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Il y a cent ans, la première guerre mondiale (1914-1918) démarrait. Oui, mais pour quelle raison ?

mardi 18 février 2014, par Robert Paris

« On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels et des banquiers ! »

Anatole France

Lire ici : Il y a cent ans, la première guerre mondiale (1914-1918) démarrait. Oui, mais pour quelle raison ?

Alors qu’une nouvelle chute du capitalisme nous prépare de nouveaux lendemains guerriers, les cent ans de la première guerre mondiale méritent qu’on se penche sur cette période…

Bien des historiens se contentent de rapporter l’enchaînement des faits qui ont mené à l’entrée en guerre ce qui laisse entendre que les classes dirigeantes ont été prises par le déroulement comme par une fatalité dont ils n’auraient pas pu sortir sans jamais avoir l’intention d’entrer dans la guerre mondiale. Ils auraient été piégés par les alliances contractées auparavant. Ensuite les mêmes historiens rapportent en détail les faits de guerre sans jamais s’interroger sur les raisons profondes d’une telle boucherie mondiale. Ils ne s’interrogeront pas davantage sur ce qui va l’arrêter. Cela n’a rien d’étonnant. En effet, la raison de son démarrage provient de la révolution et sa fin est due à la révolution… Les classes dirigeantes européennes ont choisi la guerre mondiale pour échapper à une menace des travailleurs et des peuples, menace révolutionnaire liée à la crise économique passée dont ils n’étaient pas sortis et à la crise nouvelle qui venait. Ils ont ainsi détourné une révolution sociale et l’ont retardée mais elle est revenue en boomerang et les a obligés à arrêter la guerre. Ils ont failli y perdre le pouvoir. La vitalité sociale et politique des classes bourgeoises était tellement affaiblie que sans les dirigeants du mouvement ouvrier réformiste, ils ne s’en seraient pas sortis ! Ils ont d’ailleurs fait appel à eux dès le début de la guerre et plus encore à sa sortie pour écraser la révolution prolétarienne. La guerre n’est pas seulement la continuatrice de la guerre économique mais aussi de la lutte des classes...

Bien des historiens se contentent de rapporter l’enchaînement des faits qui ont mené à l’entrée en guerre ce qui laisse entendre que les classes dirigeantes ont été prises par le déroulement comme par une fatalité dont ils n’auraient pas pu sortir sans jamais avoir l’intention d’entrer dans la guerre mondiale. Ils auraient été piégés par les alliances contractées auparavant. Ensuite les mêmes historiens rapportent en détail les faits de guerre sans jamais s’interroger sur les raisons profondes d’une telle boucherie mondiale. Ils ne s’interrogeront pas davantage sur ce qui va l’arrêter. Cela n’a rien d’étonnant. En effet, la raison de son démarrage provient de la révolution et sa fin est due à la révolution… Les classes dirigeantes européennes ont choisi la guerre mondiale pour échapper à une menace des travailleurs et des peuples, menace révolutionnaire liée à la crise économique passée dont ils n’étaient pas sortis et à la crise nouvelle qui venait. Ils ont ainsi détourné une révolution sociale et l’ont retardée mais elle est revenue en boomerang et les a obligés à arrêter la guerre. Ils ont failli y perdre le pouvoir. La vitalité sociale et politique des classes bourgeoises était tellement affaiblie que sans les dirigeants du mouvement ouvrier réformiste, ils ne s’en seraient pas sortis ! Ils ont d’ailleurs fait appel à eux dès le début de la guerre et plus encore à sa sortie pour écraser la révolution prolétarienne. La guerre n’est pas seulement la continuatrice de la guerre économique mais aussi de la lutte des classes...

Curieusement, lors de l’entrée en guerre, on n’a pas eu de diffusion d’explications sur les buts de guerre ni même sur les causes autres que des insultes aux peuples des pays ennemis. Le dernier poilu français vivant Lazare Ponticelli déclarait : « Tous ces jeunes tués, on ne peut pas les oublier. Je tire sur toi, je ne te connais pas. Si seulement tu m’avais fait du mal… Cette guerre, on ne savait pas pourquoi on la faisait. On se battait contre des gens comme nous." Les gouvernements ne parlent pas, dans la première phase de la guerre, des buts de guerre que de manière générale, en parlant d’honneur, de gloire, de patrie, et cela jusqu’en 1917 ; ils se consacrent plus volontiers à rallier l’opinion publique à l’idée de victoire. Les buts de guerre détaillés sont secondaires, seul le caractère héroïque de la guerre compte. De toutes manières, les buts de guerre ne sont pas exactement identiques aux causes de celle-ci comme on va le voir ensuite.

« L’histoire dira un jour, en toute vérité, que la France, qui avait depuis quarante-quatre ans les meilleures, les plus puissantes, les plus légitimes raisons de faire la guerre, a refoulé dans son cœur les sentiments qui devaient l’y pousser et n’a reculé devant aucun sacrifice, si ce n’est celui de son honneur, pour assurer le maintien de la paix. » disait un journal patriotard (La Chronique de la Quinzaine) mais il ne développait nullement les puissantes et meilleures (!) raisons en question ni n’expliquait pourquoi avoir attendu 44 ans et pas plus d’années ou moins...

Des motifs officiels de l’entrée en guerre, des justifications développées par la suite, la première guerre mondiale en a eu de multiples et qui sont parfois contradictoires ou même absurdes (de la pure propagande) :

 les opinions publiques auraient été chauffées par de nombreux incidents rappelant des situations cuisantes pour le patriotisme national. Mais les classes dirigeantes n’ont jamais suivi les opinions publiques : elles les ont plutôt fabriqué à leur convenance. L’ennemi héréditaire anglais s’était transformé en allemand par exemple...

 l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche à Sarajevo mais l’assassin n’appartient à aucune nation importante qui sera engagée dans le conflit... L’attaque de la Serbie par l’Autriche n’est nullement justifiée par un attentat d’un terroriste nationaliste serbe qui n’est pas commandité par le pouvoir. L’entrée en scène des autres puissances n’était nullement fatale, s’il n’y avait d’autres raisons plus générales aux impérialismes et plus fondamentales que les alliances des grandes puissances, les unes avec l’Autriche et les autres avec la Serbie.

 la reconquête par la France de l’Alsace-Lorraine, contestée depuis le dernier conflit européen de 1870. Mais justement, cela faisait 44 ans que la situation perdurait et on ne voit pas pourquoi le conflit reprendrait justement en 1914, sans aucun événement local l’expliquant...

 les revendications italiennes sur des territoires de l’empire austro-hongrois mais, justement, l’Italie tarde à se décider d’entrer dans la première guerre mondiale et ne va pas suivre immédiatement la France et l’Angleterre qu’elle ne rejoindra sur les champs de bataille qu’en mai 1915...

 certains auteurs mettent en avant le dynamisme démographique de l’Allemagne face au manque de dynamisme démographique de la France qui pousserait cette dernière à ne pas attendre un changement défavorable du rapport des forces.

 des facteurs psychologiques sont soulignés comme l’influence des officiers prussiens, côté allemand, ou les tendances politiques revanchardes des partis politiques français.

 le bellicisme allemand, disent certains auteurs français, et, bien entendu, le bellicisme français, disent certains auteurs allemands. Chacun rejette la faute sur l’autre pour l’entrée en guerre et donc affirme que la guerre est absurde tout en disant que, de son côté, la guerre est juste et patriotique mais les peuples ne voient pas ces contradictions. "La catastrophe de 1914 est d’origine allemande. Il n’y a qu’un menteur professionnel pour le nier" affirme Georges Clemenceau, dans "Grandeurs et misères d’une victoire". L’Allemagne a bie entendu le discours exactement symétrique. On est souvent à la limite de la dispute de cour de récréation : c’est lui qui a commencé alors qu’en réalité, depuis des années, les deux pays se préparaient ouvertement à la guerre. Ce n’est donc pas un incident de frontière ou un mauvais geste involontaire.

- la question des différends coloniaux est déjà plus sérieuse mais elle justifierait aussi bien (et même mieux) un conflit entre la France et l’Angleterre (à cause de l’Egypte, du Soudan par exemple) ou entre la France et l’Italie (à cause de la Tunisie) mais il est vrai que le capitalisme allemand dynamique lorgne sur les colonies de ses voisins impérialistes… La France, l’Angleterre et la Belgique se partagent l’Afrique. L’Asie aussi est sous la coupe européenne. L’Allemagne, sauf en de rares endroits comme au Cameroun, Namibie, Tanzanie et Togo ne peut obtenir de zones d’influence dans les colonies. L’Allemagne lorgne notamment sur le Maroc… Et les crises diplomatiques de 1905 et 1911 l’ont montré. Cela suffit-il à justifier une grande guerre européenne plutôt que des tractations au sommet et des jeux diplomatiques ?

Des nations impérialistes concurrentes ont nécessairement et en permanence des motifs graves de discorde mais elles n’entrent pas en guerre souvent. Elles ne le font que si des motifs généraux au capitalisme les y pousse et pas seulement des motifs de concurrence…

 les appétits territoriaux des uns et des autres sont souvent mis en avant comme cause de guerre. On a déjà cité l’Alsace-Lorraine pour la France et les colonies pour l’Allemagne. Dans l’empire austro-hongrois, où pas moins de quarante peuples cohabitent, les velléités séparatistes sont nombreuses, liées à l’éveil des minorités nationales (Bohême, Croatie, Slavonie, Galicie, etc.) qui se manifestent depuis 1848. L’Empire ottoman, déjà très affaibli, est ébranlé par la révolution des Jeunes-Turcs en 1908. L’Autriche-Hongrie en profite pour mettre la main sur la Bosnie-Herzégovine voisine et désire continuer son expansion dans la vallée du Danube, jusqu’à la mer Noire, ou, du moins, maintenir le statu quo hérité du traité de San Stefano et du traité de Berlin. En Serbie, le nouveau roi, Pierre Ier envisage la formation d’une grande Yougoslavie, regroupant les nations qui appartiennent à l’empire austro-hongrois. Dans les Balkans, la Russie trouve un allié de poids en la Serbie, qui a l’ambition d’unifier les Slaves du sud. Le nationalisme serbe se teinte donc d’une volonté impérialiste, le panserbisme et rejoint le panslavisme russe, récoltant l’appui du tsar à ces mêmes Slaves du sud. Les Balkans, soustraits de l’Empire ottoman, sont en effet l’objet de rivalités entre les grandes puissances européennes. Depuis longtemps, la Russie nourrit des appétits face à l’Empire ottoman : posséder un accès à une mer chaude (mer Méditerranée). Cette politique passe par le contrôle des détroits. Dans cet Empire russe, les Polonais sont privés d’État souverain et se trouvent partagés entre les empires russe, allemand et austro-hongrois. En Allemagne et en Angleterre, dès le début du XXe siècle, l’essor industriel et la remilitarisation se sont accentués et l’Allemagne a des intérêts dans l’Empire ottoman. L’Italie désire s’étendre en Dalmatie, liée historiquement à l’Italie et où l’on parle aussi italien, et contrôler la mer Adriatique, à l’instar de ce qu’a fait la République de Venise, et ce d’autant plus que ses tentatives de conquête d’un empire colonial africain ont échoué après la débâcle d’Adoua en Abyssinie en 1896.

 les appétits concurrents ne suffisent pas à expliquer la guerre mondiale. D’autres annexions n’avaient pas entraîné de guerre mondiale. Par exemple, le 5 octobre 1908, l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie a été obtenue après l’accord de l’Allemagne et l’acceptation de la Russie (conseillant à la Serbie de céder) en échange de concessions dans les détroits. L’accord est accepté par l’Empire Ottoman le 26 février 1909 en échange du sandjak de Novi-Bazar.

