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Canada : la chasse aux chômeurs est ouverte !

dimanche 5 janvier 2014, par Robert Paris

La chasse aux chômeurs est ouverte

La réforme de l’assurance-emploi, annoncée lors du budget de mars 2012 et entrée en vigueur le 6 janvier 2013, vise à :

Mettre fin aux mesures d’aide aux régions à haut taux de chômage, tel que le projet-pilote accordant cinq semaines de prestations supplémentaires ;

Introduire une nouvelle méthode du gain admissible, abolissant de facto le plancher auquel les gens avaient droit (40 % du taux de prestations) ;

Redéfinir la notion de l’emploi convenable, en catégorisant les chômeurs en trois classes distinctes : travailleurs de longue date, prestataires fréquents et prestataires occasionnels. Tous ne disposent plus des mêmes droits ;

Abolir les tribunaux administratifs afin de les remplacer par une nouvelle structure beaucoup moins accessible, qui siégera dans peu de villes, le plus possible par vidéoconférences. Celle-ci disposera de nombreux pouvoirs discrétionnaires, dont celui de rejeter sommairement un appel, sans compter d’autres obstacles procéduriers.

Le cœur de cette réforme cible :

Lesdits « prestataires fréquents », constitués à près de 80 %, des travailleuses et travailleurs de l’industrie saisonnière, dont 40 % au Québec et 27 % dans les Maritimes ;

Tous les travailleurs contractuels et à statut temporaire.

Dorénavant, ces prestataires devront :

Accepter un salaire jusqu’à 70 % de leur salaire habituel ;
Occuper à peu près n’importe quel type emploi ;

Se déplacer, parfois sur de grandes distances, pour occuper cet emploi.

Le gouvernement conservateur s’est engagé dans une formidable opération comptable qui ne vise qu’une chose : couper les prestations à ceux qui refuseraient ces conditions, qui s’attaquent à la dignité des personnes. Plus encore, prétextant la lutte aux fraudeurs, les fonctionnaires doivent atteindre des quotas de prestations à couper aux personnes en chômage.

Ce gouvernement :

Ne participe aucunement au financement de l’assurance-emploi ;
S’arroge l’exclusivité de la définition et de la gestion de ce régime ;
Déchire le contrat social sur lequel reposait ce programme ;
S’apprête à se réapproprier les nouveaux surplus de la caisse.

La déstabilisation de l’économie régionale que va entraîner cette réforme aura un impact majeur sur le niveau de vie des personnes. Elle va accentuer les disparités entre les personnes vivant dans une même région ou entre les régions. À moyen terme, elle pourrait avoir comme effet d’aggraver la situation économique et d’accentuer la dévitalisation dans plusieurs régions, bouchant ainsi l’espoir de milliers de personnes d’une vie meilleure chez eux.

Dans son plus récent projet de loi omnibus sur le budget (C-4), le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper a soigneusement camouflé d’importants changements à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ces changements s’attaquent aux droits fondamentaux de centaines de milliers de travailleurs du gouvernement fédéral et représentent une importante intensification de l’assaut systématique du gouvernement conservateur sur les droits des travailleurs.

Le projet de loi C-4 donnerait au gouvernement le pouvoir de déterminer de façon unilatérale quels emplois doivent être considérés comme « services essentiels », interdisant ainsi aux travailleurs occupant ces emplois de faire grève ou de participer à tout mouvement de revendication.

Si le projet de loi est adopté, il donnera à Ottawa le « droit exclusif » de désigner tous « services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de l’ensemble ou d’une partie du public ». En d’autres mots, le gouvernement conservateur s’arroge le pouvoir de retirer le droit légal de faire grève à des dizaines de milliers de travailleurs fédéraux, et ce dans le but de criminaliser toute opposition des travailleurs aux compressions dans les salaires et avantages sociaux des travailleurs fédéraux et aux coupes dans les services publics qu’ils fournissent.

Les gouvernements précédents ont, dans un processus de consultation et d’arbitrage avec les 17 syndicats des travailleurs fédéraux, ont classé environ 35.000 travailleurs comme étant « essentiels ».

Le projet de loi C-4 apporte aussi d’importants changements au processus d’arbitrage.

Dans les cas où plus de 79 pour cent d’une unité de négociation sont déclarés « essentiels », l’unité entière sera privée de son droit de grève et dans l’éventualité probable d’une impasse dans les négociations, son contrat sera dicté par un arbitre. Les syndicats seront aussi privés de l’option de contraindre le gouvernement à régler un différend dans les négociations collectives par arbitrage.

