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Pas de progrès linéaire historique hiérarchique en art : un exemple, l’art aborigène

mercredi 12 septembre 2012, par Robert Paris

Préambule

Nous sommes tous victimes de l’idéologie du progrès selon laquelle nous – traduisez le niveau actuel de civilisation – serions supérieurs aux sociétés plus « primitives » que nous. Par exemple, l’homme chasseur-cueilleur qui nomadisait serait très en retard intellectuellement et socialement sur nous…

Quelle prétention !

Mais d’abord, faisons marcher notre « gros cerveau », hommes modernes !

Nous sommes très forts techniquement par rapport aux hommes chasseurs-cueilleurs. Nous avons plein d’objets de notre production en propriété et nous sommes centrés sur nos objets fabriqués. Nous y trouvons une supériorité sur la nature. Pas une supériorité sur les hommes des époques précédentes et encore moins sur leur niveau culturel ou de pensée, de vie sociale ou d’humanité.

L’homme chasseur-cueilleur (si on peut dire en groupant ainsi des tas de sociétés qu’on ne peut pas grouper bien sûr) avait une grande différence avec nous : il disposait de très peu d’outils et était beaucoup plus intéressé à la nature. Mais il disposait d’un outil humain extraordinaire : son cerveau et s’ingéniait à jouer avec.

Ainsi, il remarquait que son cerveau était capable de produire des pensées imaginaires fantastiques, ses rêves, et il se disait : ce n’est pas moi qui ai pu penser cela tout seul la nuit, ce sont surement des esprits qui ont mis dans ma tête des pensées, des sentiments, des couleurs aussi extraordinaires. Je dois leur rendre hommage en communiquant ces couleurs, ces images, ces rêves aux autres hommes, en peignant, en sculptant, en gravant, en dessinant, en racontant ces images rêvées…

D’où l’art aborigène… Ou plutôt les arts aborigènes d’Australie. Les arts tout court même. L’art quoi ! L’homme, plus exactement, dans sa diversité et ses créativités.

Nous sommes pour une vision historique de la société humaine (le marxisme), mais nous ne devons pas oublier, malgré le poids du « progressisme bourgeois », que la création et la civilisation sont comme des explosions volcaniques successives, séparées, discontinues, imprédictibles, des créations à chaque fois nouvelles, extraordinaires, étonnantes… L’humanité n’a pas été une invention en une fois mais une série, explosive et discontinue, d’inventions de l’homme, de l’humanité, de l’humanisme et chacune de ces inventions est aussi extraordinaire que les autres, réinvente les sentiments, les couleurs, les paysages, le réel et l’imaginaire…

Pas de progrès linéaire historique hiérarchique en art : un exemple, l’art aborigène d’Australie

L’art, comme le rêve, c’est l’interface entre le réel et l’imaginaire. Certains peuples très anciens cultivaient davantage l’imaginaire que nous qui disposons de plus d’outils matériels et sommes plus obnubilés par la possession d’objets qu’eux... Voir ici

L’art pariétal, celui des "hommes des cavernes" que l’on aurait dû plutôt appeler artistes des cavernes, a montré que l’on ne pouvait pas établir une hiérarchie ascendante des compétences en art. Voir ici

Il y a tout un débat sur l’interprétation de l’art pariétal. Voir ici

Jean Clottes expliquait à propos de la grotte Chauvet :

"On avait auparavant coutume de penser que l’art s’était développé de façon progressive, avec des débuts un peu frustes et une amélioration au fil des millénaires. Cette thèse avait certes déjà été contredite par certains scientifiques, qui affirmaient à l’inverse que l’histoire de l’art n’est pas linéaire, qu’il y a des sortes de flambées, d’explosions artistiques à certaines époques, de disparitions à d’autres. Mais Chauvet a prouvé qu’à des époques aussi anciennes, autour de - 30 000 ans, il pouvait y avoir de grands artistes, très importants sur le plan de l’histoire de l’art."

