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Pourquoi la matière échappe à l’intuition et au bon sens

mercredi 4 septembre 2013, par Robert Paris

Goethe : « L’intuition, dans le sens vulgaire, c’est-à-dire un coup d’œil juste pour saisir les affaires du monde, est le partage du sens commun. L’intuition pure du monde extérieur et intérieur est très-rare. »

Darwin : « Personne ne peut être un bon observateur sans être en même temps un théoricien actif ».

Pourquoi la matière échappe à l’intuition et au bon sens

Nous croyons bien la connaître, la matière, puisque nous en sommes faits, que nous ne cessons de la voir, de la toucher, de la sentir, de la transformer, de l’observer, de l’utiliser, et pourtant…

Pourtant, ce que nous voyons n’est pas vraiment la matière mais une illusion d’optique.

Pourtant, ce que nous touchons (avec nos doigts ou nos outils) n’est pas directement de la matière.

Pourtant, ce que nous dit notre bon sens ou notre intuition n’est pas le véritable fonctionnement de la matière.

Illusion d’optique, la matière que nous voyons en ce moment autour de nous ? Eh oui ! Les formes qui nous apparaissent ainsi n’ont aucune réalité matérielle. Il n’y a pas de surfaces lisses ni de volumes pleins. Il n’y a pas d’objet totalement immobiles comme semble l’être la table sur laquelle je tape ce texte. Il n’y a pas une couleur attachée aux objets (cette couleur provient de la lumière envoyée de l’extérieur de l’objet et n’est que renvoyée et non émise par l’objet). L’immobilité des objets qui nous entourent n’est qu’apparence. A l’intérieur d’eux-mêmes tout s’agite sans que l’on en ait conscience. La surface d’eau qui apparaît à notre œil est encore une illusion puisque l’eau et l’air sont interpénétrés de manière fractale et agitée dans la zone de transition. La surface de neige, qui semble inchangée, modifie sans cesse sa structure (formes variées des cristaux) sans que nous puissions en avoir conscience.

Les formes, les couleurs, la stabilité, la constance, l’immobilité, la continuité, la permanence, tout ce qui apparaît à nous est illusion !

Nous touchons pourtant bel et bien la matière, nous répond le bon sens !

Eh bien même pas ! Là aussi le matérialisme naïf se trompe. Et c’est heureux… Imaginons que nous touchions véritablement la table. Eh bien, nos molécules et celles de la table seraient tellement emmêlées que nous ne pourrions les séparer qu’au couteau en perdant un morceau de chair ! Il suffit de voir ce qui arrive quand on touche une matière trop froide ou quand on touche un objet sous vide. Faire le vide entre deux matières, c’est les attacher. Et encore, s’il y a du vide entre deux matières, il n’y a pas rien…

Le bon sens aura aussi du mal à admettre la phrase précédente puisque, pour lui, le vide, c’est justement le rien…

En physique, même deux particules ne peuvent pas entrer en contact et elles se contentent de relationner en échangeant des photons lumineux… Si on les force à entrer en contact en les lançant l’une vers l’autre, elles explosent toutes les deux en supprimant leur propriété de matière et en donnant deux photons lumineux ! Donc, si nous forcions notre doigt à toucher la matière de la table, eh bien, il y aurait explosion avec perte de matière !!!

Mais tout cela n’est pas encore bien grave… Nous allons voir que nous avons tout faux, avec les prétendues informations de nos sensations, de notre intuition et de notre bon sens sur la matière.

Ces derniers nous disent que les propriétés fondamentales de la matière sont :

 la masse ou le poids

 le volume

 la forme

 la surface

 la couleur

 la compacité et la dureté

 le déplacement continu

Eh bien, autant de fautes que de points soulevés !!!

