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L’Orient révolutionnaire et l’Internationale communiste

jeudi 31 janvier 2013, par Robert Paris

L’Orient révolutionnaire et l’Internationale communiste

Pak Chin-sun

La 1e et la 2e Internationale n’ont été que des associations des masses de l’Europe et de l’Amérique. Elles ne s’occupaient que très peu de la « question d’Orient » et en général des « questions coloniales ». La plupart des chefs officiels de la 2e Internationale firent de leur mieux pour mettre les « questions coloniales » sous le boisseau et pour séparer le mouvement ouvrier occidental de la lutte révolutionnaire des peuples coloniaux asservis ; ils craignaient de poser ces questions franchement et ouvertement.

Chaque fois que les leaders officiels de la 2e Internationale arrivaient au « problème d’Orient », ils en étaient tout autant effrayés, que les politiciens bourgeois, qui font constamment état de leur vénération pour la « démocratie », la civilisation et la culture. Les questions complexes de la lutte révolutionnaire des peuples coloniaux asservis, composant la plus grande partie de l’humanité en lutte, étaient étrangères aux idéologues du parlementarisme. Lors de la fondation de l’Internationale Communiste, l’Asie fut faiblement représentée, ce qui ne manqua pas de se refléter sur l’action en Orient. Mais la nécessité de nouer la lutte révolutionnaire des masses laborieuses orientales avec celle des masses d’Occident se faisait sentir de plus en plus. La grande et victorieuse révolution d’octobre en Russie, fut la première à frayer une route entre l’Occident prolétarien et l’Orient révolutionnaire. La Russie des Soviets est devenu un lieu entre deux mondes jusqu’alors séparés. La nécessité de mener simultanément la lutte prolétarienne en Orient et en Occident ne fut jamais ressentie d’une façon si impérieuse, qu’au moment où les classes dirigeantes faisaient des déserts des champs florissants, et transformaient en monceaux de ruines les villes et les villages paisibles, et lorsque la classe ouvrière décida de lever l’étendard de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir des masses laborieuses et pour une nouvelle vie de liberté pour toute l’humanité.

Aujourd’hui, lorsque le souffle de la révolution sociale passe sur le monde entier, lorsque la bourgeoisie fait son dernier effort pour retarder d’un instant l’heure de sa chute, le 2e Congrès Universel de l’Internationale Communiste doit plus que jamais tourner ses regards vers l’Orient, où le sort de la révolution mondiale peut être décidé. Car il est une chose sûre, c’est que celui qui saura s’approcher des peuples asservis d’Orient, et qui saura s’en faire des alliés, sortira victorieux de la grande guerre du Travail contre le Capital.

L’acuité de la crise économique (inévitable au moment du passage du féodalisme au capitalisme) et la politique barbare des grandes puissances dans les colonies ont créé en Asie un terrain favorable à la révolution. Cette politique a développé en Orient des tendances nettement nationalistes. Tout en admettant que le premier stade de la révolution en Orient sera une victoire de la bourgeoisie libérale et des intellectuels nationalistes, nous n’en devons pas moins dès maintenant préparer nos forces pour le stade suivant. En attendant, nous devons aller dans les grandes masses agricoles, asservies par le régime féodal et les organiser afin de provoquer au plus tôt, en Asie, la Révolution agraire. Le prolétariat industriel, exception faite du Japon, est trop faible en Asie, pour que nous puissions nourrir le sérieux espoir d’une prochaine révolution communiste, mais en revanche la victoire de la révolution agraire est certaine si nous venons à bout des tâches urgentes de la grande lutte sanglante

Le prolétariat russe qui se trouve au poste le plus avancé de la révolution mondiale, a pu soutenir pendant 3 ans les attaques désespérés de la bourgeoisie universelle, uniquement parce qu’il a su attirer de son côté les petits et moyens paysans. Si l’avant-garde du prolétariat d’Europe et d’Amérique, réunie autour de l’Internationale Communiste, désire remporter une prompte victoire sur la classe capitaliste, elle doit lutter la main dans la main avec les millions de révolutionnaires de l’Orient. C’est l’évidence même que cette victoire est impossible sans la collaboration des peuples coloniaux et il serait superflu de le démontrer. L’histoire de la 2e Internationale, qui a péri sans gloire, a clairement montré que la bourgeoisie mondiale pourra repousser l’assaut le plus violent du prolétariat insurgé, aussi longtemps qu’elle aura la source de sa puissance dans les colonies en général et dans l’Asie en particulier.

