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Gandhi et la non-violence

dimanche 26 janvier 2014, par Robert Paris

Messages

  • Discours prononcé à Genève le 30 décembre 1931

    « Comment les travailleurs pourront-ils obtenir leur justice sans violence ? Si les capitalistes emploient la force pour supprimer leur mouvement, pourquoi ne s’efforceraient-ils pas de détruire leurs oppresseurs ?
    Réponse : Cela, c’est la vieille loi, la loi de la jungle : oeil pour oeil, dent pour dent. Comme je vous l’ai déjà expliqué, tout mon effort tend précisément à nous débarrasser de cette loi de la jungle qui ne convient pas aux hommes.
    Vous ne savez peut-être pas que je suis conseiller d’un syndicat ouvrier d’une ville appelée Ahmedabad, syndicat qui a obtenu des témoignages favorables d’experts en ces matières. Nous nous sommes efforcés de toujours employer la méthode de la non-violence pour régler les conflits qui ont pu s’élever entre le capital et le travail, au cours de ces quinze dernières années. Ce que je vais vous dire est donc basé sur une expérience qui est dans la ligne même du sujet auquel se rapporte cette question.
    À mon humble avis, le mouvement ouvrier peut toujours être victorieux s’il est parfaitement uni et décidé à tous les sacrifices, quelle que soit la force des oppresseurs. Mais ceux qui guident le mouvement ouvrier ne se rendent pas compte de la valeur du moyen qui est à leur disposition et que le capitalisme ne possédera jamais. Si les travailleurs arrivent à faire la démonstration facile à comprendre que le capital est absolument impuissant sans leur collaboration, ils ont déjà gagné la partie.

    Mais nous sommes tellement sous l’hypnotisme du capitalisme, que nous finissons par croire qu’il représente toutes choses en ce monde.
    Les travailleurs disposent d’un capital que le capitalisme lui-même n’aura jamais. Déjà à son époque, Ruskin a déclaré que le mouvement ouvrier a des chances inouïes ; il a malheureusement parlé par-dessus nos têtes. À l’heure actuelle, un Anglais qui est à la fois un économiste et un capitaliste, est arrivé par son expérience économique aux conclusions formulées intuitivement par Ruskin. Il a apporté au travail un message vital. Il est faux, dit-il, de croire qu’un morceau de métal constitue du capital ; il est également faux de croire que même telle quantité de produits représente un capital. Si nous allons à la vraie source, nous verrons que c’est le travail qui est le seul capital, un capital vivant qui ne peut être réduit à des termes de métal.
    C’est sur cette loi que nous avons travaillé dans notre syndicat. C’est en nous basant sur elle que nous avons lutté contre le gouvernement et libéré 1.070.000 personnes d’une tyrannie séculaire. Je ne puis entrer dans les détails et vous expliquer en quoi consistait cette tyrannie, mais ceux qui veulent étudier le problème à fond pourront facilement le faire.
    Je veux cependant vous dire simplement comment nous avons obtenu la victoire. Il existe en anglais, comme d’ailleurs en français et dans toutes les langues, un mot très important, quoique très bref. En anglais il n’a que deux lettres, c’est le mot "no", en français "non". Le secret de toute l’affaire est simplement le suivant : lorsque le capital demande au travail de dire oui, le travail, comme un seul homme, répond non.
    A la minute même où les travailleurs comprennent que le choix leur est offert de dire oui quand ils pensent oui, et non quand ils pensent non, le travail devient le maître et le capital l’esclave. Et il n’importe absolument pas que le capital ait à sa disposition des fusils, des mitrailleuses et,des gaz empoisonnés, car il restera parfaitement impuissant si le travailleur affirme sa dignité d’homme en restant absolument fidèle à son non. Le travail n’a pas besoin de se venger, il n’a qu’à rester ferme et à présenter la poitrine aux balles et aux gaz empoissonnés, s’il reste fidèle à son "non", celui-ci finira par triompher.
    Mais je vais vous dire pourquoi le mouvement ouvrier, si souvent capitule. Au lieu de stériliser le capital, comme je l’ai suggéré en tant qu’ouvrier moi-même, il cherche à prendre possession du capital pour devenir capitaliste à son tour. Par conséquent, le capitalisme, soigneusement retranché dans ses positions et bien organisé, n’a pas besoin de s’inquiéter : il trouve dans le mouvement ouvrier les éléments qui soutiendront sa cause et seront prêts à le remplacer.
    Si nous n’étions fascinés par le capital, chaque homme et chaque femme comprendrait cette vérité essentielle. Ayant moi-même participé à l’organisation ou organisé des expériences de ce genre dans toutes sortes de cas, et pendant longtemps, je puis dire que j’ai le droit de parler de cette question, et que je possède quelque autorité en la matière. Il ne s’agit pas là de quelque chose de surhumain, mais au contraire de quelque chose qui est possible à chaque travailleur, homme ou femme. En effet, ce qu’on demande à l’ouvrier ne diffère pas de ce qu’accomplit en certain sens le soldat qui est chargé de détruire l’ennemi, mais porte sa propre destruction dans sa poche.
    Je désire que le mouvement ouvrier imite le courage du soldat mais sans copier cette forme brutale de sa tâche qui consiste à apporter la mort et les souffrances à son adversaire, je me permets de vous affirmer d’ailleurs que celui qui est prêt à donner sa vie sans hésitation et en même temps ne prend aucune espèce d’arme pour faire du mal à son adversaire, montre un courage d’une valeur infiniment supérieure à l’autre. »