La masse n’est nullement une propriété attachée à la matière. Tout le monde a entendu récemment parler du « boson de Higgs » qui passe d’une particule virtuelle du vide à une autre et transmet ainsi la propriété de masse. Eh bien, ce phénomène signifie que le corpuscule de matière possédant une masse inerte n’est pas durablement le même et que la masse est une propriété qui saute d’un corpuscule à un autre. La masse est donc une propriété qui appartient au vide et pas à la matière (on dit aussi un champ). Le boson de Higgs, comme tous les bosons, est du même type que le boson de lumière encore appelé photon lumineux. Donc la masse n’est pas transportée par la matière mais par la lumière ! Voilà une idée fort peu fondée sur une évidence visible !

Compacte, dense, connexe, continue et solide, la matière ? Pas du tout ! C’est un fromage à trous avec quasiment que des trous à toutes les échelles… On l’a dit précédemment, les corpuscules de matière ne se touchent jamais et maintiennent entre eux des distances respectables. Au sein de chaque niveau de structure de la matière, il y a essentiellement du vide et quelques grains qui occupent un tout petit volume. Et encore, au sein de ces « grains », on trouve encore essentiellement du vide et quelques grains… La molécule : du vide et quelques atomes. L’atome : du vide et quelques noyaux entourés à grande distance de quelques électrons. Etc…

Par elle-même, la matière ne touche rien, ne sent rien, ne perçoit rien des autres matières. Ce n’est pas propre à l’être humain. Aucune matière n’a de contact direct avec une autre matière ! Il n’est possible à une matière de recevoir de l’information sur une autre matière que par des bosons d’interaction (c’est-à-dire en somme par de la lumière).

La gravitation, l’électromagnétisme, les forces nucléaires forte et faible ne peuvent se transmettre de la matière à la matière qu’indirectement par la lumière.

Notre bon sens, lui, croit dur comme fer qu’on touche les objets parce que nous ressentons une répulsion au toucher, ou un frottement, ou une douleur ou encore une blessure.

Bien sûr, cette répulsion, cette douleur, cette blessure ne sont nullement des illusions. Ce qui l’est, c’est de croire qu’il y a eu contact matière-matière. La répulsion, le frottement, la réaction du corps se sont produits bien avant d’approcher au point de risquer d’entrer en contact !

Par exemple, le frottement matière-matière provient de l’action à distance (répulsion) entre les électrons (corpuscules électrisés négativement) qui sont à la périphérie des structures atomiques des molécules de chaque matière. Ces électrons du doigt et de la table ne se sont pas touchés lors du frottement mais se sont seulement repoussés à distance.

Si on essaie de pénétrer de force dans la table avec notre doigt, un autre phénomène se produit qui manifeste la propriété dite d’impénétrabilité des corps solides. Là encore, le bon sens croit avoir touché mais cela est faux. Quand des électrons des atomes ont pu se trouver en position de risquer d’être au même endroit et avec le même niveau d’énergie, ils se sont violemment repoussés, entraînant la répulsion des molécules. Cette propriété n’est pas non plus liée à un contact matière-matière mais à une propriété très anti-intuitive car quantique et appelée « principe de Pauli ». Celle-ci empêche la matière de se rassembler de manière trop compacte, par exemple deux électrons ne peuvent pas occuper le même niveau d’énergie. D’une manière générale, le vide se charge des répulsions pour empêcher une particule d’en approcher une autre, en entourant chaque particule de matière d’un cortège de corpuscules et anticorpuscules virtuels en couches successives de charges opposées. La répulsion des particules virtuelles du vide, qui forment ce que l’on appelle le nuage virtuel autour de la particule de matière, est donc de plus en plus forte plus on approche de la particule de matière. Les lois de la matière empêchent donc clairement les contacts matière-matière et cela permet à la matière de ne pas s’effondrer sur elle-même.
De telles propriétés ne sont en rien des évidences sensibles et l’image qui nous vient d’une masse de matière restera un objet compact, sans trous, sans vide, et sans discontinuité même si tout cela est faux.