Des guerres locales n’ont pas systématiquement entraîné des guerres générales. Par exemple, le 29 septembre 1911, l’Italie déclare la guerre à l’Empire ottoman. Un corps expéditionnaire de 100 000 hommes est constitué. L’Italie entre en guerre en Tripolitaine mais sans entraîner avec elle d’autres puissances européennes. Elle va, suite à des victoires militaires, occuper militairement Tripolitaine, Dodécanèse et Cyrénaïque.

Les crises de concurrence pour les territoires coloniaux mènent généralement à des négociations, comme la « Convention franco-allemande » réglant la seconde crise marocaine, les Allemands obtenant pour leur retrait du Maroc une compensation au Congo, les Français récupèrent le Bec de Canard au Tchad.

- il y avait également les circonstances politiques. En France, toutes les équipes gouvernementales s’étaient archi usées au pouvoir et il devenait impossible de ne pas faire appel à celui qui apparaissait comme un véritable homme d’Etat : Jean Jaurès, sauf qu’on ne savait pas ce qu’il ferait en cas de guerre… Le parti socialiste s’exprimait toujours contre la guerre mais tout le monde savait que, si la guerre était déclarée, il s’alignerait sur la position patriotique et donc sur la défense des intérêts de sa propre bourgeoisie. En Allemagne, également, la bourgeoisie ne peut se contenter de voir le parti social-démocrate gagner en influence politique comme il vient de le faire le 12 janvier 1912 en raflant 34,8 % des suffrages, et 110 sièges au Reichstag où il devient le plus grand parti d’Allemagne. Là aussi, la marche à la guerre assure, au moins momentanément, que la direction du parti social-démocrate bascule vers la défense nationale et s’aligne immédiatement sur les intérêts de la bourgeoisie allemande.

 à côté des causes réelles de la guerre, il y a aussi les buts de guerre. Le 9 septembre 1914, le chancelier Bethmann Hollweg définit avec Kurt Riezler les buts de guerre allemands dans son Septemberprogramm. Depuis la fondation de l’Empire, l’Allemagne veut assurer sa puissance et faire valoir ses revendications d’une politique mondiale. Le programme de septembre est alors axé sur une sécurisation de l’Empire à l’ouest comme à l’est, sécurisation qui passe par l’affaiblissement de la France ; celle-ci doit ainsi perdre son statut de grande puissance et devenir dépendante économiquement de l’Allemagne. La France doit entre autres céder le bassin de Briey ainsi qu’une partie de la côte allant de Dunkerque à Boulogne-sur-Mer. Pour la Belgique, le chancelier prévoit également un large programme d’annexions, Liège et Verviers doivent être annexées à la Prusse et le pays entier doit devenir un État vassal et une province économique allemande. Le Luxembourg et les Pays-Bas doivent également être annexés à l’Allemagne. Pour l’Allemagne, la Russie doit elle aussi être affaiblie, notamment en ce qui concerne l’influence qu’elle exerce sur les pays frontaliers. La puissance allemande en Europe doit également passer par la création d’une union douanière14 regroupant la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, l’Autriche-Hongrie, la Pologne et éventuellement l’Italie, la Suède et la Norvège.

Lénine expliquait dans la préface de "L’impérialisme, stade suprême du capitalisme" :

"La guerre de 1914-1918 a été de part et d’autre une guerre impérialiste (c’est-à-dire une guerre de conquête, de pillage, de brigandage), une guerre pour le partage du monde, pour la distribution et la redistribution des colonies, des "zones d’influence" du capital financier, etc.
Car la preuve du véritable caractère social ou, plus exactement, du véritable caractère de classe de la guerre, ne réside évidemment pas dans l’histoire diplomatique de celle-ci, mais dans l’analyse de la situation objective des classes dirigeantes de toutes les puissances belligérantes. Pour montrer cette situation objective, il faut prendre non pas des exemples, des données isolées (l’extrême complexité des phénomènes de la vie sociale permet toujours de trouver autant d’exemples ou de données isolées qu’on voudra à l’appui de n’importe quelle thèse), mais tout l’ensemble des données sur les fondements de la vie économique de toutes les puissances belligérantes et du monde entier."

 les motifs qui sont souvent invoqués également dans la première guerre mondiale ont trait au rapport des forces entre impérialismes. Ainsi, on souligne que les Allemands auraient intérêt à lancer la guerre avant que la Russie ne se renforce au point d’être capable de les contrer. Les Français et les Anglais, de leur côté, auraient intérêt à la lancer avant que l’Allemagne ne soit trop puissante économiquement et militairement. Etc, etc…On présente ainsi la guerre comme l’aboutissement de la course aux armements. Mais, là aussi, cela ne suffit pas à motiver une guerre mondiale avec tous les risques que cela entraîne, les dépenses et les menaces éventuelles. Ces risques, on va les voir se dessiner chez toutes les puissances vaincues et aussi dans tous les empires où les forces nationales centrifuges se serviront de la guerre pour renverser l’oppression nationale. Mais les risques des questions nationales non réglées vont se catapulter avec les risques révolutionnaires du prolétariat. La guerre mondiale va se transformer à sa fin en guerre civile révolutionnaire, renversant les rois et les bourgeoisies. Les classes dirigeantes ne pouvaient prendre ce risque que si elles estimaient, du fait de l’ampleur de la crise, que le risque révolutionnaire prolétarien était déjà présent et que l’entrée en guerre était une manière de l’éradiquer momentanément en contraignant le mouvement ouvrier au silence à sa base et à l’alignement à son sommet.

Les motifs généraux de guerre mondiale, ce sont donc les limites et les contradictions du système capitaliste. Ce sont les effondrements dus au fonctionnement économique et les risques qu’ils engendrent dans la lutte des classes… Ces risques amènent les classes dirigeantes à se précipiter dans la guerre plutôt que dans la révolution sociale.

Par exemple, la Russie s’est jetée dans la guerre avant toute concertation avec l’Etat français alors que cette concertation faisait partie de son alliance avec la France. Or, la Russie de 1914 est un pays où monte la révolution prolétarienne. Eh oui ! Pas seulement en 1917 mais déjà en 1914... Et déjà, en 1914, pour la première fois en Russie, les bolchéviks sont devenus majoritaires dans la classe ouvrière !

Ce n’est pas seulement la Russie qui était menacée par la montée révolutionnaire mais tous les empires, l’empire austro-hongrois et l’empire ottoman. Les nationalités opprimées et les classes ouvrières menaçaient de s’unir contre cette oppression impériale. La menace plane sur les empires : en 1911, la révolution a renversé déjà la dynastie des Qing en Chine. Le 23 janvier 1913, la révolution contre l’empire Ottoman a lieu. Les « Jeunes-Turcs » prennent le pouvoir par un coup d’État mené par le triumvirat formé par Enver Pacha, Talaat Pacha et Djemal Pacha.

Partout en Europe de l’Est comme dans l’Empire Ottoman ou en Russie, la révolte des nationalités rejoint celle de la classe ouvrière et des paysans pauvres. C’était également le cas des Juifs et de la classe ouvrière des pays d’Europe de l’Est comme la Pologne et la Hongrie. En mars-avril 1907, c’est une révolution paysanne qui a été écrasée dans le sang en Roumanie. En mai 1912 la grève générale et les émeutes ouvrières à Budapest organisées par les sociaux-démocrates en Hongrie ont été violemment réprimées.

Le 14 avril 1913, grève générale en Belgique. L’hiver 1913, il y a à la fois la crise économique catastrophique en Allemagne, des grèves ouvrières violentes au Royaume Uni, des grèves massives en Russie (1,75 million de grévistes de juin 1913 à juillet 1914).
L’Europe ouvrière menace la bourgeoisie. La réplique sera l’entrée en guerre…

La guerre mondiale, ce n’est pas seulement une guerre contre d’autres puissances : c’est une guerre contre les classes ouvrières et les peuples !

La guerre était le résultat d’une aggravation des contradictions du système mondial :

« L’Europe, après la guerre est tombée dans une situation plus pénible qu’avant 1914. Mais la guerre n’a pas été un phénomène fortuit. Ça a été le soulèvement aveugle des forces de production contre les formes capitalistes, y compris celles de l’Etat national. Les forces de production, créées par le capitalisme, ne pouvaient plus tenir dans le cadre des formes sociales du capitalisme, y compris le cadre des Etats nationaux. De là, la guerre. Quel a été le résultat de la guerre pour l’Europe ? Une aggravation considérable de la situation. Nous avons maintenant les mêmes formes sociales capitalistes, mais plus réactionnaires ; les mêmes barrières douanières, mais plus hérissées d’obstacles ; les mêmes frontières, mais plus étroites ; les mêmes armées, mais plus nombreuses ; une dette accrue, un marché restreint. Telle est la situation générale de l’Europe. Si, aujourd’hui, l’Angleterre se relève quelque peu, c’est au détriment de l’Allemagne ; demain, ce sera l’Allemagne qui se relèvera au détriment de l’Angleterre. Si la balance commerciale d’un pays accuse un excédent, la balance d’un autre pays accuse un passif correspondant » (Trotsky, 1926).

Crise économique et première guerre mondiale

La première guerre mondiale est, d’abord et avant tout, un sous-produit de la crise du système capitaliste mondial. Comme la crise de 1929 est la cause directe de la seconde guerre mondiale, la crise de 1907 est la cause directe de la première guerre mondiale…

Quand les classes dirigeantes perçoivent que la dernière crise les a durablement déstabilisés, ils savent que la prochaine sera dangereuse socialement, face à la classe ouvrière… Ils préparent alors la guerre mondiale et développent à la fois leurs armements et leurs armes sociales et idéologiques pour entraîner les peuples dans la boucherie…

La Panique bancaire américaine de 1907, aussi nommée Panique des banquiers, est une crise financière qui eut lieu aux États-Unis lorsque le marché boursier s’effondra brusquement, perdant près de 50 % de la valeur maximale atteinte l’année précédente. Cette panique se produisit au milieu d’une période de récession, marquée par d’innombrables retraits de fonds des banques de détail et d’investissement. La panique de 1907 se propagea à tout le pays, de nombreuses banques et entreprises étant acculées à la faillite. Parmi les premières causes de la crise, on peut citer le retrait de liquidités des banques de New York, la perte de confiance des dépositaires et l’absence d’un fonds de garantie des dépôts.
La crise éclata en octobre après une tentative ratée de corner sur les actions de la compagnie United Copper. Les banques qui avaient prêté de l’argent pour réaliser le corner furent victimes de retraits massifs, qui se propagèrent aux établissements affiliés, causant en l’espace d’une semaine la chute de la société fiduciaire Knickerbocker Trust Company, troisième établissement en importance de ce genre à New York. Cette chute causa une vague de paniques parmi les établissements financiers de la ville lorsque les banques régionales commencèrent à retirer des fonds de New York. La panique gagna bientôt le pays tout entier et les particuliers se ruèrent sur les banques pour retirer leurs dépôts.
La panique se serait accrue si le financier J. P. Morgan n’était pas intervenu en engageant ses fonds propres et en persuadant d’autres banquiers de l’imiter pour soutenir le système bancaire américain. À cette époque, il n’existait pas de banque centrale américaine pour réinjecter des liquidités sur le marché. En novembre, la crise était pratiquement terminée, quand elle repartit de plus belle lorsqu’une firme de courtiers fit un emprunt massif gagé sur les actions de la Tennessee Coal, Iron and Railroad Company (TC&I). La chute des actions de cette compagnie fut évitée par une prise de participation d’urgence de la U.S. Steel effectuée avec l’aval du président Theodore Roosevelt, pourtant farouche opposant des monopoles. L’année suivante, le sénateur Nelson W. Aldrich réunit une commission qu’il présida lui-même pour enquêter sur la crise et préconiser des solutions. Le processus allait aboutir le 22 décembre 1913 à la création de la Réserve fédérale des États-Unis.
La panique de 1907 se produisit lors d’une période de récession prolongée entre mai 1907 et juin 1908. L’interaction entre la récession, la panique bancaire et la crise boursière provoquèrent un déséquilibre économique de taille. Robert Bruner et Sean Carr citent de nombreuses statistiques qui donnent une idée de l’ampleur des dégâts dans The Panic of 1907 : Lessons Learned from the Market’s Perfect Storm. La production industrielle chuta à un niveau sans précédent après une telle crise, et le nombre de faillites en 1907 se classa au second rang des plus hauts jamais enregistrés. La production chuta de 11 %, les importations de 26 %, et le chômage, qui était à moins de 3 %, atteignit 8 %.

