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1967-68 au Mali - La chute de Modibo Keïta

mercredi 27 février 2013, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

Un film sur le renversement de Modibo Keita par Moussa Traoré

1967-68 au Mali - La chute de Modibo Keïta

Théoriquement c’était la Fédération du Mali qui devait connaître l’indépendance et c’était déjà un important recul par rapport à l’AOF de l’époque coloniale... C’est en 1960 que la rupture entre Mali et Sénégal, mise en place avec le soutien du colonisateur, est entérinée malgré les protestations de Modibo Keïta, président du Mali. L’indépendance aura été entièrement manipulée par la France sous l’égide de Modibo Keïta et Senghor. Même si Modibo proteste de la séparation, il a été complice de cette fausse indépendance qui lui laisse un « pays » très grand mais ingérable sans débouché sur la mer…

Face aux difficultés économiques que connaît le Mali, auxquelles s’ajoute la rébellion des Kel Tamasheq au nord, le parti unique US-RDA est en proie aux divisions entre une aile modérée et une aile radicale. Il fait incarcérer ses opposants comme Fily Dabo Sissoko et Hammadoun Dicko, anciens députés représentant le Soudan à l’Assemblée nationale française. En 1967 Modibo Keïta, qui a tenté l’équilibre, s’allie avec les radicaux qui prônent la révolution active. Le bureau politique national de l’US-RDA est dissout et remplacé par le Comité national de défense de la révolution (CNDR). À partir de 1967, il déclenche la « révolution active » et suspend la constitution en créant le Comité national de défense de la révolution (CNDR). Les exactions des « milices populaires » et la dévaluation du franc malien en 1967 amènent un mécontentement général.

Le prétendu « socialisme » à la Modibo Keïta, un capitalisme d’Etat, a fait faillite…

Les paysans sont forcés de vendre leur production de céréales à des prix très bas fixés par l’État. L’objectif est d’assurer un approvisionnement des villes, sûr et à faible coût. Mais les paysans préfèrent vendre leur production aux commerçants privés plutôt qu’à l’Office des produits alimentaires maliens (OPAM), organisme étatique qui bénéficie pourtant du monopole.

En octobre 1960, la Société malienne d’importation et d’exportation (Somiex) est créée et se voit attribuer le monopole des exportations des productions locales et de l’importation des produits manufacturés et de biens alimentaires comme le sucre, le thé et le lait en poudre, et leur distribution à l’intérieur du pays. Ce qui mécontente les commerçants dont beaucoup ont soutenu l’US-RDA avant l’indépendance.

Le 1er juillet 1962, le gouvernement créé le Franc malien qui remplace le franc CFA. Le franc malien n’est pas convertible et la détention de l’ancienne devise est interdite. Cette décision aggrave les dissensions avec les commerçants. L’un d’eux est emprisonné pour détention de francs CFA. Le 20 juillet 1962, une manifestation de commerçants est violemment réprimée, faisant plusieurs morts. Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko, ancien responsable du Parti progressiste soudanais sont arrêté avec Kassim Touré, leader des commerçant de Bamako. Ils sont jugés pour complot contre l’État par un tribunal populaire du 24 au 27 septembre 1962 qui les condamne à la peine de mort, peine commuée en condamnation à perpétuité. Ils mourront au bagne de Kidal dans le Nord du Mali.

Le 20 juillet 1962, alors que le franc malien vient à peine d’être lancé, des mécontents, dont de nombreux commerçants, descendent dans la rue : cette monnaie non convertible est loin de les rassurer. Modibo Keita est furieux. Pour lui, il s’agit d’un complot de contre-révolutionnaires. S’ensuit une vague d’arrestations.

En octobre, sans doute pour l’exemple, un « tribunal populaire » condamne 75 personnes à de très lourdes peines, allant des travaux forcés à la prison à vie. Parmi les condamnés à perpétuité, trois personnalités de premier plan : des politiques, Fily Dabo Sissoko et Hamadoun Dicko, ainsi qu’un important commerçant, Kassoum Touré. Enfermés au bagne de Kidal, dans la partie saharienne du pays, à 1 500 km de la capitale, ils y seront tués dans des circonstances jamais éclaircies. L’étatisation des moyens de production a du plomb dans l’aile. La pénurie s’installe. La population, désemparée, grogne.
Modibo Keita reconnaît que la mise en œuvre du plan quinquennal a été menée à marche forcée. Il reconnaît surtout que l’US-RDA s’est trompée et qu’il faut rectifier le tir. Facile à dire. D’autant que l’État socialiste, de peur de voir émerger une bourgeoisie, n’encourage pas l’initiative privée et que les investissements doivent en grande partie venir de l’extérieur. En tout cas, le socialisme devient impopulaire.