  • « C’est uniquement dans le but impérialiste d’affaiblir son rival que l’Angleterre se flatte de libérer le continent de la domination allemande, et que l’Allemagne annonce la libération de l’Egypte, de l’Inde, du monde arabe, etc..., de l’oppression anglaise. Malgré leurs phrases sur la libération des peuples opprimés par d’autres qu’eux-mêmes, les pays impérialistes en lutte font en réalité un front unique contre la liberté des peuples. Si l’Allemagne voulait réellement libérer les Indes, ce n’est pas Gandhi qu’elle exalterait comme promoteur de cette libération, car l’homme qui se trouve à la tête de la « désobéissance passive » n’est que l’agent des lords pour briser ce mouvement. »

    Extrait de la "La lutte contre la deuxième guerre impérialiste mondiale" de Barta

  • il « autorisait » des adolescentes de son ashram à dormir nues avec lui (et des milliers d’entre elles se disputaient ce privilège), on nous a expliqué qu’il s’agissait d’une façon de « mettre son vœu de chasteté à l’épreuve » !!!

    Il a donné sa bénédiction à une sorte de prince, le nawab de Malerkotla, qui avait donné l’ordre de fusiller dix musulmans pour chaque hindou tué sur son territoire. Et, lors d’une réunion de prière, en juin 1947, quelques mois avant sa mort, il a déclaré : « Si nous avions la bombe atomique, nous l’aurions utilisée contre les Britanniques. »

    Gandhi a été le pionnier de la grève de la faim comme mode de protestation politique. Il l’a plus tard utilisée avec succès contre les Britanniques mais la première fois qu’il y eut recours, en 1932, ce fut pour des raisons remarquablement déplaisantes. Appartenant à une caste supérieure, il s’opposait à une proposition des autorités britanniques d’accorder aux « intouchables » (la plus basse classe sociale) un statut électoral séparé afin que leurs intérêts puissent être mieux représentés. Son jeûne était censé durer jusqu’à la mort. Il a duré cinq jours, c’est-à-dire jusqu’à ce que les dirigeants hindous aient fait pression sur le leader des intouchables pour qu’il refuse les réformes britanniques.

  • Gandhi était également contre la médecine moderne et a refusé que l’on injecte de la pénicilline à sa femme quand celle-ci a contracté une pneumonie. Elle en est morte. Plus tard, il a trouvé tout à fait acceptable de prendre de la quinine pour soigner sa malaria.

  • Il n’existe aucune base qui permette d’affirmer que la campagne de désobéissance civile ait conduit directement à l’indépendance. Les campagnes de Gandhi connurent une fin lamentable environ 14 ans avant que l’Inde obtienne l’indépendance. Pendant la 1ère Guerre Mondiale les révolutionnaires indiens tentèrent d’obtenir l’aide allemande sous forme d’armes pour libérer le pays par la révolte armée. Mais la tentative échoua. Pendant la 2ème Guerre Mondiale Subhas Chandra Bose suivit la même méthode et créa l’INA. En dépit de plans brillants et de succès initiaux, les violentes campagnes de Subhas Bose échouèrent … Les batailles pour la liberté de l’Inde étaient aussi menées contre la Grande-Bretagne, bien qu’indirectement, par Hitler en Europe et par le Japon en Asie. Aucune n’eut de succès direct, mais peu nieront que ce fut l’effet cumulé des trois qui apporta la liberté à l’Inde. En particulier, les révélations faites lors du procès de l’INA, et la réaction qu’il produisit en Inde, rendit assez évident pour les Britanniques, déjà épuisés par la guerre, qu’ils ne pourraient plus longtemps dépendre de la loyauté des supplétifs indiens pour maintenir leur autorité en Inde. Cela eut probablement la plus grande influence sur leur décision finale de quitter l’Inde.

