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Edito - Vivent les travailleurs chinois !

lundi 6 mai 2013, par Robert Paris

Edito - Vivent les travailleurs chinois !

Si le président français Hollande a été présenter ses respects aux maîtres de Pékin et a montré son empressement à tenter de vendre quelques produits français à la Chine en échange de produits chinois vendus à la France, empressé auprès des classes dirigeantes chinoises, les organisations ouvrières ou de la gauche française n’ont pas d’attention symétrique bien entendu à l’égard du prolétariat chinois, pourtant pas moins remarquable par ses luttes que l’est la classe dirigeante chinoise par ses profits. Mais cela n’est pas dû à des particularités chinoises et plutôt à un éloignement complet des organisations dites ouvrières françaises de la perspective de classe internationale. C’est déjà bien quand elles ne présentent pas les travailleurs chinois comme des concurrents et des ennemis…

Les exemples de discours hostiles aux travailleurs chinois se multiplient en France et en Europe, comme aux USA, à la faveur de l’effondrement économique enclenché en 2007-2008 et qui se poursuit, enclenchant un chômage massif sans cesse croissant. Le prétexte de ces campagnes hostiles à la Chine et aux Chinois est la perte des emplois industriels et la prétention que ces emplois seraient tout simplement transférés en Chine du fait des salaires bien plus faibles que les nôtres. Bien entendu, les producteurs de ces thèses mensongères, qui vont de l’extrême droite lepéniste à la gauche de la gauche montebourgiste, se gardent bien de nous informer du fait que la production industrielle chute même en Chine, qu’elle ne se nourrit plus autant des capitaux occidentaux et est même contrainte, en leur absence ou face à leur chute, à ne développer la production que par des investissements d’Etat.

Mais ce n’est pas le seul point sur lequel leur propagande soit mensongère et criminelle. L’essentiel, c’est le fait que cette propagande fait passer les patrons français, européens, américains, occidentaux, pour des victimes au même titre que leurs salariés… Quand un Peugeot, un Sanofi, un Mittal, un Petroplus, une banque, un trust du Bâtiment ou de la Metallurgie ferme une entreprise, licencie des milliers de salariés, ce n’est pas pour aller en Chine. Sinon, le chômage et les suppressions d’emplois auraient totalement cessé maintenant que la croissance chinoise est grippée. C’est dans la spéculation que ces trusts, qui retirent leurs capitaux des investissements productifs, se sont investis. Plus les Etats « aident l’économie », soutiennent les bourses, « sauvent les banques », s’endettent pour cela, plus les investissements spéculatifs deviennent rentables et plus ces capitaux ne trouvent plus assez rentables les investissements productifs. La Chine n’y est pour rien. Elle est actuellement elle aussi la victime du même processus.

Nous sommes à un moment où les travailleurs chinois, loin d’être plus sous payés qu’autrefois, ont obtenu d’importantes augmentations de salaires par des luttes dont on nous laisse ignorer l’ampleur. Ce sont des véritables soulèvements de prolétaires qu’ont connu les villes ouvrières chinoises. Et pourtant, la classe ouvrière chinoise est toujours sans droits politiques, sociaux, syndicaux et associatifs. Il n’existe en Chine qu’un seul syndicat reconnu, celui de la police interne contre les salariés, le AFTU ou fédération des syndicats de toute la Chine. Les autres sont illégaux et pourchassés, y compris dans les entreprises privées étrangères.

Le régime chinois, l’un des plus violents contre les travailleurs, auxquels il n’accorde aucun droit démocratique, ni social, ni syndical, ni politique, les maintenant sous la coupe d’un syndicat officiel, police syndicale du pouvoir, d’un parti unique dit « communiste », d’origine maoïste, et auquel la révolution prolétarienne ne doit rien puisque ce régime n’est nullement le produit d’une révolution prolétarienne mais la prise de pouvoir par une armée. Les syndicalistes et ouvriers grévistes peuplent massivement le goulag le plus grand du monde. Les exécutions les plus fréquentes sont celles d’ouvriers accusés de rébellion armée de menace contre la sécurité de l’Etat.