Au début de 1907, le banquier Jacob Schiff de Kuhn, Loeb & Co. avait prononcé un discours devant la chambre de commerce de New York qui contenait cet avertissement : « Si nous n’avons pas de banque centrale disposant d’un contrôle suffisant des ressources nécessaires au crédit, ce pays se retrouvera face à la crise financière la plus brutale et la plus grave de son histoire ».
En novembre 1910, Aldrich convoqua une conférence qui fut tenue secrète et rassembla les plus éminents financiers américains ; elle se tint au club de Jekyll Island, au large de la côte de Géorgie ; à l’ordre du jour figuraient les politiques monétaires et le système bancaire. Aldrich et A. P. Andrews (vice-secrétaire du département du Trésor), Paul Warburg (représentant de Kuhn, Loeb & Co.), Frank A. Vanderlip (qui avait succédé à James Stillman comme directeur de la National City Bank of New York), Henry P. Davison (associé principal de la compagnie J.P. Morgan & Co.), Charles D. Norton (directeur de la First National Bank of New York inféodée à Morgan) et Benjamin Strong (représentant J.P. Morgan), élaborèrent le projet d’une banque de réserves nationale (National Reserve Bank).
Morgan apparut d’abord comme un héros, mais bien vite cette image se ternit avec les craintes de voir émerger une ploutocratie et la concentration des richesses entre les mains d’une minorité. La banque de Morgan avait résisté, mais les sociétés fiduciaires qui concurrençaient le système bancaire traditionnel ne pouvaient en dire autant. Certains experts pensèrent que la crise avait été fabriquée de toutes pièces pour ébranler la confiance dans les sociétés fiduciaires au bénéfice des banques. D’autres pensèrent que Morgan avait profité de la crise pour réussir la fusion entre U.S. Steel et TC&I.

En décembre 1907, la crise américaine atteint de plein fouet l’Allemagne. La crise y est due à la croissance excessive de l’économie et amplifiée par la crise américaine. Le chômage grimpe en flèche.

Voici un extrait du journal économique « La Tribune » du 8 novembre 2013 :

« En 1907, une crise financière majeure née aux États-Unis a affecté le reste du monde et démontré la fragilité du système financier international.

Les suites du crash de 1907 ont poussé la puissance hégémonique de l’époque, la Grande-Bretagne, à réfléchir à la façon de mettre sa puissance financière au service de sa capacité stratégique sur la scène internationale. Telle est la conclusion d’un livre important sorti récemment, Planning Armageddon, de Nicholas Lambert, qui étudie la relation entre l’économie britannique et la Première Guerre mondiale. Il y montre comment, dans le cadre d’un jeu stratégique de grande ampleur, la Grande-Bretagne a combiné sur la scène internationale sa prédominance militaire, notamment sur les mers, avec son leadership financier.

Entre 1905 et 1908, l’amirauté britannique avait esquissé le plan d’une guérilla financière et économique contre la puissance montante en Europe, l’Allemagne. La guérilla économique, si elle avait été menée à fond, aurait coulé le système financier de l’Allemagne et l’aurait empêché de s’engager dans un conflit militaire, quel qu’il soit. Quand les visionnaires de l’amirauté britannique ont été confrontés à un rival sous la forme de l’Allemagne du Kaiser, ils ont compris comment le pouvoir pouvait prospérer sur la fragilité financière.
Pour les rivaux de la Grande-Bretagne, la panique financière de 1907 montrait la nécessité de mobiliser les puissances financières elles-mêmes. Les États-Unis, de leur côté, reconnaissaient qu’il leur fallait une banque centrale analogue à la Banque d’Angleterre. Les financiers américains étaient persuadés que New York devait développer son propre système d’échanges commerciaux pour traiter les lettres de change de la même manière que le marché de Londres, et assurer leur monétisation (ou acceptation).

Un personnage central a joué un rôle essentiel pour parvenir au développement d’un marché américain des acceptations bancaires. Il s’agit d’un immigré, Paul Warburg, frère cadet de Max Warburg, un banquier renommé de Hambourg qui était le conseiller personnel du Kaiser Guillaume II d’Allemagne.

Les frères Warburg, Max et Paul, constituaient un tandem transatlantique qui poussait énergiquement à la création d’institutions germano-américaines comme alternative au monopole industriel et financier de la Grande-Bretagne. Ils étaient convaincus que l’Allemagne et les États-Unis étaient des puissances montantes, tandis que la Grande-Bretagne était sur le déclin.

On voit réapparaître aujourd’hui certaines caractéristiques de la situation financière d’avant 1914. Après la crise financière de 2008, les institutions financières semblaient être à la fois des armes de destruction massive sur le plan économique et les instruments potentiels de la mise en oeuvre de la puissance nationale.

En 1907, après une crise financière marquante qui a failli entraîner un effondrement complet du système, plusieurs pays ont commencé à penser la finance avant tout comme un instrument du pouvoir brut qui peut et doit être mis au service de l’intérêt national. Ce genre d’idée a conduit à la guerre de 1914. Un siècle plus tard, en 2007-2008, le monde a subi un choc financier encore plus important qui a enflammé les passions nationalistes. Les stratégies destructrices ne sont peut-être pas loin derrière. »

1914 : Quand les grandes puissances provoquent des guerres pour éviter la faillite…

Bien que ce soit l’un des secrets les mieux gardés de la guerre 1914-18, le Trésor et les finances de l’Empire britannique étaient déjà en faillite au moment où la guerre était déclarée entre la Grande-Bretagne et le Reich allemand.

Si l’on examine la réalité des relations financières des principales parties entrées en guerre, on découvre un arrière-fond extraordinaire de crédits secrets, de plans pour partager les matières premières et la richesse physique du monde entier d’alors, sur la base de crédits par tranches. A ce moment-là, il fut décidé que New York devait être le banquier de l’entreprise !

En effet, la Première Guerre mondiale fut déclenchée quand on s’aperçut que les réserves d’or des pays belligérants ne pouvaient pas financer les hostilités ni garantir la valeur des émissions de monnaie fiduciaire des Banques centrales. Comme la production ne pouvait pas suivre le rythme de ces émissions, il s’ensuivit une dégradation constante de la valeur des monnaies et l’instauration de leur cours forcé, souvent accompagné d’un moratoire. Comme les échanges internationaux se réglaient en or, tout fut mis en œuvre afin d’exiger que les réserves d’or des pays belligérants soient envoyées vers les pays créanciers. Ainsi se déplaçait le centre de pouvoir de l’Europe vers les Etats-Unis ! Bien évidemment, l’ampleur de ces mouvements de capitaux déstabilisa les marchés des changes et freina le commerce international.

Transfert des réserves d’or

A en croire les livres d’histoire populaire, c’est un assassinat serbe qui déclencha les hostilités en tuant à Sarajevo, le 28 juin 1914, l’héritier du trône d’Autriche, l’archiduc François-Ferdinand.. Après un mois de négociations frénétiques, l’Autriche déclara la guerre au petit Etat de Serbie, tenu pour responsable du meurtre. Elle avait été assurée de l’appui de l’Allemagne, au cas où la Russie soutiendrait la Serbie. Le lendemain, le 29 juillet, la Russie donna des ordres de mobilisation à son armée, en préparation de la guerre. Puis le même jour, à la réception d’un télégramme de l’empereur allemand le suppliant de ne pas mobiliser, le tsar Nicolas II annula ses ordres. Le 30 juil­let, le haut Commandement russe persuada le faible tsar de reprendre la mobili­sation. Le 31 juillet, l’ambassadeur allemand à Saint Pétersbourg remit au tsar une déclaration de guerre. Le 3 août 1914, l’Allemagne déclara la guerre à la France et les troupes alle­mandes envahirent la Belgique. Le 4 août, l’Angleterre déclara la guerre à l’Allemagne en invoquant ses engagements envers la protection de la neutralité belge. Répétons-le encore, la décision britannique d’entrer en guerre pour protéger son voisin belge sur le continent intervenait au moment où le Trésor britannique et le Système de la Livre Sterling étaient de fait en faillite. C’est d’autant plus étonnant à la lecture d’une série de mémorandums internes du Trésor britannique, connus désormais des historiens.

En janvier 1914, six mois avant le casus belli de Sarajevo, le chancelier britannique avait demandé à Sir George Paish, haut fonctionnaire du Trésor, de mener une étude exhaustive sur les réserves-or britanniques. Depuis les années 70, la Livre Sterling et la City de Londres représentaient le pivot du système financier et monétaire mondial, de la même façon que New York et le dollar représentent ce pivot depuis 1945 sous le système de Bretton Woods. Le mémorandum confidentiel de Sir George est révélateur de la pensée officielle à Londres à l’époque. Dans son étude, Paish parlait de la sophistication progressive des grandes banques commerciales allemandes depuis les crises des Balkans en 1911-12, ce qui les conduisit à renforcer considérablement leur réserve-or. Paish avertit Lloyd George que tout retrait soudain de fonds hors de Londres pourrait sérieusement entraver la capacité de la nation à collecter l’argent nécessaire pour mener une grande guerre. C’était, rappelons-le, six mois avant Sarajevo. Les paiements en espèces -or et argent- furent suspendus en même temps que l’Acte bancaire de 1844, ce qui mit à la disposition de la Banque d’Angleterre une grande quantité d’or pour faire face aux paiements de nourriture et de matériels militaires. Les Britanniques reçurent à la place des billets de la Banque d’Angleterre comme cours légal, pendant la durée de l’état d’urgence, soit jusqu’en 1925.

