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Pour toi, c’est qui le militant révolutionnaire ?

dimanche 16 décembre 2012, par Robert Paris

Pour toi, c’est qui le militant révolutionnaire ?

La question m’a été posée récemment : « Pour toi, c’est qui le militant révolutionnaire ? »

Je ne l’aurais sans doute pas posée moi-même ainsi car je doute qu’on puisse définir abstraitement ce que signifie être révolutionnaire ni qu’une définition suffise à éclairer la voie. La vie est difficilement cernée par des définitions et la vie dans sa phase explosive, révolutionnaire, encore moins. Cependant, j’essaie ici de ne pas esquiver la difficulté et de poser le problème.

Quand, autour de nous, la population n’exprime pas encore ses aspiration en termes de renversement du système, si elle lutte pour obtenir des revendications mais le fait encore dans le cadre des lois de cette société, si la population a encore l’illusion que normalement la société bourgeoise et son Etat devraient agir pour satisfaire les aspirations de la population, que signifie alors militer pour une autre société ? Est-ce faire de la propagande pour la société communiste en expliquant tous les avantages de supprimer la propriété privée des moyens de production ? Est-ce faire de la propagande contre la société bourgeoise ? Est-ce pousser les gens à la violence contre l’Etat ? Est-ce discréditer le système capitaliste auprès de la population ? Est-ce chercher, au travers de luttes revendicatives, le débouché vers des luttes révolutionnaires ?

Pour moi, être révolutionnaire n’est décrit par aucune de ces assertions !

Le révolutionnaire ne pousse pas les travailleurs à lutter, ne pousse pas les travailleurs à se heurter à l’Etat, ne pousse en rien les travailleurs ni son propre milieu. Cela ne veut pas dire que le révolutionnaire aimerait ou n’aimerait pas que la société entre dans une telle phase révolutionnaire mais qu’il ne pense pas que la société obéisse à de telles aspirations individuelles ni d’une somme d’individus.

Les révolutions ne sont poussées que par la force de la nécessité historique qui, elle-même, dépend de la réalité de la lutte des classes et des conflits entre mode de production et rapports de production. Traduit en clair, cela signifie que la révolution sociale obéit à des causes objectives, à la crise de la domination de la classe dirigeante qui n’est plus capable de faire marcher le système, plus capable de le faire accepter non plus et plus capable de trouver une forme politique pour l’imposer. Les révolutions se produisent souvent sans militants révolutionnaires et elles n’en dépendent donc pas, du moins pour leur démarrage. Il s’agit donc, pour les militants révolutionnaires, de se rendre capables d’aider une révolution à réussir, à aller jusqu’au bout de ses possibilités.

Alors, est-il simplement le constructeur de groupes politiques et de partis révolutionnaires ? Là non plus, cela ne me semble nullement caractéristique. Le militant révolutionnaire peut parfaitement être momentanément hors de tout groupe politique. Ce n’est pas le groupe qui caractérise ses choix à lui. Il ne se cache pas derrière une organisation pour militer. A certaines phases, il n’est pas possible de construire un parti qui reste révolutionnaire et ce n’est pas pour autant qu’il n’existe pas des militants qui sont des révolutionnaires.

C’est donc d’abord et avant tout un choix personnel, une orientation de vie, une manière de concevoir sa philosophie de l’existence. Elle n’a pas besoin, pour être justifiée, de prétendre que les travailleurs et les peuples devraient suivre ces révolutionnaires. Et les révolutionnaires n’ont pas besoin, de même, de se prendre pour des chefs pas encore reconnus. Ils ont seulement besoin d’avoir une envie de vérité qui refuse de s’arrêter aux limites imposées par la société, une envie d’étudier sans que cela soit pour la réussite sociale dans le cadre imposé, une envie d’inventer autre chose que la peinture des barreaux des prisons sociales actuelles, une envie de relationner sur d’autres bases que purement intéressées, une envie de refuser de voir des mendiants dans les rues sans pour autant se contenter des associations d’aide sociale qui ne font que rendre acceptable la misère, une envie de lutter sans renforcer un cadre syndical qui s’intègre au système, qui supplient les patrons et l’Etat de se comporter humainement ce qui est absurde, une envie de ne plus considérer les êtres humains comme de la chair à travail, de la machine à consommer et à faire tourner le système… Partant, ils n’ont pas besoin qu’on leur dise qu’ils vont réussir de telle ou telle manière pour concevoir leur vie avec plaisir comme des découvreurs de mondes nouveaux mais qui ne s’en tiennent pas seulement à la poésie et à la philosophie ou, plus exactement, qui vivent réellement dans le monde actuel leur poésie et leur philosophie…

