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Les trusts se transforment en banques et la société capitaliste en faillite générale

vendredi 19 octobre 2012, par Robert Paris

La faillite de la banque finance PSA montre, comme le succès de la banque finance Renault, que les trusts automobile comme tous les trusts industriels ont désinvesti dans la production de manière massive et générale.

Un sauvetage de la filiale bancaire du constructeur automobile, PSA Finance, est en négociation. Les banques devraient s’engager à la financer, tandis que l’État apporterait sa garantie.
Il flotte comme un parfum d’urgence depuis quinze jours dans les couloirs de Bercy. C’est en effet une vaste opération de sauvetage de la Banque PSA Finance (BPF), la filiale de crédit de PSA Peugeot Citroën, qui s’organise sous l’égide du ministère des Finances et du Trésor et avec les banques de la place. Des négociations intenses qui pourraient déboucher dans les prochains jours.

Les difficultés de BPF sont la cause principale de celles de sa maison mère PSA Peugeot Citroën, l’établissement bancaire subissant les mêmes dégradations de notation de la part des agences de notation. Ainsi, Moody’s vient d’abaisser la note de PSA Finances à Ba3, en catégorie "spéculative" ce qui risque d’entraîner également un déclassement de BPF hors de la catégorie "investissement", rendant très difficile son refinancement, dont les taux d’intérêts flamberaient.

Pour le groupe PSA, engagé dans un vaste plan de réduction de coûts, il est vital de sécuriser l’avenir de BPF, qui contribue significativement aux résultats du groupe automobile (532 millions d’euros de bénéfices opérationnels en 2011 et 271 millions d’euros au premier semestre 2012). BPF finance les concessionnaires des réseaux Peugeot et Citroën, ainsi que leurs clients acheteurs d’automobiles à crédit. Tout cela ne fait que souligner à quel point, ces dernières années, le capital PSA est passé à un capital bancaire et financier, comme celui de Renault avec la RCI qui est Renault Finances...

Le plan en discussion est à triple détente. Les banques créancières de BPF devraient repousser les échéances de remboursement de la société sur l’équivalent de 4 milliards d’euros de dettes. Ensuite, elles devraient s’engager à apporter de nouveaux crédits à BPF - un geste de 1,5 milliard d’euros est évoqué. Enfin, l’État devrait apporter sa garantie aux nouveaux emprunts de BPF, pour un montant de l’ordre de 4 milliards d’euros selon nos informations. Les différents curseurs sont encore susceptibles d’être ajustés, mais il faut aller vite. Pour BPF, mais aussi pour que le gouvernement puisse insérer le volet garantie dans le projet de loi de finances qui est déjà en discussion au Parlement. Une ambiance qui rappelle à certains les affres du sauvetage d’Alstom en 2003.

BPF a été rattrapée par les difficultés de PSA Peugeot Citroën, son seul actionnaire. Car chaque fois que la banque Peugeot subit les foudres d’une agence de notation, l’entreprise automobile suit le même chemin. Moody’s vient d’abaisser à Ba3 la note de BPF. La conséquence logique risque d’être un déclassement de BPF en dehors de la catégorie « investment grade », prisée des investisseurs. Cela signifie que la société risque, sinon d’être totalement exclue du marché, du moins de devoir emprunter plus cher, trop cher… Un luxe que ni BPF ni PSA ne peuvent se permettre. La filiale du constructeur finance à la fois les concessionnaires Peugeot et Citroën - et la crise du marché d’achat des véhicules n’étant qu’un prétexte conjoncturel - la rentabilité de BPF est aussi déterminante pour les comptes de PSA, et pour son cash-flow. Bref, BPF doit impérativement poursuivre son activité et pouvoir emprunter de quoi financer les futurs achats de Peugeot 208 et autres C3.

Paradoxalement, BPF est à proprement parler une banque malade, à l’instar du Crédit immobilier de France que le gouvernement doit également garantir.

L’État et la place sont donc aujourd’hui au chevet de BPF. BNP Paribas, le Crédit agricole, Natixis, la Société générale ont dépêché leurs meilleurs négociateurs, le Trésor s’est adjoint les conseils de Georges Pauget, l’ancien directeur général du Crédit agricole. Ce sont aussi les banques étrangères créancières (50 % de l’encours de prêts) qu’il faut convaincre de participer à l’effort de guerre… Une mobilisation générale dont chacun sait que l’enjeu va bien au-delà de BPF et qu’il concerne aussi PSA lui-même.

