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L’effondrement inégal et combiné du capitalisme

jeudi 7 février 2013, par Robert Paris

Effondrement en 1997, puis 2000 et la chute totale en 2007... Ceci n’a été que retardé !

L’effondrement inégal et combiné du capitalisme

On se souvient de la thèse de la révolution permanente de Léon Trotsky, dont l’un des éléments était le développement inégal et combiné, loi générale d’évolution des systèmes sociaux. Cette loi combattait la conception linéaire, continue, régulière du développement menant aux conceptions progressistes et donc réformistes. Elle signifiait que les avancées de la société humaine, loin de suivre un chemin tranquille et progressif, régulier, saute brutalement d’un niveau très retardataire au plus avancé. Les pays dits en retard peuvent plus facilement être la base d’un développement brutal et exponentiel que les anciens pays très avancés, dit cette thèse, anticipant la notion de pays émergents…

Et certains ont vu dans la mondialisation une espèce de développement inégal et combiné du capitalisme, trouvant en Chine, en Inde, au Brésil, en Russie ou en Afrique du sud de nouvelles ressources de dynamisme pour donner de l’oxygène au capitalisme. C’était effectivement une tentative pour redonner de l’oxygène au capitalisme, en bout de course en 1990. Mais la catastrophe était bien trop importante pour que la « solution » puisse durer longtemps. L’effondrement a repointé son nez en 2000, déjà… La situation a pu être retardée jusqu’en 2007 par un appel au crédit complètement invraisemblable, médicament qui a été la nouvelle source d’un autre effondrement… Depuis, il n’est même plus question de solution économique pour le système, seulement de gagner du temps sur la chute inévitable, pour profiter de ce répit momentané afin de maintenir en place le pouvoir de la classe capitaliste, ou, tout au moins, empêcher et détourner la vague montante de la révolution prolétarienne que les capitalistes savent inévitable.

Le but des classes dirigeantes est de profiter de ce temps limité pour démoraliser la classe ouvrière, détourner sa colère vers des cibles démagogiques, fascistes, fatiguer sa colère sociale, discréditer sa force sociale, ses capacités de combattre, sa confiance en elle-même. C’est une course de vitesse qui est enclenchée et nul ne peut dire qui ira plus vite de la révolution sociale ou de la contre-révolution…

En tout cas, tous les plans, toutes les interventions étatiques et des banques centrales n’ont aucun but économique. En ce sens, nous n’avons pas affaire à une crise classique qui a pour but de débarrasser les marchés des « canards boiteux » du capitalisme pour permettre un nouveau développement.

Il n’y a plus de loi des marchés qui impose à des trusts et des banques de faire faillite. Ce sont les Etats et les banques centrales qui décident qu’aucune grande entreprise capitaliste ne doit chuter. Cela, ce n’est plus de l’économie en termes capitalistes. C’est uniquement faire durer le mythe selon lequel le mort serait toujours vivant. Cela a surtout un but politique : faire durer un pouvoir politique des capitalistes qui, lui, est toujours bien vivant, avec ses forces militaires et policières en premier. Et ils veulent en profiter pour plonger le monde dans un chaos de guerres civiles, de guerres tout court dans lequel les peuples ne voient plus du tout leurs intérêts et se jettent dans les bras du pouvoir pour les sauver…

Ils comptent profiter des années qui viennent pour mettre en place ce piège, monter les peuples les uns contre les autres, préparer les fascismes et la guerre mondiale.

En même temps que l’effondrement du jeu de de cartes gagne du terrain, ils en profitent pour augmenter leurs interventions impérialistes et justifier l’état de guerre permanent aux yeux des peuples, avec le prétexte de la « guerre au terrorisme », du « soutien aux révolutions pour aider la démocratie » et autres balivernes… Les objectifs ne sont pas seulement locaux, ne sont pas que la remise en place d’une mainmise plus étroite sur les pays les plus dépendants. L’objectif général, mondial, du capitalisme est de faire entrer discrètement le monde dans la guerre générale…

La zone de déstabilisation sociale et politique du monde, la zone de guerres et de révolutions continue de s’étendre. Là où elle est passée, la situation reste confuse et est loin de s’être stabilisée. Là où elle a commencé sans vraiment éclater, rien n’est réglé non plus. Cette zone va de l’Inde, du Pakistan et de l’Afghanistan à l’Afrique noire, en passant bien sûr par le Maghreb, le monde arabe et le Moyen-Orient.