Le franc malien ne parvient pas à se maintenir face aux francs Cfa. Un marché noir s’instaure par des commerçants vendant aux pays voisins du bétail ou des céréales et achetant des marchandises importées pour être revendu au Mali sans paiement des taxes et droits de douanes. Ce marché noir entraîne un manque à gagner pour le budget de l’État, déficitaire de 1960 à 1968.

Face à la grogne sociale, le régime se durcit et se tourne à nouveau vers le colonisateur…

Sous la pression des difficultés économiques, le Mali doit se résoudre à signer avec la France, le 15 février 1967, des accords économiques et financiers, accords aux termes desquels le Mali accepte d’intégrer l’UMOA (Union monétaire ouest africaine), tout en conservant sa propre monnaie.

En clair, Paris reprend la main sur l’économie malienne. Trois mois plus tard, le 6 mai, le Franc malien est dévalué de 50 % sous la houlette du Fonds monétaire international. Face à la grogne montante de la population, le régime lance des manifestations de soutien des jeunes et des travailleurs.

La crise s’amplifiant, le 22 août 1967, Modibo Keita annonce la dissolution du bureau politique de l’US-RDA et son remplacement par le Comité national de défense de la Révolution (CNDR) qui avait été créé un an plus tôt. C’est le début de la lutte contre les "ennemis de l’intérieur". Les milices s’en donnent à cœur joie.

Le 22 août 1967 au Mali : le Président Modibo Keïta annonce la dissolution du bureau politique du parti unique et la saisie par le Comité de Défense de la Révolution de la totalité des pouvoirs (CNDR). La constitution est suspendue. La situation économique l’oblige à dévaluer le franc malien qui entraîne un mécontentement général.

Septembre 1967 : le Comité de Défense de la Révolution invite tous les cadres du pays à faire leur autocritique en leur adressant un questionnaire leur demandant ce qu’ils ont « fait de positif pour, de négatif contre, la révolution active ».

Aussitôt déposé, aussitôt adopté. Et le 25, une "délégation législatives" de 28 membres remplace l’ancienne Assemblée nationale.

Le 17 janvier 1968, l’Assemblée nationale est invitée à se "dissoudre". Le député Gabou Diawara (responsable de la Jeunesse à l’US-RDA) dépose un projet de loi qui stipule que « l’Assemblée nationale est mise en vacance à compter du 17 janvier 1968. » Le Président Modibo Keïta gouverne par ordonnances.

Ces événements ont lieu dans un cadre d’ébullition sociale au Mali et dans la région.

• Au Sahel, les pluies de mousson ne se produisent pas et lors de l’année 1968, les pluies seront inférieures de 17 à 45 % en Mauritanie : c’est le début d’une longue période de sécheresse qui ne s’achèvera réellement qu’en 1988.

• Grèves ouvrières, étudiantes et lycéennes au Sénégal.

• Grève des mineurs en Mauritanie.

Le mécontentement social menace de s’étendre dans la classe ouvrière aux industries extractives, des salines de Taoudénit, des phosphates du Tilemsi, de l’or de Kalana, du ciment de Diamou, aux industries mécaniques, montage de cycle et de machines agricoles, industries textiles à Bamako (I-TEMA) et à Ségou (COMATEX), huilerie à Koulikoro (HUICOMA) et à Kita (SEPAMA), fabrique de cigarettes à Bamako, sucrerie à Dougabougou et Siribala, aux industries alimentaires, biscuiterie, pâtes alimentaires, laiterie, confiserie, usine de jus de fruit, etc.