Une autre erreur nous guette quand on se fonde sur le bon sens, c’est l’illusion d’immobilité des objets qui ne subissent pas d’action extérieure. Cette illusion n’a été remise en cause par la découverte du mouvement moléculaire permanent dit brownien qui a été étudié notamment par Einstein. C’est dire qu’il n’a rien d’une évidence sensible. Dans une matière apparemment immobile, les molécules s’agitent sans cesse sans qu’on leur fournisse de l’énergie, sans qu’on les agite de l’extérieur. Et cette agitation ne cesse jamais ! Nous pouvons le constater en examinant l’air d’une pièce fermée (pas de courant d’air) et éclairée par un rayon lumineux. Nous constatons que les poussières bougent en tous sens et sans arrêt. Toute matière est sujette à cette agitation moléculaire à laquelle il faut ajouter d’autres agitations spontanées : vibration des atomes, agitation des électrons entre les couches des atomes, tremblement des particules, interaction extraordinairement agitée entre chaque corpuscule et son nuage virtuel dit de polarisation, agitation extraordinaire du vide quantique, etc…

Quand nous parlons de matière inerte, on se trompe autant qu’en parlant de matière compacte ou solide !

L’existence de structures de la matière à diverses échelles emboitées est une autre source d’erreur pour le bon sens qui ne fonctionne qu’à notre échelle à nous, humains, celle appelée macroscopique.

Nous oublions en effet aisément que nous n’observons le monde qu’à notre échelle et omettons que toutes les échelles soient emboitées et interactives. Nous négligeons ainsi ce qui est beaucoup plus petit ou beaucoup plus grand, même si cette échelle peut être déterminante pour le phénomène que nous observons. Cela explique que nous ayons eu tant de mal à comprendre d’où venait l’énergie des étoiles qui sont au niveau très grand et très loin alors que cette énergie provient de l’instabilité nucléaire qui, lui, est à l’échelle très petite des noyaux des atomes. L’intuition disait que l’étoile était une lumière plutôt qu’un corps matériel et, jusqu’à une époque récente, on ne pouvait comprendre comment une émission spontanée d’une telle quantité d’énergie était possible sans s’épuiser rapidement.

Nous avons tendance spontanément à isoler notre fenêtre d’observation. Cela explique que certaines propriétés physiques nous paraissent étonnantes. Par exemple, l’impossibilité de traverser la table avec notre doigt, alors que tous les deux sont faits quasi exclusivement de vide, s’explique à une échelle bien inférieure à la nôtre, comme on l’a dit précédemment, par le principe de Pauli qui vient du niveau quantique (celui des atomes, des particules et du vide).
Le mouvement, tel que notre intuition le conçoit, est celui d’objets macroscopiques faits d’une quantité de molécules et d’un nombre extraordinaire d’atomes. Cela donne une image déformée de ce qu’est le mouvement car nous n’assistons nullement au mouvement de chacun de ces corps très petits séparément. En donnant au mouvement l’image d’un déplacement continu, nous nous trompons et rendons difficile la compréhension de ce que peut être le mouvement à des échelles inférieures. Et il s’avère effectivement que les particules ne suivent nullement des trajectoires continues comme semble le faire la balle ou le boulet de canon. Cela a d’abord semblé renversant aux physiciens quantiques qui l’ont découvert car eux aussi suivaient les données de leur intuition, de leur expérience sensible et de leur bon sens.
La physique quantique, en supprimant l’idée de continuité non seulement de la matière et de l’énergie, mais aussi de l’espace et du temps (il y a une distance minimale et un temps minimal appelés de Planck), rend impossible le déplacement continu.

Les phénomènes les plus renversants de la physique pour le sens commun sont ceux qui sautent d’un niveau de structure dans les échelles de la matière à une autre. Ceux-ci présentent en effet des discontinuités brutales. Le changement devient lui-même une discontinuité brutale.

Le changement d’échelle ne consiste pas seulement en une augmentation ou diminution de la taille des choses, comme si on faisait un zoom. Il y a d’autres effets qui font que les lois sont modifiées. De nouvelles lois apparaissent en changeant d’échelle. Ce sont des lois dites émergentes.