Pour le constructeur, la situation est complexe. Le voilà contraint d’associer l’État à cette opération vitale quand il souhaiterait par ailleurs s’en émanciper dans le cadre de la négociation sociale sensible qu’il mène pour la fermeture de l’usine d’Aulnay. Pour le gouvernement aussi, dont le ministre le plus vocal Arnaud Montebourg a souvent critiqué la stratégie du constructeur et de sa famille actionnaire, le dossier est hautement sensible et la communication s’annonce délicate.

La banque PSA Finance (BPF) éprouve des difficultés à financer ses activités de crédit depuis l’abaissement de la note de crédit de sa maison mère.

Confirmant les informations du Figaro, le gouvernement s’est dit prêt mercredi à apporter son soutien à la filiale bancaire de PSA Peugeot Citroën. Banque PSA Finance (BPF) éprouve des difficultés à financer ses activités de crédit depuis l’abaissement de la note de crédit de sa maison mère. « Nous sommes en train de chercher des solutions qui permettront à cette banque de pouvoir trouver des financements en s’appuyant sur le système bancaire et sur une forme, à définir en commun, de soutien de l’État », a déclaré Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie, en précisant que « tout cela sera très prochainement finalisé ». Le constructeur a confirmé « examiner plusieurs options » pour aider sa banque, tandis qu’une source interne chez PSA a confirmé que le schéma, qui devrait être annoncé « la semaine prochaine », portait sur « un pool bancaire et une garantie d’État », laquelle doit être approuvée par l’Union Européenne.

Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, qui compte « reformater » le plan de 8000 suppressions d’emplois annoncé par le constructeur, s’est empressé d’ajouter qu’il n’y aura pas « de garantie de l’État à la banque captive de PSA sans contrepartie substantielle ». Il reste à savoir quelle pourrait être la nature de ces contreparties. Alors qu’une première réunion tripartite avec l’État sur la restructuration aura lieu le 25 octobre, Philippe Varin, le PDG de PSA, a affirmé récemment que « la procédure sociale » était « une affaire à l’intérieur du groupe entre la direction et les représentants du personnel ». À gauche, le PCF a réclamé dès mercredi qu’en échange de la garantie de l’État, le constructeur devait « renoncer au massacre de l’emploi ».

Arnaud Montebourg attend du constructeur automobile PSA Peugeot Citroën qu’il s’engage sur le maintien de son outil industriel et sur l’emploi, s’il veut obtenir une garantie pour sa filiale bancaire BPF (Banque PSA Finance), dans un entretien à l’AFP. "Les contreparties substantielles qui devront être en face de toute demande de garantie relative à la banque captive de PSA sont des contreparties relatives à l’intérêt général", a fait savoir le ministre du Redressement productif au lendemain de l’annonce d’un possible soutien public à BPF, qui souffre de la grave crise de sa maison-mère. Ceci comprend "le maintien des outils industriels, la gouvernance de Peugeot et la question de l’emploi nous intéresse aussi", a détaillé Arnaud Montebourg sans toutefois donner de précisions sur ce qu’il entendait par là... Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, et Arnaud Montebourg avaient annoncé mercredi que le gouvernement étudiait une forme de soutien public à BPF, détenue à 100% par le constructeur automobile français.

Beaucoup ont été étonnés, en apprenant que la banque financière Peugeot était en faillite et que l’Etat allait la sauver, de découvrir tout simplement… qu’il existait une banque PSA !

Mais cela n’est nullement un cas à part.

Les dernières annonces de bénéfices de Renault ont montré que ces bénéfices étaient eux aussi financiers et venaient en grande partie de la banque financière Renault, appelée la RCI !

Là encore, il ne s’agit pas seulement de l’Automobile ni seulement de la France.

C’est le monde qui est devenu un vaste marché des capitaux financiers et qui ne s’investit plus dans l’industrie et le commerce.

La Chine elle-même est d’abord et avant tout un vaste secteur bancaire et financier. Le Brésil ou l’Inde aussi.

L’explosion sociale en Afrique du sud provient du désinvestissement massif des capitalistes de leurs investissements productifs dans les mines.

Du cash, d’abord du cash, est le leitmotiv des capitalistes industriels comme des autres, pour profiter de tous les investissements possibles dans la dette des nations, dans les spéculations diverses en titres pourris.