Les œuvres de la grotte Chauvet démontrent qu’il existait déjà, au début du Paléolithique supérieur, des artistes capables d’abstraction intellectuelle pour préparer la paroi calcaire et penser le dessin. La grotte Chauvet est un site majeur dans l’histoire de l’humanité, où l’on voit que les hommes maîtrisaient parfaitement des techniques très complexes comme l’estompe et la perspective capables de donner du volume aux représentations pariétales mais également d’y figurer un véritable dynamisme. Grâce à la grotte Chauvet, les historiens et les scientifiques admettent dorénavant que l’art ne doit plus être lu comme un mouvement historique linéaire durant lequel les hommes auraient acquis des connaissances et des techniques de représentations pariétales de plus en plus complexes leur permettant de dessiner des objets de plus en plus complexes. L’art peut être vu comme une suite d’apogées et de déclins dont la grotte Chauvet est déjà un sommet de réussite esthétique et technique.

Les civilisations apparaissent plus comme des explosions brutales suivies de trous noirs que comme une continuité du progrès. Voir ici

Les aborigènes d’Australie

Le continent australien est peuplé depuis plus de 40000 ans par des autochtones, appelés “Aborigènes” par les Européens.
A l’époque précoloniale, les Aborigènes ne représentaient pas un groupe homogène. Environ 500 tribus habitaient l’ensemble du continent et se répartissaient sur des zones géographiques si différentes et parfois si éloignées les unes des autres qu’elles présentaient une grande diversité culturelle, linguistique, économique et technologique.

Les aborigènes d’Australie sont une communauté qui a été colonisée, violée, assassinée puis parquée et traitée de manière raciste. Voir ici

Leurs peintures sur roche remontent parfois à plus de 30 000 ans. Sur certaines, on voit des silhouettes d’homme et d’animaux avec les organes de l’intérieur du corps, comme on peut les voir sur une radio.

Les Aborigènes peignaient sur des écorces d’eucalyptus, et maintenant sur du bois ou de la toile. Ils y peignaient leurs rêves, décrivant les chemins suivis par les ancêtres lors de la création du monde.

Les tribus et langues Aborigènes étaient nombreuses, environ au nombre de 500. Aujourd’hui, une trentaine de langues sont parlées couramment par des personnes dont la langue Aborigène particulière à leur groupe est leur langue maternelle. D’autres langues sont parlées ou connues, mais sont en danger de disparition.

A la fin du 18ème siècle, à l’arrivée des Européens, les aborigènes étaient environ 1 million, ils sont aujourd’hui environ 265 000, soit 1,6 % de la population totale. En effet ce peuple a été massacré et quasiment exterminé par les européens. Ceux échappant aux massacres n’ont pas survécu aux diverses maladies, à la nouvelle nourriture et à l’alcool apportées dans leur environnement.
Les tribus étaient chassées de leurs terres car les blancs en avaient besoin pour faire des essais nucléaires ou pour bâtir des mines d’Uranium. Les aborigènes furent parqués dans des réserves, dans ds missions chrétiennes et les enfants étaient arrachés à leurs familles pour être élevés dans les communautés blanches et anglicanes du pays.

La Tasmanie, île située au sud-est, était peuplée de 5 à 7 000 Aborigènes avant l’arrivée des Britanniques qui y installèrent un pénitencier en 1803. En 70 ans, ils avaient réussi à les faire tous disparaître. Ce fut le génocide le plus rapide de toute l’histoire.

Sur l’ethnocide des Aborigènes

L’art aborigène d’Australie a connu une extinction lors de la colonisation et du pouvoir néo colonial, mais il renait de ses cendres...

Nous présentons ici des merveilles de l’art aborigène d’Australie. Elles ne sont pas rangées dans un ordre chronologique car cela n’aurait pas vraiment de sens...

L’art aborigène remonte à 15.000 ans, comparativement à des peintures rupestres estimées à 34 000 ans à Chauvet, dans le sud de la France. Cependant, les archéologues ont trouvé des éléments prouvant que les aborigènes ont commencé à produire leur art, peu après leur arrivée en Australie, il y a plus de 45.000 ans.