Par exemple, à notre échelle, nous avons les notions de température, de pression, de trajectoire, de forme, etc, qui n’existent absolument pas au niveau quantique. La température et la pression n’existent même pas au niveau d’une ou deux molécules. Il en faut un grand nombre pour qu’émerge ces propriétés à partir des interactions entre molécules. On remarque donc que ces propriétés ne sont pas inhérentes à la matière mais proviennent des interactions matière-matière à distance (on dit aussi de l’énergie).

Les interactions sont fondées non sur de la matière mais sur des bosons (du type lumière).

Là encore, pour l’intuition, la lumière est un domaine différent de la matière alors que la physique explique aujourd’hui qu’il s’agit du même monde. De la matière peut se transformer en lumière et inversement ! Il suffit d’effectuer des chocs à grande énergie. Et les deux formes d’organisation qui ont une longue durée de vie proviennent du même fondement qu’est le vide quantique. Une particule (dite virtuelle) du vide quantique ayant reçu un boson de Higgs devient une particule ayant une masse inerte. Un couple particule et antiparticule (dits virtuels) du vide quantique devient un photon lumineux ou un boson d’interaction.

Pour l’intuition, la matière en mouvement suit une trajectoire en parcourant successivement et continûment chacun des points en nombre infinis de la trajectoire. Les raisonnements de Zénon contre cette vision du mouvement continu, pourtant très anciens et très bien fondés, n’ont pas convaincu le bon sens. La notion de trajectoire nécessite non seulement le déplacement en continu mais aussi la définition en tout point et simultanée d’une position et d’une vitesse. Ces apparences proviennent de l’échelle où nous vivons et des moyennes entre les positions et vitesses d’un grand nombre de molécules. Tout cela disparaît dès qu’on s’occupe des particules.
La notion même d’un objet de matière inerte fixe disparaît au niveau quantique.

Certains esprits chagrins qui refusent de perdre leur naïf matérialisme mécaniste et certains scientifiques dépourvus de notions philosophiques adéquates (ils croient pouvoir s’en passer) affirment que cela signifie que la matière n’existe plus ou que la physique quantique détruirait tout matérialisme. Ce n’est qu’une forme ancienne du matérialisme qui est ainsi mise en cause, celle qui se refusait à admettre le caractère dialectique de la matière elle-même.

C’est la position de ces matérialistes naïfs qui est de l’idéalisme car ils prétendent que la matière n’existerait plus si l’homme avait du mal à la penser !

L’homme a d’autant plus de mal à comprendre la matière (comme la vie, l’homme et la société) qu’il raisonne métaphysiquement. La manie du bon sens consiste en effet à classer les choses de manière définitive dans des cases et à prétendre que ces choses ne peuvent pas changer de case.

Pour le métaphysicien, on observe soit de la matière soit de la lumière, soit du vide soit de la matière, soit une onde soit un corpuscule, soit de la matière soit de l’énergie, soit de l’ordre soit du désordre, soit du mouvement soit du repos, etc…

Une telle conception ne peut qu’être mise en défaut dans une physique qui explique que la matière c’est de l’énergie, que la matière est à la fois onde et corpuscule, à la fois localisée et non localisée, à la fois quelque chose et son contraire ! Par exemple, la molécule d’hydrogène est à la fois classique (à notre échelle) et quantique.

L’un des adages les plus connus du bon sens dit que « dans la nature, rien n’apparaît et rien ne disparaît » et il est bien mis à mal par la physique quantique ! D’ailleurs, la plupart des sentences proverbiales du type « dans la nature, il se passe toujours ceci… » semble faite pour être mise en cause par les sciences !!!