Dans toute cette zone, le discrédit des classes dirigeantes et des Etats à leur service aux yeux des masses n’a jamais atteint un tel niveau. Les milieux populaires Indiens ne croient plus en leur pouvoir ni en leur classes dirigeantes. Pas plus que ceux d’Afrique du sud, d’Algérie ou du Mali. C’est la base objective de la révolution mondiale qui peut demain emporter le pouvoir des exploiteurs….

Bien sûr, les révolutionnaires ne peuvent pas se peindre cette situation en rose car, en même temps, la compréhension de la situation par les masses va complètement à rebours. Ces dernières ne se sont jamais senties aussi faibles, aussi exploitées, méprisées, licenciées, et elles ont le sentiment d’une grande impuissance en même temps que d’une grande révolte. Cela n’a rien d’un effet du hasard. La misère, les licenciements mais surtout l’effort politique des classes dirigeantes a surtout pour but d’implanter au sein des masses toutes les formes possibles de démoralisation et de perte de confiance des travailleurs dans la perspective sociale d’avenir qu’elles représentent. Les militants révolutionnaires peuvent facilement se laisser abuser eux-mêmes par ces sentiments des masses qui vont a contrario du mouvement réel de la société.

Le développement inégal et combiné fait que les « nouveaux pays » émergents sont ceux qui étaient très en retard mais aussi que ce sont eux qui sont les bombes à retardement les plus explosives potentiellement de tout le monde capitaliste, celles où les prolétaires mènent déjà les luttes sociales les plus radicales, celles dont la déstabilisation peut mener à des avancées extraordinaires du prolétariat mondial : la Chine, l’Inde, la Russie, l’Afrique du sud, à eux seuls cumulent plus de forces explosives sur le terrain social que tout le reste de la planète….

Inégal et combiné veut donc dire aujourd’hui que ces pays combinent en même temps plus de développement récent explosif et plus de moyens explosifs sur le terrain social en vue de la destruction du système mondial d’exploitation.

La révolution prolétarienne renversant le système mondial est peut être moins que jamais dans la tête des travailleurs mais elle est plus que jamais dans la situation objective d’un système qui ne peut que retarder sa propre fin en temps que système d’investissement privé dans la production créatrice de plus-value.

Faire croire que ce système fonctionne toujours est un mensonge, à l’heure où ce sont des capitaux publics qui permettent que tous les trusts et toutes les banques n’aient pas irrémédiablement fait faillite. Cela signifie que le minimum de honnêteté nécessiterait de reconnaitre que toute l’économie mondiale est aujourd’hui étatisée et que le capital privé a disparu. La fiction ne peut pas faire renaitre le capitalisme, tout au plus préparer la contre-révolution menée par les Etats bien entendus restés au service des classes dirigeantes et qui préparent la seule perspective utile de leur point de vue : le bain de sang des prolétaires et des peuples.

Pour le moment, loin de se sentir renforcées dans leur combat, les prolétaires du monde sentent peser sur eux une situation économique, politique quand ce n’est pas militaire, plus catastrophique que jamais depuis longtemps.

Dans toutes les zones de déstabilisation, les forces qui montent semblent être des forces réactionnaires comme celles qui poussent les peuples chinois et japonais, les peuples noirs et maures, les sud-africains et les immigrés africains, etc., les uns contre les autres. L’idée même d’une force internationale unique des prolétaires du monde semble plus loin des consciences que jamais et pourtant la situation y amène irrémédiablement et les classes dirigeantes n’en ignorent rien. Justement, c’est ce mouvement qui les affole, les pousse à intervenir aux quatre coins du monde, à développer des guerres et des confrontations, à préparer les esprits à la guerre et au fascisme, sous le prétexte de protéger les peuples d’une insécurité qu’ils ont eux-mêmes produits.