Mais l’expression « révolutionnaire » elle-même ne me semble pas claire. Elle cache en effet, derrière la volonté d’un changement radical exprimé par le terme révolution, la force sociale qui nous semble la locomotive de cette révolution. Du coup, des islamistes, des bourgeois et petit-bourgeois, des terroristes, des militaires peuvent parfaitement se dire révolutionnaires.

Nous sommes pour la révolution prolétarienne et communiste, ce qui est très différent…

Cela signifie d’abord que la locomotive de l’Histoire est la lutte des classes et pas la démocratie, ni la lutte armée, ni l’idéologie, ni la foi, ni le peuple, ni la nation, etc.

Cela signifie ensuite que nul n’a besoin de sauveurs, ni de sauveurs révolutionnaires ni d’autres. Nous ne sommes pas les sauveurs du monde, ni ceux des travailleurs et des peuples. Nous n’appelons pas ceux-ci à avoir confiance en nous.

Les révolutionnaires comme Karl Marx affirmaient que les travailleurs n’ont pas de sauveur, ni des politiciens, ni des militaires, ni des « cadres révolutionnaires » prétendant avoir, à leur place, les solutions. Sauvons-nous nous-mêmes, disaient-ils. Ou encore, travailleurs, c’est en nous-mêmes que nous avons besoin de faire confiance. Pas confiance dans un groupe, dans un parti, dans une seule orientation politique. Confiance en nous-mêmes, en la force et en la capacité, en la conscience des exploités et des opprimés.

Le révolutionnaire prolétarien (qui n’est nécessairement lui-même particulièrement exploité) a d’abord cette volonté là, non pas celle de demander aux opprimés de lui faire confiance (ou à son groupe ou à sa politique) mais de se faire confiance en eux-mêmes, collectivement, en tant que classe, pas en tant que groupe social, que corporation, que revendication, mais en tant que classe d’avenir, porteuse d’une nouvelle société et existant par delà les différenciations diverses, de région, de couleur de peau, de sexe, de race, de niveau social, de tout…

Certains y voient un côté millénariste du jour « un jour viendra…. » ou « le monde s’effondrera… », ou « nous aurons notre heure… » et pensent que les révolutionnaires sont quand même des espèces de religieux à leur manière, avec une religion athée éventuellement, des religieux de leur groupe ou de leur politique, qu’ils n’admettent d’ailleurs pas vraiment de remettre en cause… C’est une critique qui mérite réflexion car la dérive est possible… Il y a des défauts des individus et des dérives possibles des organisations. Il est possible de cesser d’être révolutionnaire dans sa pratique guidée par un groupe politique qui se revendique pourtant toujours de la révolution. Il n’y a pas de solution toute faite et les idées révolutionnaires ne permettent pas de donner des solutions toutes faites. Elles ne sauvent pas l’individu, contrairement aux religions. Nous appartenons à ce monde. Nous dépendons de nombre de ses préjugés, de son arriération. Nous ne pouvons pas en sortir, ni personnellement ni collectivement comme groupe parti ou classe, juste par nos idées…

Une chose importante a cependant été rappelée : dans un monde où les classes dirigeantes ont atteint leurs limites et dont le système n’est plus gérable par elles, plus acceptable par les opprimés, l’avenir dépend de la capacité des exploités de prendre conscience de leur rôle historique. Encore une fois, cette conscience n’est pas simplement celle d’une avant-garde révolutionnaire ou prétendue telle. Cette lutte des exploités n’est pas seulement celle qu’encadrent les prétendus chefs de cette classe, chefs politiques ou syndicaux, ou candidats à cette chefferie. Cette organisation politique des exploités n’est pas simplement le parti politique révolutionnaire ou auto-proclamé tel.