Alors que des sites sont encore découverts, certains des plus importants comprennent Djulirri, dans la région de la Terre d’Arnhem du Territoire du Nord, qui contient 3.000 peintures, des pochoirs et des images de cire d’abeille. Créées sur plus de 15.000 ans, elles représentent des animaux indigènes depuis longtemps éteints, l’arrivée des Européens sur leurs navires, et les inventions modernes, comme un vélo et le biplan.

Le Pilbara, en Australie occidentale, a de grandes quantités d’art rupestre, mais la région également riche en ressources a connu une expansion rapide de l’activité minière.
Sur la péninsule de Burrup, se trouve la plus grande concentration au monde de pétroglyphes ; de nombreux sites y ont été détruits dans les années 1960 et 1970. Plus récemment, des sculptures ont été coupées et déplacées, au grand dam des archéologues, qui disent que le contexte est primordial.

Les Aborigènes d’Australie étaient des chasseurs-cueilleurs, leur survie dépendait étroitement de l’environnement, des aléas climatiques et des cycles naturels. Il était donc fondamental qu’ils se déplacent pour rejoindre les points d’eau et les ressources naturelles disponibles, à intervalles suffisamment réguliers pour utiliser l’ensemble des ressources du territoire sans en épuiser aucune.
Les Aborigènes étaient des nomades ou semi-nomades, selon les fluctuations climatiques et la situation géographique de leurs territoires ; les tribus côtières, par exemple, étaient moins tenues de se déplacer que les chasseurs-cueilleurs des zones arides en raison de leur accès permanent à une source d’eau.

La peinture aborigène la mieux connue et la mieux représentée aujourd’hui en Occident est à n’en pas douter la "dot painting". Cette peinture, qui mobilise une technique à point, s’exporte si largement qu’elle symbolise parfois l’art aborigène pris dans sa globalité. Or ce type de peinture est typique surtout du désert central de l’Australie, chaque région ayant développé ses propres traditions picturales.

Partout en revanche, la peinture aborigène traditionnelle utilise de multiples supports : la roche, la terre, la pierre, la fourrure, le bois, le cuir, le sable et le corps. Les couleurs sont généralement limitées au nombre de quatre, puisque les pigments provenaient de l’environnement naturel :

le rouge, provenant du sable ocre du désert.
le blanc, provenant du calcaire et de la chaux.
le jaune, provenant de l’argile, de l’ocre ou de fleurs jaunes.
le noir, provenant du charbon ou d’herbes brûlées.

En Australie aborigène, chaque peinture est une histoire,
un témoignage et/ou un hommage. Mais la plupart d’entre elles sont en fait dédiées aux ancêtres du Dreamtime.

Dans la tradition aborigène, tout commence à l’époque du "Tjukurrpa", période de création mieux connue sous le nom de Dreamtime ou Temps du Rêve. Aux yeux des Aborigènes, le monde fut créé par des esprits mythiques qui, après avoir laissé des traces de leur passage dans le relief, retournèrent à la terre ou émergèrent sous la forme humaine, animale ou végétale.

Il n’y a pas un seul art aborigène australien ancien mais une grande variété.

La terre d’Arnhem est célèbre pour ses écorces peintes aux ocres naturelles. On y rencontre le style « rayon X » qui représente simultanément l’aspect externe (la silhouette) et interne (la colonne vertébrale et les organes) du personnage ou de l’animal. L’utilisation des motifs hachurés ou « rarrk » ajoute une signification symbolique et des informations claniques. Les grandes mythes fondateurs et les légendes y sont racontés , telles celle du Python Arc-en-ciel, des soeurs Wagilag ou des esprits Mimih. Chaque artiste raconte ses rêves dans un style qui lui est propre. Les œuvres de Bulung Bulung, celles de Jimmy Wululu ou de Georges Milpurrurru sont identifiables au premier regard.