C’est pour éviter qu’à la crise politique et économique se rajoute la crise sociale que des officiers décident de renverser préventivement le régime…

Le Comité militaire de libération nationale qui fait le coup d’Etat est ainsi présenté :

• Président : Lieutenant Moussa Traoré

• 1er Vice-Président : Capitaine Yoro Diakité

• 2ème vice-président : Lieutenant Baba Diarra

• Commissaire aux conflits : Lieutenant Youssouf Traoré
• Secrétaire permanent : Lieutenant Filifing Sissoko
• Membres. Lieutenants
o Tiékoro Bagayogo
o Joseph Mara
o Mamadou Sanogo
o Kissima Doukara
o Missa Koné
o Karim Dembélé
• Membres. Capitaines
o Malick Diallo
o Charles Samba Cissoko
o Mamadou Sissoko

Récit du coup d’Etat

• 19 novembre, un coup d’État exécuté par un « Comité Militaire de Libération Nationale » (CMLN) renverse le Président Modibo Keïta et porte au pouvoir le lieutenant Moussa Traoré, qui instaure un régime dictatorial qui va durer 23 ans. Le parti de Keïta, l’Union soudanaise, est mis hors la loi. Les officiers supérieurs sont mis à la retraite.

• 24 novembre : le capitaine Yoro Diakhité forme un gouvernement provisoire au Mali. La Constitution de 1960 est abrogée et remplacée par une loi fondamentale (ordonnance no 1 du CMLN) en attendant un référendum constitutionnel.

Modibo Keïta est en prison à Kidal. Durant dix ans de 1968 à 1978 le pays est alors dirigé par le Comité militaire de libération nationale (CMLN).

Toutes les activités politiques sont interdites. Un régime policier est mis en place sous la direction du colonel Tiécoro Bagayoko. Des agents de renseignements vont dans les écoles pour écouter les cours des professeurs (le milieu scolaire et universitaire est en majorité hostile au régime militaire).
Le socialisme économique de l’ancien président Modibo Keïta est abandonné.

En 1972-1973, une sécheresse importante s’abat sur le Mali. L’aide internationale arrive mais l’argent est détourné.

Malgré l’interdiction des partis politiques, le parti malien du travail (PMT) s’active dans la clandestinité pour la défense des libertés individuelles et l’instauration du pluralisme politique. Les militants du PMT s’impliquent au sein de l’Union nationale des travailleurs du Mali, qui, lors de son 2e congrès (appelé « congrès de revitalisation des travailleurs maliens », réclame le départ des militaires. La junte militaire fait dissoudre la direction de l’UNTM et arrêter des membres du bureau syndical.

En 1974, Moussa Traore fait adopter une constitution qui crée la Seconde République.

En mai 1977, l’ancien président Modibo Keïta meurt de façon suspecte en détention à l’âge de 62 ans, entraînant une forte mobilisation populaire ; des milliers de personnes se rendent à ses obsèques, auxquelles participent également des délégations officielles de pays voisins (notamment Guinée et Côte d’Ivoire). Le régime militaire réagit violemment en procédant à de nombreuses arrestations, mais Moussa Traoré est obligé d’expliquer à Radio-Mali les raisons de la mort de Modibo Keita, due selon lui à « un œdème aigu des poumons » ; ces explications ne convainquent personne.

Le 28 février 1978, Moussa Traoré fait arrêter Tiécoro Bagayoko et Kissima Doukara, respectivement directeur de la Sûreté nationale et ministre de la Défense, qu’il accuse de préparer un complot.

La dictature militaire et policière ne cessera de s’accroitre et la vague des mouvements en Afrique de 1988-1991 emporte le régime dans une révolte sociale en 1991.

Sur la chute de Moussa Traore

Trois films d’archives sur les anciennes émeutes révolutionnaires du Mali :

Un rappel du passé : émeutes au Mali en 1991

Encore sur les émeutes au Mali en 1991

Toujours sur le renversement de Moussa Traore au Mali en 1991

Messages

  • Comment peut-on caractériser la situation qui a mené au renversement de Moussa Traoré ? Est-ce un coup d’état militaire comme pour la chute de Modibo ou celle d’ATT ?

    • Moussa Traore a bien été renversé par l’armée (coup d’état dirigé par ATT) mais c’était pour éviter que le soulèvement politique et social des masses populaires ne mène à la révolution sociale.

  • Difficile de concevoir le ras de marée qui a entraîné une dictature détestée mais crainte. Quelques jours avant, les officiers subalternes ne comptaient nullement renverser Moussa !

    La situation qui a mené à la chute de Moussa Traore est la suivante : la peur avait changé de camp !