La première caractéristique, selon moi du révolutionnaire, est de reconnaître la capacité autonome des masses sur trois plans : la conscience, l’action et l’organisation. Il ne s’interdit nullement d’agir sur ces trois plans mais il sait que les masses ont leur propre histoire qui ne dépend pas seulement des idées révolutionnaires (pas plus que des idées réactionnaires ou réformistes). Le révolutionnaire défend avec becs set ongles l’action, la pensée et l’organisation autonomes des masses en lutte… Il la défend contre les chefs politiciens, les chefs militaires, les chefs religieux, les chefs syndicaux, les chefs pseudo-révolutionnaires, tous ceux qui se prennent pour des chefs… Le prolétariat révolutionnaire aura besoin d’être une direction et pas seulement de se donner une direction. Et surement pas de se donner des chefs. Des décennies de réformisme, de politicaillerie électorale, de collaboration avec la bourgeoisie, de syndicalisme de négociation ont détruit toutes ces notions. C’est pourquoi le révolutionnaire entend leur redonner vie, y compris quand les travailleurs eux-mêmes restent attachés aux vieilles conceptions réformistes et même attachés au système d’exploitation.

La première des pressions qui peut faire reculer le militant révolutionnaire, ce n’est pas la bourgeoisie, ce n’est pas l’Etat, ce n’est même pas l’influence de l’opinion petite bourgeoisie, c’est bien plus l’opinion des travailleurs eux-mêmes ou des milieux syndicalistes au sein des travailleurs…

Le premier adversaire du prolétariat révolutionnaire, c’est le prolétaire en chair et en os qui n’a nullement choisi d’être révolutionnaire et entend seulement défendre sa vie et celle de sa famille, son emploi, son salaire, sa maison, son avenir et a appris à le faire au sein du système en revendiquant contre mais pas en se battant pour son renversement.

Celui qui prétend suivre l’opinion ouvrière, l’opinion populaire, n’est pas un révolutionnaire même si, de bonne foi, il croit le contraire.
Celui qui accepte que les travailleurs, au cours de leurs luttes, soient dirigées comme des moutons n’est pas un apprenti-révolutionnaire mais un apprenti berger.

Celui qui accepte que les classes dirigeantes s’organisent au-delà des partis et des syndicats, mais ne défend la perspective pas que les travailleurs le fassent, n’est pas révolutionnaire mais un espèce de pragmatique qui s’adapte au paysage sans prétendre réellement défendre un point de vue.

Affirmer que la confiance des travailleurs en leur propre force viendra de rassemblements syndicaux ou de votes aux élections bourgeoises n’a rien de révolutionnaire.

Affirmer que le renforcement du prolétariat viendra de simples luttes revendicatives n’a rien de révolutionnaire.

Celui qui sème des illusions sur le rôle de l’Etat n’a rien d’un révolutionnaire.

L’Etat (sous-entendu l’Etat bourgeois) devrait faire ceci, devrait donner cela, n’est pas une parole révolutionnaire.

N’est pas révolutionnaire celui qui sous-entend qu’avec de bons gouvernants l’Etat bourgeois serait tout autre. Ne l’est pas non plus celui qui assimile l’Etat ouvrier à un simple « gouvernement des travailleurs », version améliorée du mensonge précédent. Quiconque ne milite pas pour des comités de salariés, indépendants de tous les pouvoirs institutionnels, de la bourgeoisie, des syndicats et partis, ne peut prétendre qu’il milite pour un Etat ouvrier. L’Etat ouvrier, selon Marx, c’était la commune, les comités, les clubs, les sections des travailleurs parisiens et pas un appareil… L’Etat russe était ouvrier quand c’était celui des soviets…

La confiance du prolétariat dans sa capacité à proposer son propre programme social et politique à l’ensemble de la société naitra de la fierté des travailleurs à énoncer courageusement des perspectives propres et non pas de revendications qui s’adaptent à cette société.
Etre révolutionnaire, ce n’est pas revendiquer l’amélioration de cette société en la considérant comme la nôtre, ce qu’elle n’est que dans nos illusions.