    En dépit de la défaite du Japon et de la reddition de l’INA qui suivit sur le front indo-birman, Subhas Chandra Bose et l’INA devinrent des noms vénérés dans le pays lorsque les soldats de retour furent persécutés par les Britanniques. En même temps, le Congrès dirigé par Gandhi et Nehru s’était démobilisé, et l’année 1945 semblait relativement calme et vide d’événements. Cependant, Netaji et sa légende produisirent un mouvement dans tout le pays, que même un Gandhi ne put jamais provoquer. Faisant écho à ce bouillonnement des masses, Michel Edwards écrivit dans son livre Last Years of British India :

    Le gouvernement de l’Inde avait espéré, en persécutant les membres de l’INA, renforcer le moral de l’armée indienne. Il réussit seulement à créer un malaise, en rendant les soldats indiens quelque peu honteux d’avoir eux-mêmes soutenu les Britanniques. Si Bose et ses hommes avaient été du bon côté — et toute l’Inde confirmait maintenant qu’ils l’avaient été — alors les Indiens de l’armée indienne britannique devaient avoir été du mauvais côté. Cela fit lentement prendre conscience au gouvernement de l’Inde que la colonne vertébrale du pouvoir britannique, l’armée indienne, ne pourrait plus longtemps être digne de confiance. Le fantôme de Subhas Bose, tel le père de Hamlet, parcourait les fortins du Fort Rouge (là où les soldats de l’INA avaient été jugés), et sa figure soudain grandie terrifia la conférence qui devait mener à l’indépendance.

    Hormis les historiens révisionnistes, ce fut Lord Clement Atlee — le Premier Ministre britannique qui accorda l’indépendance à l’Inde — lui-même, qui donna un coup fracassant au mythe que cherchaient à perpétuer les historiens officiels, selon lequel Gandhi et son mouvement avaient mené le pays à la liberté. Le Juge P.B. Chakrabarty de la Haute Cour de Calcutta, qui avait également servi comme Gouverneur du Bengale de l’Ouest, révéla ce qui suit dans une lettre adressée à l’éditeur du livre du Dr R.C. Majumdar, Une Histoire du Bengale. Le Juge écrivait :

    Vous avez rempli une noble tâche en persuadant le Dr Majumdar d’écrire cette histoire du Bengale et de la publier … Dans la préface du livre, le Dr Majumdar a écrit qu’il ne pouvait pas accepter la thèse que l’indépendance de l’Inde fut obtenue seulement ou en grande partie par la campagne de désobéissance civile non-violente de Gandhi. Lorsque j’étais Gouverneur en exercice, Lord Atlee qui nous avait donné l’indépendance en procédant au retrait britannique de l’Inde, passa deux jours dans le palais du Gouverneur à Calcutta pendant son voyage en Inde. A cette époque, j’eus une discussion prolongée avec lui au sujet des raisons réelles qui avaient conduit les Britanniques à quitter l’Inde. Ma question directe fut que depuis que la campagne « Quittez l’Inde » de Gandhi avait cessé depuis déjà quelque temps et qu’en 1947 aucune nouvelle situation de ce genre n’était survenue qui aurait nécessité un départ britannique hâtif, pourquoi durent-ils partir ? Dans sa réponse Atlee cita plusieurs raisons, la principale d’entre elles étant l’érosion de la loyauté envers la Couronne britannique dans le personnel de l’Armée indienne et de la Marine, en résultat des activités militaires de Netaji. Vers la fin de la discussion je demandai à Atlee quelle importance avait eu l’influence de Gandhi sur la décision britannique de quitter l’Inde. En entendant cette question, les lèvres d’Atlee se plissèrent en un sourire sarcastique, et il laissa tomber lentement : « mi-ni-ma-le ! »