    … 0…. Des masses pauvres mobilisées, en grève et en manifestation, la jeunesse en ébullition, les femmes en révolte suite au mitraillage de leurs enfants par les hélicoptères militaires suivi d’une haine générale de tous les milieux populaires contre tout le pouvoir d’Etat.
    ...1...S’en est suivi une situation où tous les « porteurs de tenues » (gendarmerie, police, douane, garde républicaine, bérets verts ou gardes présidentielles, bérets rouges) se cachaient, enlevaient leurs tenues ou se faisaient lyncher ou brûler vif par la foule. Une situation invraisemblable dans tous les pays du monde où les forces de l’ordre et où l’appareil d’Etat n’a que rarement à craindre pour sa vie de la part des masses populaires. Et pas seulement les membres de l’Etat mais aussi les riches, les classes dirigeantes devaient se cacher pour ne pas mourir.
    ..2..tous les riches avaient peur pour leurs biens pour ne pas se faire lyncher ou brûler vif par la foule si ils ou elles tentent de défendrent des boutiques, des troupeaux, des caisses remplies d’argent,des belle maisons, etc etc
    ..3..tous les ministres en tant que représentants d’Etat habillés civilement, sans tenue donc, tentent de fuir, ou sinon sont rattrapés par la foule, sont jugés sur le champ et le jugement est exécuté et c’est la foule qui délibère si elle les considère comme coupable ou pas, tranche en moins de deux secondes sur la sentence. Aujourd’hui ils sont fiers, font ce qu’il veulent, se promènent comme des seigneurs, comme n’importe quel défenseur de l’Etat au monde…
    ..4..tous les représentants des dieux de toute sorte étaient pris par la peur de se faire arrêter par la foule et juger sur le coup selon leur passé et leurs messages qu’ils véhiculaient dans tous les lieux de culte de la création et avaient une peur bleu quand tout le pays savait que le plus grand imam de tout le pays a été arrêté par la foule à 5 h du matin en quittant la mosquée. Aujourd’hui, tout a changé, tous les média tiennent les micros pour donner la parole à ces gens-là qui avaient brutalement été voués aux gémonies.
    ..5...toutes les maisons d’états, mosquées, mairies, écoles, tribunaux, feux tricolores, banques, grands magasins, commissariats, gendarmeries, camp militaire, des grands champs, des troupeaux des riches, statues, etc, etc ont été très rarement épargnés par la colère populaire qui s’exerçait sur tout ce qui symbolisait la dictature. Aujourd’hui c’est le culte de ces bâtiment qui protèges l’état et les riches.
    ...6...tout le monde discutait avec tout le monde, partout, sur tout, de tout âges et entre les sexes.
    ...7 ...tout le monde s’organisait partout dans les rues, dans les champs, dans les écoles, sur les ponts, etc, etc
    ...8....tous les dirigeants des 7 pays frontaliers avaient peur pour vu que ce qui ce passent chez leurs voisins malien ne traverse pas la frontières
    ..9.. toutes les masses laborieuses des pays frontaliers étaient complètement coupées de la révolution qui se passait au Mali, à l’exception de ceux de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Guinée, du Niger et du Burkina Faso qui savaient du fait de l’immigration…
    ..10... Il n’était plus possible aux forces de l’ordre de tirer dans la foule choquée par les horreurs des massacres perpétrés contre la jeunesse, puis contre les manifestations de femmes. Il y a rien de plus terrible pour un « sans rien » qu’un coup de fusil car craignant qu’il perde un ou une proche mais pendant ces 20 ou 30 jours dans toute les grandes ville et leurs périphérie, si qui que soit entendait un ou des coup de fusil, la foule se précipitait pour désarmer la ou les personne armées et s’emparaient de son arme et passaient à un jugement sur le champs parce que les grand propriétaires n’hésitaient pas une seconde de tirer sur la foules pour défendre leurs biens vue que tout les grands bien sont systématiquement visé par les révoltés.. Aujourd’hui, les coups de fusil font encore très peur parce que toute les classes dirigeantes viennent et leur déclare la guerres ouverte en les tirent dessus comme des mouches pour le moment sans réaction frontale
    ..11..tous les dirigeants des partis connus cherchaient à se sauver mais aussi il y avait une émergence de toute sorte de partis et d’associations cherchant à se faire connaître plus ou moins, bien sûr en applaudissant à une révolution en marche dont personne ne savait comment ça allait se finir et si ça allait se finir un jour. Aujourd’hui, tous les partis maliens sont violemment contre ce processus naturel et ont une peur bleu de revoir le même phénomène se reproduire.
    ..12.. bien entendu, c’est les enfants et les étudiants pauvres qui étaient à la tête de cette révolution mais, suite au massacres d’un nombre important parmi eux par l’armée du dictateur les femmes ont participé et on pris la tête jusqu’à ce que le phénomène est reparti dans les méandres des grandes ténèbres de l’histoire des hommes. La dictature n’a pas pu arrêter le torrent. Les hommes en arme ont alors décidé de se sauver en lâchant le dictateur et en prétendant se laver les mains.