Ce monde n’est pas le nôtre, voilà le langage du révolutionnaire.

Ce n’est pas « ton » pays, ce n’est pas « ton » entreprise, ce n’est pas « ton » économie, ce n’est pas « ton » peuple, etc… Ce sont ceux des classes dirigeantes qui n’ont rien de commun avec toi et dont les intérêts, avec la crise sociale et économique, s’opposent même diamétralement avec les tiens.

Ce n’est pas ta société qui est en train de s’effondrer, mais celle des capitalistes, même si cela signifie d’énormes souffrances pour toi, ce n’est pas la même chose…

Révolutionnaire, tu ne milites pas seulement pour défendre des acquis mais un avenir ce qui est très différent.

Pour cela, tu défends l’idée qu’on ne doit faire confiance dans aucune institution de la société existante, en une réforme de celles-ci, en aucune politique menée dans leur cadre. Tu es critique vis-à-vis de toutes, quelles que soient les illusions de ceux qui font fonctionner de telles institutions. Les associations, les syndicats, les partis, les œuvres sociales sont de telles institutions…

Le révolutionnaire n’est pas celui qui dénonce en forme de protestation du type « ce n’est pas normal », sous prétexte de permettre par ces illusions de favoriser une plus grande mobilisation, mais celui qui démasque la réalité de la norme sociale, qui montre qu’elle n’est en rien placée au dessus des classes sociales et ne peut pas l’être.

L’activisme n’est pas plus révolutionnaire que le réformisme. Il prétend que ce qui compte est surtout la mobilisation, comme si l’organisation et la conscience politique en découlaient inévitablement. L’activisme est une des formes du pragmatisme, adaptation au possible qui amène à des positions finalement réformistes, ou radicalisant seulement les actes et les propos des réformistes. Ainsi, on trouve des adeptes du programme de transition de Trotsky qui prétendent le comprendre comme une manière de passer de revendications à la révolution, la fameuse transition. Ils ont seulement omis de dire que telle n’est pas la thèse de Trotsky dans le texte en question… et qui ne consiste nullement en l’idée de gauchir des revendications réformistes, ni à gauchir les syndicats, ni à gauchir la critique de l’Etat bourgeois. L’extrême gauche en question est effectivement plus à gauche que la gauche politique et syndicale mais seulement plus à gauche…

Trotsky affirmait d’abord dans ce texte que les conditions révolutionnaires arrivaient à maturité et ces conditions étaient celles de la crise de la domination de la classe dirigeante. Ces groupes d’extrême gauche, eux, se gardent d’analyser réellement les conditions objectives de cette domination et d’abord l’état du système. Parce que leur politique n’est pas fondée sur ces conditions objectives mais sur leur estimation de l’état d’esprit des masses ouvrières. Et ces dernières ne sont mesurées qu’à l’aune des petits milieux syndicaux des grandes entreprises d’un seul pays…

Le révolutionnaire est donc celui qui ne s’en tient pas à suivre l’état d’esprit du moment des travailleurs sous prétexte de réalisme mais essaie d’avoir une vue à un peu plus long terme et sur une autre échelle que nationale.

Mais, en fait, après avoir dit tout cela, il faut bien reconnaître que nous ne savons pas vraiment qui est le révolutionnaire et c’est tant mieux. Nous laissons à l’histoire de le dire et c’est beaucoup plus confiants dans l’avenir de la société humaine et dans l’absence d’avenir de la société capitaliste que nous pensons que la nécessité saura subvenir à ses besoins, ceux d’une nouvelle société comme ceux d’une nouvelle source de militantisme révolutionnaires. Vive l’avenir du monde et à bas les idéologies dépassées, toutes celles qui considèrent les opprimés comme des moutons.