Les fondations de la domination britannique instaurée après 1815 pourrissaient déjà à l’époque depuis une cinquantaine d’années. Dans les années 50 du XIX° siècle, la Grande-Bretagne avait été la première puissance industrielle du monde. Mais, notamment à partir de la panique de 1857, les élites britanniques commencèrent à piller systématiquement leur propre économie industrielle ainsi que celle du reste du monde[1]. Après 1857, la politique officielle adoptée par la Banque d’Angleterre consistait à réguler la quantité de réserves-or mondiales, alors basées à Londres, en élevant ou abaissant les taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre, plutôt qu’en traitant les causes sous-jacentes de la stagnation technologique domestique. Donc, à la suite de ce changement politique fondamental, alors que l’or quittait l’Angleterre et mettait en danger les réserves de crédit du pays, la Banque d’Angleterre réagit en haussant ses taux, à commencer par son taux d’escompte bancaire. L’or se mit alors à affluer vers Londres, depuis d’autres centres tels que Paris et New York. Bien sûr, l’investissement dans l’industrie nationale s’effondra et les exploitations agricoles péricli­tèrent en Angleterre. Mais jusqu’à la fin des années 1890, la Grande-Bretagne tenta de compenser cette dévastation en saignant ses colonies, surtout l’Inde, contrôlant les termes d’échanges à l’avantage du pouvoir financier de la City de Londres. La famine, la dépression industrielle et des conséquences semblables de par le monde étaient le fait de ces cercles qui forgeaient les politiques monétaires comme les Barings, les Rothschild[2], les Hambros. Toutefois, jusqu’en 1914, ces manipulations se révélèrent inefficaces[3].

Dès les années 1890, du point de vue du développement technologique et agricole, l’industrie britannique s’était fait amplement dépasser par le reste du monde. Deux nations venaient en tête : l’Amérique et l’Allemagne. Dans les années 1870, 1′Allemagne avait commencé à bâtir sa propre structure bancaire indépendante pour libérer son com­merce extérieur de la finance londonienne. En 1893,1′Allemagne répondit à une panique bancaire provoquée à Berlin en convoquant une commission nationale. Composée de dirigeants de l’industrie, de l’agriculture, du gouvernement et de la banque, elle était représentative de tous les groupes d’intérêt économiques de la nation. Il en résulta des lois strictes imposées aux autres nations industrielles, limitant, voire interdisant le commerce à terme et d’autres formes de spéculation en bourse. Le crédit fut alors orienté vers l’investis­sement, l’agriculture et l’industrie. On développa rapidement la flotte al­lemande de manière à donner au pays un plus grand contrôle sur son propre commerce, brisant le monopole britannique sur les transports marchands. Les machines allemandes, de qualité supérieure, commencèrent à pénétrer les marchés anglais et même américains. La domination de l’Empire britan­nique était menacée. Mais l’Establishment britannique refusa de se rendre à l’évidence en changeant de cap après cinquante années d’une politique industrielle de désinvestissement monétariste[4]. A la place, il se prépara à la guerre pour réorganiser les conditions de fonctionnement de l’économie mondiale[5]. Au lieu de moderniser l’industrie britannique, l’Angleterre se tourna vers ses amis dans la communauté bancaire internationale de New York, et négocia « un très gros prêt ». Londres joua bientôt son va-tout. Son marché à l’investissement le plus important depuis les années 1870 était les Etats-Unis…

[1] C’est encore la même chose aujourd’hui avec les Etats-Unis…

[2] Les Rothschild sont la plus puissante des dynasties de la Banque depuis le XIXème siècle.

[3] C’est précisément ce qui arrive aujourd’hui aux Etats-Unis : malgré les manipulations des statistiques, des taux d’intérêt et des marchés de matières premières, les effets recherchés par les familles bancaires sont de plus en plus réduits dans le temps !

[4] Que s’est-il passé aux Etats-Unis ces trente dernières années ? La même politique de désindustrialisation fut appliquée par la Haute finance… comme s’il était prévu d’engager les Etats-Unis vers une voie sans retour.

[5] En 2007, que s’apprêtent à faire les dirigeants américains pour l’ensemble du Moyen-Orient

Extraits de l’ouvrage de Jacques Delacroix : 1929-2007 des parallèles stupéfiants – Le Pouvoir occulte met Wall Street dans son ligne de mire. - Liesi

L’invasion allemande de la Belgique :

Comme nous le rappellent nos lecteurs, les civils ont été parmi les nombreuses victimes...

Il convient de ne pas l’oublier à l’heure où on glorifie un peu partout la première des horreurs mondiales du capitalisme !

Les populations ont été prises entre deux ou trois feux et accusées par les troupes allemandes d’avoir pris parti contre elles. Elles ont été traitées en ennemies et violemment frappées, souvent mortellement.

La « Bataille de Mons » (23-24 août 1914), eut lieu en milieu urbain, causant de nombreuses destructions dans des agglomérations surpeuplées et semant la misère dans les cités ouvrières.

On remarquera qu’il y a une immense majorité de monuments aux troupes combattantes pour un nombre infime de monuments aux victimes civiles...

Pour lire "Au-dessus de la mêlée" de Romain Rolland : cliquer ici

Portfolio

Messages

  • Jean-Jacques Becker écrit :

    « Un grand historien comme Baptiste Duroselle considérait, à la fin de sa vie, que finalement le mystère de la guerre de 1914 n’avait pas été percé. (« La grande guerre des Français, l’incompréhensible »)

    Mais il est caractéristique que l’ouvrage de Jean-Jacques Becker titrait sur des "responsabilités allemandes", pas de responsabilités françaises !

  • "On a dit aux allemands : ’En avant, pour la guerre fraîche et joyeuse ! Nach Paris et Dieu avec nous., pour la plus grande Allemagne’ Et les lourds allemands paisibles, qui prennent tout au sérieux, se sont ébranlés pour la conquête, se sont mués en bêtes féroces.

    On a dit aux français ’On nous attaque. C’est la guerre du Droit et de la Revanche. A Berlin !’ Et les français pacifistes, les français qui ne prennent rien au sérieux, ont interrompu leurs rèveries de petits rentiers pour aller se battre.

    (...) Vingt millions, tous de bonne foi, tous d’accord avec Dieu et leur Prince... Vingt millions d’imbéciles... Comme moi !"

    "La Peur" (août 14) - Gabriel Chevallier

  • "Cette tranchée toute neuve était ourlée de terre fraîche, comme une fosse commune. C’était peut-être pour gagner du temps qu’on nous y avait mis vivants."

    "Les Croix de Bois" (Avant l’attaque - 1915) - Dorgelès

  • "- Vous avez de bons moments, là-haut ?

    Suffoqué, je regarde ce vieux cornichon blafard. Mais je lui réponds vite, suavement :

     Oh ! oui, monsieur...

    Son visage s’épanouit. Je sens qu’il va s’écrier : "Ah ! ces sacrés poilus !"

    Alors j’ajoute :

     ... On s’amuse bien : tous les soirs nous enterrons nos copains !"

    "La Peur" (en permission) - G. Chevalier

  • « la responsabilité de la guerre incombe à l’Europe tout entière... Si, au lieu de faire une coupe horizontale de l’Europe, on en fait une verticale des classes de la société, on constate que toute la responsabilité repose sur les Cabinets d’Europe et que les peuples sont complètement innocents. »

    Emil Ludwig, dans son ouvrage intitulé "Juillet 1914", paru en 1929

  • Mais la bourgeoisie française, elle n’avait pas elle de raison de craindre une crise révolutionnaire l’amenant à se jeter dans la mêlée d’une guerre mondiale, d’y prendre des risques sociaux et politiques considérables, seulement pour échapper à une révolution prolétarienne ?

  • On peut retrouver une bonne description de la situation sociale et politique à la veille de la première guerre mondiale dans « Les hommes de bonne volonté » de Jules Romains dans son ouvrage « La montée des périls ». Il y décrit un face à face de plus en plus inévitable entre le prolétariat de la banlieue parisienne et la bourgeoisie (ainsi que son Etat) dont j’aimerais bien reproduire des extraits.

  • Extrait de « Les hommes de bonne volonté » de Jules Romains dans son ouvrage « La montée des périls » :

    « Durant un siècle, l’énergie de cette banlieue n’a cessé de croître ; sa valeur vitale ; l’importance qu’elle a pour Paris ; la dépendance où elle le tient. Elle travaille pour lui d’abord, et durement. Elle est le faisceau même des servitudes qu’il suppose et impose ; le lieu des fonctions pénibles, encombrantes, puantes, bruyantes ou basses ; ce que l’on cache ; ce que l’on veut oublier ; ce dont on sait bien qu’on est de moins en moins à même de s’en passer ; l’esclave innombrable qu’on commande sans doute par des ordres qu’on lui donne, mais qui vous commande, lui, par le fait qu’il existe et qu’on ne peut plus vivre sans lui.

    Peu à peu, sans que personne l’eût prémédité, ni même deviné d’avance, la banlieue Nord a vu la vie quotidienne de Paris venir se ramasser sous sa main, et à sa merci ; a vu se rassembler les forces, les substances, les moyens, sans lesquels Paris ne peut absolument pas durer comme ville, ni agir comme capitale.

    Or, en même temps que cette concentration des structures matérielles, il se faisait, à l’intérieur de la masse humaine qui s’agglomérait là pour les servir, une distribution toute nouvelle de la volonté collective et des pouvoirs, un agencement sans précédent des rapports moraux, une organisation à demi souterraine de l’autorité et de l’obéissance. Une discipline ouvrière, émanée de la masse elle-même, sans prétendre supprimer pour le moment la discipline professionnelle émanée du patron, se tenait ainsi derrière, silencieuse et prête ; et si, dans le train-train de chaque jour, elle ne lui disputait pas l’usage ordinaire et purement technique des forces de tous ordres ainsi accumulées, elle se réservait d’en faire un usage solennel, fût-il simplement négatif, dans certains cas critiques, où le tout de l’ordre social serait engagé, le jour, par exemple, où les chefs du prolétariat croiraient devoir créer ou utiliser une situation révolutionnaire.

    (…)

    Octobre 1910 venait d’être une époque d’une grande signification. Préparée dès l’été par un pullulement de grèves locales, annoncée de plus loin par une série de mouvements, d’inspiration syndicaliste, et de tendance révolutionnaire, dont les plus imposants avaient été la grève des postiers de mars 1909, et la grève des inscrits maritimes d’avril et mai 1910, la grève générale, tant de fois décrite par les voyants, ou située par les théoriciens dans le monde excitant des mythes, venait de faire son entrée dans le monde réel.

    Entrée semblable à un ouragan. Du fond du ciel chargé, le souffle accourut soudain, augmentant de violence à chaque heure, faisant trembler tout l’édifice social, donnant à ceux qui y étaient logés un frisson qu’ils ne connaissaient pas.

    Le 10, les cheminots de la Compagnie du Nord déclenchaient la grève. Le 11 et le 12, elle s’étendait à tous les réseaux. Le 15, elle était généralisée, au point d’intéresser la plupart des services dont dépendait la vie de la capitale.

    Pour la première fois, en somme, les deux Pouvoirs, campés l’un vis-à-vis de l’autre, en arrivaient à un véritable corps à corps. (…) Ce n’était pas encore la révolution. C’en était la répétition d’ensemble et éventuellement le prélude. Si les circonstances y aidaient, si les événements, une fois mis en branle, glissaient d’eux-mêmes vers la révolution, on pouvait penser que les meneurs ne feraient pas de grands efforts pour les arrêter sur la pente. (…)

    Paris gouvernementale éprouva soudain, comme une réalité accablante qui périmait les vues de l’esprit, la présence de la banlieue Nord. Il s’aperçut que les ordres venus de lui n’avaient plus la force de franchir la zone des bureaux. (…) La grève, commencée par les chemins de fer, avait gagné bientôt l’ensemble des transports en commun ; puis la production d’énergie. Elle atteignait, directement ou indirectement, l’alimentation. Le pain et le lait manquaient, comme la lumière.