Cela n’empêche nullement les dirigeants du monde occidental, comme tout récemment Sarkozy et Hollande, d’aller y faire des courbettes au pays du parti unique maoïste et du goulag, le fameux Laogaï. Fameux, oui, mais pas en Occident, où on se garde de faire de la publicité aux horreurs du capitalisme à la chinoise. Et cette répression massive (ce sont les ouvriers qui ont été les plus nombreux à être exécutés suite à la révolte de Tiananmen même si nos média n’en ont rien dit) a pour but premier d’en finir avec un risque prolétarien et pas un risque issu des aspirations démocratiques petit-bourgeois de la jeunesse estudiantine.

En un an, la Chine ouvrière est passée de 180.000 émeutes sociales à 200.000 et les forces armées qui se chargent de les réprimer sont en augmentation constante. La répression de toute forme d’organisation libre des travailleurs amène dorénavant l’Etat chinois à pourchasser toute organisation syndicale non policière y compris dans les entreprises capitalistes privées étrangères ! La lutte contre la contestation populaires mène à un accroissement de la surveillance policière de l’internet chinois auquel est désormais interdit toute citation des média étranger et toute communication des faits sociaux et politiques de la Chine vers l’étranger, communication entièrement monopolisée par l’Etat. Toute revendication de liberté syndicale, associative ou politique pour les travailleurs chinois est considérée comme atteinte criminelle à la sûreté de l’Etat. Tous ceux qui prétendaient que l’accession de la Chine à un haut niveau mondial allait automatiquement se concrétiser par une ouverture démocratique en sont pour leurs mensonges.

Le régime chinois, qui couvre le plus dynamique des pays capitalistes, n’en est pas moins une dictature féroce, qui n’a aucun intérêt à une quelconque démocratisation. Et ce n’est pas dans une phase d’effondrement systémique mondial que cette classe dirigeante va diminuer son oppression à l’encontre de « ses » exploités nationaux !

Quant au reste du monde capitaliste, contraint de souhaiter le maintien de la croissance chinoise, il se doit en même temps de faire de la propagande en direction de ses exploités « nationaux » pour leur dire qu’ils seraient victimes de la croissance chinoise !

Au moment même où le long combat, historique et mondial, du Capital et du Travail approche de son terme, au moment où le Capital se détourne de l’investissement productif, jetant à la rue la masse des travailleurs et détruisant la société, les classes dirigeantes aimeraient bien détourner la lutte des travailleurs en leur présentant de faux ennemis à haïr et à combattre en la personne des « travailleurs dits étrangers » mais les seuls étrangers au monde du travail sont bel et bien les capitalistes de tous les pays !

La Chine qui pourrait sembler plus prêt que jamais de la réussite mondiale est aussi plus proche que jamais de sa propre chute violente.

Or c’est le pays qui a connu la plus grande croissance d’un jeune prolétariat issu des campagnes. Un prolétariat qui vécu des grèves insurrectionnelles mais n’a pas connu le syndicalisme institutionnalisé et réformiste des pays riches ni les dévoiements du mécontentement par les alternances électorales. Le Parti dit communiste, toujours aussi identifié à la hiérarchie militaire qui impose sa dictature depuis l’époque maoïste, entend toujours garder l’exclusivité du pouvoir. Il lui est donc impossible de donner à la situation des issues qu’elles soient économiques, politiques, ou sociales.

Le baril de poudre est chauffé à blanc et n’attend plus que son étincelle.

Que le prolétariat international cesse donc de voir des concurrents dans ces ouvriers chinois mais qu’il commence à voir en eux les avant-postes de leur propre libération et l’avenir des prolétaires du monde est assuré !

