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Un classique du cinéma américain : The birth of a nation (La naissance d’une nation) de D.W. Griffith (1915)

dimanche 15 avril 2012, par Alex

Un classique du cinéma américain : The birth of a nation (La naissance d’une nation) de D.W. Griffith (1915)

De nombreux classiques du cinéma sont devenus accessibles en DVD à très bas prix (moins de 5 euros, moins cher qu’un livre de poche). Ils donnent accès à des pans entiers de la culture et de la politique sous forme plus accessible et moins ennuyeuse que certains gros livres. C’est le cas de « Naissance d’une nation ».

Ce film (muet-musical en noir et blanc) a pour sujet la Guerre de Sécession (1861-1865) et la période dite de Reconstruction qui suivit (1863-1877). Il sortit en 1915, 50 ans exactement après la fin de cette guerre.

Au verso de la jaquette du DVD on lit : La guerre de Sécession endeuille deux familles amies : les Stoneman (favorables au nord) et les Cameron (sudistes). Le retour de la paix ne calme pas les esprits et Lincoln est assassiné. Les troubles naissent des politiciens véreux et des Noirs livrés à eux-mêmes. Par réaction se crée le Ku Klux Klan, justicier et vengeur...

Le titre du film et l’allusion au Ku Klux Klan indiquent bien qu’on a affaire à un film politique. Effectivement au recto de la jaquette qui reproduit l’affiche originale du film, c’est un cavalier du KKK qui qui brandit une croix. On commence à soupçonner (et c’est le cas) un film à caractère raciste.

Mais, toujours sur la jaquette, après le résumé, un extrait de la critique de Télérama est fait pour motiver l’acheteur / spectateur profane qui aspire à se faire une culture cinématographique de base mais ne veut pas financer des oeuvres d’art racistes : Fim ambitieux (...) Griffith mutiplie les figurants, reconstitue des scènes historiques : l’assassinat de Lincoln par exemple. Techniquement c’est audacieux et novateur : profondeur de champs, panoramiques, travelling, montages parallèles. Griffith exalte aussi le sentiment national, tout en dénonçant l’absurdité de cette guerre fratricide. Bref, les aspects techniques (positifs) rattrappent les aspects politiques (négatifs) de ce film et les deux en ont fait un « classique ». Mais pourquoi Telerama peut-il attribuer un caractère politique plutôt positif ( le pacifisme) à ce film ? Cela est très étrange, et c’est faux, voir l’explication plus bas.

Sur le plan technique, ce film marqua une étape qui alla jusqu’à influencer les grands cinéastes soviétiques des débuts de l’URSS comme Einsenstein et Poudovkine. On lit par exemple dans un « Atlas du Cinéma » : En 1915, après l’échec commercial de sa Judith of Bethulia (1914) Griffith donne Naissance d’une nation (1915). Cette grande fresque épique qui relate l’histoire de la guerre de sécession perçue d’un point de vue sudiste (Griffith est un homme du sud) est le film le plus long (treize bobines) et le plus cher jamais tourné aux USA. Sa réussite artistique est totale, son succés critique et publique complet ...

Cela confirme qu’il est intéressant de voir ce film, car des millions d’américains, des critiques l’ont apparemment reconnu comme une oeuvre incarnant leur point de vue sur leur « identité natrionale ». Mais l’identité nationale, toute tendance contient son contraire qui la combat violemment. Il y eut donc autant d’américains qui détestèrent ce film, confirme l’Atlas : ... Mais, grave ombre au tableau, sa thématique en est raciste et provoque de vives réactions au sein de la communauté noire. Il est interdit dans douze Etats et Griffith doit procéder à des coupures.

Le terme de thématique raciste est peu clair. Apologie du racisme et du KKK serait plus explicite. Il suffit de citer deux des intertitres du film :
Résultat : le Ku Klux Klan. L’organisation qui a sauvé le Sud de l’anarchie de la loi noire mais au prix de plus de sang versé qu’à la bataille de Gettysburg puis Les anciens ennemis du Sud et du Nord sont unis à nouveau, pour défendre ensemble les droits du sang Aryen.

Mais l’Atlas du cinéma confirme l’influence positive qu’eut ce film sur la technique cinématographique : Condamnable sur le plan des idées qui le sous-tendent, le film opère, sur le plan technique et stylistique, la synthèse des innovations de Griffith en matière de langage cinématographque. En cela il représente une étape fondamentale dans l’histoire du cinéma Hollyoodien, auquel il offre son premier chef d’oeuvre, ainsi que dans celle du cinéma mondial. L’année suivante Griffith donne Intolérance, une oeuvre plus ambitieuse encore, conçue en partie pour répondre aux accusations de racisme. Ce très long métrage (trois heures trente) illsutre son propos à l’aide de quatre
exemples historiques empruntés à quatre périodes différentes, de Babylone à l’époque contemporaine. Le montage parallèle, les très gros plans, les angles de prise de vue variés, le travail sur la durée des plans, tout concours à faire de ce film un nouveau chef-d’oeuvre très en avance sur son temps. Décevant sur le plan commercial, il sera, en revanche, l’objet de l’admiration des futurs théoriciens du montage, les russes Eisenstein et Poudovkine.

Remarquons quand même que beaucoup de noirs semblent joués par des acteurs blancs enduits de cirage à la va-vite. Les noirs sont d’une grossièreté caricaturale. Le racisme de Griffith pèse donc sur son talent artistique dans de nombneuses scènes.

Le point de vue politique de Griffith n’est pas réduit à un racisme primaire, ou au pacifisme que lui attribue à tort l’extrait de la critique de Telerama citée plus haut.

Griffith n’est pas contre toute guerre en général. Il souligne que la guerre entre des classes dirigeantes de différents pays peut être dangereuse car la défaite de l’une d’elle dans un pays est l’occasion pour les opprimmés de ce pays de mener leur guerre contre leurs exploiteurs. Pour Grifith les blancs du Sud et du Nord, au delà de leur opposition passagère, sont des frères de classe, des frères de race. C’est en cela que leur « guerre fratricide » est néfaste. Ce point de vue en 1915 est prémonitoire, car les régimes défaits lors de la première guerre mondiale seront le théâtre de révolutions (Allemagne, Russie, Hongrie etc). La défaite de Napoléon III en 1870, du roi d’Angleterre face à l’Ecosse en 1839 avaient été le signal pour des révolutions. Bien sûr Grifith n’y voit pas un aspect positif mais la fin de la civilisation. Il est à rapprocher de celui de Paul Valery qui en 1919 écrit : Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles.

Mais ce point de vue de Griffith est bien plus intéressant pour un révolutionnaire que le pacifisme primaire.

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