Or, le capitalisme n’a dû sa durabilité qu’à la rentabilité de l’exploitation du travail humain, le surplus étant pour l’essentiel réinvesti en vue de surexploiter encore plus de travail humain. L’investissement des nouvelles plus-values ont donc signé la victoire du capitalisme comme le désinvestissement massif actuel signe sa fin. Ce n’est pas les Etats et institutions financières internationales qui peuvent pallier à ce qui avait toujours, crise ou pas crise, été le moteur du système : l’investissement privé en travail humain. Il n’était pas nécessaire alors de convaincre les patrons de Peugeot de chercher à embaucher des salariés.

Ceux qui prétendent aujourd’hui que l’on doit se battre pour les en convaincre se trompent d’objectif. Les capitalistes n’ont jamais agi autrement que dans leur intérêt. S’ils se refusent massivement et mondialement à investir dans le travail humain, c’est q’uils n’y gagnent plus, c’est que le moteur de leurs système ne marche plus. Nous n’allons ni le réparer ni le remettre en route. Même les sommes colossales des Etats ne sont pas parvenues depuis 2007 à le restaurer !

Renault est devenu une banque. PSA est devenu une banque. La Poste est devenue une banque. La SNCF est devenue une banque. Le SOCRIF est la banque SNCF ou (Société de Crédit Immobilier des Chemins de Fer) est détenue à 99,6% par la SNCF. Elle est une banque officiellement consacrée au crédit immobilier des cheminots, mais en tant que banque, elle est couplée avec la SOFIAP détenue à 51 % par le CIF, la fameuse banque qui vient d’être soutenue par l’Etat car en faillite. La RCI Banque est la banque Renault. La Banque PSA Finance (BPF) est la banque de PSA. Les magasins Leclerc, c’est une banque : la banque Edel ! Les magasins Auchan c’est la banque Auchan Banque Accord. Les magasins Carrefour, c’est Carrefour Banques. Les assurances, elles aussi, sont devenues des banques comme les AGF, AXA ou Groupama ! D’autres industriels sont devenus des banquiers comme Dassault avec Banque Commerciale Paris Dassault devenue Banque Palatine. Le Bâtiment détient la BTP, banque du bâtiment et des travaux publics. Veolia a créé Veolia P.P.P Finance…. BMW a créé BMW Finance ! Mercedes a créé Mercedes Benz Financial Services Finance S.A. et Orange a créé Orange – BNP Paribas Services.

Ce n’est pas particulier à la France. On pourrait croire qu’IBM, ce sont des ordinateurs mais c’est aussi IBM Financement. Siemens a créé Siemens Financial Services S.A.S. On recence aussi Jaguar Financial Services ou Land Rover Financial Services ou encore Toyota Credit Bank et Volswagen Bank. On trouve aussi la GE Money Bank, GE capital financements immobiliers d’entreprise, GE covered bonds, GE Factor, etc., pour le trust General Electric. En Chine c’est la BICC Banque industrielle et commerciale de Chine d’une valeur de 211 milliards de dollars.

En somme, le capital commercial et industriel est massivement transformé en capital bancaire et financier, lequel a spéculé massivement aussi sur des actifs douteux, des titres pourris, des créances sans fonds, des dettes, et autres valeurs spéculatives.

Le capitalisme du vingtiéunième siècle, une société qui menace l’ensemble des salariés de chuter dans la misère et n’offre plus aucun avenir à sa jeunesse, est un système mort. Sa sève, il la tirait de l’investissement productif privé. Or le capital privé s’est massivement retiré des entreprises pour se concentrer là où des profits rapides et massifs peuvent être faits sans miser à long terme. Tous les trusts se sont transformés en banques comme l’ont fait par exemple Peugeot et Renault. La banque Renault a certes donné au trust la moitié de ses derniers bénéfices – rienq que ça pour un trust de fabrication d’autos cela devrait donner à réfléchir ! Mais la banque PSA a fait faillite et n’existe plus que sous perfusion de l’Etat. Certes les banques et les capitaux financiers ne datent pas d’hier et les spéculations non plus. Mais quand tout le système spécule sur sa propre mort, il n’y a aucune raison que les travailleurs, eux, ne misent que sur la survie du système et y sacrifient leurs intérêts !