Pour conclure, je dirais qu’il n’y a aucune vérité qui ne soit pas bonne à dire, jamais de double discours, jamais de mensonge qui puisse servir la cause révolutionnaire, quelles que soient les tactiques qui prétendent le justifier. Quiconque veut choisir la voie révolutionnaire renonce aux attitudes visant des succès à court terme, rejette résolument la politique à la petite semaine au nom du pragmatisme qui craint de ne pas être comprise des masses. La classe révolutionnaire n’a jamais rien à perdre à la vérité et tout à craindre des prétendus tacticiens qui prétendent non pas contourner les ennemis mais contourner les amis, les prolétaires eux-mêmes !


« Comprendre clairement la nature sociale de la société moderne, de son Etat, de son droit, de son idéologie constitue le fondement théorique de la politique révolutionnaire. La bourgeoisie opère par abstraction (« nation », « patrie », « démocratie ») pour camoufler l’exploitation qui est à la base de sa domination. (…) Le premier acte de la politique révolutionnaire consiste à démasquer les fictions bourgeoises qui intoxiquent les masses populaires. Ces fictions deviennent particulièrement malfaisantes quand elles s’amalgament avec les idées de « socialisme » et de « révolution ». Aujourd’hui plus qu’à n’importe quel moment, ce sont les fabricants de ce genre d’amalgames qui donnent le ton dans les organisations ouvrières françaises. »

Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (28 mars 1936)

« L’émancipation des ouvriers ne peut être l’oeuvre que des ouvriers eux-mêmes. Il n’y a donc pas de plus grand crime que de tromper les masses, de faire passer des défaites pour des victoires, des amis pour des ennemis, d’acheter des chefs, de fabriquer des légendes, de monter des procès d’imposture, — de faire en un mot ce que font les staliniens. Ces moyens ne peuvent servir qu’à une fin : prolonger la domination d’une coterie déjà condamnée par l’histoire. Ils ne peuvent pas servir à l’émancipation des masses. Voilà pourquoi la IVe Internationale soutient contre le stalinisme une lutte à mort.
Il va sans dire que les masses ne sont pas sans péché. Nous ne sommes pas enclins à les idéaliser. Nous les avons vues en des circonstances variées, à diverses étapes, au milieu des plus grands bouleversements. Nous avons observé leurs faiblesses et leurs qualités. Leurs qualités : la décision, l’abnégation, l’héroïsme trouvaient toujours leur plus haute expression dans les périodes d’essor de la révolution. A ces moments, les bolcheviks furent à la tête des masses. Un autre chapitre de l’histoire s’ouvrit ensuite, quand se révélèrent les faiblesses des opprimés : hétérogénéité, insuffisance de culture, manque d’horizon. Fatiguées, déçues, les masses s’affaissèrent, perdirent la foi en elles-mêmes et cédèrent la place à une nouvelle aristocratie. Dans cette période les bolcheviks (les "trotskistes") se trouvèrent isolés des masses. Nous avons pratiquement parcouru deux cycles semblables : 1897-1905, années de flux ; 1907-1913, années de reflux ; 1917-1923, années marquées par un essor sans précédent dans l’histoire ; puis une nouvelle période de réaction qui n’est pas encore finie. Grâce à ces événements, les "trotskistes" ont appris à connaître le rythme de l’histoire, en d’autres termes la dialectique de la lutte des classes. Ils ont appris et, me semble-t-il, réussi à subordonner à ce rythme objectif leurs desseins subjectifs et leurs programmes. Ils ont appris à ne point désespérer parce que les lois de l’histoire ne dépendent pas de nos goûts individuels ou de nos critériums moraux. Ils ont appris à subordonner leurs goûts individuels à ces lois. Ils ont appris à ne point craindre les ennemis les plus puissants, si la puissance de ces ennemis est en contradiction avec les exigences du développement historique. Ils savent remonter le courant avec la conviction profonde que l’afflux historique d’une puissance nouvelle les portera jusqu’à l’autre rive. Pas tous ; beaucoup se noieront en chemin. Mais participer au mouvement les yeux ouverts, avec une volonté tendue, telle est bien la satisfaction morale par excellence qui puisse être donnée à un être pensant ! »