    (extrait d’un article de Ranjan Borra, dans le Journal of Historical Review, hiver 1982)

    « … B.G. Tilak a joué un rôle de tout premier plan pour protéger son peuple de l’acculturation occidentale et qu’il fut le principal catalyseur de la lutte pour l’indépendance avant Gandhi. (…) A là différence de Gandhi, B.G. Tilak n’allait pas chercher ses références en dehors de la tradition à laquelle il appartenait. Il était d’ailleurs reconnu comme le représentant incontesté de l’orthodoxie hindoue au sein du parti du Congrès qu’il avait contribué à transformer, du club politique favorable aux Anglais qu’il était à l’origine, en un instrument de combat contre la puissance coloniale. C’est lui qui, le premier, lança l’idée du swaraj, ainsi que de nombreuses formes d’action reprises par son successeur : boycottage du service du gouvernement, refus de payer l’impôt, jeûnes, swadeshi (achat de produits indiens), etc ; il admettait cependant la révolte armée. Principal animateur du parti du Congrès avant que Gandhi n’entre en scène, il mourut le 1er août 1920, le jour où Gandhi lança son premier Satyagraha (action non-violente) qui se solda d’ailleurs par un échec (connu sous le nom de ‘massacre d’Amritsar’).

    Nombreux, en effet, sont ceux en Europe qui considèrent Gandhi comme un authentique représentant de l’hindouisme, alors qu’en fait son retour, la quarantaine passée, à la religion de ses pères (qui étaient jaïnistes) était davantage motivé par les nécessités de l’action politique que par conviction ou fidélité. Il s’appuyait en effet sur des écrivains aussi divers que Tolstoï, Carlyle, Rousseau, Emerson, pour ne citer que les principaux, et il ne faut pas oublier non plus qu’il faillit se convertir au christianisme à deux reprises. Gandhi avait, contrairement à Tilak, l’appui de la grande bourgeoisie occidentalisée, et c’est ce qui fit sa fortune politique. Par l’image du moine errant (sadhou) ou du renonçant, qu’il s’était donnée, Gandhi se plaçait de fait en dehors des voies du pouvoir, comme d’ailleurs en dehors de la société indienne. Le titre honorifique qui était le sien, ‘Mahatma’, était purement spirituel et n’impliquait rien de temporel. Par contre, la conscience populaire avait décerné à Tilak deux titres de souveraineté : ‘Lokamanya’, c’est-à-dire ‘honoré par le monde entier’, et ‘Maharaj’ (‘grand roi’) ; le premier mettant l’accent plus sur sa renommée religieuse et culturelle, le second sur sa renommée politique. C’est qu’en effet B.G. Tilak est une incarnation de l’idéal aryen de souveraineté en ce qu’il réalisa en lui-même et dans sa vie une synthèse du brahmane et du kshatriya, ou en des termes plus proches de nous, du prêtre et du guerrier. »

    (Jean Rémy, introduction à la réédition du livre de B.G. Tilak : Origine polaire de la tradition védique, Archè 1979)

    « L’usage fait par le Mahatma Gandhi de la théorie de la non-violence comme arme politique n’a rien à voir avec la tradition hindoue. La non-violence est une technique de perfectionnement strictement individuelle. Elle ne peut servir à des fins politiques et ne peut avoir de place dans le gouvernement des Etats. Toute la Bhagavad Gita est en fait une leçon donnée à Arjuna qui voulait renoncer à la violence et manquer ainsi à son devoir de prince et de soldat. Gandhi a été en fait, grâce à ses théories sur la non-violence, l’instrument de massacres à une échelle presque sans précédent historique, qui ont précédé et suivi la division de l’Inde qu’il avait acceptée. »

    (Alain Daniélou, Les Quatre Sens de la vie, Editions du Rocher, 1992)

