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Les révoltes des Cipayes en Inde

jeudi 5 décembre 2013, par Robert Paris

En septembre 1857 fut écrasée en Inde la première grande insurrection contre un empire colonial européen.

La révolte des Cipayes, appelée « mutinerie indienne » (Indian Mutiny) au Royaume-Uni, est une période de soulèvement et de rébellion survenue en 1857-1858 dans le nord et le centre de l’Inde contre la domination britannique. Les Indiens la considèrent parfois comme le premier mouvement pour l’indépendance de leur pays.

Dans la nuit du 10 au 11 mai, le 11e régiment de cavalerie indigène de l’armée du Bengale stationné à Meerut se mutine : les soldats libèrent tous les détenus de la prison de la ville et attaquent le cantonnement où vivent les Européens qui sont tous exterminés, femmes et enfants compris sans distinction de classe sociale, ainsi que tous les Indiens chrétiens qui s’y trouvent. Ils incendient ensuite toutes les maisons et marchent sur Delhi. Tout d’abord, les troupes britanniques ne les poursuivent pas.

Le 11, les mutins prennent Delhi avec l’appui d’autres Indiens du bazar local et attaquent le Fort Rouge, tuant cinq Britanniques — parmi lesquels un officier britannique et deux femmes — et exigeant que Bahâdur Shâh récupère son trône. Ce dernier se laisse entraîner contre son gré, devenant ainsi le chef déclaré de la rébellion. Les Cipayes continuent à massacrer tous les Européens ou chrétiens qu’ils rencontrent dans la ville.

Les rebelles ne s’accordent pas sur leurs objectifs : beaucoup d’Indiens rejoignent les rebelles dans l’idée de restaurer les empires moghol et marathe. La rânî Lakshmî Bâî qui règne sur Jhânsi, réclamé en 1853 par les Britanniques, mène une rébellion violente. Quelques chefs des mutins appellent au jihad et beaucoup d’artisans musulmans se joignent aux mutins pour des raisons religieuses.

Cependant, tous les Indiens ne soutiennent pas la rébellion : les Sikhs du Penjab n’apprécient pas l’idée d’un retour du pouvoir moghol dont ils ont subi la répression alors qu’ils combattent dans les rangs britanniques. Dans l’Oudh, les musulmans chiites ne voient pas d’un bon œil le retour de sunnites au pouvoir. Enfin, la majeure partie du sud du pays reste en marge des évènements.

Les Britanniques sont lents à réagir : deux colonnes quittent Meerut et Simla et avancent lentement vers Delhi où ils combattent, tuent et pendent de nombreux Indiens le long de la route. Dans le même temps, des régiments britanniques quittent le théâtre de la guerre de Crimée pour l’Inde. Après une marche de deux mois, les Britanniques combattent le corps d’armée principal des rebelles près de Delhi, à Badl-ke-Serai, et le forcent à chercher refuge dans la ville. Les Britanniques n’étant pas assez nombreux pour mener un siège efficace de Delhi, les rebelles obtiennent facilement des ressources et des renforts. Plus tard, les Britanniques sont rejoints par la colonne des soldats sikhs du Penjab et par des éléments gurkhas.

Cependant, l’artillerie lourde tant attendue ne garantit pas une victoire facile face à la supériorité numérique des Cipayes. Les Britanniques finissent par passer la porte du Cachemire, ce qui lance une semaine de combats de rues. Mais les Sikhs se débandent après la mort de leur commandant et, quand les Britanniques atteignent le Fort Rouge, Bahâdur Shâh s’est déjà enfui à la tombe de Humayun. À la fin septembre 1857, Delhi est reprise par le général John Nicholson. Bahâdur Shâh est arrêté et, le lendemain, l’officier britannique William Hodson abat ses fils Mîrzâ Moghul, Mîrzâ Khizr Sultan et Mîrzâ Abu Bakr de sa propre autorité.

Fin mai 1857, la mutinerie s’étend en Inde centrale avec la prise d’Allâhâbâd le 11 juin, au Rajasthan, à la plaine du Gange ainsi qu’au Bihar. Durant le mois de juin, les Cipayes cantonnés à Cawnpore (actuelle Kanpur) sous les ordres du général Wheeler se rebellent — semble-t-il avec l’accord tacite de Nânâ Sâhib — et assiègent le retranchement européen. Les Britanniques subissent trois semaines de siège sans eau, connaissant constamment des pertes. Le 25 juin, Nânâ Sâhib exige leur reddition et Wheeler n’a d’autre choix que d’accepter le 27 juin. Lorsque les Britanniques embarquent sur la rivière, leurs pilotes s’enfuient et un échange de coups de feu s’ensuit. Les Indiens tirent au canon sur les bateaux et couvrent le fleuve de cadavres, seule une embarcation de quatre hommes réussit à s’échapper. Les femmes et les enfants survivants sont transportés à Bibi-Ghar (« Maison des femmes ») à Cawnpore. Le 15 juillet, un groupe d’hommes y entre et tue les occupants à l’arme blanche puis découpe les corps avant de jeter les morceaux dans un puits.