Au même moment, le gouvernement apporte des changements au processus d’arbitrage afin que les conditions soient encore plus dictées par son programme de droite. Le projet de loi C-4 affirme qu’en déterminant les salaires et conditions des travailleurs fédéraux, les arbitres doivent surtout tenir compte de la « situation financière » du gouvernement. En imposant un tel paramètre, le gouvernement fédéral exige aux arbitres d’adhérer strictement à ses propres dictats établissant quels devraient être les salaires des travailleurs fédéraux.

D’un geste typique d’un gouvernement qui méprise ouvertement la population canadienne, le président du Conseil du Trésor, Tony Clement, a refusé à maintes reprises d’indiquer quels services seront désignés comme « essentiels » ainsi que le nombre de travailleurs qui seront ainsi privés de leur droit de grève.

Le gouvernement vise ainsi à interdire presque toute possibilité d’opposition des travailleurs, en ne leur laissant que les moyens de contestation les plus inefficaces, tout en s’accordant l’option de recourir à un processus d’arbitrage hautement biaisé en sa faveur ou d’imposer sa volonté à travers des négociations pour attaquer les salaires et avantages sociaux des travailleurs fédéraux.

Sous le projet de loi C-4, le gouvernement apporte aussi d’importants changements régressifs aux droits des travailleurs en matière de santé et sécurité au travail. Les conservateurs redéfinissent le « danger » dans un lieu de travail dans le but d’éliminer la catégorie « dangers potentiels » et d’inclure uniquement la catégorie « risques imminents ». Il sera ainsi plus difficile pour les travailleurs de refuser un travail douteux et non sécuritaire. Cela signifie que la vie du travailleur devra être directement et immédiatement en danger avant qu’il puisse refuser d’effectuer une tâche.

En outre, les changements éliminent le droit de refuser un travail sur la base d’une crainte de développer une maladie résultant d’une pratique de travail non sécuritaire, interdisant ainsi qu’une personne se protège contre l’exposition à des maladies qui évoluent lentement, comme celles causées par l’exposition aux cancérogènes ou à l’amiante. La nouvelle définition de « risque » élimine aussi la possibilité de déposer une plainte si l’on pense qu’il y a un risque pour le système reproducteur d’un employé.

Les changements à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne sont que le premier volet d’une nouvelle offensive du gouvernement contre les droits et conditions des travailleurs fédéraux.

Le récent congrès du Parti conservateur tenu à Calgary a adopté six motions ciblant les travailleurs et les syndicats, y compris des résolutions visant à « rendre comparables » les salaires et conditions des travailleurs des secteurs public et privé, à réduire les pensions des travailleurs fédéraux et à graduellement éliminer l’obligation de faire partie d’un syndicat et le prélèvement automatique des cotisations syndicales.

Ces motions, qui préparent le terrain pour les prochaines négociations entre le gouvernement et les syndicats de la fonction publique fédérale, ont été accueillies par Clement. Prenant la parole parmi les participants au congrès (un geste inhabituel pour un ministre de premier plan), Clement a déclaré : « Il existe depuis trop longtemps un écart important entre les salaires et avantages des secteurs public et privé. Ceux du secteur public sont considérablement plus élevés que dans le privé. »

Soulignant la portée considérable des visées actuelles du gouvernement, Clement a précisé : « Je peux vous dire que nous adoptons une position qui respectera les prochains contribuables et qui, je crois, fait partie de notre capacité à avoir un budget équilibré pour la prochaine génération et non uniquement pour les quelques années à venir. Cela signifie donc de prendre une position qui modifiera le fonctionnement des négociations collectives telles que le sont depuis des décennies dans ce pays. »

Faisant preuve de la plus pure hypocrisie, de riches ministres conservateurs et la presse bourgeoise tentent de faire des travailleurs du secteur public des boucs émissaires et se plaignant que leurs salaires et avantages sont « injustes », car ils sont plus élevés que ceux du secteur privé. Dans la mesure où cela est vrai, c’est parce que la grande entreprise a utilisé la vague de chômage et d’insécurité économique créée par le krach financier de 2008, la pire crise économique depuis la grande dépression des années 1930, afin de sabrer les salaires et avantages sociaux des travailleurs du secteur privé.