    « On a appelé Gandhi le Mahatma, c’est-à-dire ‘la grande âme’. C’était certainement un être humain tout à fait exceptionnel ; mais la philosophie de Gandhi était totalement inadaptée à l’Inde, car ses idéaux formaient un mélange de catholicisme exalté et de socialisme tolstoïen, deux qualités qui appartiennent beaucoup plus à l’Occident qu’à l’Inde. Les aspirations qu’il eut pour l’Inde non seulement n’aboutirent à rien, mais firent quelquefois un tort considérable à ce pays, qu’il aimait plus que tout. Pour comprendre Gandhi, il faut donc comparer ses aspirations et les résultats qui en découlent aujourd’hui. (…) Le Mahatma fit beaucoup pour l’Inde. Mais s’appliqua-t-il à l’essentiel ? Il promut le rouet au rang de devoir sacré, il passait lui-même plusieurs heures par jour à filer le coton. (…) Nulle part le grand moralisme chrétien de Gandhi ne trouva meilleure expression que dans son attitude envers le sexe … pour résoudre le problème démographique en Inde, qui annihile tous les progrès que ce pays a faits depuis cinquante ans, Gandhi préconisait l’abstinence et était contre toute forme de contraception. Mais le Mahatma pensa-t-il une seconde à toutes les femmes indiennes qui doivent subir des avortements douloureux et humiliants ? Et comment peuvent-elles persuader leurs maris de s’abstenir sexuellement lorsqu’elles sont fécondes ? Pourquoi, d’autre part, imposer aux autres ce qu’il pratiquait lui-même ?
    (…) Pour le monde entier, Gandhi est synonyme de non-violence … Mais avait-il compris, demandent ses critiques, que la non-violence fait quelquefois plus de mal que la violence elle- même ? Que la violence peut être dharma [devoir], que le devoir de défendre son pays, ses femmes et ses soeurs contre les agresseurs ? (…) Gandhi ne semble pas avoir réalisé non plus l’ampleur du danger que le nazisme représentait pour l’humanité. Il appela Hitler, l’homme qui tua six millions de Juifs, ‘mon frère bien-aimé’ et conseilla aux Juifs d’utiliser la non-violence face à l’extermination hitlérienne. Cette innocence frise la crédulité criminelle.

    Finalement, il faut le dire, quelle que soit la sainteté de Gandhi, sa rigidité morale … et son ascétisme firent un mal énorme à l’Inde, en particulier dans sa manière d’approcher la question des intouchables et des musulmans. Il fallait toujours qu’il cède devant les exigences de ces derniers, et il refusait obstinément de voir que les musulmans étaient toujours à l’origine des émeutes, les hindous ne faisant que répondre. Il professait une indulgence sans bornes envers Jinnah, à qui il proposa même de devenir le Premier ministre de l’Inde, alors que les musulmans ne constituaient que 11% de la population. Quand à l’amour de Gandhi pour les harijans, les ‘enfants de Dieu’, comme il les appelait, il était très touchant, mais parfaitement inefficace.(…) Vous avez dit non-violence ? Mais Gandhi fit la plus grande violence à son corps en jeûnant toute sa vie pour soumettre les autres à sa volonté. Il y avait là non seulement un élément très chrétien de mortification, mais aussi un chantage auquel personne n’osa résister. ‘Il est hors de doute’, écrit Alexandra David-Neel, ‘que l’attitude préconisée par Jésus domine moralement de très haut le caractère affecté et théâtral des jeûnes du Mahatma …’. »

    (François Gautier, Un autre regard sur l’Inde, Editions du Tricorne, 2000)

  • Revenons sur la question de la durée chez Bergson :

    « Tout résumé de mes vues les déformera dans leur ensemble et les exposera, par là même, à une foule d’objections, s’il ne place de prime abord et s’il ne revient pas sans cesse à ce que je considère comme le centre même de la doctrine : l’intuition de la durée. »

    Lettre de Bergson à Harald Hoffding, 1916

    Bergson affirme même que cet « élan », ce « courant » psychologique humains vers la perception de la durée est « radicalement distinct de la matière ».

    Donc la matière ne percevrait pas la durée ?

    Ainsi, le noyau instable, qui se décompose au bout d’une durée statistiquement fixée, ne percevrait pas la durée ?

    Ainsi, l’étoile qui décompose son hydrogène et son hélium et passe ensuite à une transition brutale ne « percevrait » pas la durée.

    Ainsi, ce qui distingue la matière dite « réelle » de la matière dite « virtuelle » du vide, qui est le fait que le virtuel est éphémère, ne percevrait pas la durée ?

    Ainsi, la lumière qui est déterminée par sa fréquence, c’est-à-dire un nombre de pulsations par durée écoulée, ne percevrait pas la durée ?