La suite

Messages

  • Hommage à Yao Fuxin

    C’est un homme affaibli par sept années de prison, mais au moral intact qui a retrouvé la liberté, cette semaine, dans le nord de la Chine. Yao Fuxin, un ouvrier qui avait dirigé en 2002 une série de manifestations ouvrières contre la faillite frauduleuse d’une entreprise, ce qui lui a valu de subir une impitoyable répression pour « subversion ».

    A sa libération, après avoir fini de purger sa peine de sept ans de prison dans des conditions très pénibles, dans « l’une des institutions pénitentiaires les plus draconiennes de la Chine » selon la Confédération syndicale internatioale, Yao Fuxin, aujourd’hui agé de 60 ans, ne « regrette rien », selon ses premières déclarations à la presse (étrangère) :

    « Je n’ai rien fait de mal. Je n’ai fait qu’exercer mes droits, tels qu’ils sont inscrits dans la Constitution. Qu’ai-je fait de mal en tant que citoyen ? Cela valait la peine et je ne regrette rien. Je n’ai fait que protéger les intérêts du pays et ceux du peuple, les
    droits légaux et les intérêts des travailleurs. C’était ma responsabilité, sinon qui l’aurait fait ? »

    Des milliers d’ouvriers avaient été mis au chômage dans une usine metallurgique de Liaoyang, dans le Liaoning (Nord-Est), le bassin industriel traditionnel de la Chine. Une faillite frauduleuse pour une entreprise d’Etat minée par la corruption et la bureaucratie.
    Manif conduite par la fille du chef

    Je me suis rendu pour la première fois à Liaoyang alors que Yao Fuxing avait déjà été arrêté, tandis que les manifestations d’ouvriers prenaient de l’ampleur, rassemblant jusqu’à 30 000 personnes. Alors que j’approchais de l’usine, je vis un cortège de milliers d’ouvriers avançant sur la chaussée, conduits par une jeune femme, mégaphone à la main. C’était Yao Dan, la fille du militant ouvrier arrêté, qui avait pris le relais de son père et avait été « adoptée » par les protestataires.

    Lorsque nous nous sommes garés pour rejoindre le cortège, notre voiture s’est aussitôt retrouvée encerclée par une douzaine de policiers en civil, et, sans même pouvoir descendre de la voiture, nous fûmes expulsés de la ville, direction : Pékin.

    En rusant un peu, il nous fut possible de revenir le soir, parler aux ouvriers dans leur quartier, adjacent à la vieille usine, dans un environnement en plein déclin, celui des vieux bassins ouvriers de l’ère étatique, d’une classe ouvrière mythifiée, réduite aujourd’hui à une inexorable marginalisation.

    Les ouvriers nous accueillirent d’abord avec méfiance, puis chaleureusement en apprenant que nous étions Français : « La radio française a dit la vérité », disaient-ils, en référence aux émission de RFI en chinois, qui avaient évoqué leurs manifestations.

    Yao Fuxin fut condamné à sept années de prison à l’issue d’un procès à huis clos, où pas un témoin ne fut cité, l’accusation liant son nom à un mouvement dissident pro-démocratie qui venait d’être cassé. A l’issue de l’audience, lorsque l’avocat demanda au juge quand il rendrait son verdict, celui-ci rigola : « Parce que tu crois que c’est moi qui décide »...

    Une fois le mouvement de protestation brisé, le gouvernement fit le ménage : une commission d’enquête du Parti communiste fut envoyée sur place, et décida l’arrestation des dirigeants de l’entreprise dont les manifestants disaient qu’ils étaient corrompus.

    Le chef mafieux de la ville, dénoncé nommément par les manifestants pour sa collusion avec les autorités locales, fut même condamné à mort et exécuté. Mais les leaders ouvriers qui n’avaient fait que dénoncer cette situation furent maintenus en prison et leurs familles harcelées.