Un projet de loi budgétaire 2013 antérieur autorisait déjà le gouvernement fédéral à intervenir dans les négociations collectives entre les sociétés d’État et leurs employés syndiqués et non syndiqués. Cette clause permet au gouvernement Harper de donner des ordres à la direction des entreprises d’État comme Postes Canada, Via Rail ou la Société Radio-Canada (SRC) sur la façon dont elles devraient négocier les prochains contrats de travail individuels ou collectifs : en d’autres termes, l’ampleur des coupes dans les emplois, les salaires et avantages de leurs employés.

Le droit de grève a été la cible d’une attaque concertée à travers le Canada depuis le krach de 2008. Le gouvernement Harper a systématiquement criminalisé les grèves, y compris celles contre la société d’État Postes Canada ou contre des sociétés privées telles le géant CP Rail (Canadien Pacifique) et Air Canada. Plus tôt cet été, le gouvernement du Parti québécois a convoqué l’Assemblée nationale en session extraordinaire afin d’adopter une loi d’« urgence » qui criminalisait une grève de dix jours par 77.000 travailleurs de la construction du secteur industriel, commercial et institutionnel.

Le gouvernement Harper mène constamment des politiques axées sur la réduction des conditions de vie de la classe ouvrière dans le but d’enrichir l’élite dirigeante. En 2009, il s’est associé à l’administration Obama et le gouvernement libéral d’Ontario pour faire en sorte que l’aide aux trois grands constructeurs automobiles de Détroit soit conditionnelle à des coupes dans les salaires et avantages sociaux d’environ 20 dollars l’heure par travailleur. Les coupes du gouvernement fédéral au programme d’assurance-emploi ont aussi servi à forcer les chômeurs à accepter de nouveaux emplois à des salaires moindres, faute de quoi leurs prestations peuvent être éliminées.

La réaction du Nouveau Parti démocratique, l’opposition officielle au parlement, aux modifications de la loi était, tout comme la haine du Parti conservateur contre les travailleurs de la fonction publique, bien en évidence. Peter Julian, l’observateur néodémocrate à la convention, n’a pas souligné que les résolutions anti-ouvrières des conservateurs faisaient partie d’une intensification de la guerre de classe du gouvernement. Plutôt, il a affirmé qu’elles servaient de « distraction » pour détourner l’attention publique du scandale des dépenses au Sénat !

Si le NPD est plus à l’aise d’attaquer Harper sur la question du scandale au Sénat, c’est parce que les sociaux-démocrates du Canada sont voués au même programme de coupes dans les dépenses sociales, d’équilibre budgétaire et de faible taux d’imposition sans précédent pour les riches que les conservateurs. La réponse du NPD au projet de loi C-4 au parlement s’est limitée à une proposition selon laquelle le projet de loi devrait être divisé et les changements aux lois du travail examinés plus attentivement en commission.

Les bureaucrates des syndicats de la fonction publique ont beau se montrer supposément opposés à l’adoption du projet de loi omnibus, les travailleurs doivent faire face à la dure réalité que les syndicats ne mèneront aucune lutte sérieuse. Ils ont passé les dernières semaines à supplier Clement de les rencontrer afin qu’ils puissent formellement proposer au gouvernement que les syndicats et les conservateurs travaillent ensemble pour « réformer » la Loi des relations de travail dans la fonction publique. De manière prévisible, lorsque Clement a finalement accepté de rencontre le président de l’Alliance de la fonction publique, Robyn Benson, il a rejeté d’emblée la proposition syndicale. La réunion, « c’était comme être confronté à un fait accompli du gouvernement », a publié Benson sur son blogue.

Les appels de la bureaucratie syndicale à l’élection de députés néodémocrates (et dans certains cas, de députés libéraux) aux prochaines élections visent à subordonner les travailleurs à un système politique qui représente uniquement les divers intérêts de la grande entreprise. Lors du dernier débrayage des travailleurs de la fonction publique en 2004, la présidente de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) de l’époque, Nycole Turmel, a tout fait pour mettre fin à la grève « en quelques jours, si ce n’est en quelques heures » et faire passer les concessions. Depuis, l’AFPC a accepté des gels de salaires et d’autres concessions sans résistance. En 2011, Turmel est devenue chef par intérim du NPD, nommée par Jack Layton avant sa mort. Ed Patrick

Messages

  • L’écart entre les gains des 100 patrons les mieux payés et le salaire moyen des Canadiens s’est creusé en dépit des appels à des rémunérations plus raisonnables, selon une étude du Centre canadien de politiques alternatives publiée jeudi.
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    Voici ce qu’écrit Hugh Mackenzie, l’auteur d’une recherche du Centre canadien de politiques alternatives sur la rémunération des dirigeants d’entreprise, basée sur des statistiques des 240 sociétés cotées à la bourse de Toronto.