Les Britanniques sont consternés par ces actes et les Cipayes perdent beaucoup de leurs partisans. Cawnpore deviendra le cri de guerre des soldats britanniques pour le reste du conflit. Nânâ Sâhib avait, lui, disparu au Népal où il demeure jusqu’à sa mort. Quand les Britanniques parviennent finalement à reprendre Cawnpore le 17 juillet, les soldats conduisent leurs prisonniers cipayes au Bibi-Ghar et les forcent à lécher les taches de sang sur les murs et le plancher puis les pendent.

L’État d’Oudh (actuel Uttar Pradesh) entre en rébellion peu après les événements de Meerut. Le commandant britannique de Lucknow, Henry Laurent, a assez de temps pour renforcer sa position. Il compte 1 700 hommes, y compris les Cipayes fidèles. Après des premiers assauts infructueux, les rebelles commencent à bombarder la position britannique. Laurent est l’une des premières victimes. Les rebelles essayent également d’ouvrir une brèche dans les fortifications avec des explosifs et de franchir celles-ci au moyen de tunnels souterrains qui sont le lieu de combats au corps à corps. Après 90 jours de siège, le nombre des assiégés se trouve réduit à 300 Cipayes restés fidèles, 350 soldats britanniques et à 550 non combattants. Le 25 septembre, ils sont rejoints par mille soldats du Royal Highland Regiment. En octobre, une autre unité de Highlanders commandée par Colin Campbell vient les relever et, le 18 novembre, ils évacuent finalement la position avant de retourner se retrancher dans Cawnpore qui vient d’être reprise. La ville est définitivement reprise en mars 1858 et pillée de fond en comble alors que les forces rebelles se dispersent dans l’Oudh.

La guerre fait rage au même moment dans le centre de l’Inde. Ce vaste pays de plateaux accidentés est alors une mosaïque d’états princiers sous tutelle britannique, les princes affichant presque tous une loyauté indéfectible envers le Royaume-Uni, garante intéressée dans leur stabilité, mais ils ne peuvent empêcher les Cipayes de se mutiner dans leurs garnisons. Après quelques troubles au Rajasthan, le véritable coup d’envoi du soulèvement est donné à Jhânsi où la petite communauté européenne est massacrée le 8 juin.

Fin 1857, les Britanniques recommencent à gagner du terrain avec la reprise de Lucknow. Du fait du début sanglant de la rébellion et suite à la trahison apparente de Nânâ Sâhib et à la boucherie de Cawnpore, la Compagnie des Indes orientales considère qu’elle n’a aucune raison de se conduire avec humanité. La presse et le gouvernement britannique ne préconisent aucune clémence. Dès le 14 septembre 1857, les Britanniques attaquent les villes soumises aux troubles en massacrant des Cipayes et des citoyens : les soldats font très peu de prisonniers, si ce n’est pour les exécuter par la suite, et des villages entiers sont exterminés sur des soupçons de sympathie avec les rebelles. Les Indiens désignent cette période comme le « vent du diable ».

Le 1er juin 1858, une promesse d’amnistie est proclamée par la reine Victoria et les derniers rebelles défaits à Gwâlior le 20 juin. Le 1er novembre marque la fin de l’extension territoriale des Britanniques dans le sous-continent indien. Toutefois, des combats sporadiques continuent jusqu’en 1859 même si la plupart des rebelles sont déjà soumis : la paix est officiellement proclamée le 9 juin par le nouveau vice-roi, Charles John Canning, alors que la dernière bataille a lieu le 12 juin. Le 8 juillet marque la fin officielle de la révolte des Cipayes. Les derniers rebelles condamnés sont attachés à la bouche de canons et réduits en morceaux.

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  • « La découverte des contrées aurifères et argentifères d’Amérique, l’extermination et l’asservissement de la population indigène, son ensevelissement dans les mines, les débuts de la conquête et du sac des Indes orientales, la transformation de l’Afrique en garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà de quoi est faite l’aurore de l’ère de la production capitaliste. »

    « Le Capital », Karl Marx

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