    Paris séculaire, habitué aux vieilles révolutions de rues, sentait avec autant de surprise que d’angoisse cette banlieue récente, maîtresse des machines, qu’il avait laissée croître sans y penser, procéder contre lui non par secousses coléreuses mais par étouffement. (…) De son côté, la banlieue Nord ne mesurait peut-être pas sans stupeur l’événement immobile qu’on lui faisait accomplir. (…) L’attitude des cheminots, soutenus par l’ensemble des travailleurs, déciderait des événements. L’enjeu était démesuré. Il s’agissait du sort de la Société tant immédiat que lointain. Mais l’avenir se trouvait encore engagé sur un autre plan. Depuis quelques années, en effet, le syndicalisme révolutionnaire avait inscrit à son programme un antimilitarisme précis, qui, s’échappant des formules creuses, des condamnations toutes verbales de la paix armée et de la guerre, envisageait contre ces fléaux une action concertée du prolétariat. (…)

    Le 18, les trains remarchaient. La farine, le lait, la viande étaient distribués. En tournant les commutateurs, on voyait s’allumer les lampes. L’ouragan avait duré huit jours.

    • Il faut rappeler que l’ouvrage de Jules Romains développe la thèse selon laquelle l’Etat bourgeois et les classes dirigeantes ont lancé la guerre mondiale pour fuir les risques révolutionnaires prolétariens.

      Ainsi il conclue le chapitre précédemment cité par :

      « Si l’ouragan avait communiqué à Paris, et dans une certaine mesure, à quelques grandes villes, un tremblement pathétique, il avait à peine eu le temps d’être perçu au cœur des provinces… Mais ces huit jours devaient longuement agir par la suite, et même selon des voies peu apparentes ou détournées. Pas un village au fond des provinces, pas un homme, qui ne dût tôt ou tard en ressentir les effets »

      Pas étonnant car les effets, c’est la peur de la bourgeoisie qui la mène à la guerre.

      Le chapitre suivant présente deux grands bourgeois industriels en train de peser les conséquences de la grève des cheminots.

      L’un dit : « Les meneurs n’ont qu’un but : la révolution sociale. Les grèves, les réclamations sur tel ou tel point, c’est pour tenir leurs troupes en haleine… »

      Il s’inquiète et montrant son usine : « Nous nous donnons beaucoup de mal… Ce n’est peut-être pas nous qui utiliserons ce que nous sommes en train de construire…. Je commence à me demander si nous nous en tirerons autrement que par une guerre… »

  • La grève des cheminots de 1910, orchestrée par le Syndicat national des chemins de fer, entend mobiliser la solidarité des travailleurs, mais en appelle aussi au « public », c’est-à-dire à l’opinion que l’on cherche à sensibiliser et même à émouvoir. Cependant, en dépit de son ampleur et de sa durée, la grève échoue et débouche sur une très importante répression (38 000 révocations). -

  • Aristide Briand, qui a cassé la grève, prônait, au début de sa carrière politique, la grève générale. Devenu Président du Conseil, il est cette fois de l’autre côté de la barrière, celui des gouvernants. Le théoricien du « grand soir » doit préserver les intérêts vitaux du pays. Début octobre 1910, les électriciens, les gaziers, les employés du téléphone, cessent progressivement leur activité pour soutenir les cheminots qui se croisent déjà les bras, sur tout le réseau ou presque.

    La situation est grave. Le pays est sur le point de se bloquer complètement.

    Les affrontements entre grévistes et non grévistes sont particulièrement violents : un ouvrier serre-freins non gréviste a été tué par ses « collègues » à Cormeilles-en Parisis.

    L’état-major des armées envoie des notes alarmistes sur son incapacité à défendre le pays si la grève continue : les troupes ne pourront plus être acheminées aux frontières et les communications interrompues risquent de couper les régiments des ordres venant de Paris... sans parler des risques réels d’insurrection généralisée.

    Les régions du Nord et de l’Ouest de la France sont les plus touchées par ce conflit social de très grande ampleur, sévèrement réprimé fin octobre 1910.

    Pour mémoire Jules Durand est arrêté le 11 septembre 1910 et condamné à mort le 25 novembre 1910, soit concomitamment avec cette grande grève des cheminots, souvent baptisée "grève de la thune".

    • Dans un autre passage de « Les hommes de bonne volonté », dans « Le Pouvoirs », Jules Romains revient sur cette question :

      « Ce qu’il faut ajouter, toutefois, c’est qu’un certain nombre de grands possédants, qui se sentent ou se croient menacés par l’agitation ouvrière, envisagent la guerre comme une diversion suprême, et un retour à l’ordre. Mais ce n’est pas le regret des provinces perdues (d’Alsace-Lorraine) qui les ronge, et ce n’est pas à l’Allemagne spécifiquement qu’ils en veulent ; au contraire, ils doivent se trouver en sympathie sur bien des points avec la caste dirigeante allemande… D’autres, et ce sont parfois les mêmes, se plaignent à tort ou à raison du marasme des affaires, et s’imaginent que la guerre donnerait un coup de fouet à la vie économique… Parmi eux figurent naturellement les fournisseurs éventuels des armées, et les industriels qui dès maintenant travaillent pour la défense nationale… Ils ont l’argent… Ils manœuvrent plus ou moins la Bourse, les banques… Ils tiennent sous leur coupe des hommes politiques, des journaux… Il leur est relativement facile d’entretenir dans l’opinion un état d’angoisse patriotique, que les politiciens revanchards n’ont qu’à exploiter ; et lorsque se produit une tension diplomatique, ils peuvent, sans prêcher ouvertement la guerre, exciter les esprits, faire jouer au maximum la fierté nationale, l’instinct cocardier, accuser de faiblesse, même de traîtrise les gouvernants qui veulent éviter la catastrophe… Les volontés de guerre chez nous sont très peu nombreuses ; mais les forces dont elles disposent sont considérables. Quant aux mobiles, ceux qu’on cite toujours sont ceux qui comptent le moins. Ou, si vous préférez, le regret de l’Alsace-Lorraine, l’amertume de la défaite subsistent à l’état de trace mélancolique chez une foule de braves gens qui ne désirent au fond que la paix. Mais chez le petit nombre des puissants qui désirent la guerre, les mobiles sont tout autres, et n’ont rien de sentimental… »

    • La Chambre syndicale nationale des cheminots passe pour la première fois à l’action le 8 juillet 1891 pour les salaires, les conditions de travail et contre des révocations de militants. Au bout de trois jours, face aux difficultés d’extension, d’aucuns
      incitent à recourir à l’action directe : la prise d’assaut de la gare Saint-Lazare est suggérée, on propose de noyer les feux des locomotives... Le pouvoir réagit, déploie la troupe. La grève ne parvient pas à irradier en dehors de la région parisienne, où l’on dénombre 6 000 grévistes.

      Si les compagnies cèdent quelque peu sur les revendications, elles répriment durement. La grève s’éteint le 21 juillet et 2 000 agents sont révoqués, parmi lesquels le secrétaire de la Chambre syndicale, Prades. Au lendemain de cette révocation, Eugène Guérard, alors proche de l’ancien communard Jean Allemane et qui s’affirme partisan du syndicalisme révolutionnaire, est élu secrétaire de la Chambre syndicale, qui va se transformer en 1895 en Syndicat national des travailleurs des chemins de fer de France et des colonies.

      Le syndicat national s’enquiert auprès des syndicats d’autres corporations d’un soutien en cas de grève. Moins de 50 des 2 000 syndicats contactés font connaître leur soutien et le conseil d’administration décide en conséquence de reporter la grève à... l’année suivante.
      Cependant, en septembre, les terrassiers déclenchent un mouvement puissant et la grève atteint bientôt la province. Cette dynamique relance l’idée de la grève chez les travailleurs du rail. Le 6 octobre 1898, le conseil d’administration s’adresse par circulaire aux groupes et les somme de répondre dans les trois jours. Soixante-quatorze réponses parviennent dans les délais : 29 groupes sont partisans de la grève, 31 y sont hostiles, 14 se déclarent hésitants.

      Au cours de la deuxième semaine d’octobre, à plusieurs reprises, le CA vote sur la grève générale. Ces votes successifs révèlent une minorité importante hostile au déclenchement de la grève. Les groupes, à nouveau consultés, se partagent quasi à égalité : 36 pour, 34 contre. Dans la nuit du mercredi 12 octobre, au terme d’un long débat, la décision de grève est prise : le mouvement doit commencer le vendredi 14 au matin. Alors que les membres provinciaux du conseil d’administration rejoignent leurs localités, des plis sont envoyés aux militants sous des enveloppes dépourvues d’identifiant et à des adresses de convenance. Las ! La police est prévenue, intercepte nombre de plis et d’affiches et lacère les placards apposés en région parisienne. Le 14 au matin, l’armée est dans les gares, sur les voies, dans les ateliers, partout où le mouvement risque de prendre. Non prévenus dans leur immense majorité, les cheminots apprennent en découvrant la troupe sur les lieux de travail qu’un ordre de grève a été lancé !
      Dans ces conditions, le mouvement est un échec complet : on ne dénombre, le 14, que 135 grévistes et, au cours des trois jours que dure la grève, la moyenne est de 75. La répression s’abat tout de même : 36 révocations sont prononcées. Effets secondaires non négligeables, l’échec de la grève et de déploiement de la troupe cassent la dynamique du mouvement du bâtiment.

      En 1910, Aristide Briand se dit sensible aux revendications des cheminots, mais il se déclare hostile aux manifestations et à la grève. En juin 1910, les cheminots apprendront par la presse que les compagnies ont précisé leur position auprès du gouvernement et qu’elles n’auront aucun contact avec les syndicats. Le 29 juin 1910, un meeting commun du Syndicat national et de la Fédération des mécaniciens et chauffeurs concrétise l’alliance. Emile Toffin fera partie du Comité de grève. Le 17 juillet 1910, le conseil d’administration du Syndicat national mandate le Comité central de grève, élu par le congrès, pour qu’il déclenche la grève lorsqu’il jugera le moment propice.
      .
      Fin septembre 1910, une ultime tentative de la Fédération des mécaniciens et chauffeurs pour nouer un dialogue avec les compagnies échoue.

      Nous sommes, on le voit, bien éloignés de la précipitation qui a prévalu tant en 1891 qu’en 1898, où l’entrée dans la grève générale était un objectif en soi.

      L’attitude bloquée des compagnies et du gouvernement donne à penser que l’épreuve de force est souhaitée, voire provoquée. En août, quelques escarmouches se sont produites au PLM et dans le Nord à propos de révocations faisant suite à des ripostes contre des mesquineries du quotidien et l’attitude de petits chefs.

      Le vendredi 7 octobre 1910, des milliers de cheminots se réunissent à la Bourse du travail de Paris pour protester contre les révocations. Le lendemain, la Compagnie du Nord annonce que tous ses ouvriers toucheront au moins la fameuse « thune »
      (5 francs) quotidienne, mais la plupart ont déjà un salaire supérieur.

      C’est sur le réseau Nord que le mouvement de grève s’engage, car la Compagnie du Nord a créé les conditions du conflit en supprimant les heures supplémentaires et en les remplaçant par des compensations financières moins importantes. C’est là aussi où les 5 francs sont attribués de façon particulièrement sélective. Le mouvement débute le 8 octobre dans le dépôt de La Chapelle, où travaille Emile Toffin. Plusieurs centaines de grévistes se dirigent vers le dépôt de la Plaine Saint-Denis, qui entre à son tour en lutte. Le lendemain, le 9 octobre, le Comité de grève propre au réseau Nord se réunit à Amiens et décide de l’extension de la grève à l’ensemble du réseau.