    Ainsi, le temps de l’Univers, qui fait que toute structure est éphémère, ne percevrait pas la durée.

    Ainsi, la Terre, qui détruit progressivement toute structure à sa surface, ne percevrait pas la durée.

    Citons encore Bergson :

    « Tout se passe comme si un large courant de conscience avait pénétré dans la matière. »

    (Bergson, « Evolution créatrice »)

    En somme, Bergson, avec son élan psychologique de la durée, pense avoir découvert non seulement le propre de l’homme mais le propre de la conscience humaine, la preuve de sa particularité qui l’opposerait diamétralement à la matière, la preuve de la dualité, de l’existence de deux mondes : corps et esprit !

    Et ce n’est pas seulement deux mondes mais un combat entre eux, du fait de « la résistance que la vie éprouve de la part de la matière brute » !

    L’homme serait, selon Bergson, « une forme d’existence plus vaste et plus haute » !! C’est trop d’honneur !

    La matière, pour Bergson, dépendrait d’un « pur mécanisme » auquel il attribue d’étonnantes propriétés :

    « Considérer l’avenir et le passé comme calculables en fonction du présent, et prétendre ainsi que tout est donné. »

    « Le temps devient ainsi inutile. »

    (Bergson, « Mécanisme et Finalité »)

    « De sorte qu’en dernière analyse l’homme serait la raison d’être de l’organisation entière de la vie sur notre planète. »

    (Bergson, « Evolution créatrice »)

    Et dans le même ouvrage :

    « L’homme est le terme et le but de l’évolution. »

    Et de glorifier l’homme par rapport à l’animalité, du fait de « la maîtrise de la matière inerte », de « l’élan vital », de « la perception de la durée », du « noyau lumineux que nous appelons intelligence », « l’intelligence seule capable de chercher ».

    Bien entendu, chez Bergson, aucune « intelligence » de la matière « inerte », (tout e idée de dynamique de la matière dans le temps est exclue comme toute histoire de l’Univers « dans le temps » !), totale opposition entre inerte et vivant, comme dichotomie absolue entre homme et animal ! Que dire donc des hominidés précédents, des singes et autres animaux ? Que dire des dauphins ? De la matière brute ?!!!!

  • Non-violence, un mythe...

    LETTRE OUVERTE AUX MILITANTS ET MILITANTES D’EXTINCTION REBELLION

    Ami-e-s, camarades,

    Lorsqu’une branche indépendante de XR s’est formée en France, nous avions quelques doutes vis-à-vis de votre mouvement.

    Bien évidemment, nous avons été impressionné-e-s par l’ampleur des actions de désobéissance civile au Royaume-Uni, notamment les blocages spectaculaires et joyeux de monts à Londres. Nous avons observé l’enthousiasme naissant parmi les jeunes et les moins jeunes, ayant pris la décision de reprendre leur avenir, et celui de toutes les espèces vivantes, en main, afin de recréer du lien social là où il n’y avait auparavant que l’aliénation du monde marchand.

    Toutefois, l’appel à se faire arrêter en masse—alors que la détention n’implique pas les mêmes risques pour tou-te-s—et la hiérarchie rigide du mouvement au Royaume-Uni nous interpellaient à juste titre et mettaient à mal nos convictions, ainsi que notre croyance en une horizontalité, inclusivité et intransigeance nécessaires pour un mouvement de révolte.
    Cela n’empêche qu’au cours des derniers mois, vous ayant vu-e-s garder votre calme même lorsque vous avez été aspergé-e-s de gaz lacrymogène au visage, en étant assis-e-s tranquillement sur le Pont de Sully ; vous ayant côtoyé-e-s sur les lieux de nombreuses actions (et au camp d’été de XR*) ; et ayant lutté à vos côtés lors de la « Dernière occupation avant la fin du monde » : nous étions heureux-ses de devenir vos camarades.
    Ce n’est donc pas en tant qu’adversaires, ou critiques acerbes tirant un plaisir particulier du fait de dénigrer tout ce qui ne leur paraît pas être assez radical, que nous nous adressons à vous aujourd’hui.

    C’est plutôt en tant que celles et ceux, qui ayant noué des liens avec vous, sommes préoccupé-e-s par la tournure que pourrait prendre votre mouvement et qui, nous le craignons fort, enterrerait toute convergence réelle entre les divers mouvements sociaux se battant pour un monde plus juste et le mouvement écolo en France. Pourquoi des paroles si alarmantes, demanderez-vous ?