    Yao Fuxin avait l’étoffe d’un vrai syndicaliste, mais cela, la Chine ne le permet toujours pas. Lorsque Pékin a signé le protocole des droits économiques et sociaux de l’ONU, une avancée considérable sur le plan des droits de l’homme pouvait-on imaginer, elle a émis une réserve sur l’article le plus important : la reconnaissance de la liberté syndicale. Une précaution contre l’émergence d’un « Walesa chinois », que le PCC rend responsable de l’effondrement du camp soviétique, un scénario catastrophe qu’il veut à tout prix éviter.

    Aujourd’hui libre et heureusement réuni avec les siens, cet homme affaibli sait qu’il n’a aucune chance de bénéficier de la liberté de mouvement qui lui permettrait de jouer de nouveau un rôle sur la scène sociale chinoise, surtout à un moment de crise économique qui vient de créer 20 millions de chômeurs supplémentaires. Yao Fuxin a été sacrifié sur l’autel de la stabilité sociale prônée par le Parti communiste chinois : la stabilité plutôt que la justice...

  • Ah oui ! Oui, oui et encore oui ! Là c’est différent de tout ce que l’on entend !

  • “Les exemples de discours hostiles aux travailleurs chinois se multiplient en France”
    Ça se discute. Le Monde, qui s’insurge contre les grèves en France, vante la lutte des classes en Chine. Lire L’im-Monde racisme anti-chinois.

  • Le Financial Times et le Wall Street Journal ont tous deux publiés des articles inquiets sur la capacité de la police d’état chinoise à contenir des mouvements de masse de la classe ouvrière. Un éditorial du Financial Times spéculait sur le nombre et l’intensité des manifestations en Chine, puis déclarait : « l’impression que les manifestations locales puissent développer une cohérence nationale plus large est profondément inquiétante pour le Parti communiste chinois. »

    Cette éventualité est tout aussi profondément inquiétante pour la bourgeoisie internationale. Même une explosion sociale localisée comme à Zengcheng – connue comme la « capitale du jean » — a eu des échos dans le monde entier. Cette ville de la périphérie de Guangzhou produit un tiers des jeans dans le monde, pour 60 marques internationales différentes. Zengcheng n’est qu’une des nombreuses "capitales" industrielles, chacune spécialisée dans un seul type de produit, majoritairement pour l’exportation.

    Des troubles plus larges dans l’industrie chinoise auraient des conséquences pour les entreprises internationales, allant des exportateurs de machines allemands aux géants miniers d’Australie et du Brésil. General Motors produit actuellement plus de voitures et de camions en Chine qu’aux États-Unis et Walmart dépend de la Chine pour la plupart des biens de consommation courants qu’il vend. Les iPhones et iPads d’Apple sont produits dans d’énormes usines aux conditions de travail épouvantables gérées par Foxconn. Les sous-traitants appartenant à des étrangers emploient directement 16 millions de travailleurs chinois, et des millions d’autres sont employés dans le complexe réseau de fournisseurs locaux pour ces entreprises transnationales.

  • County-level cadres, who are at the lowest level of China’s four-tiered government structure, may soon be atop the agenda of a national training center, as the country renews its attempt to combat rising social unrest amid major social and economic changes.

    The Beijing-based Chinese Academy of Governance (CAG) was instructed by the State Council, or China’s cabinet, on Sunday to improve the training of emergency response personnel, especially officials from the county level.

    Experts view the rare directive as a response to the dramatic rise in grassroots protests, of poor governance, and an increasing number of "mass incidents" at local levels.

    Although no official statistics are available for the occurrence of such incidents in recent years, the number rose from 8,709 in 1993 to about 87,000 in 2005 at an increase rate of about 9-10 percent per year, said Yu Jianrong, a researcher with the Chinese Academy of Social Sciences.

    From 1993 to 2003, the number of people involved in mass incidents increased from 730,000 to 3.07 million, according to the Blue Book of Chinese Society in 2005, based on survey work completed by the Chinese Academy of Social Sciences.

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