      Finalement, dans la soirée du lundi 10 octobre, 3 000 cheminots se rassemblent en meeting à la Bourse du travail.

      Dès le 11 octobre, les soldats du Ve Génie investissent les deux premiers dépôts entrés dans la grève, ainsi que la gare du Nord. L’armée s’installe rapidement sur tout le réseau. Le gouvernement Briand accentue la pression en décidant le même jour la mobilisation des cheminots du réseau Nord pour une instruction de vingt et un jours à partir du 13 octobre. La formule sera applicable aux autres réseaux, mais les cheminots refusent massivement d’obtempérer. Dans la nuit du 11 au 12 octobre, un éphémère Comité de grève national, qui regroupe des représentants de chaque réseau, se réunit en formation restreinte. Beaucoup de responsables de la tendance réformiste (dont le secrétaire général du Syndicat, Marcel Bidegaray) sont à Toulouse au congrès de la CGT. Le Comité appelle à la généralisation de la grève pour le 12. En riposte, le gouvernement lance vingt et un mandats d’arrêt contre les membres présents ou non à la réunion.

      Le 13 octobre, le pouvoir force les feux. Le préfet Lépine arrête cinq membres du Comité central de grève en charge de l’organisation du mouvement dans les locaux du journal L’Humanité, où ils ont trouvé refuge.

      Une vingtaine de mandats d’amener sont d’autre part délivrés à l’encontre de syndicalistes accusés d’actes de sabotage. Très vite, les compagnies répliquent à la grève par des révocations, dont les premières sont effectives le 13 octobre. Le premier concerné est Emile Toffin.

      Le mouvement de grève a été puissant. Le 11 octobre, Paris-Nord ne fait plus rouler que 18,5 % des trains habituels. Le lendemain, 12 octobre, 12,5 % des trains seulement sont acheminés et les marchandises ne circulent plus. Le 13, la situation se stabilise mais, le
      vendredi 14, un reflux est perceptible et le mouvement va vite s’affaiblir avec des îlots de résistance. Sur les autres réseaux, le mouvement reste restreint, sauf sur le réseau Etat (le réseau Ouest vient d’être repris en gestion directe par les pouvoirs publics).

      Suite à l’arrestation des membres du Comité central de grève, un deuxième Comité a été mis en place dont les orientations, connues des principaux animateurs, ne rassurent guère : Jean-Pierre Grandvallet, ouvrier aux ateliers d’Epernay (compagnie de l’Est), s’affiche réformiste et Robert Communay, du PLM, n’a pas une grande audience. De plus, ils viennent de deux réseaux faiblement présents dans la grève. De son côté, la CGT décide de laisser au mouvement son caractère corporatif et ne s’engage guère au-delà de l’édition d’une affiche intitulée : « Bravo les cheminots ! ». De fait, L’Humanité devient l’organe officiel du deuxième Comité de grève et l’appui des députés socialistes est recherché pour dénouer le conflit

    • En août 1911, la classe dominante britannique était forcée de déployer des troupes et des bateaux de guerre à Liverpool pour écraser un grève générale presque insurrectionnelle. Le maire de la ville mettait en garde la gouvernement contre « une révolution en marche ».1

      Ces événements extraordinaires représentaient le point culminant de toute une série de luttes en Grande-Bretagne et en Irlande avant la Première Guerre mondiale, passées à la popularité sous le nom de « grande fièvre ouvrière ». Comme le montre l’article qui suit, ces luttes étaient en fait une expression spectaculaire de la grève de masse, et faisaient intégralement partie d’une vague internationale qui allait finalement culminer dans la révolution de 1917 en Russie. Même si aujourd’hui, elles ne sont pas largement connues, elle restent riches en leçons pour les luttes d’aujourd’hui et de demain.

      Entre 1910 et 1914, la classe ouvrière en Grande-Bretagne et en Irlande déclencha des vagues successives de grèves massives avec un souffle et une hargne sans précédent contre tous les secteurs-clefs du capital, grèves qui balayèrent tous les mythes soigneusement fabriqués sur la passivité de la classe ouvrière anglaise qui avaient fleuri pendant la précédente époque de prospérité capitaliste.

      Les mots utilisés pour décrire ces luttes dans l’histoire officielle vont de « unique », « sans précédent », à « explosion », « tremblement de terre »… En opposition aux grèves organisées par les syndicats largement pacifiques de la dernière moitié du XIXe siècle, les grèves d’avant la guerre s’étendirent rapidement et sauvagement aux différents secteurs – mines, chemins de fer, docks et transports, ingénierie, construction – et menacèrent de déborder tout l’appareil syndical et de s’affronter directement à l’Etat capitaliste.

      C’était la grève de masse que Rosa Luxembourg a analysé si brillamment, dont le développement marquait la fin de la phase progressiste du capitalisme et l’apparition d’une nouvelle période révolutionnaire. Bien que l’expression la plus achevée de la grève de masse ait été celle de 1905 en Russie, Rosa Luxembourg montra que ce n’était pas un produit spécifiquement russe mais comme « une forme universelle de la lutte de classe prolétarienne déterminée par le stade actuel du capitalisme et des rapports de classe » (Grève de masse, Parti et Syndicats, Petite Collection Maspero, p. 154). Sa description des caractéristiques générales de ce nouveau phénomène décrit de façon très vivante « la grande fièvre ouvrière » :

      « La grève de masse …voit tantôt la vague du mouvement envahir tout l’Empire, tantôt se diviser en un réseau infini de minces ruisseaux ; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l’une sur l’autre c’est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. » (Id., p.127)

      Loin d’être le produit de conditions particulières à la Grande-Bretagne, la grève de masse en Angleterre et en Irlande faisait partie intégrante de la vague internationale de luttes qui se sont développées dans toute l’Europe de l’Ouest et en Amérique après 1900 : la grève générale de 1902 à Barcelone, les grèves de 1903 des cheminots en Hollande, la grève massive des mineurs de 1905 dans la Ruhr…

      Les révolutionnaires ont encore à tirer toutes les leçons des grèves massives en Grande-Bretagne – en partie à cause de l’aspect abrupt et de la complexité des événements eux-mêmes, mais aussi parce que la bourgeoisie a rapidement essayé de les enterrer tranquillement comme étant un épisode oublié2. Ce n’est pas par hasard si aujourd’hui, c’est la grève générale de 1926, et pas la vague de grèves d’avant-guerre, qui a l’honneur d’avoir une place dans l’histoire officielle du « mouvement ouvrier » anglais : 1926 représentait une véritable défaite, alors que 1910-1914 a vu la classe ouvrière anglaise à l’offensive contre le capital.

  • 1910, c’est en même temps la grève des cheminots en France, la montée ouvrière en Espagne, la grève de masse en Angleterre et en Irlande, la révolution républicaine au Portugal avec notamment l’obtention du droit de grève, les mouvements révolutionnaires basques en Espagne, les manifestations de masse pour le suffrage universel en Allemagne, le succès du mouvement pour le droit de vote des femmes en Suède, la manifestation de masse aux obsèques de Tolstoï, le soulèvement des peuples des Balkans, etc...

  • 1910, c’est aussi la révolte des Albanais contre l’empire ottoman, la révolte des Abès de Côte d’Ivoire, la révolte des vignerons de Champagne, la révolte des peuples du Gabon, la révolte ouvrière internationale contre la condamnation de Durand, charbonnier du Havre, la révolte des marins brésiliens, les débuts de la révolte en Arabie, les révoltes des peuples de la boucle du Niger et, en France, la révolte des ménagères, la révolution mexicaine, la révolte des pêcheurs de Rivière-au-Renard au Québec, etc, etc...

  • Impliqués dans la guerre mondiale de 1914-1918, il ya des pays que l’on cite moins comme la Roumanie. C. Virgil Gheorghiu écrit dans « La maison de Petrodava » :

    « - La guerre est déclarée. La Roumanie est entrée dans la guerre mondiale. Dans les vilages d’en-bas, tous les hommes sont appelés. Ceux qui se sauvent sont pris, ligotés et envoyés au combat…

    - Pourquoi a-t-on déclaré cette guerre mondale ? Les Turcs nous ont encore envahis ?

     Non, Domnitza, il n’existe plus de Turcs en Europe, ni Vandales, ni Huns.

     Qui a envahi la Roumanie, pour qu’on nous appelle tous au combat, maintenant, au début de l’automne ?

     Personne n’a envahi la Roumanie.

     Alors contre qui et pourquoi nous battons-nous, maintenant…

     Personne ne sait exactement qui est l’ennemi, mais nous sommes en état de guerre. Les combats ont déjà commencé. La Roumanie est entrée dans la guerre mondiale qui dure déjà depuis deux ans. D’un côté, comme on l’écrit dans les journaux – il y a les Allemands avec leurs alliés, de l’autre les Français avec les leurs. Nous n’avons aucun motif de nous battre, ni contre les Allemands, ni contre les Français. C’est seulement d’ici quelques jours que nous saurons exactement quels sont les ennemis. Il paraît que le gouvernement a tiré au sort. Et c’est un numéro blanc qui est sorti, mais comme il était nécessaire que nous entrions aussi en guerre, parce qu’il s’agit de la première guerre mondiale, où doivent se battre toutes les nations de la terre, même les plus petites, et c’est pour ça que ça s’appelle « mondial », on a joué à pile ou face ; on a jeté une pièce de monnaie ; pile, nous nous battons contre la France, bien qu’il s’agisse de notre sœur latine, face, contre l’Allemagne, bien que le roi de Roumanie soit allemand. »

  • Le début de la première guerre mondiale n’a pas été, contrairement à ce qui a été dit partout lors des commémorations, la déclaration de guerre mais seulement l’ordre de mobilisation et le gouvernement a commencé ses premiers mensonges de guerre par cette déclaration fameuse du président Poincaré : « La mobilisation, ce n’est pas la guerre »…. !

  • « Chansons de la guerre » de José Germain :

    « Nous composâmes. Les chansons furent mauvaises. Ou bien elles manquaient de tenue, ou bien elles manquaient de sel. Mais ce fut bien pis quand le gouvernement voulut s’en mêler. Comme à chaque intervention de l’Etat, l’insuccès fut notoire. Le concours de chansons du soldat produisit 12.000 manuscrits pour le rebut, tous plus plats les uns que les autres. Pas une chanson chantable. On comprit enfin que le refrain de route était une fleur sauvage, spontanément surgie, un jour, on ne sait lequel, sur le bord d’un fossé poussiéreux, on ne sait où. Et l’on n’insista pas… Las ! la guerre allait détruire par l’expérience toutes nos illusions. Où étais-tu théorie du service en campagne, quand nous sûmes que l’art de se battre était l’art de se cacher ?... La seule qui nous avait semblé irréfutable, celle des chansons de route, allait elle-même recevoir de la vraie guerre, le pire des démentis. On ne chanta pas pour monter aux tranchées… D’ailleurs, dès l’entrée dans les boyaux, l’ordre était de se taire pour ne pas provoquer le barrage allemand. Et, auparavant, sur la route montante, l’homme sans joie songeait aux huit jours de détresse qui l’attendaient. Le chanteur eût été mal vu. On l’eût pris pour un insulteur de la grande peine des hommes. Avec sérénité, on ruminait son testament. Nous tentâmes parfois de chasser ainsi le cafard, en Artois, en Champagne et à Verdun, les trois pires secteurs. Peine perdue. Le lanceur de refrain était accueilli comme un piqué. « Au fou ! » criait la colonne. Le chant doit être spontané. Quand les musiques militaires que nous détestions, comme des embusqués, recevaient l’ordre de nous distraire officiellement et de nous remonter le moral au cantonnement, elles furent systématiquement boycottées. Le soldat fit la grève perlée. On dut, dans certains régiments, l’obliger à la présence, ce qui allait à l’encontre des désirs du commandement. »

    Et l’auteur, qui est l’un des compositeurs de chansons de soldats de la guerre de 1914-18 est pourtant très loin d’être un antimilitariste. C’est même un officier de la légion d’honneur.