Messages

  • "Nous sommes en train de chercher des solutions qui permettront à cette banque de trouver les financements nécessaires", a dit de son côté le ministre de l’Economie Pierre Moscovici, lors d’une conférence de presse. "Tout cela sera très prochainement finalisé."

    Selon Le Figaro, l’État devrait apporter sa garantie aux nouveaux emprunts de BPF pour un montant de l’ordre de 4,0 milliards d’euros.

  • Le 10 octobre, Moody’s a annoncé que Banque PSA Finance restait sous surveillance en vue d’un éventuel déclassement, après la décision de l’agence d’abaisser de Ba2 à Ba3 la note du constructeur en raison de ses difficultés financières liées à la chute des ventes de voitures en Europe.

  • "La direction du groupe PSA Peugeot Citroën examine différentes options visant à définir la mise en place de solutions permettant à Banque PSA de maintenir un volume de financement vers ses clients finaux et les réseaux de concessionnaires suffisant au bon fonctionnement de la filière automobile et du groupe PSA dans son ensemble", a déclaré à Reuters un porte-parole du groupe.

    "Ni le principe, ni les modalités de ces solutions ne sont aujourd’hui arrêtées", a-t-il ajouté.
    D’après Le Figaro, les banques créancières de Banque PSA Finance devraient repousser les échéances de remboursement de la société sur l’équivalent de 4,0 milliards d’euros de dettes.

    Ensuite, elles devraient s’engager à apporter de nouveaux crédits à BPF - un geste de 1,5 milliard d’euros est évoqué.

    Enfin, l’État devrait apporter sa garantie aux nouveaux emprunts de BPF pour un montant de l’ordre de 4,0 milliards d’euros.

    Les négociations sont qualifiées d’intenses par Le Figaro, qui, sans citer ses sources, indique qu’elles pourraient déboucher dans les prochains jours.

  • Renault, a été en février le premier constructeur automobile français à lancer un livret d’épargne via son activité bancaire RCI Banque. A l’époque, prié de dire si BPF pourrait lui emboîter le pas, Frédéric Saint-Geours, alors directeur de l’activité chez PSA, avait botté en touche, répondant que ce n’était pas exclu mais pas non plus d’actualité.
    Parmi les autres options évoquées, CM-CIC Securities juge "fort possible" une vente d’ici la fin de l’année de 50% de BPF, qu’il valorise au total à au moins deux milliards d’euros.

  • « Notre free cash flow (flux de trésorerie après financement des investissements), qui dépend de Renault, est positif. Je réaffirme qu’il sera positif sur l’année 2012". "Notre situation financière n’est pas préoccupante ». Renault a annoncé des bénéfices en hausse tout en vendant moins de voitures dans le monde. Cela s’appelle spéculation et désinvestissement productif. Le résultat net, c’est à dire le bénéfice, du groupe Renault, avec ses trois marques, s’est élevé à 786 millions d’euros pour le premier semestre 2012. Tels sont les chiffres de Renault le 27 juillet 2012.

    En effet, le profit issu de la banque RCI s’est élevé à 395 millions d’euros sur les 786 millions ! Renault ne cherche pas à vendre plus de voiture ! C’est devenu une banque !!! Il tient à garder son cash flow pour spéculer avec car cela rapporte bien plus et plus vite !!!

  • le capital privé s’est massivement retiré des entreprises pour se concentrer là où des profits rapides et massifs peuvent être faits sans miser à long terme. Tous les trusts se sont transformés en banques comme l’ont fait par exemple Peugeot et Renault.

    la suite : http://www.matierevolution.org/spip.php?article2729

  • Le résultat net, c’est à dire le bénéfice, du groupe Renault, avec ses trois marques, s’est élevé à 786 millions d’euros pour le premier semestre 2012. Tels sont les chiffres annoncés par Renault le 27 juillet 2012.

    La plupart des commentateurs ont comparé ce chiffre avec les 819 millions de pertes de PSA pendant la même période. En fait, ces gains proviennent exclusivement d’opérations et placements financiers. Rien ne vient de l’activité de production de voitures du groupe.

    Les participations de Renault dans Nissan, Volvo poids lourd et le russe Autoaz lui ont en effet rapporté 630 millions d’euros, soit près de 90 % de résultat net La seule participation Nissan a rapporté 564 millions d’euros pour ce premier semestre 2012. La contribution du « financement des ventes », c’est à dire le crédit automobile effectuée par la banque RCI s’est élevée à 395 millions d’euros.