    Malgré l’atmosphère festive des premiers jours de la Rébellion Internationale d’Octobre, certaines des attitudes militantes et de leursmodes de fonctionnement nous interpellent, voire nous indignent. Nous considérons essentiel que ces questions précises puissent être réglées sincèrement et de bonne foi, pour nous permettre de continuer à nous allier de plein gré et sans sacrifier nos principes contre la morbidité omniprésente.

    Les voici :

     Banalisation des violences policières -

    Commençons par ce qui nous semble être le plus grave.
    Le week-end dernier, Ibrahima, un jeune de Villiers-le-Bel a trouvé la mort en percutant un poteau près du site d’une interpellation policière. Tous les faits entourant cette tragédie ne sont pas encore connus, mais des témoins parlent d’un camion de police lui barrant la route, ce qui l’aurait mené à perdre le contrôle de son véhicule.

    Les jeunes des quartiers populaires et des banlieues ont profondément intégré la peur des forces de l’ordre. En effet, l’État (capable d’humilier en forçant à s’agenouiller 200 collégiens de Mantes-la-Jolie ; effectuant régulièrement des contrôles au faciès ; brutalisant des personnes racisé-e-s ;menant des rafles contre les sans-papiers) voit dans les populations non-blanches une catégorie dispensable contre laquelle toute violence est légitime, car elles sont considérées a priori coupables. Si les témoignages des jeunes de banlieue et des quartiers populaires ne suffisent pas, l’enquête anthropologique de Didier Fassin (« La Force de l’ordre ») montre que la violence des forces de l’ordre contre les habitant-e-s des banlieues s’exerce quotidiennement.

    La police est donc une institution intrinsèquement violente. On ne peut même pas imaginer un début de convergence avec nos camarades racisé-e-s (Gilets Noirs, Comité Adama, ou autres collectifs ripostant à la violence raciste et xénophobe de l’État français) sans mettre en avant cette problématique.

    A la suite des quartiers populaires, depuis 2016, c’est tout le mouvement social qui subit systématiquement cette répression armée. Rappelez-vous la loi Travail ; rappelez-vous les Gilets Jaunes ; rappelez-vous la dernière marche Climat. Les images d’une police déchainée, lançant grenades et flashballs au hasard dans la foule, ont fait et continuent de faire le tour du monde.

    Pourtant, quelques jours après le puissant discours d’Assa Traoré devant l’Italie 2 occupé samedi dernier, après avoir vécu 17 heures avec des GiletsJaunes dans le centre commercial, nous étions profondément choqué-e-s, mardi matin, en découvrant l’image d’une banderole « uni-e-s contre toutes les violences » ; un soi-disant compromis entre la condamnation des violences policières et le deuil des policiers tués à la Préfecture la semaine dernière.
    Dès qu’un policier décède, toute la France est en deuil. Dès qu’un-e jeune meurt sous les coups de la police, dès qu’un-e manifestant-e perd un œil, l’État sort des communiqués expliquant qu’il n’est jamais responsable. Et de la part d’un mouvement écologiste qui a trop vite oublié Rémi Fraisse tué sur la ZAD de Sivens par la gendarmerie en 2014 (dont le procès se tient à Toulouse ce 10 octobre 2019, avec la présence d’une cinquantaine de militant-e-s), un mouvement se voulant socialement inclusif mais qui refuse de reconnaître la souffrance et la rage des quartiers populaires, ou de se souvenir que certain-e-s ont été mutilé-e-s et incarcéré-e-s pour s’être rebellé-e-s pendant les Gilets Jaunes : pas même un mot, pas une pancarte commémorant Ibrahima et les autres victimes des violences policières ?
    Plus généralement, se revendiquer « uni-e-s contre toutes les violences » est indécent et profondément violent.