  • Anatole France :

    « La guerre mondiale fut essentiellement l’oeuvre des hommes d’argent ; que ce sont les hauts industriels des différents Etats de l’Europe qui, tout d’abord, la voulurent, la rendirent nécessaire, la firent, la prolongèrent. Ils en firent leur état, mirent en aile leur fortune, en tirèrent d’immenses bénéfices et s’y livrèrent avec tant d’ardeur, qu’ils ruinèrent l’Europe, se ruinèrent eux-mêmes et disloquèrent le monde. [...] Ainsi, ceux qui moururent dans cette guerre ne surent pas pourquoi ils mourraient. Il en est de même dans toutes les guerres. Mais non pas au même degré. Ceux qui tombèrent à Jemmapes ne se trompaient pas à ce point sur la cause à laquelle ils se dévouaient. Cette fois, l’ignorance des victimes est tragique. On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour les industriels.
    Ces maîtres de l’heure possédaient les trois choses nécessaires aux grandes entreprises modernes : des usines, des banques, des journaux. Michel Corday nous montre comment ils usèrent de ces trois machines à broyer le monde. »

  • Anatole France :

    « Que notre espèce soit destinée à s’entre-détruire jusqu’à sa fin, ou proche ou lointaine, que la guerre dure autant que l’humanité, rien ne le prouve, et la considération du passé donne à croire, au contraire, que la guerre n’est pas une des conditions essentielles de la vie sociale. »

  • En juillet 1917, Louis Guilloux écrit dans la revue Empédocle :

    « Les temps étaient encore tout proches des grandes mutineries, et j’avais vu, de mes yeux vu autour de la gare, des scènes d’émeutes. Je savais, et tout le mone savait, comment les permissionnaires dételaient les locomotives, quels chants, quels cris, ils poussaient : « N’allez pas là-bas ! », et j’avais encore dans l’oreille ce grand cri de révolte que les hommes descendant des lignes lançaient à ceux qui y remontaient, et que les mutins avaient partout répandu… Quand la grande nouvelle de la victoire des bolcheviks est arrivée, en pleine guerre, c’était nos rêves qui se réalisaient. »

  • En mai 1917, ce sont les grandes mutineries de l’armée française…

    Lors de l’offensive Nivelle d’avril 1917, l’Etat-Major avait promis aux soldats une victoire rapide et le retour des troupes dans leurs foyers. Le résultat a été tout autre : 40.000 morts…

    L’offensive ayant été enrayée face aux fortifications allemandes, puis terminée sur ordre du gouvernement fin avril, la déception et la colère grondent : les soldats ont l’impression que la bataille a été mal préparée.
    Or début mai, l’ordre est donné de reprendre l’offensive dans les mêmes conditions sur un terrain toujours aussi désavantageux pour les Français. Face à l’entêtement de l’état-major qui souhaite poursuivre cette offensive à outrance, des mutineries éclatent et gagnent progressivement toutes les armées le long du front pendant 8 semaines. Par leur paroxysme, elles touchent 68 divisions sur les 110 qui composent l’Armée française.

    Les mutineries se manifestèrent essentiellement par des refus de certains soldats de plusieurs régiments de monter en ligne. Ces soldats acceptaient de conserver les positions, mais refusaient de participer à de nouvelles attaques ne permettant de gagner que quelques centaines de mètres de terrain sur l’adversaire et demandaient des permissions. Ces refus d’obéissance s’accompagnèrent de manifestations bruyantes, au cours desquelles les soldats exprimaient leurs doléances et criaient de multiples slogans dont le plus répandu est « À bas la guerre ».

    Le 4 mai 1917, 40.000 soldats font acte de désobéissance. Le 15 mai, le générale Nivelle est démis de ses fonctions et remplacé par Pétain qui réprime. 554 soldats sont condamnés à mort…

    Toutefois, le pic d’intensité des mutineries se situe entre le 20 mai et le 10 juin, soit après la nomination du général Pétain (15 mai 1917). Les mesures prises par celui-ci pour mettre fin aux mutineries mettent donc environ un mois à faire leur effet.

    Environ 3 500 condamnations, en rapport avec ces mutineries, furent prononcées par les conseils de guerre avec une échelle de peines plus ou moins lourdes. Il y eut entre autres 1381 condamnations aux travaux forcés ou à de longues peines de prison et 554 condamnations à mort dont 49 furent effectives parmi lesquelles 26 l’ont été pour actes de rébellion collective commise en juin ou juillet 1917.

    Le nombre des exécutions de 1917, souvent mis en avant lorsque l’on parle des fusillés pour l’exemple reste relativement faible rapporté au nombre de fusillés des derniers mois de 1914 (près de 200) ou de l’année 1915 (environ 260).

    Les morts ne se limitent pas aux exécutés ni les condamnations aux seules exécutions. Il ya eu des soldats fusillés au front et des soldats envoyés au front ou en patrouille pour y mourir… Le traitement des mutineries par la hiérarchie a comporté bien d’autres mesures : soldats dégradés, emprisonnés, envoyés à une mort certaine dans des assauts impossibles…

    Peut-être les soldats français ont-ils été influencés par l’exemple des soldats russes qui combattaient à leurs côtés. En effet, les survivants des 20 000 soldats de deux brigades russes, venues sur le front français en mars 1916, refusent de continuer le combat après l’offensive Nivelle et de nombreuses pertes.

    Prudemment, l’état-major français les confine dans un camp à l’arrière où ils vont fêter le 1er mai. Puis, expédiés dans le camp de La Courtine dans la Creuse, les mutins russes décident de renvoyer leurs officiers et de s’autogérer notamment en élisant leurs représentants. Ceux-ci vont mener pendant trois mois les négociations avec les autorités russes du gouvernement provisoire qui refusent leur retour vers leur pays.

    Finalement, l’assaut est donné le 16 septembre par des troupes françaises contre les soldats russes insurgés. Les combats font près de 200 morts chez les insurgés. Les brigades russes révoltées seront dissoutes et leurs dirigeants arrêtés. Après la Révolution d’Octobre et la Paix de Brest-Litovsk, il est encore moins question de les rapatrier. On leur ordonne d’intégrer des compagnies de travail. Ceux qui refusent seront envoyés dans des camps disciplinaires en Algérie. Les premiers soldats ne rentrent en Russie que fin 1919.

    Une mutinerie comptant jusqu’à 1000 soldats a duré quelques jours dans le camp d’Étaples sur le littoral français du Pas-de-Calais, et a été vite réprimée en 1917. Ce camp a accueilli jusqu’à 80 000 soldats anglais et du Commonwealth pour les préparer aux rigueurs du front. Un sous-officier a été fusillé pour son rôle dans la mutinerie, un des trois soldats britanniques fusillés pour cette infraction dans le front de l’Ouest pendant la guerre. L’armée britannique et française conviendront de garder le secret sur cette affaire jusqu’en 2017, date à laquelle les archives britanniques devraient être ouvertes.

  • Petite chronologie de Renault pendant la première guerre mondiale :

    1912-1913 : Premières grèves contre l’introduction du chronométrage

    1914-1918 : Première Guerre Mondiale.

    Renault se convertit à l’industrie de guerre

    25 août 1914 : Devant la menace allemande sur Paris, les usines Renault sont déménagées à Lyon, dans des locaux loués à Rochet-Schneider, 50 ouvriers sont maintenus à Billancourt pour produire les moteurs d’avions destinés à l’Armée, le reste de l’usine est fermé

    1 août 1915 : Les ouvriers tronçonneurs, mécontent des baisses de 0,12 f des salaires horaires manifestent. Les trois délégués sont licenciés

    1916 : Trente-huit ouvriers entament une grève pour demander une augmentation de salaire. Licenciement de trente-cinq grévistes.

    25 juin 1916 : Des ouvriers militaires obtiennent un jour de repos par semaine au lieu d’un jour par mois

    1 mai 1917 : Un restaurant géré par la coopérative pour la consommation des usines Renault est ouvert rue du Point du Jour

    29 mai 1917 : Une partie des femmes employées chez Salmson (rue du Point du Jour) envahissent les usines Renault et débauchent la moitié des femmes. La perturbation durera jusqu’au 11 juin

    13 juin 1917 : Un côté du bâtiment C4 s’effondre, tuant soixante personnes et blessant soixante autres. Cinq jours de grèves s’en suivent

    9 au 18 mai 1918 : Grève dans les usines Renault

    1 août 1918 : Parution du bulletin des Usines Renault destiné aux Agents de maîtrise

    1924 : Première implantation d’une cellule du Parti Communiste

    1925 : La première usine Renault est installée sur l’Ile Séguin

    12 février 1934 : Renault est en grève. Deux ouvriers sont tués lors de l’intervention des forces de police à Billancourt

    1 mai 1936 : Fermeture de l’usine pour cause de grève

    28 mai 1936 : Grève et occupation des usines. Le travail reprend le 2 juin pour cesser à nouveau le 4. Le retour au travail s’opère le 13 juin

    17 juillet 1936 : Nationalisation des ateliers de chars Renault

    24 novembre 1938 : Occupation des usines en grèves. Mille huit cents ouvriers sont licenciés

  • La guerre c’est la dictature… même dans les pays dits démocratiques.

    Citons des exemples…

    Le soldat Berspt est le symbole de cette effroyable justice militaire qui ’fusillait pour avoir refusé de mettre un pantalon sale.

    Citons-en un au hasard qui s’est retrouvé sous le ciel de feu de Cayenne, est sous le joug de la chiourme, sans même savoir bien pourquoi c’est Cheikhou Cissé, tirailleur sénégalais, deux fois blessé, croix de guerre. Un jour de novembre 1916 en plein Soudan, sa compagnie refuse de travailler lés terres de grands propriétaires elle se mutine, veut revenir dans son pays, Gheikou est condamné à mort la peine commuée en détention perpétuelle, il est jeté au bagne. d’Alger, puis transporté à Cayenne « par erreur », devait écrire le ministre des colonies Envoyé à Nouméa, l’autre bout du monde,

    Il y a aussi les condamnés de la guerre. Les uns sont à Cayenne. Certains mènent une vie de bêtes, traquées dans tous les pays d’Europe. Et cependant les noms de Souain, de Vingré, de Flirey n’ont pas été totalement oubliés. Les. lieutenants Harduin et Millan sont réhabilités. Après avoir été fusillés sans jugement.

  • Un article de la direction de Renault dans le « Bulletin des usines Renault » avertissait que l’après-guerre allait être le retour de la guerre à l’intérieur, contre les travailleurs :

    « Vous vous doutez que lorsque cette guerre sera finie, l’autre guerre, la guerre économique commencera…. Dans cette guerre, vous serez les soldats de première ligne. »

    Et, une fois de plus la première ligne sera appelée à donner le plus de morts pour nourrir… les marchands de canons Renault !