  • Redonnons quelques précisions des faits :

    Le10 décembre 1990, plus de dix mille manifestants contre Moussa Traoré. La manifestation se déroule pacifiquement dans la capitale Bamako, mais le pouvoir n’entend pas reculer. Les organisateurs et les manifestants non plus. Le 8 janvier 1991, c’est grève générale des travailleurs. 21-22 janvier 1991 : émeutes à Bamako et dans les villes principales du Mali... Le 24 janvier 1991, les organisations démocratiques appellent à une nouvelle manifestation qui va enclencher le cycle des affrontements se terminant par la chute du dictateur. Les manifestants bloquent la route et saccagent les édifices publics. Les forces de l’ordre ouvrent le feu sur les manifestants faisant de nombreux morts et blessés. Le 25 janvier, des chars sont déployés contre les manifestants et les écoles sont fermées. Le 28 janvier, à la nouvelle de l’arrestation de plusieurs élèves et étudiants, dont le secrétaire général de l’AEEM, Oumar Mariko, le mouvement explose en insurrection de toute la jeunesse, englobant celle des quartiers populaires. Ces derniers, tout particulièrement les jeunes chômeurs, armés de bâtons et de pierres, envahissent les rues de la capitale, brûlent des magasins et des édifices publics, ainsi que des voitures. Les résidences de plusieurs membres du gouvernement et du parti unique, dont celle du directeur général des douanes, beau-frère du président Traoré, sont entièrement saccagées. A partir de ce moment, les émeutes se multiplient tous les jours dans Bamako, où les manifestants érigent des barricades. Cette situation se propage aux villes de province. Les morts de manifestants et le nombre de blessés ne cessent de croître tous les jours. Le 29 janvier, ce sont des centaines de manifestants arrêtés qui ont été torturés, dont une douzaine d’enfants de moins de douze ans. Le général-président a annoncé que l’interdiction aux associations de faire de la politique est levée, mais cela ne diminue pas la pression de la rue. L’AEEM revendique la libération de tous les emprisonnés. Le 31 janvier, le gouvernement laisse entendre qu’il pourrait libérer de nombreux manifestants arrêtés dont Oumar Mariko. Le 2 février, la télévision nationale annonce la libération de 196 élèves sur les 232 officiellement arrêtées. 34 détenus ont été déférés en justice et condamnées lourdement pour trouble à l’ordre public, pillage, incendie, dévastation d’édifices publics, vol et recel. Les Touaregs du nord du Mali s’invitent dans la lutte, en attaquant l’usine de phosphates de Bourem, à une centaine de kilomètres de la ville de Gao, dans la nuit du 21 février 1991, tuant deux militaires. Le 22 mars 1991, les émeutes reprennent à Bamako. De violentes manifestations parcourent la capitale. Les forces de l’ordre tirent à balles réelles et tuent. C’est un véritable carnage à la mitraillette et à la grenade offensive. La guerre est déclarée par le pouvoir aux jeunes manifestants qui enflamment le ministère de l’emploi. Le 23 mars, la jeunesse scolarisée est rejointe dans la révolte par les chômeurs et les travailleurs. Les travailleurs de la COMATEX, dont le dictateur-président a dit, avec une expression de profond mépris, qu’ils ne savent même pas qui ils sont, ont arrêté le travail. Les émeutes s’étendent à l’ensemble du pays. Des répressions violentes ont lieu à Sikasso et Diola. Certains policiers se font lyncher. Le centre commercial de Bamako est le siège d’un véritable carnage. Tout ce qui appartient aux responsables du régime est saccagé. Les commerçants sont attaqués eux aussi. Les morts continuent de tomber, mais, cette fois, la foule ne recule plus devant les forces de l’ordre. Les étudiants inventent un moyen d’autodéfense face aux policiers. Ils l’intitulent article 320 : 300 francs CFA pour acheter un litre d’essence et 20 francs CFA pour une boite d’allumette. L’action consiste à jeter de l’essence sur les policiers et à lancer une allumette. Les jours suivants, les manifestations continuent, s’attaquant à la BIRD et à la Banque Mondiale de Bamako. L’hôtel de ville est saccagé. Deux dignitaires proches de l’ancien président ont été lynchés par la foule en colère. Le 29 mars, des villas de dignitaires sont pillées. L’Etat d’urgence a été décrété dans les villes du Mali. Le bilan est de nombreux manifestant morts et de centaines de blessés graves qui ont les membres déchiquetés. Le chef de l’Etat lance un appel au calme et affirme sa « totale disponibilité pour une dialogue et une consultation et pour trouver des solutions durables des différents problèmes ». Les manifestants répondent « C’est terminé. On ira jusqu’au bout. » Il y a déjà un bilan de plusieurs centaines de morts. 