D’une manière générale, toute philosophie qui oppose diamétralement ou isole les contraires appelés à se confronter, non seulement à s’éliminer mais à se transformer mutuellement et à se transformer l’un dans l’autre ne peut prétendre interpréter les faits, qu’il s’agisse de la physique, de la biologie, de l’évolution des espèces, de l’histoire humaine et sociale ou de l’économie.
Le bon sens, lui, continuera de s’en tenir aux oppositions diamétrales : opposition entre mouvement et immobilité, entre stabilité et instabilité, entre fixité et changement, entre hasard et nécessité, entre local et non local, entre onde et corpuscule, entre inerte et vivant, entre les espèces différentes, entre la matière et la lumière, etc… Par exemple, dans un nuage, c’est la grande instabilité des molécules qui donne au nuage son énergie et lui permet d’accéder à une stabilité structurelle globale qui lui donne une existence durable alors que cette masse d’eau en l’air devrait s’écraser en une seconde au sol ! De l’eau tenant en l’air, voilà un exemple de phénomène simple, tout le temps sous nos yeux et qui contredit le bon sens. Le simple fonctionnement de la simple machine à café est fondé sur de l’eau qui monte dans un filtre en contredisant la gravitation terrestre. Une simple casserole cuisant du riz présente une auto-organisation des trous dans le riz, due aux montées des courants de convection d’eau chaude, qui va à l’encontre de l’idée du bon sens selon laquelle la seule évolution de la matière irait vers le désordre.

Si la physique contredit le bon sens, ce n’est pas parce que les capacités scientifiques des hommes pour appréhender la matière sont prises en défaut ou mises en échec, c’est parce que la réalité n’est pas bien prise en compte par nos impressions spontanées, par nos sens, par notre logique formelle.

Et encore, nous n’avons pas encore pris en compte la présence parmi nous de l’antimatière, totalement inconnue du bon sens ! Celle-ci nous semble absente et être un objet de science fiction et pourtant elle est partout présente.

En fait, c’est notre vision depuis notre fenêtre qui nous empêche de voir l’antimatière puisque nous sommes matière et, comme telle, nous subissons la flèche du temps (vers l’avenir) alors que la flèche du temps de l’antimatière la porte en sens contraire (vers le « passé »).

Expliquons cependant pourquoi, autour de nous, il y a en fait à peu près autant d’antimatière que de matière.
Tout d’abord, rappelons qu’il y a beaucoup plus de photons lumineux et d’autres bosons d’interaction que de particules de matière et encore plus de particules et antiparticules virtuelles du vide.
Le vide quantique contient autant d’antiparticules que de particules. La lumière ou les bosons d’interaction sont fondés sur des couples avec une particule et une antiparticule (par exemple un électron et un antiélectron ou un proton et un antiproton couplés).

Du coup, la présence des particules de masse inerte change à peine l’égalité numérique entre particules et antiparticules dans l’univers.

Que l’antimatière échappe à l’intuition ne signifie pas qu’elle ne soit qu’illusion. C’est le bon sens qui est fondé sur des erreurs des sens et des raisonnements de la logique formelle.

« Je ne crois que ce que je vois » déclare le bon sens.

Et il rajoute : « ou bien une vérité ou son contraire ». Ou le monde est matière ou il est antimatière. Et s’il prétend être les deux à la fois, il contredit la philosophie métaphysique d’Aristote et celle de la plupart des gens. « Vrai ou faux » disent-ils mais certainement pas à la fois vrai et faux !

Ce sont de tels adages qui n’ont pas cours quand on étudie le monde dynamique, discontinu, contradictoire, fondé sur l’émergence et l’auto-organisation, composé dialectique d’ordre et de désordre, de lois et de hasard, de permanence et de changements.