Le capitalisme se transforme de plus en plus en règne de la terreur et de la contre-terreur parce qu’il veut éviter les risques mortels de la lutte des classes.

Il est inutile de verser des larmes sur l’ancienne vie plutôt acceptable dans les « paradis capitalistes » y compris pour les exploités des grandes entreprises. Cette société est inéluctablement derrière nous. Les tentatives des réformistes de tous poils de nous faire croire qu’ils vont se mobiliser pour négocier une issue pacifique sont pitoyables. La lutte des classes la plus féroce est plus que jamais d’actualité brulante et l’action directe des prolétaires politiquement organisés en comités, en conseils, en collectifs sur des bases de classe va revenir aussi inéluctablement sur le devant de la scène même si, pour le moment, personne ne peut dire si cela se produira d’abord en Chine, en Inde, en Egypte, en Algérie, en Afrique du sud, en France, aux USA ou en Russie.

Le caractère impitoyablement opposé des intérêts des capitalistes et des peuples travailleurs impose sa loi. Ses rythmes vont être différents suivant les pays, le développement inégal et combiné de l’effondrement dictant l’ordre temporel de la déstabilisation. Il ne doit pas cacher à notre vue que l’effondrement est mondial, qu’il a été marqué en 2007 par l’annonce du pourrissement irrémédiable du système au cœur même du système, aux USA…

Messages

  • Les fondamentaux économiques de l’année 2013

    publié le 22 Janvier 2013 par
    Nouriel Roubini

    L’économie mondiale présentera cette année un certain nombre de similitudes avec le contexte qui a prévalu en 2012. Aucune surprise à l’horizon : nous nous apprêtons à connaître de nouveau une année de croissance mondiale de l’ordre de 3% en moyenne, néanmoins marquée par une reprise à plusieurs vitesses – taux de croissance annuels toujours en-dessous de la normale s’élevant à 1% dans les économies développées, et taux proches de la tendance, atteignant 5%, sur les marchés émergents. D’un autre côté, plusieurs différences importantes se dessinent également.
    Les efforts de désendettement douloureux – à savoir moins de dépenses et davantage d’économies afin de réduire la dette et l’effet de levier – demeurent la démarche de la plupart des pays développés, impliquant par définition une croissance économique lente. Mais cette austérité budgétaire ira cette année jusqu’à concerner la plupart des économies développées, et plus seulement la périphérie de la zone euro ou le Royaume-Uni. L’austérité est en effet en train de gagner le cœur de la zone euro, de même que les États-Unis et les autres pays développés (à l’exception du Japon). Compte tenu de la simultanéité des réductions de dépenses dans la plupart des économies avancées, ce que nous prévoyions comme une année de croissance médiocre pourrait bien consister en une période de contraction pure et simple dans certains pays.

    Étant donné la croissance anémique de la plupart des économies développées, la reprise des actifs risqués ayant débuté au deuxième semestre de l’année 2012 ne saurait avoir été la conséquence d’une amélioration des fondamentaux, mais plutôt de nouvelles vagues de mesures monétaires non conventionnelles. Les banques centrales de la plupart des économies développées – Banque centrale européenne, Réserve fédérale américaine, Banque d’Angleterre, et Banque nationale suisse – se sont livrées à une forme d’assouplissement quantitatif, et il est probable qu’elles soient rejointes par la Banque du Japon, qui est encouragée à prendre davantage de mesures non conventionnelles par le nouveau gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe.

    Par ailleurs, plusieurs risques apparaissent à l’horizon. Tout d’abord, le mini-accord relatif à la fiscalité américaine n’a pas totalement écarté le pays du mur budgétaire. Tôt ou tard, de nouveaux combats sanglants sont voués à se jouer sur les sujets du plafond de la dette, du report des restrictions budgétaires automatiques, ou encore d’une certain « loi de finance provisoire » du Congrès (accord destiné à permettre au gouvernement de continuer de fonctionner en l’absence d’un projet de loi de crédits). Les marchés pourraient bien de plus en plus avoir à craindre une nouvelle falaise budgétaire. Et le mini-accord actuel implique lui-même un certain freinage fiscal – environ 1,4% du PIB – dans une économie dont la croissance a peiné à atteindre les 2% au cours des derniers trimestres.