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    L’écart est passé de 105 à 171

    Ainsi, "la hausse de la rémunération des PDG signifie qu’au Canada les 100 chefs d’entreprise les mieux payés gagnent maintenant 171 fois plus que la population qui travaille pour le salaire moyen" qui a été de 46.635 dollars en 2012. En 1998 cet écart était de 105 fois, selon l’étude.

    Cela dit, au palmarès, on ne trouve pas forcément les patrons des plus grandes entreprises canadiennes. Sur la plus haute marche du podium : le PDG de la société ferroviaire Canadien Pacifique avec un revenu de 49,5 millions de dollars en 2012. Pourtant, cette société est seulement au 75ème rang en matière de chiffre d’affaires.

    Loin derrière, le patron du groupe Thomson-Reuters (données financières et médias) a gagné 18,8 millions et John Manzoni, patron de la société pétrolière Talisman Energy 18,6 millions.

    Enfin, l’auteur de la recherche ironise sur le fait que la plupart des patrons les mieux payés auront déjà gagné, en revenant de leur pause déjeuner au premier jour de travail de l’année, autant que ce qu’un salarié moyen gagnera...sur l’année entière.

  • Le projet de loi 3 des libéraux est la première étape d’un assaut frontal contre tous les services publics ainsi que les salaires, les emplois et les droits des travailleurs qui offrent ces services. Le premier ministre du Québec Philippe Couillard et le ministre des Finances Carlos Leitao déclarent que les services publics, y compris la santé et l’éducation, ont besoin d’être « réformés » en profondeur, et que d’autres programmes doivent être carrément abolis si le Québec ne veut pas vivre une crise financière « semblable à celle de la Grèce ».

    Couillard a aussi juré à maintes reprises que son gouvernement n’allait pas apporter de changements importants au projet de loi 3. Ce dernier ferait augmenter radicalement la contribution des travailleurs à leur pension (en pratique, cela revient à une baisse de salaire) et exigerait la restructuration de tous les plans de retraite municipaux aux dépens des retraités, par le gel des hausses liées au coût de la vie, l’augmentation de l’âge de la retraite et des coupes directes dans les pensions.

    Des travailleurs municipaux de partout au Québec, y compris des employés du transport public, les cols bleus et les cols blancs ainsi que les pompiers étaient présents en très grand nombre samedi. Il y avait aussi d’importantes délégations de travailleurs du secteur public de la province et du fédéral (dont les conventions collectives arrivent à échéance l’an prochain et qui se feront alors imposer d’importants reculs) et quelques groupes du secteur privé, dont des travailleurs de la société d’aéronautique Bombardier.

  • En présentant le projet de loi C-44, la fameuse « Loi sur la protection du Canada contre les terroristes », le ministre de la Sécurité publique Steven Blaney a précisé que ce n’était là qu’une première étape et que le gouvernement annoncerait bientôt une nouvelle législation pour renforcer les pouvoirs des agences de police et d’espionnage du Canada dans le sillage des attaques de la semaine dernière perpétrées à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec, et qui ont fait deux morts parmi les militaires.

    Laissant entendre que les grands pouvoirs coercitifs et de surveillance déjà à la disposition de l’État sont très insuffisants, Blaney a déclaré aux députés : « Nous ne réagirons pas de façon excessive. Mais il est également temps que nous cessions de ne pas réagir suffisamment aux grandes menaces qui pèsent contre nous. »

    Le projet de loi C-44 modifiera la « Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité » en octroyant à ce dernier des capacités supplémentaires en matière de collecte d’information et de surveillance, en plus d’isoler ses activités et ses allégations loin de l’examen des yeux du public.

    Il étendra des « privilèges génériques » aux informateurs du SCRS, ce qui signifie que leur identité sera gardée secrète et ne pourra être révélée aux avocats de la défense, aux accusés et même aux juges. En outre, les informateurs seront exemptés de tout interrogatoire des avocats de la défense et des juges, ce qui compromet gravement tout effort visant à exposer tout mensonge, contradiction ou lacune qui se trouverait dans leur témoignage.

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