Le bon sens observant la matière a mis des siècles à voir l’électricité qui est pourtant un fondement bien plus considérable que la masse pesante. C’est par exemple l’électricité qui permet la liaison des atomes au sein de la molécule (mise en commun d’électrons périphériques). C’est l’électricité qui fait le frottement sans lequel bien des montagnes seraient déjà tombées. Alors que le bon sens imagine la matière comme attachée par des liaisons « en dur », la réalité matérielle est fondée dur des noyaux d’atomes éloignés les uns des autres au sein des molécules. La « solidité » de la matière n’existerait pas sans les liaisons électroniques. Rien d’évident au fait que la masse d’un volume donné d’une matière donnée dépend avant tout des électrons et est déterminée d’abord par la valeur de la charge de l’électron.

Il n’y a pas non plus eu d’évidence sensible ou de bon sens dans la découverte, au bout de longues années, de la notion de pression. Sans parler de celles de quanta de lumière ou d’onde de matière.

L’expansion de l’Univers n’a pas davantage crevé l’œil des observateurs du ciel et d’autant moins que le bon sens est peu armé pour concevoir une expansion qui n’augmente que les distances entre galaxies et pas celles entre étoiles de ces galaxies, ni celles entre objets, ni les distances caractéristiques des particules.

La thermodynamique des états de la matière n’est pas davantage intuitive comme le montrent certaines expériences réalisées au Palais de la découverte à Paris dans lesquelles les exposants réussissent à faire bouillir de l’eau dans un bocal fermé en versant sur le récipient de l’eau froide ! C’est encore la dialectique de l’ordre et du désordre de la matière, de l’énergie, du volume et de la pression, qui amènent ces expériences renversantes pour le bon sens.

La physique quantique n’a fait qu’achever de détruire une illusion sur la matière. Le quanta en termes de bosons d’interaction (bien plus que le quanta en termes de particules de matière) est si contre-intuitif qu’il a inquiété ses fondateurs Planck et Einstein. La continuité avait encore conservé ses droits dans la physique et il leur semblait incroyable de considérer que les interactions, la lumière, l’énergie et le mouvement soient fondamentalement discontinus, ce qu’affirmait leur découverte des quanta. Pire, cette thèse affirmait que matière et énergie était du même type. Et elle allait finir par affirmer que les deux étaient à la fois onde et particule : le summum de l’absurde en termes de logique du commun.

La physique a donc absolument besoin de la dialectique pour raisonner. La logique formelle du tiers exclus (ou oui ou non exclusivement), admise par le bon sens, n’y a pas cours.
Les premières formes de matérialismes, naïf, mécaniste, empiriste, pragmatiste ou métaphysique, doivent céder la place à une dialectique matérialiste.

Au sein de la matière, le changement vient de la conservation et inversement, la durabilité provient du changement brutal, l’ordre est issu du désordre, la structure se fonde sur l’agitation, l’onde est particule et inversement, le matériel provient du vide.

Pour le bon sens, un système à l’équilibre ne peut changer sans action externe alors que la plupart des systèmes ont un équilibre global fondé sur le changement interne comme l’équilibre de la contraction gravitationnelle et de l’expansion du rayonnement de l’étoile est fondé sur les explosions des fusions thermonucléaires.

Le bon sens considère que la matière au repos et sans interaction ne change pas. L’atome ou la particule (non stimulés) émettent des bosons. Le noyau atomique non stimulé peut exploser. Le neutrino ou le proton non stimulés changent d’état brutalement. Quant au vide quantique, il est la base de changements brutaux et permanents qui sont non stimulés.

Concluons de ces faits renversants non sur l’incapacité de l’homme et de la science de les appréhender mais sur le fait que la nature n’étant pas évidente a besoin non seulement d’être observée mais d’être pensée. L’empirisme ne suffit pas. Il faut une logique dialectique. Et elle ne vient pas spontanément par la simple expérience, par le contact avec les faits. Elle n’est pas immédiate, spontanée et « naturelle ».

A lire encore sur ce thème :

La "nature" et les illusions du "bon sens"

Le réel n’est pas la succession temporelle, linéaire, logique et graduelle des états actuels

La « relation de cause à effet », notion de bon sens ou de science ?

Qu’est-ce qui nous étonne, nous choque, nous bouleverse, renverse nos convictions habituelles quand on étudie la matière ? Qu’est-ce qui change notre philosophie ?