Léon Trotsky dans "Leur morale et la nôtre"

« Lénine expliquait aux amateurs de "problèmes politiques concrets" que notre politique n’est pas de caractère conjoncturel mais principiel ; que la tactique est subordonnée à la stratégie ; que, pour nous, le sens fondamental de chaque campagne politique est de mener les travailleurs des questions particulières aux problèmes généraux, c’est-à-dire de les amener à la compréhension de la société moderne et du caractère de ses forces fondamentales. »

Léon Trotsky dans "Défense du marxisme" dans le paragraphe "contre le pseudo "réalisme" politique"

Le militant Marx

Le militant Engels

Le militant Blanqui

La militante Rosa Luxemburg

Le militant Lénine

Le militant Trotsky

Discussion sur le militantisme politique révolutionnaire

Discussion sur le militantisme syndical des révolutionnaires

Messages

  • « La vérité est toujours révolutionnaire. Exposer aux opprimés la vérité de leur situation, c’est leur ouvrir la voie de la révolution. Dire la vérité sur les dirigeants, c’est saper mortellement les bases de leur pouvoir. Dire la vérité sur la bureaucratie réformiste, c’est l’écraser dans la conscience des masses. Dire la vérité sur les centristes, c’est aider les ouvriers à assurer la direction juste de l’Internationale communiste. »

    Léon Trotsky

    Lettre ouverte à la rédaction du journal "La Vérité"

  • Le militant révolutionnaire est celui à qui des années de passivité politique des masses prolétariennes n’ont pas émoussé sa capacité de se mettre à l’écoute de ces masses et son attente impatiente de les entendre. Sa première revendication, c’est que les travailleurs revendiquent par eux-mêmes, se réunissent pour élaborer. Il n’y a pas de programme plus créateur que celui des assemblées vivantes de travailleurs ayant retrouvé le chemin de l’activité politique ! Il n’y a pas pire école de pessimisme par rapport aux capacités des travailleurs que des années de syndicalisme sans aucun contrôle de ces masses !

  • Esprit révolutionnaire et syndicalisme

    Maintenant que le peuple est devenu une puissance avec laquelle il faut compter, il a ses courtisans. Et ce n’est plus seulement comme à Athènes, Cléon, le corroyeur, et Agoracrite, le charcutier, qui se disputent ses faveurs : aujourd’hui, une foule de bourgeois, avocats sans cause, politiciens ambitieux, mécontents et déclassés de toutes sortes, jeunes gens ne trouvant pas leur voie, espèrent de lui, qui le succès, qui la rédemption, qui un dérivatif à l’ennui, qui une satisfaction de vanité. Et tous à l’envi le louent, le flattent, lui découvrent toutes les vertus. Que de fois lisons-nous de ces tirades démagogiques qui nous dépeignent le peuple comme un pur agneau sans tache, et ses oppresseurs comme les plus noirs des criminels : on croirait, à entendre certains de ces flatteurs du peuple, que les pauvres ont pour leur part toutes les vertus et toutes les souffrances, et les riches tous les bonheurs et tous les vices.

    Naturellement, le ton du boniment varie selon les auteurs, et avec lui les qualités que l’on attribue au peuple. Les uns loueront son bon sens, sa sagesse et sa modération ; les autres son ardeur, sa vaillance et sa ténacité.

    Certains répètent aujourd’hui sans cesse, qu’il est l’unique détenteur de l’esprit révolutionnaire. Parmi les flatteries qu’on lui débite, celle-ci est l’une des plus spécieuses.