La région des Kimberley a vu éclore un style totalement différent avec la communauté de Warmun. Les ocres naturelles sont utilisées le plus souvent sur toile. Rover Thomas, réprésentant de l’Australie à la Biennale de Venise de 1990 a impulsé un style très personnel, avec de larges aplats, une palette restreinte ( noir/blanc/brun/ocre). Il raconte sa terre, l’histoire de son peuple et en particulier le passage du cyclone Tracy sur le territoire. Des artistes comme Freddy Tims ou Jack Britten dépeignent des lieux avec des styles très identifiables. Leurs vues aériennes, leurs paysages faussement naïfs ou cartographiés métaphorisent des lieux sacrés.

Le Désert Central est porteur d’identités multiples. Si à chaque communauté correspond un style propre, à l’intérieur du groupe, l’artiste reste unique. Si quelques noms sont cités, c’est à titre purement indicatif car parmi les noms omis, figurent de nombreuses personnalités fortes.

On a vu le rôle historique joué par Papunya. Ses peintres ont un style très affirmé fait de sobriété et d’austérité, à la fois intellectuel et spirituel. Les grands noms ne s’y comptent plus : Ronnie Tjampitjinpa, Clifford Possum, Turkey Tolson, Georges Tjungarrayi, Mick Namarari, Dini Cambell…

Utopia où les femmes ont commencé par s’exprimer avec la technique du batik a vu éclore l’immense talent d’Emily Kame Kngwerreye, représentante de l’Australie à la Biennale de Venise de 1996, mais aussi ceux de Gloria et Kathleen Petyarre, Minnie Pwerle, Kathleen Ngale, Ada Bird. Leurs toiles magnifiques ont conféré à ces artistes une réputation internationale et leur a permis de figurer parmi les plus belles collections privées et publiques.

La palette éclatante de Balgo est le propre d’artistes inspirés comme Hélicopter, Lucy Yukenbarri, Sam Tjampitjin. L’effet vibratoire de leurs peintures, leur insolente originalité les place parmi les incontournables talents du désert.

Yuendumu s’est fait remarquer au début des années 80 par la peinture de motifs sacrés sur trente-six portes de l’école. Paddy Sims, Judy Watson Napangarti, Darby Ross sont quelques uns des artistes marquants des années 90. Plus qu’ailleurs, dans cette communauté, les artistes utilisent les couleurs vives et s’associent pour créer des œuvres collectives. J’ai eu l’occasion de voir réaliser une toile monumentale d’une bonne trentaine de m2 à Yuendumu. Le réseau de points très serrés, la simultanéité du travail de plusieurs artistes donnaient l’impression d’une toile vivante, voyant le jour sous nos yeux.

Plus récemment, le groupe de Pintubi plus connu sous le nom de « tribu perdue » parce qu’elle prend contact pour la première fois avec la civilisation occidentale en 1984, voit l’éclosion des talents exceptionnels de Walala et Warlimpirringa Tjapaltjarri. Devenus des artistes influents et recherchés, ils sont reconnaissables à leurs rectangles imbriqués ou leurs lignes vibratoires.
A mon grand regret, ce sommaire descriptif omet de décrire Lajamanu, Kintore, Hermansburg et tant d’autres... Il est toutefois évident que ce Désert Central, géographiquement si aride, est une véritable pépinière de talents.

L’Océanie, c’est-à-dire l’Australie et la Nouvelle-Guinée, n’ayant jamais été rattachées à l’Asie, il existe plusieurs théories au sujet de leur origine. L’une d’elles avance qu’ils seraient venus de l’archipel indonésien sur des embarcations par le nord via Timor il y a 40 000 ans. Une autre suggère qu’ils seraient venus par un passage de basse mer entre la Nouvelle-Guinée (banc du Sahul) et l’Australie, au moment où la masse immergée du continent était moins importante. Ces deux théories ne sont pas exclusives et il est aussi possible que plusieurs vagues humaines soient arrivées à différents moments ou en même temps en différents points géographiques du continent. L’isolement génétique de la population par rapport aux autres populations d’Eurasie daterait d’il y a 50 000 ans.