Pourquoi avons-nous besoin de philosopher et ne pouvons-nous simplement nous contenter d’observer le monde et d’agir ?

Pourquoi la physique quantique nous pose autant de problèmes philosophiques ?

Messages

  • manifque article et surtout renversant. merci de nous ouvrir à la connaissance scientifique de ce monde, nous en avons grandement besoin.

  • « Je ne crois que ce que je vois » déclare le bon sens.

    Et il rajoute : « ou bien une vérité ou son contraire ». Ou le monde est matière ou il est antimatière. Et s’il prétend être les deux à la fois, il contredit la philosophie métaphysique d’Aristote et celle de la plupart des gens. « Vrai ou faux » disent-ils mais certainement pas à la fois vrai et faux !

  • « Les vérités scientifiques sont toujours paradoxales si l’on raisonne en se fondant sur l’expérience quotidienne, laquelle ne saisit que l’apparence trompeuse des choses. »

    Karl Marx

  • Le bons sens, l’habitude, la répétition des a priori communs de la société, tout cela empêche d’étudier le monde au-delà de ce qui se voit "à l’oeil nu".

    Parce que la plus grande difficulté en sciences reste la capacité de s’étonner ! Remarquons qu’aucun d’entre nous n’est spontanément choqué par des faits ou des phénomènes qui sont en contradiction flagrante avec des présupposés que nous ne remettons pas en question. Par exemple, les objets matériels tombent du fait de la gravitation terrestre. Pourtant les masses énormes d’eau des nuages ne tombent pas. L’eau monte dans les filtres à café. Cela ne va pas dire que la gravitation soit à remettre en question mais que nous ne nous posons pas de question sur le monde qui nous entoure. Ou très rarement. « S’étonner », nous dit Platon à la suite de Socrate, « voilà un sentiment tout à fait philosophique. La philosophie n’a pas d’autre origine ». Et la science est réflexion philosophique !

    « Celui qui ne peut plus trouver ni étonnement, ni surprise, est pour ainsi dire mort, ses yeux sont fermés » (Albert Einstein dans Comment je vois ce monde)

    S’étonner, c’est rompre avec la routine. Ce n’est pas parce qu’on voit un nuage tous les jours qu’on le comprend ni qu’il n’y a rien de spécial à comprendre.

    Regarder en se disant : « c’est curieux » est une capacité rare que les études peuvent effacer plus que cultiver… et que les institutions administratives et bureaucratiques ne savent absolument pas faire.

    Les études sont logiques, mathématiques, raisonnent tout droit alors que la recherche de création d’idée en sciences chemine par des petits chemins à peine dessinés, qui se tortillent, semblent se perdre dans la nature….

    L’opinion publique des scientifiques, dite consensus de la communauté, n’est pas un moyen de chercher et même plutôt une raison de ne plus chercher des nouveautés fondamentales. Le consensus ne veut pas être étonné mais confirmé….

  • On croit que l’on voit si une matière est agitée ou pas : n’est-ce pas le cas ?

  • On voit l’agitation à un seul niveau d’organisation de la matière et pas aux niveaux inférieurs et supérieurs.

    Niveaux supérieurs : on ne voit pas, par exemple, que cette matière est entraînée par les mouvements de la Terre, du système solaire, de la galaxie, de l’amas de galaxie, de l’amas d’amas...

    Niveaux inférieurs : on ne voit pas l’énergie interne, celle qui vaut E = mc² !!!

  • Le bon sens considère que la matière au repos et sans interaction ne change pas.

    « A nos yeux, à l’œil nu, rien ne change. Mais si nous pouvions voir avec un agrandissement d’un milliard de fois, nous verrions que, de son propre point de vue, la nature change sans cesse ; les molécules sont sans cesse en train de quitter une surface matérielle et d’autres sans cesse en train d’y tomber. » expose le physicien Richard Feynman.

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