  • L’Etat et les banques apportent 10 milliards d’euros pour soutenir PSA Finance !

    Ils prétendent avoir mis des conditions !!!!

    L’argent de nos impôts continue à sauver les banques et la finance !!!

  • Bruxelles a donné mardi son feu vert définitif à la garantie de 7 milliards d’euros apportée par la France à la banque de PSA Peugeot Citroën, ôtant une épine du pied du constructeur automobile qui a dû prendre en échange plusieurs engagements.

    En plus de cette garantie apportée sur des titres de créances émis entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 et qui se traduit par une subvention d’environ 486 millions d’euros, selon la Commission, cette dernière a validé le principe d’une avance de 85,9 millions d’euros pour mener à bien un projet de recherche et développement.

    « Au terme d’une enquête minutieuse, nous sommes parvenus à une formule qui permet à PSA de se restructurer en respectant un cadre clair qui limite au minimum les effets négatifs sur les concurrents qui n’ont pas bénéficié d’un soutien de fonds publics », a déclaré Joaquin Almunia, le commissaire européen en charge de la Concurrence, cité dans un communiqué.

  • La financiarisation des groupes industriels

    Dans l’industrie manufacturière, l’énergie, les mines et le secteur des services, la libéralisation et la déréglementation ont permis la formation d’oligopole mondiaux, dont certains sont marqués par un degré de concentration encore plus élevé que celui du secteur bancaire. C’est le cas bien sûr pour les géants de l’Internet. De même, d’autres oligopoles que les banques méritent d’être nommées des hydres, notamment ceux de l’agrochimie et de l’agrobusiness.[38] La financiarisation des groupes industriels largo sensu est d’abord tout bonnement leur identité « d’acteurs financiers », l’importance de leurs portefeuilles d’actifs et l’ampleur de leurs opérations sur les marchés financiers. Le travail de référence français est celui ancien de Claude Serfati,[39] ce type de sujet de recherche ayant été éliminé des universités françaises. Dans une étude plus récente une chercheuse a calculé pour les entreprises américaines le ratio de revenus financiers – intérêts, dividendes et profits spéculatifs (capital-market-investment gains) – à leurs flux de trésorerie (cash flows)[40] et en a constaté la hausse de 20% en 1980 à 60% en 2001.[41]

    La dimension de la financiarisation des groupes industriels qui a reçu le plus d’attention académique, a été l’introduction voici vingt ans du paradigme managérial dit de la « corporate governance » (gouvernement d’entreprise) tourné vers la maximisation de la valeur actionnariale (shareholder value). Il consacre la prééminence des actionnaires et fait du niveau des dividendes et du cours des actions en bourse le principal objectif des entreprises. Il a vu la mise en place de critères d’évaluation des performances adaptés à cette fin, accompagnés d’instruments de fidélisation des dirigeants, notamment leur rémunération en stock-options. Il s’agit d’une « domination » non des banques mais de tous les investisseurs ; les hedge funds étant les plus actifs dans la surveillance des évaluations.

    Un mot sur les rachats des titres en bourse. Les dividendes dépendent des profits, donc de l’efficacité de l’exploitation et du marketing. Mais le cours des titres dépend pour une part sur des techniques strictement financières. Lorsqu’un investisseur achète les actions d’une entreprise, c’est pour empocher des dividendes, mais aussi en retirer un gain au moment de la revente. Tant la hausse du montant du dividende par action que celle du niveau de son cours peuvent être obtenus par le rachat par une société cotée de ses propres actions, suivi de leur annulation. Cette technique de réduction du nombre des actions pour en augmenter le gain potentiel pour ceux qui les détiennent porte le nom de relution.[42] La baisse des taux d’intérêts a permis aux groupes cotés d’emprunter à très bas prix et donc d’accentuer leur recours à cette pratique.

    [38] Voir les articles sur Monsanto sur le site de A L’Encontre.

    [39] Claude Serfati, ‘Le rôle actif des groups à dominantes industriels dans la financiarisation de l’économie’, dans François Chesnais (coord.) La Mondialisation financière : Genèse, coût et enjeux, Editions Syros 1996.

    [40] Pour la dénomination française et le mode de calcul voir : https://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_cash-flow.html

    [41] Greta Krippner,‘The Financialization of the American Economy’, Socio-Economic Review, 3, no. 2 : 173–208, 2005.

    [42] Voir François Morin, Ibid., page 107.

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