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Les leçons de la révolution d’Octobre

lundi 30 juillet 2012, par Robert Paris

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  • « Avec le recul de l’histoire, l’insurrection d’Octobre apparaît beaucoup plus planifiée et monolithique qu’elle ne le fut en réalité. Il ne faut pas voir, en réalité, une insuffisance dans les hésitations, dans la recherche de voies parallèles, ni dans les initiatives fortuites qui n’ont pas eu de développement ultérieur. Ainsi, à la réunion improvisée du comité central du 16 octobre, on prit la décision de remplacer le conseil constituant l’état­-major de l’insurrection par le « centre » auxiliaire du parti, composé de Sverdlov , Staline, Boubnov, Ouritsky, et Dzerjinsky . Au même moment, à la session du conseil de Petrograd, fut créé le comité militaire révolutionnaire, qui développa, dès le début de son existence, une activité si résolue dans la préparation de l’insurrection, que le « centre »dont le projet avait été formé la veille fut complètement oublié, y compris par ses propres membres. Nombre d’improvisations semblables ont sombré dans le tourbillon de ce temps ! Staline n’est jamais entré au comité militaire révolutionnaire, il ne s’est pas montré à Smolny, c’est‑à‑dire à l’état‑major de la révolution, il n’a été lié en rien aux préparatifs de l’insurrection, mais est resté à la rédaction de la Pravda, écrivant des articles ternes, que peu de gens lisaient. Personne, au cours des années qui ont suivi, n’a évoqué le « centre pratique ». Dans les mémoires rédigées par des acteurs de l’insurrection ‑ et il n’y a pas d’oublis dans ce genre d’écrits ‑, le nom de Staline n’est jamais cité. Staline lui-même, dans un article publié dans la Pravda du 7 novembre 1918, à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution d’Octobre, énumérant tous les organismes, et toutes les personnes ayant pris part à la révolution, ne dit pas un mot du « centre pratique ». Et pourtant, un vieux procès‑verbal de protocole, découvert par hasard en 1924 et assorti d’un commentaire mensonger, a servi de base à la légende bureaucratique. Dans tous les ouvrages de référence, les notices biographiques, et même dans la dernière édition des manuels scolaires, figure le « centre » révolutionnaire, avec, à sa tête, Staline. Personne, en l’occurrence, ne s’est soucié, ne serait-ce que par décence, de nous expliquer où et quand siégeait ce centre, quels ordres il donnait, et à qui, s’il a établi des protocoles, et où ils se trouvent. Nous avons là tous les éléments des procès de Moscou. »

    Léon Trotsky, Art et révolution, 1938

  • « Rappelez-vous l’époque où Lénine est arrivé en Russie pour la première fois après de longues années d’émigration. Rappelez-vous l’accueil réservé à ses célèbres Thèses d’avril. Une fraction de notre propre parti, importante au reste, y a vu, ou peu s’en faut, une trahison de l’idéologie marxiste habituelle ! Manifestement, il n’y avait rien là de contradictoire au marxisme. Force nous est aujourd’hui, au contraire, de constater que c’était un développement de la doctrine marxiste orthodoxe de la dictature du prolétariat.
    La vie nous a administré la preuve éclatante que le pouvoir soviétique était la forme la plus stable d’existence de la dictature ouvrière, qu’elle possédait un certain nombre d’avantages pratiques immenses pour la classe ouvrière triomphante. Mais si, parallèlement, nous comparons cette reconnaissance universelle à l’accueil qui a été réservé initialement à la formule de Lénine même dans nos propres rangs du parti, sans parler de nos adversaires, nous comprendrons quel immense propos théorique et pratique avait alors tenu le camarade Lénine. C’est assez fréquent, eu égard aux rythmes effrénés de notre vie, que bien des éléments nouveaux finissent par être considérés comme allant de soi. Mais lorsque nous tâchons de porter une appréciation historique sur ces éléments nouveaux, il faut faire litière des habitudes, il faut se remettre en mémoire tout ce qui précède l’instant présent, comment ont été accueillies cette conception théorique et les déductions pratiques qui en découlaient.
    Je le répète, loin d’avoir été accueillies avec reconnaissance, elles ont au contraire suscité des attaques très virulentes. Aujourd’hui, la notoriété est générale, et c’est bien l’indice que, du point de vue de la réflexion théorique sur les questions relatives à la dictature du prolétariat, à la théorie du pouvoir d’Etat, à ses normes, et d’un point de vue pratique, il y a effectivement ici quelque chose de grandiose. Il faut bien voir que ce n’est pas simplement une question pratique, même si j’ai dit que le seul élément décisif pour nous est en fin de compte la pratique. C’est aussi une immense question théorique, parce que la théorie des formes de domination des classes est, pour la bourgeoisie aussi, une question théorique et pratique ; la question des formes de sa domination est d’un intérêt majeur, tout comme pour la classe ouvrière. Mais pour cette dernière, elle l’est incommensurablement plus importante et suscite des difficultés bien plus considérables parce que les diverses variations du pouvoir d’Etat de la bourgeoisie trahissent une sorte de continuité historique, tandis que le prolétariat n’a jamais eu ce pouvoir. »

    Boukharine, "Lénine théoricien"

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