On pense que l’homme de Mungo découvert au bord du lac Mungo, dans le Sud de la Nouvelle-Galles du Sud, à 3 000 kilomètres de la côte du Nord de l’Australie est un ancien habitant de l’Australie qui aurait vécu il y a environ 40 000 ans, au Pléistocène. Il a été enterré avec un certain cérémonial car on a retrouvé auprès de lui des outils en pierre, des os de wombats d’une espèce éteinte, et de kangourous géants.

Les preuves scientifiques et archéologiques démontrent que l’occupation humaine, selon le lieu géographique du continent, date au maximum de 125 000 ans (date contestée), avec une moyenne fixée à 40 000 ans environ. Depuis cette période, les Aborigènes ont développé en autarcie une culture qui leur est propre. Le séquençage du génome d’un aborigène du début du XXe siècle montre que les ancêtres des aborigènes seraient arrivé en Asie il y a environ 70 000 ans et seraient isolés en Australie depuis 50 000 ans.

Le temps du rêve (Tjukurpa en langue anangu) aussi appelé le rêve, est le thème central de la culture des Aborigènes d’Australie. Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l’Australie et de ses habitants. Selon leur tradition, des créatures géantes, comme le Serpent arc-en-ciel, sont sorties de la terre, de la mer ou du ciel et ont créé la vie et les paysages australiens. Leurs corps géants ont créé des fleuves et des chaînes de montagne mais leur esprit est resté dans la terre, rendant la terre elle-même sacrée aux peuples indigènes. En 1788, l’Australie était peuplée par 250 tribus, occupant tout le continent, chacune avec sa propre langue, ses lois et ses frontières tribales ; c’est la plus ancienne culture survivant sur terre.

Les réactions des Aborigènes à l’arrivée soudaine des colons britanniques furent variées, mais inévitablement hostiles lorsque la présence des colons généra une compétition pour des ressources naturelles vitales et l’occupation par les Britanniques de terres aborigènes. Selon l’historien Geoffrey Blainey, pendant la colonisation de l’Australie : « dans mille endroits d’isolement il y avait les décès occasionnels par le pistolet et la lance. Encore plus mauvais, variole, rougeole, grippe et d’autres nouvelles maladies balayés de l’une communauté indigène à l’autre… Le conquérant principal des aborigènes était la maladie et son allié, démoralisation. »

Les maladies européennes tuèrent des Aborigènes en grand nombre et l’occupation de terres, accompagnée de l’accaparement ou de la destruction de ressources alimentaires, provoqua des famines. À l’inverse de la Nouvelle-Zélande, où le traité de Waitangi fut perçu comme une légitimation de la colonisation britannique, aucun traité ne fut signé avec les Aborigènes, qui n’autorisèrent jamais la colonisation. Depuis les années 1980, l’emploi du terme « invasion » pour décrire la colonisation de l’Australie se généralise, tout en demeurant controversé. L’historien Henry Reynolds a souligné le fait que les officiels gouvernementaux ainsi que les colons employaient fréquemment, aux XVIIIe et XIXe siècles, des mots tels qu’ « invasion » et « guerre » pour décrire leur présence et leurs relations avec les Australiens autochtones. Dans son livre The Other Side of the Frontier (De l’autre côté de la frontière), Reynolds décrit en détail la résistance armée des peuples aborigènes, au moyen de guérillas, face à l’intrusion blanche sur leurs terres. Cette résistance, débutant au XVIIIe siècle, se poursuivit jusqu’au début du XXe.
Statue de Yagan sur l’île Heirisson.

Lors des premiers temps de la colonisation, David Collins, secrétaire du gouverneur de la colonie de Sydney, écrivit au sujet des Aborigènes :

« Tant qu’ils penseront que nous les avons dépossédés de leurs terres, ils nous considéreront comme leurs ennemis et, partant de ce principe, ils ont attaqué les personnes blanches à chaque fois qu’il leur était possible de le faire. »

En 1847, le barrister E.W. Landor déclara : « Nous nous sommes emparés de ce pays, nous avons abattu ses habitants, jusqu’à ce que les survivants aient jugé sage de se soumettre à notre autorité. Nous nous sommes comportés tel Jules César lorsqu’il prit possession de la Grande Bretagne. » Dans la plupart des cas, affirme Reynolds, les Aborigènes commencèrent par résister à la présence britannique. Un colon écrivit dans une lettre au Launceston Advertiser en 1831 :