L’Internationale Communiste en dirigeant l’Orient qui se réveille sur la véritable route de la révolution, tuera assez l’opportunisme et l’indécision du prolétariat occidental. Mais il faut coordonner les actions de telle façon que le prolétariat européen assène à sa bourgeoisie un coup sur la tête juste au moment où l’Orient révolutionnaire portera un coup mortel dans le ventre du Capital. Le soulèvement victorieux des peuples « coloniaux », signera l’arrêt de mort de tout « bernsteinianisme » et de tout trade-unionisme petit-bourgeois. Une prompte solution de ce problème, hâtera le triomphe de l’Internationale Communiste dans le monde entier.

On se demande maintenant quelles sont les forces qui révolutionnent l’Orient. La plupart des ci-devant de la noblesse, des bourgeois libéraux et des intellectuels petits-bourgeois qui constituent la force spirituelle de la révolution en Asie ont compris après une longue lutte contre les oppresseurs étrangers et à la suite d’une douloureuse lutte intérieure d’idée, que la régénération de l’Orient est impossible en dehors de la domination des grandes masses laborieuses. La faillite de la 2e Internationale a contribué au développement rapide des idées révolutionnaires en Orient en faisant perdre à ces peuples tout espoir d’obtenir une existence libre sans le triomphe de la révolution sociale en Europe, en Asie et dans les autres pays. Deux voies opposées s’ouvrent devant les nationalistes d’Asie : l’une mène au bonheur personnel fondé sur la souffrance des autres et sur la dégénérescence progressive des grandes masses ; l’autre mène à la révolution sociale qui les privera jusqu’à un certain point de leurs privilèges matériels, mais apportera la libération de leur peuple. La plupart des nationalistes d’idée, à notre grand :- joie, se sont trouvés du côté de la révolution. Il y a naturellement dans les milieux révolutionnaires des éléments qui viennent à nous, internationalistes, dans le seul but de conquérir leur liberté politique’ nationale. Mais nous utiliserons leur esprit révolutionnaire pour la lutte contre le capital mondial, pour le triomphe de la révolution sociale dans tout l’univers. Si, par la suite, la révolution l’exige, nous saurons diriger nos armes contre l’allié te d’hier » e£ nous vaincrons sans aucun doute car les masses populaires de l’Orient, libérées de l’asservissement politique et économique étranger, ne se soumettront certainement pas au joug de nouveaux maîtres. Les soi-disant gouvernements socialistes qui craignent la « révolte du sentiment patriotique » des masses laborieuses peu conscientes des pays où les classes dominantes mènent une politique barbare, ne sont pas capables de mener une politique qui soutiendrait les mouvements nationaux dans les colonies.

L’Internationale Communiste n’a pas à craindre cette « révolte », car l’avant-garde du prolétariat révolutionnaire international, dont les rangs grossissent d’heure en heure, estimera son activité à sa valeur et approuvera sa tactique clairvoyante. Ainsi, quoique nous luttions de concert avec les éléments nationalistes précités, nous ne pouvons pus les considérer comme des camarades avec lesquels nous pourrons en toute confiance aller jusqu’au bout de notre. route. Nous devons sans faiblir un instant, expliquer aux grandes masses laborieuses de l’Orient que la liberté nationale et politique seule ne les mènera pas au but de leur lutte et qu’il n’y a que l’émancipation sociale qui leur assurera une complète liberté.

La victoire du premier stade de la révolution en Asie, coïncidera avec celle de la révolution socialiste en Occident, L’Europe prolétarienne ne pourra rester le témoin indifférent des souffrances des grandes masses laborieuses de l’Orient, qui gémissent sous le joug de la démocratie bourgeoise. Le prolétariat européen animé d’un sentiment de solidarité leur viendra en aide. Naturellement, nous pouvons prédire à l’avance que le camp bourgeois poussera de terribles hurlements. Mais les camarades occidentaux seront reçus (soyez-en convaincus) fraternellement et à bras ouverts par le prolétariat et les masses laborieuses de l’Asie, car si l’Orient fut de tout temps contre une intervention étrangère qui apportait avec elle les chaînes de l’esclavage, il sait que l’intervention du prolétariat socialiste d’Occident lui sera d’un grand appui et même indispensable dans sa lutte contre l’exploitation et l’oppression. Et cette intervention est attendue avec impatience par tous les prolétaires d’Orient.

Le deuxième Congrès qui doit donner au prolétariat révolutionnaire un plan d’action défini pour le diriger dans une heureuse lutte contre l’impérialisme mondial, n’oubliera naturellement pas le rôle de l’immense Orient révolutionnaire dans le mouvement international ouvrier.