  • On a dit aux peuples qu’en entrant dans la guerre mondiale, ils luttaient pour la démocratie, pour leur propre défense derrière des frontières (la "défense nationale"), pour la paix et que l’Etat les lançait dans cette guerre dans leur propre intérêt.

    Rappelons-nous tous ces mensonges grossiers car ils vont bientôt recommencer.

    La guerre n’est qu’une expression du caractère violent de la lutte des classes suit à la crise du système capitaliste. Le bain de sang est choisi par les classes dirigeantes pour détourner de la révolution sociale et tenter de l’éviter.

    En période de grands bouleversements subis par le système d’exploitation, il n’y a qu’une alternative : révolution sociale ou guerre.

  • Dans la Grammaire des Civilisations (1963), Fernand Braudel écrit :

    « On a le droit d’affirmer que l’Occident, en 1914, AUTANT QU’AU BORD DE LA GUERRE, SE TROUVE AU BORD DU SOCIALISME. Celui-ci est sur le point de se saisir du pouvoir et de fabriquer une Europe moderne (...). En quelques jours, en quelques heures, la guerre aura ruiné ces espoirs. »

  • Le "pourquoi" de la guerre inter-impérialiste est resté longtemps caché !

    « Dans toute question d’importance, il y a des aspects que personne ne souhait aborder. »

    George Orwell

  • Aussi longtemps que resteront intacts les fondements des rapports sociaux actuels, c’est-à-dire bourgeois, la guerre impérialiste ne peut conduire qu’à une paix impérialiste, c’est-à-dire à renforcer, à étendre et intensifier l’oppression des nations et des pays faibles par le capital financier, qui a grandi d’une façon prodigieuse non seulement avant, mais aussi pendant cette guerre. Le contenu objectif de la politique poursuivie avant et pendant la guerre par la bourgeoisie et les gouvernements des deux groupes de grandes puissances mène au renforcement de l’oppression économique, de l’asservissement national, de la réaction politique. C’est pourquoi la paix qui terminera cette guerre, quelle qu’en soit l’issue, ne peut que consacrer cette aggravation de la situation économique et politique des masses, pour autant que subsiste le régime social bourgeois.

    Admettre qu’une paix démocratique puisse découler d’une guerre impérialiste, c’est, sur le plan théorique, substituer une platitude à l’étude historique de la politique pratiquée avant et pendant cette guerre ; et c’est, sur le plan pratique, tromper les masses populaires en obscurcissant leur conscience politique, en camouflant et exaltant la politique réelle des classes dominantes qui prépare la paix à venir, en dissimulant aux masses l’essentiel, à savoir : l’impossibilité d’une paix démocratique sans une série de révolutions.

    Lénine

  • Oui, le mouvement ouvrier montait avant 1914…

    Sur la grève de masse en Grande-Bretagne et en Irlande (1910-1914) : lire ici

    Sur la grève Renault de 1913 : Lire ici

    Sur la grande grève de Dublin en 1913 : Lire ici

    Sur la grève générale belge de 1913 : Lire ici

    Grève à Liège

    Sur la révolution Mexicaine en 1913 (tentative contre-révolutionnaire de Huerta) : Lire ici

    Russie : 1912 grèves de la Lena, grèves en juin 1913 et en 1914 des mouvements massifs de grèves en Russie (1,75 million de grévistes), radicalisation en faveur des Bolcheviks

    Sur la grève du charbon du Colorado en 1913-1914 aux USA : Lire ici

    En 1913, les femmes sont partout en lutte, radicale, et en Norvège, les femmes obtiennent le droit de vote : Lire ici

    etc, etc....

  • Explication de Trotsky au troisième Congrès de l’Internationale communiste (troisième internationale) :

    « Le capitalisme est entré dans une période de dépression profonde et prolongée. A proprement parler, cette époque aurait dû commencer – dans la mesure où l’on peut prophétiser à propos du passé – dès 1913, lorsque le marché mondial, à la suite de vingt années de développement tumultueux, était déjà devenu inadéquat pour le développement du capitalisme allemand, anglais et nord-américain. »

  • « Les conditions de la guerre déforment et obscurcissent l’action des forces intérieures de la révolution. Mais son cours n’en restera pas moins déterminé par ces mêmes forces intérieures, c’est-à-dire les classes. La révolution, qui montait depuis 1912, a vu, dans un premier temps, son élan brisé par la guerre, mais ensuite, grâce à l’intervention héroïque d’une armée exaspérée, elle s’est accélérée dans la combativité sans précédent. »

    Léon Trotsky, La farce du double pouvoir, Izvestia, 3 juin 1917, Vperiod, 8 juin 1917

  • Léon Trotsky, expliqua la signification historique de la guerre :

    « La Guerre proclame la chute de l’Etat nation. Et pourtant, dans le même temps, elle proclame la chute du système d’économie capitaliste...

    La Guerre de 1914 est l’effondrement, le plus colossal de l’histoire, d’un système économique détruit par ses propres contradictions internes….

    Le capitalisme a crée les conditions matérielles d’un nouveau système économique socialiste. L’impérialisme a conduit les nations capitalistes au chaos historique. La guerre de 1914 montre la voie pour sortir de ce chaos, en poussant avec violence le prolétariat sur la voie de la Révolution. »

  • On nous dit que nous ne répondons pas à la question de l’origine des guerres...car plutôt qu’une origine à chercher dans la lutte exclusive des impérialismes entre eux , nous soumettons une autre explication plus dialectique en lien avec la lutte de classes : au 2 eme paragraphe de cet article : "Nous voulons développer ici l’idée que révolution sociale et violences des bourgeoisies (guerre civile, guerre entre nations, guerre mondiale et fascisme) sont des contraires qui ne s’opposent nullement de manière diamétrale mais dialectique, c’est-à-dire qu’ils sont inséparables : la révolution entraîne la guerre et le fascisme et ceux-là entraînent également la révolution sociale.

    C’est un point dont l’importance politique est considérable dans la situation actuelle. Dans la vision dichotomique (opposée à la vision dialectique), les guerres ne seraient que des affrontements entre des bourgeoisies ou des fractions des bourgeoisies, par exemple une fraction laïque et une autre religieuse, une fraction du nord, une fraction du sud, une fraction chrétienne et une fraction musulmane, une fraction pro-occidentale et une fraction pro-russe et on en passe. Les peuples n’auraient ainsi d’autre choix que de soutenir une bourgeoisie ou d’être victime des deux fractions bourgeoises.

    Bien sûr, certains affirment que la position juste est d’être contre les guerres mais comment la révolution pourrait-elle les combattre si elle n’a aucun rapport avec ces guerres ?

    Evidemment l’apparence oppose diamétralement guerres et révolutions : affrontements entre bourgeoisies ou luttes entre exploiteurs et exploités.

    Les révolutionnaires peuvent à juste titre poser le problème : guerre ou révolution ou encore fascisme ou révolution, mais les deux sont des parties d’une alternative et pas des perspectives séparées.

    Quand la révolution russe se retrouve face à l’alternative Koltchak ou Lénine, c’est parce que la situation a mené les deux termes opposés à cet extrême. La montée de l’un et celle de l’autre sont inséparables.

    De même, la montée de la guerre européenne et celle de la révolution sont inséparables dans la France de la révolution de 1789-1793.

    On peut encore citer des exemples fameux comme le lien entre la guerre franco-allemande de 1870 et la montée révolutionnaire de Paris.

    Certains citent exclusivement le rôle de la guerre dans le murissement de la révolution. Mais il ne faut pas non plus oublier l’inverse : le murissement de la guerre et du fascisme sous la menace de la montée révolutionnaire."

  • Clemenceau écrit en câble à Rockefeller en 1918 :
    "Une goutte de sang vaut une goutte de pétrole."

  • Clemenceau à la Chambre des députés en 1918 :

    « Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. Je cherche à me maintenir en confiance avec nos alliés. La Russie nous trahit ? Je continue à faire la guerre. La malheureuse Roumanie est obligée de capituler ? Je continue à faire la guerre... »

    La bourgeoisie a ce type de dirigeants plongeant leurs mains dans le sang et en étant fiers.

    Tous les dirigeants actuels de la France impérialiste ont les yeux fixés sur leur ligne "ligne bleu des Vosges" que représente Clemenceau le sanglant !!!!

  • Principes élémentaires de propagande de guerre diffusés en 1914-1918

    Il faut faire croire :

    que notre camp ne veut pas la guerre

    que l’adversaire en est responsable

    qu’il est moralement condamnable

    que la guerre a de nobles buts

    que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)

    qu’il subit bien plus de pertes que nous

    que Dieu est avec nous

    que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat

    que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)

    que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traitres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).

  • La guerre, c’est toujours d’abord la guerre intérieure, la guerre de classes, entre bourgeoisie et prolétariat, celle qui commande d’utiliser la guerre pour museler toute réaction.

    Dès le 2 août 1914, tous les départements français (y compris ceux d’Algérie) sont soumis à l’état de siège : les maires et préfets perdent immédiatement leurs pouvoirs de police au profit des autorités militaires. L’armée française peut ainsi interdire les réunions, pratiquer des perquisitions de domicile et faire comparaître des civils devant des tribunaux militaires (avec une procédure très simplifiée et une exécution immédiate de la sentence). La loi du 5 août 1914 prolonge l’état de siège jusqu’à la fin de la guerre, tandis que celle du 27 avril 1916 encadre les crimes passible des tribunaux militaires[12].

    Les élections sont suspendues, la majorité du corps électoral, y compris quelques députés, étant sous l’uniforme (les femmes et les militaires n’ont pas le droit de vote sous la Troisième République). La liberté et le secret de la correspondance n’existent plus : le courrier des militaires, systématiquement en retard (rendant inexploitables les indiscrétions éventuelles), est vérifié avant expédition, les lettres pessimistes, défaitistes ou donnant des informations précises sont saisies ou caviardées (lignes raturées) par les services de censure postale.

    La liberté de la presse est atteinte par la censure. Sont interdits « les articles de fond attaquant violemment le Gouvernement ou les chefs de l’armée » et ceux « tendant à l’arrêt ou à la suppression des hostilités ». La presse est contrôlée avant impression, les articles jugés peu patriotiques sont interdits à la publication, laissant parfois la place à des rectangles blancs. Et cela jusqu’au 12 octobre 1919.

    Interdire les réactions ouvrières, tel est le premier but de la guerre ! Ils font d’abord la guerre à... la révolution sociale !!!

  • Ce n’était pas la der des der et c’est même la perspective actuelle...

    Les bruits de bottes et de canons s’accroissent à mesure que la crise économique se profile et que les prédictions la disent sous forme d’effondrement…

    Vladimir Poutine a promulgué ce mercredi une loi autorisant la Russie à s’affranchir du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) conclu en 1987. Il ne fait que suivre les Etats-Unis qui ont cessé de le respecter depuis février dernier, Trump en accusant Moscou de l’avoir violé en se dotant d’un nouveau missile, le Novator 9M729 (SSC-8 pour l’Otan), et doivent le dénoncer le 2 août.

  • "The Economist" (août – septembre/octobre 1914) prévoyait déjà qu’à la suite de la guerre, dans les pays impliqués, il y aurait un mouvement révolutionnaire social.

  • Un nombre important de vaccinés à l’ARN messager ont subi notamment la maladie dite de Parsonage-Turner (douleur violente d’apparition brutale de l’épaule suivie d’une paralysie du bras)

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