    Parce que, en mettant toutes les violences sur le même plan, vous affirmez (sans même forcément le vouloir) un principe d’équivalence entre toutes les utilisations de la violence. Ainsi, la « violence » que vous imputez aux autres méthodes d’action militante peut être comparée, en droit, selon vos dires, à celle d’une personne par quatre fois meurtrière.
    Vitrines brisées et couteaux tirés sont donc mis en fin de compte dans le même panier. Ce qui est fort dommageable, en plus d’être fallacieux, vous en conviendrez. D’autre part, vous refusez d’observer des différences entre les utilisateurs de la violence. Violences conjugales et une femme accablée qui tue son compagnon abusif ? Même chose selon cette logique. La BAC qui matraque ; les CRS qui gazent ; la police qui embarque ; les gendarmes qui contrôlent au faciès ; qui frappent au faciès ; qui tuent au faciès ; et les habitant-e-s des quartiers dits « populaires » ou les manifestant-e-s qui se défendent ; qui ripostent ; qui s’énervent ; qui frappent : toutes ces formes de violence sont à évaluer strictement de la même manière ?
     Violence invisible de la non-violence dogmatique -

    Il y a, dans le dogmatisme non-violent, une violence insidieuse – parce qu’inaperçue – qui se loge. Il s’agit de la même violence que celle qu’on oppose quotidiennement à tou-te-s les opprimé-e-s, celle qui se pense légitime. S’il semble aller de soi maintenant que l’État et ses structures de contrôle ont le « monopole de la violence légitime », il faudrait compléter ainsi ce lieu commun : les privilégiés et les dominants étendent sans cesse ce monopole en désignant – c’est-à-dire en dénonçant – ce qu’est la violence, à leurs yeux. Elle est le propre des « casseurs », des « agitateurs professionnels », de toutes ces personnes qui font tout sauf ce qu’on exige d’elles. Fondamentalement, est jugé « violent » tout ce qui échappe aux structures de contrôle.

    C’est pourquoi la non-violence jusqu’au-boutiste et intolérante peut être dangereuse. Comme ce qu’elle prétend combattre, elle est excluante, méprisante, produite dans un environnement privilégié qui n’a pas affaire directement à la menace policière et à la machine infernale du monde social ; bref : elle en devient violente. Elle ne se renverse pas dans son contraire ; elle est son contraire, par nature, et ce sans le vouloir ni s’en rendre compte.

    Et n’oublions pas que derrière chaque affirmation générale de ce genre,diluant les revendications de celles et ceux qui subissent des oppressions quotidiennes, se cache une invisibilisation des luttes : un faux compromis bâti sur la nécessité des opprimé-e-s de se taire à propos de leurs expériences vécues. Un « All Lives Matter » qui sert à taire « Black Lives Matter » ; qui oublie que pour nos institutions sociales certaines vies comptent déjà plus que d’autres.

    Et comment expliquer l’effacement du tag « Castaner m’a éborgné », sinon comme un crachat à la figure des classes populaires sortant dans la rue, depuis des mois, en gilet jaune ?

    Le manque d’inclusivité du cadre d’action envers les classes populaires

    Bien que l’on sache que les militant-e-s XR sont nombreux-ses et divers-es, certaines pratiques militantes paradoxales desservent radicalement la lutte. D’une part, il y a l’interdiction d’apporter de l’alcool sur les lieux des occupations prévues pendant la RIO. De l’autre, comme on a pu l’observer à celle du Châtelet, certain-e-s membres de XR boivent des coups, pendant la journée ou la soirée, aux terrasses des bars entourant la place. Loin de nous la volonté de chercher la petite bête, de décrédibiliser l’occupation ou de crier au loup.
    On entend la difficulté de la tâche consistant à apaiser et à prévenir les tensions pouvant naître de l’ébriété. Cependant, honnêtement, comment voir dans cette dissonance autre chose que du mépris de classe ? Le consensus incluait-il aussi la mention « faites ce qu’on dit, mais pas ce qu’on fait » ? Ce sont ces petits détails, pouvant paraître insignifiants, qui creusent les écarts entre les êtres vivants et discriminent. Il ne s’agit pas là, il est important de le redire, de condamner, mais d’alerter. Les gilets oranges (c’est-à-dire les « peacekeepers ») de l’occupation, assurément, s’occupent plus souvent des propriétaires de canettes de bière que des autres consommateur-rice-s. À nouveau, c’est sourdement que la violence s’immisce.
    De plus, un mouvement opposé à la marchandisation du vivant semble exercer dans ce cas précis une forme de privatisation symbolique d’une place auparavant publique : on nous interdit désormais d’amener ne serait-ce qu’une canette de bière sur la place du Châtelet, de la même manière qu’on nous y interdit de faire des tags.

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