23 mars 1991 : mot d’ordre d’une grève illimitée. La grève générale commence, paralysant le pays. Les mères de famille, révoltées que leurs enfants soient tués comme des lapins, s’attaquent à mains nues à la présidence à Coulouba. Le général-président leur barre la route avec des blindés. Mais l’armée ne marche plus et on est à un doigt d’une grave mutinerie. Affirmant agir en coordination avec les organisations démocratiques, les militaires déposent la dictature de Moussa Traoré et prennent le pouvoir le 27 mars 1991. Un régiment de parachutistes commandé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (dit ATT) arrête Moussa Traoré. Le chef du coup d’Etat prend la tête d’un « conseil de réconciliation nationale » auquel collaborent UNTM et AEEM. Immédiatement, la France lâche Moussa Traoré. Le multipartisme est instauré. Le chef de la junte militaire lance à la population un appel au calme. La junte décide de maintenir en place les anciens gouverneurs de province et tous les directeurs de cabinet. Le 1er avril, après quelques frottements, un compromis est trouvé entre l’opposition et la junte. Des élections municipales, législatives et présidentielles doivent être organisées avant la fin de l’année. Le 31 mars 1991, ATT est nommé président de Comité de transition pour le salut du peuple. Soumana Sacko, ancien ministre des finances de Moussa Traoré, est nommé premier ministre. Dans une interview accordée à Jeune Afrique en juillet 1991, le Chef de la junte militaire qui a renversé Moussa TRAORE raconte : « C’est le vendredi 22 mars (jour des premières tueries, qui feront plus de trois cents morts, NDLR) que nous avons compris que Moussa avait atteint le point de non-retour et que nous devions intervenir. (…) A partir du 22 mars, quand les gosses ont exposé leurs poitrines aux balles, suivis de leurs mères - nos sœurs, nos femmes -, on ne pouvait plus hésiter. (…) Il faut reconnaître que l’armée avait essuyé des insultes avant le 25 mars. Le peuple était là, se battait, mourait, et l’armée tardait à intervenir. Cette attitude a été considérée comme une certaine complicité des militaires avec le régime. Il faut accepter ce jugement du peuple. Mais le jour où l’armée a pris ses responsabilités, montrant qu’elle ne servait pas Moussa TRAORÉ, le peuple a compris et reconnu qu’elle était avec lui. » Une conférence nationale, annoncée le 19 juin, s’ouvre le 29 juillet. A la Conférence Nationale un officier subalterne, mandaté par on ne sait qui, vient présenter les excuses de l’armée au peuple… Elle adopte une constitution, un code électoral et une charte des partis, le 13 août. Multipartisme, indépendance de la justice, liberté de la presse et liberté syndicale ont été adoptées. Le multipartisme malien est né. Il va prendre la forme d’une alternance curieuse : une fois ATT (Toumani Touré), une fois Alpha (Omar Konaré). Ce dernier est dirigeant de l’ADEMA, qui avait été deux ans ministre de Moussa Traoré. Rien n’est dit sur les richesses du pays. Le seul point discuté est le détournement de fonds en Suisse réalisé par Moussa Traoré et estimé à 12 milliards de francs français, montant de la dette du pays. Novembre 1991 lors d’une rencontre avec les partis politique et devant l’aggravation de l’agitation estudiantine qui refusait la réconciliation avec l’armée, ATT a poussé ce cri du coeur « vous n’allez pas me faire ce que vous avez fait à Moussa Traoré ». Sous la pression, l’association estudiantine accepte la conciliation. En mars 1992, une paix est également signée avec la rébellion touareg, paix dont les promesses ne seront jamais tenues...