Et alors, les masses laborieuses de l’Orient avec le soutien des camarades européens et américains qui auront vaincu les oppresseurs étrangers et les asservisseurs nationaux, changeront l’Asie, pays de possibilités religieuses — en une oasis communiste des possibilités révolutionnaires.
Thèses sur les tâches de l’Internationale Communiste en Orient

Au moment de l’immense corps à corps des deux forces opposées : Capital et Travail, — le mouvement libérateur des « peuples coloniaux » qui se produit sous forme de soulèvement gigantesque, apporte une aide puissante au prolétariat combattant des pays capitalistes avancés.

A mesure que s’élargit et que s’approfondit l’abîme entre le travail et le capital, la nécessité de l’étroite unité de l’Occident communiste et de l’Orient communiste se fait sentir de plus en plus.

L’expérience de la longue lutte du prolétariat européen, qui finira par la libération de toute l’humanité souffrante et les sanglants exemples de la longue guerre libératrice menée par les peuples coloniaux dictent au continent et à la métropole la nécessité des actions révolutionnaires coordonnées pour arriver plus promptement à une victoire sur les exploiteurs .

La « Ligue des nations » créée par les brigands de l’impérialisme et la 2e Internationale Jaune, son alliée, ne peuvent pas être l’organe suprême dirigeant cette lutte titanique. Ce rôle ne revient qu’à l’Internationale du travail, de la lutte révolutionnaire et du prolétariat communiste, c’est-à-dire à la 3e Internationale.

L’Internationale Communiste doit mettre à nu toute la ruse des champions du capital universel, agissant sous le pavillon de la « Ligue des nations » et préparant une campagne contre les masses laborieuses du monde entier, opprimées jusqu’alors, et qui luttent pour plus de bien-être et pour une existence libre. Elle doit dévoiler inlassablement l’absence de vitalité, l’indigence révolutionnaire et partant, l’inutilité absolue de la 2e Internationale « Jaune » dans la grande lutte libératrice des peuples de l’Orient.

L’Internationale Communiste dirige elle-même sans intermédiaire les peuples esclaves des colonies dans leur lutte contre l’impérialisme spoliateur, à l’encontre de la 2e Internationale, qui sous le prétexte de « civilisation » « et de culture », soutenait ouvertement la politique spoliatrice et barbare des gouvernements bourgeois.

L’Internationale Communiste en menant une lutte implacable contre le trade-unionisme des petits-bourgeois, contre l’opportunisme et le révisionnisme, qui retiennent l’élan révolutionnaire du prolétariat des pays avancés et en soulevant le puissant Orient qui s’éveille à une vie nouvelle, anéantira jusque dans ses fondements l’indécision, cette maladie pernicieuse dans le corps sain du mouvement révolutionnaire du socialisme International.

La différence des conditions économiques et des conditions de culture donne un caractère spécial à chacun de ces deux groupements de l’humanité laborieuse ; le prolétariat des pays capitalistes avancé est incontestablement la phalange la plus développée, la plus consciente de l’armée internationale du travail. La tâche de l’Internationale Communiste ne consiste pas à former une caste à part des ouvriers industriels des pays les plus avancés au point de vue de l’industrie et qui se trouvent en minorité dans l’humanité laborieuse. Au contraire, l’Internationale Communiste doit, avec l’aide des ouvriers industriels les plus fermes et les plus conscients de l’Occident, organiser toute la masse laborieuse de l’Orient qui se réveille et l’amener dans le torrent commun de la lutte révolutionnaire du travail contre le capital.

L’Internationale Communiste doit lutter inlassablement contre le pacifisme bourgeois qui entrave l’énergie combattive de l’Orient révolutionnaire, contre lu panmongolisme et le panislamisme qui sont ennemis de la solidarité internationale des masses laborieuses et de leur coopération dans la lutte pour la liberté et pour la fraternité des peuples.

Il faut mener une propagande incessante en faveur de la révolution agraire parmi les peuples des colonies et surtout en Asie, afin de donner à leur mouvement libérateur un contenu non seulement politique, mais également économique ; il faut réveiller le sentiment de classe des masses, il faut les attirer au mouvement social, transformer ce dernier, d’un mouvement d’intellectuels en un mouvement des masses, en expliquant la mission historique du prolétariat prêt à s’emparer du pouvoir.

Ayant en perspective cette révolution socialiste-agraire en Orient, l’Internationale Communiste doit immédiatement aborder l’élaboration de la méthode révolutionnaire de l’édification de société nouvelle, de la société communiste, c’est-à-dire, elle doit procéder à la création d’un plan économique pour le passage le moins douloureux du régime agraire au régime socialiste, en évitant la période pleine de tourments du développement du capitalisme privé en Orient.

Sur le congrès des peuples révolutionnaires de l’Orient (Bakou, septembre 1920), lire aussi :

http://www.marxists.org/francais/rosmer/works/msl/msl2016.htm

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1985_num_26_1_2029

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