« Nous sommes en guerre contre eux ; ils nous considèrent comme des ennemis - des envahisseurs ; ils considèrent que nous les opprimons et que nous les persécutons ; ils résistent à notre invasion. Ils n’ont jamais été vaincus, et donc ils ne sont pas des sujets en rébellion, mais une nation injuriée, et ils défendent, à leur manière, les possessions qui sont les leurs de droit et qui leur ont été arrachées par la force. »

Reynolds cite de nombreux écrits de colons qui, lors de la première moitié du XIXe siècle, se décrivirent comme vivant en état de peur et même de terreur, ceci étant dû à des attaques d’Aborigènes déterminés à les tuer ou à les chasser de leurs terres. Il suggère que la résistance aborigène fut, du moins dans certains cas, temporairement une réussite ; les massacres d’hommes, de moutons et de vaches par des Aborigènes, qui mettaient également le feu aux maisons et aux récoltes des Blancs, poussèrent certains colons à la faillite. La résistance aborigène continuait à la fin du XIXe siècle, et en 1881 l’éditeur du Queenslander écrivit :

« Ces quatre ou cinq dernières années, les destructions de vies humaines et de propriétés par des Aborigènes se montent à un sérieux total. [...] [L]a colonisation des terres, le développement de l’exploitation de minerais et d’autres ressources, ont été largement rendus impossibles par l’hostilité des noirs, qui continue sans faiblir. »

Reynolds affirme que la résistance aborigène continua pendant bien plus d’un siècle, démentant le mythe d’une colonisation pacifique de l’Australie. Les colons, pour leur part, réagirent souvent à la résistance aborigène avec une grande violence, ce qui mena à de nombreux massacres aveugles d’hommes, de femmes et d’enfants aborigènes par des Blancs. Les massacres les plus tristement célèbres du début du XIXe siècle furent ceux de Pinjarra et de Myall Creek.
Mounted Police and Blacks, a Slaughterhouse Creek, 1852.

Comme ce fut souvent le cas, le massacre de Myall Creek n’a pas entraîné de condamnation de ses auteurs, non en vertu de la loi coloniale qui ne faisait pas de distinction entre Blancs et Aborigènes, mais parce que les jurés étaient des colons qui ne surent condamner des blancs. Après un deuxième procès pour le meurtre d’un enfant dans la même affaire de Myall Creek, sept des meurtriers furent reconnus coupables, condamnés à mort et exécutés par pendaison. Il s’agissait des premières exécutions de Blancs pour des assassinats d’Aborigènes. Presque un siècle plus tard, lors de l’affaire Dhakiyarr v le roi, un indigène faisait appel devant la Haute Cour d’Australie. Tuckiar (Dhakiyarr), un homme Yolngu, avait été condamné pour le meurtre d’un policier dans le Territoire du Nord. Dans les années 1930, le territoire Yolngu était un des derniers bastions de l’Australie indigène traditionnelle. L’opinion publique soutenait le condamné car, à l’évidence, il avait protégé son épouse et la Haute Cour annula la condamnation. Dhakiyarr disparut peu après son acquittement et on pense qu’il a été assassiné.

Les années 1930 ont vu le commencement du mouvement moderne de droits civiques pour les Aborigènes et l’apparition d’activistes comme sir Douglas Nicholls qui ont fait avancer les droits indigènes par la loi établie par l’Australie blanche.

Parmi les Aborigènes célèbres qui résistèrent à la colonisation britannique, on peut citer Pemulwuy et Yagan. En Tasmanie, la « Guerre noire » fut une guerre civile de la première moitié du XIXe siècle.

Quelques semaines avant la grande exposition "Aux sources de la peinture aborigène" au musée du Quai Branly, la galerie Pierrick Touchefeu, 2, rue Marguerite-Renaudin à Sceaux accueillera le peinture aborigène d’Australie.

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