    Deuxièmement, bien que les initiatives de la BCE aient permis de réduire les risques de catastrophes pour la zone euro – une sortie de la Grèce et/ou une perte d’accès au marché pour l’Italie et l’Espagne – les difficultés fondamentales de l’union monétaires n’ont toujours pas été résolues. Combinées à l’incertitude politique, elles ne pourront que réapparaître avec force dans la seconde moitié de l’année.

    Après tout, stagnation ainsi que récession pure et simple – exacerbées par une austérité budgétaire concentrée en début de période, par un euro fort, et par la crise du crédit – restent la norme en Europe. Demeurent pas conséquent des stocks de dette publique et privée considérables – si ce n’est écrasants. De plus, compte tenu du vieillissement des populations et d’une faible croissance de la productivité, les prévisions de production seront certainement érodées à défaut de réformes structurelles plus agressives dans la stimulation de la compétitivité, ne laissant aucune raison au secteur privé de financer des déficits chroniques de compte courant.

    En troisième lieu, la Chine a dû recourir à une nouvelle vague de stimulation monétaire, budgétaire et financière pour appuyer un modèle de croissance déséquilibré et intenable, basé sur un excès d’exportations et un investissement fixe, une épargne élevée ainsi qu’une faible consommation. D’ici le deuxième trimestre de cette année, l’effondrement des investissements dans l’immobilier, les infrastructures ou encore la capacité industrielle est voué à s’accélérer. Par ailleurs, étant peu probable que le nouveau leadership du pays – conservateur, gradualiste et axé sur le consensus – accélère la mise en œuvre des réformes nécessaires à l’augmentation des revenus des ménages et réduire les économies de précaution, la consommation en tant que part du PIB n’augmentera pas suffisamment pour compenser les choses. Ainsi, le risque d’atterrissage brutal est voué à se manifester d’ici la fin de l’année.
    Quatrièmement, de nombreux marchés émergents – parmi lesquels les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), mais également beaucoup d’autres – connaissent aujourd’hui un ralentissement de leur croissance. La source de leur problème n’est autre que leur « capitalisme d’État » – importance du rôle des compagnies étatiques, rôle encore plus considérable des banques étatiques, ressources nationalisées, industrialisation de substitution des importations, protectionnisme financier, et contrôles sur les investissements directs étrangers. La question de leur propension à adopter des réformes destinées à booster le rôle du secteur privé dans la croissance économique demeure ouverte.

    Enfin, de sérieux risques géopolitiques sont à prendre en compte. Le Moyen-Orient tout entier – du Maghreb jusqu’à l’Afghanistan et au Pakistan – est socialement, économiquement et politiquement instable. Le Printemps arabe est en effet en train de se changer en hiver arabe. Bien que l’éventualité d’un conflit militaire ouvert opposant Israël et les États-Unis à l’Iran demeure peu probable, il apparaît clair que les négociations et les sanctions ne conduiront pas les dirigeants de l’Iran à abandonner leurs efforts de développement d’armes nucléaires. Israël refusant d’accepter l’existence d’un Iran doté de l’arme atomique, et sa patience ayant des limites, les tambours de la guerre ne peuvent que résonner de plus en plus fort. La prime à la peur sur les marchés pétroliers pourrait se renforcer significativement et augmenter les prix du pétrole jusqu’à 20%, entraînant des effets négatifs pour la croissance aux États-Unis, en Europe, au Japon, en Chine, en Inde, ainsi qu’au sein d’autres économies développées et d’autres marchés émergents importateurs nets de pétrole.

    Bien que toutes les conditions d’une tempête généralisée – qui verrait tous ces risques se matérialiser sous leur forme la plus virulente – ne soient pas réunies, la manifestation d’un seul de ces risques suffirait à paralyser l’économie mondiale, et à la plonger dans la récession. Et même s’ils ne se manifestent pas tous de la manière la plus extrême, tous ces risques se réaliseront tôt ou tard sous une forme ou une autre. En ce début d’année 2013, il semble que les risques pour l’économie mondiale rassemblent leurs forces.

    Nouriel Roubini

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