    Il serait bon de s’expliquer clairement à ce sujet :

    A bien examiner les choses, il y a deux sortes de révolutionnaires ; je pourrais les dénommer : les révolutionnaires par intérêt et les révolutionnaires par tempérament. Il est clair que les révolutionnaires par intérêt sont beaucoup plus nombreux dans le peuple que dans la bourgeoisie. Encore ne sont-ils pas également nombreux dans toutes les couches populaires. Les plus miséreux, ceux qui vivent au jour le jour, qui n’ont pas de quoi manger à leur faim et n’ont ni le loisir ni la force de se rendre compte de leur situation, ceux-là ne peuvent même pas comprendre leur intérêt. Ils forment la masse amorphe des exploités résignés qu’il est si difficile d’organiser. A cette masse appartiennent aussi beaucoup de travailleurs isolés, tels que les ouvriers agricoles qui travaillent pour de petits propriétaires. C’est seulement grâce à un salaire un peu plus élevé et au contact journalier avec des camarades qui se trouvent dans les mêmes conditions économiques que lui, que l’ouvrier acquiert la force de penser et la tendance à discuter ses intérêts : s’il comprend nettement sa situation et ne laisse pas endormir son esprit par ceux qui veulent faire métier de le mener, il deviendra nécessairement révolutionnaire.

    Si nous passons maintenant aux corporations ouvrières puissantes, à celles où les salaires sont élevés ou à celles qui dépendent de l’Etat et jouissent de quelques avantages inconnus aux travailleurs libres, nous serons frappés du fait que l’esprit révolutionnaire y est moins vif que dans les corporations moins favorisées, économiquement ou socialement parlant. On y trouve une tendance au réformisme ; leurs membres acceptent déjà plus ou moins l’état actuel des choses : ils ne veulent pas perdre les avantages qu’ils ont acquis et s’attendent à en conquérir d’autres ; certains espèrent déjà tenir leur part de l’assiette au beurre. On sent que la plupart aspirent au fond d’eux-mêmes à devenir des bourgeois.

    Cette différence d’esprit entre les diverses corporations est apparue évidente à plusieurs reprises dans les délibérations et les élections de la C. G. T. Ce sont les fédérations puissantes, celles où les salaires sont élevés, celles que leur situation rapproche le plus de la bourgeoisie, qui sont, en règle générale, les moins révolutionnaires. Cette même tendance s’est manifestée depuis longtemps dans les Trade-Unions, et si d’autres facteurs ne viennent s’y opposer, les syndicats français comme les autres pencheront de plus en plus, à mesure qu’ils deviendront plus puissants, vers le réformisme et l’égoïsme corporatif.

    On observe déjà des symptômes inquiétants à cet égard : n’a-t-on pas vu récemment (1913) un typographe de Lyon radié de sa section pour n’avoir pas interdit à sa femme de travailler comme ouvrier typographe, bien qu’elle travaillât au tarif syndical ? Des faits analogues se sont produits en Italie. Mais si de pareils excès sont rares, il existe des indices innombrables de la tendance croissante des corporations, qui ont conquis certains avantages, à maintenir leurs privilèges, fût-ce au détriment des autres, et à réduire par tous les moyens la concurrence.

    Entre le révolutionnaire par intérêt et le révolutionnaire par tempérament, il y a un abîme. Celui-ci se rencontra indistinctement dans toutes les classes de la société. C’est essentiellement l’homme qui pense par lui-même. La plupart des hommes pensent en masse ; ils acceptent sans examen une foule d’idées reçues, de préjugés, de conventions, ils se soumettent à la mode, ils font comme le voisin, ils attendent d’être nombreux pour agir. L’homme qui doute, qui réfléchit, qui pense dangereux, un révolutionnaire : c’est le révolutionnaire par excellence. Pas plus qu’à la loi, il ne se soumet aveuglément à la coutume, à la tradition, à l’opinion de la majorité. C’est lui que Lombroso, admirateur de l’homme moyen, de l’homme médiocre, et partisan du socialisme, appelle un fou ou un mattoïde. Il est de l’étoffe dont on fait les anarchistes. Et comme les révolutionnaires par tempérament sont rares, il est difficile que l’idée anarchiste soit acceptée et mise en pratique par un très grand nombre de gens. L’anarchisme réclame de l’individu trop de conscience et trop d’initiative pour pouvoir aisément se généraliser.

