moi, il faut questionner la réalité et approfondir les questions. Je ne crois pas à LA vérité.

    • Vous dites : « Ce n’est pas 20, mais 6, sur lesquelles on a trouvé des signes physiques. Pour les 20 autres, il n’y avait pas de tels signes. »

      Je vous ferais remarquer que le hasard simple suffit à expliquer des coïncidences pareilles : deux pour des millions d’hommes !

      Est-ce que je dois étudier Stevenson ? Pourquoi pas mais ma remarque ci-dessus ne semble pas montrer que ce soit indispensable.

      Je ne critique nullement Stevenson mais seulement vos arguments.

    • Si vous voulez une idée de ma version de la philosophie :

      lisez ici

    • Vous dites : « Mais que faites-vous devant quelqu’un qui se réfère à l’expérience, et pire encore à une expérience reproductible, comme c’est le cas de Stevenson ? »

      En quoi quelques exemples d’enfants ayant eu des vies ressemblant selon vous à celles d’autres personnes ayant vécu auparavant serait une "expérience reproductible" ?

      La vie d’un individu n’est nullement une expérience reproductible dans ce cas.

      Que vous disiez que six personnes semblent dans le même cas ne "prouve" rien en termes d’expérience reproductible car les six n’ont pas été des tentatives de reproduire quelque chose.

      Quand on reproduit, on fait passer à quelqu’un la même cause et on recherche s’il y a le même effet. Cela n’a rien à voir.

      Vous dites que tous les scientifiques enlèvent de leurs expériences les cas qui n’ont pas marché mais Stevenson reconnait que des milliers de cas recensés n’ont pas marché pour n’en garder qu’un tout petit nombre...

      Je ne vois nullement là une preuve en aucun sens, ni en faveur d’un spiritualisme ni d’un matérialisme, d’une réincarnation ou pas.

      Vous n’auriez pas besoin de telles études pour croire à la réincarnation (des millions de gens y croient sans chercher une preuve) et je ne vous reproche nullement de croire à ceci ou cela. J’ai seulement fait remarquer que je ne croyais à rien. Ce n’est pas une attitude d’exclusion envers quelqu’un qui croirait à quelque chose. Je sais que la plupart des gens ont besoin de croire en des choses et c’est le cas y compris de la plupart des scientifiques et de la plupart des matérialistes. La science actuelle est souvent productrice d’une croyance que je dénonce dans mes écrits.

      Mais, selon moi, la compréhension du monde ne progresse pas ainsi.

      Encore une fois, je ne vois pas notre divergence là où vous la voyez.

      Certes, vous êtes très en guerre contre les matérialistes. Pour notre part, cette critique tombe un peu à côté car nous reprochons pas mal de choses à la plupart des matérialistes qui sont selon nous métaphysiciens.

      Nous ne nions pas l’existence de phénomènes psychologiques et psychiques et nous ne voyons pas le besoin de les nier. L’homme produit ce type de phénomènes et certaines sociétés ont développé des civilisations leur donnant une grande importance. Nous n’estimons nullement que cela soit ridicule. Vous pourrez le constater dans nos textes. Par exemple ici

      Nous n’opposons pas diamétralement matière et esprit, rationalité et irrationalité. Voir ici

      Désolé de vous infliger la lecture de nos textes mais cela vous est nécessaire pour nous critiquer efficacement. Sinon, vous risquez de critiquer d’autres courants matérialistes sans que cela nous touche aucunement.

  • Francis Bacon dans « Nouvel Organum » :

    « Mais le plus grand obstacle et la plus grande aberration de l’entendement humain a pour cause la stupeur, l’incompétence et les illusions des sens. Nous sommes constitués de manière que les choses qui frappent immédiatement nos sens l’emportent dans notre esprit sur celles qui ne les frappent que médiatement, quoique ces dernières méritent la préférence. Ainsi, dès que notre œil est en défaut, toutes nos réflexions cessent à l’instant ; on n’observe que peu ou point les choses invisibles. Aussi toutes les actions si diversifiées qu’exercent les esprits renfermes dans les corps tangibles ont-elles échappé aux hommes, et leur sont-elles entièrement inconnues, car lorsque quelque transformation imperceptible a lieu dans les parties de composés assez grossiers (genre de changement qu’on désigne communément par le mot d’altération, quoiqu’au fond ce ne soit qu’un mouvement de transport qui a lieu dans les plus petites parties), la manière dont s’opère ce changement est également inconnue. Cependant, si ces deux sujets là ne sont bien éclaircis et mis dans le plus grand jour, ne nous flattons pas qu’il soit possible de faire rien de grand dans la nature, quant a l’exécution. Et ce n’est pas toute la nature de l’air commun, et de toutes les substances dont la densité est encore moindre (et combien n’en est-il pas), cette nature, dis-je, n’est pas mieux connue, car le sens est par soi-même quelque chose de bien faible, de bien trompeur, et tous les instruments que nous employons, soit pour aiguiser nos sens, soit pour en étendre la portée, ne remplissent qu’imparfaitement ce double objet. Mais toute véritable interprétation de la nature ne peut s’effectuer qu’à l’aide d’observations et d’expériences convenables et appropriées à ce dessein, le sens ne doit être fait juge que de l’expérience, et l’expérience seule doit juger de la nature de la chose même.
    LI. L’entendement humain, en vertu de sa nature propre, est porté aux abstractions, il est enclin à regarder comme constant et immuable ce qui n’est que passager. Mais, au lieu d’abstraire la nature, il vaut mieux la disséquer, à l’exemple de Démocrite et de ses disciples, école qui a su beaucoup mieux que toutes les autres y pénétrer et l’approfondir. Le sujet auquel il faut principalement s’attacher, c’est la matière même, ainsi que ses différentes textures, et ses transformations. C’est sur l’acte pur, et sur la loi de l’acte ou du mouvement, qu’il faut fixer toute son attention, car les formes ne sont que des productions de l’esprit humain, de vraies fictions, a moins qu’on ne veuille donner ce nom de formes aux lois mêmes de l’acte.
    LII. Tels sont les préjugés que nous comprenons sous cette dénomination, fantômes de race, lesquels ont pour cause, ou l’égalité de la substance de l’esprit humain, ou sa préoccupation, ou ses étroites limites, ou sa turbulence, ou l’influence des passions, ou l’incompétence des sens, ou enfin la manière dont nous sommes affectés par les objets.
    LIII. Les fantômes de l’antre ont leur source dans la nature propre de l’âme et du corps de chaque individu. Il faut compter aussi pour quelque chose l’éducation, l’habitude, et une infinité d’autres causes ou de circonstances fortuites. Ce genre de fantômes se divise en un grand nombre d’espèces. Cependant nous ne parlerons ici que de celles qui exigent le plus de précautions, et qui ont le plus de force pour altérer la pureté de l’entendement. »

  • En effet, la mécanique quantique regorge de mystères, de surprises et de paradoxes qui nous obligent à revoir la manière dont nous concevons la matière, et même la physique en général.

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