    Mais les faits bruts ne permettent pas de comprendre une chose : le peuple travailleur a des ressources que lui-même ignore et qui sont incroyables...

  • On n’imagine pas en particulier l’importance du mouvement insurrectionnel des femmes...

  • Qui se souvient qu’avant 1991, tous les Maliens disaient : chez nous, il ne se passera jamais rien, les gens ont trop peur...

  • 1967-68 : une vague de contestation qui a traversé tous les continents du monde !
    Ce qui a déclenché les haines des classes dirigeantes, de la Chine aux USA.

    Incroyable de découvrir le vieux monde alors qu’il était là et qu’on ne le voyait pas.

    Comment dire merci face au voile qui découvre l’immensité de mon ignorance ?

  • Affrontement entre policiers au GMS : Bilan : 4 blessés et des dégâts matériels

    25 Février 2013 L’Indépendant

    C’est à coup de gaz lacrymogènes, de ceintures et de chaises que des policiers se sont passés à tabac vendredi dernier dans l’enceinte du Groupement mobile de sécurité (GMS) lors de la mise en place d’un bureau syndical. Bilan des affrontements : 4 blessés légers et des motos saccagées.

    Il faut rappeler que depuis le 5 février 2013, un nouveau regroupement syndical dénommé » Mouvement du renouveau de la section syndicale de la police nationale » a été porté sur les fonts baptismaux. Ce mouvement qui est une dissidence de la Section syndicale de la police nationale (SPN), reproche à leurs anciens camarades un certains nombre « de pratiques qui n’honorent pas la police malienne ». En l’occurrence, des patrouilles, des interpellations et des perquisitions sans aucun mandat. S’y ajoutent des avancements à titre exceptionnel, la confiscation des armes et du matériel roulant de la police nationale.

    Ce nouveau mouvement, qui a pour chef, le Sergent Jean Antoine Samaké s’est lancé depuis quelques jours dans l’installation de démembrements au niveau des différentes unités de la police nationale. C’est dans cette optique qu’ils devraient procéder vendredi dernier à l’installation du premier comité du mouvement au sein du GMS. La mise en place de ce comité s’est soldée par un affrontement entre des policiers dans l’enceinte même du GMS qui héberge une partie des troupes sénégalaises engagées dans la MISMA. Du côté du Mouvement du renouveau de la SPN, on impute la responsabilité de ces affrontements à la SPN.

    « Nous avions écrit au commandement du GMS qui nous a donné son aval pour la tenue de notre assemblée. C’est en pleine réunion que nous avons été agressés par les membres de la SPN. Lesquels étaient armés de gaz lacrymogènes, de gourdins et de chaises. Ils ont endommagé les motos de nos militants. Nous n’avons pas voulu riposter. Cependant nous avons eu en notre sein 4 blessés dont un dans un état critique. En tout cas, malgré cette agression, nous avons tenu notre assemblée générale » nous a confié le sergent Samaké.

    Cependant, un responsable de la SPN que nous avons pu joindre au téléphone rejette la responsabilité de leur syndicat dans ces affrontements. « Notre syndicat est plutôt préoccupée par la situation au nord. A cet égard, nous n’avons aucune responsabilité dans l’incident survenu le vendredi. Nous avons, nous mêmes appris qu’ils se sont regroupés et que ça s’est sodé par un affrontement. Ce qui nous amène à conclure qu’ils se sont passés à tabacs » a souligné la même source.

    En clair, ces affrontements portent un coup dur à l’image de notre pays car d’après des sources bien informées une mission d’inspection de la MISMA devait se rendre le même jour au GMS pour s’enquérir des conditions d’hébergements des Sénégalais. Mais compte tenu de l’incident, elle n’a pas pu faire le déplacement.

    Kassoum THERA

  • 16 mai 1977 : décès de Modibo Keïta

    Envoyé en détention à Kidal, dans le nord-est désertique du pays, Modibo Keïta meurt le 16 mai 1977, à l’âge de 62 ans, dans des circonstances suspectes et encore non-élucidées. Empoisonnement ? Mauvais traitement ? Manque de soins ? Aucune autopsie ne sera jamais pratiquée sur le corps de l’ancien président. De son côté, le régime de Moussa Traoré évoque officiellement un « œdème pulmonaire », tandis que des manifestations en marge de l’enterrement de Modibo Keïta sont violemment réprimées.

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