    L’anarchisme n’a aucun des moyens qui séduisent les masses ; pas de vastes, organisations, pas d’avantages matériels à offrir, pas d’élections, pas de bulletins de vote qui donnent l’illusion de partager le pouvoir. Aussi les anarchistes qui veulent étendre leur action sociale et essayer d’influer directement sur la transformation de la société, de manière à lui imprimer une direction telle que la société future soit un milieu tolérable pour des hommes libres, pour des individualités autonomes, sont-ils amenés à entrer dans des groupements plus vastes que les groupes anarchistes ; ces groupements ne sont autres que les syndicats ouvriers.

    Sans se faire trop d’illusion sur l’étendue des résultats qu’ils y peuvent obtenir, ils doivent y entretenir l’esprit révolutionnaire, c’est-à-dire l’esprit de libre examen, de réflexion personnelle, d’indépendance et de dignité de l’individu ; en face du réalisme des luttes quotidiennes pour les intérêts matériels, où trop facilement on se contente des petits avantages remportés, ils doivent maintenir l’idéalisme de l’esprit révolutionnaire, qui ne se contente pas de légères améliorations, de concessions sans importance, de demi-réformes, mais aspire toujours à quelque chose de plus complet, à des perfectionnements nouveaux, à d’autres progrès, et a toujours devant lui l’image d’une société où il y aurait plus de sincérité et de confiance mutuelle dans les rapports sociaux, un plus sage emploi des forces dans la production, plus de libertés réelles, un développement plus riche et plus multiforme des individualités.

    En un mot, l’anarchiste doit rester complètement anarchiste, dans les syndicats comme ailleurs ; il serait déplorable qu’il se laissât absorber totalement par le syndicat et qu’il finit par considérer comme une vertu, la tendance terre à terre inhérente à l’esprit corporatif.

    Jacques Mesnil

    23 février 1922.

  • Nous sommes pour la révolution prolétarienne et communiste, ce qui est très différent…

    Cela signifie d’abord que la locomotive de l’Histoire est la lutte des classes et pas la démocratie, ni la lutte armée, ni l’idéologie, ni la foi, ni le peuple, ni la nation, etc.

  • Nous sommes pour la révolution prolétarienne et communiste, ce qui est très différent…

    Cela signifie d’abord que la locomotive de l’Histoire est la lutte des classes et pas la démocratie, ni la lutte armée, ni l’idéologie, ni la foi, ni le peuple, ni la nation, etc.

    Cela signifie ensuite que nul n’a besoin de sauveurs, ni de sauveurs révolutionnaires ni d’autres. Nous ne sommes pas les sauveurs du monde, ni ceux des travailleurs et des peuples. Nous n’appelons pas ceux-ci à avoir confiance en nous.

  • Le révolutionnaire ne pousse pas les travailleurs à lutter, ne pousse pas les travailleurs à se heurter à l’Etat, ne pousse en rien les travailleurs ni son propre milieu. Cela ne veut pas dire que le révolutionnaire aimerait ou n’aimerait pas que la société entre dans une telle phase révolutionnaire mais qu’il ne pense pas que la société obéisse à de telles aspirations individuelles ni d’une somme d’individus.

  • Ce monde n’est pas le nôtre, voilà le langage du révolutionnaire.

    Ce n’est pas « ton » pays, ce n’est pas « ton » entreprise, ce n’est pas « ton » économie, ce n’est pas « ton » peuple, etc… Ce sont ceux des classes dirigeantes qui n’ont rien de commun avec toi et dont les intérêts, avec la crise sociale et économique, s’opposent même diamétralement avec les tiens.

    Ce n’est pas ta société qui est en train de s’effondrer, mais celle des capitalistes, même si cela signifie d’énormes souffrances pour toi, ce n’est pas la même chose…

    Révolutionnaire, tu ne milites pas seulement pour défendre des acquis mais un avenir ce qui est très différent

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