Accueil > 03 - HISTORY - HISTOIRE > 3ème chapitre : Révolutions bourgeoises et populaires > Napoléon, nationaliste corse

Napoléon, nationaliste corse

mercredi 19 mars 2014, par Robert Paris

Avant de devenir général en chef des armées de France, consul puis chef de l’Etat français et Empereur de France, Napoléon a été un des chefs de la révolution paoliste corse

Lucien Bonaparte écrivant à son frère Joseph Bonaparte le 24 juin 1792 :

« J’ai toujours démêlé dans Napoléon une ambition pas tout à fait égoïste, mais qui surpasse en lui son amour pour le bien public. Il me semble bien penché à être tyran et je crois qu’il serait bien s’il fût roi et que son nom serait pour la postérité et pour le patriote sensible un nom d’horreur. »

Lucien Bonaparte

Si Napoléon est connu pour avoir battu militairement les puissances féodales alliées à l’Angleterre, il l’est moins pour avoir été l’homme des répressions de mouvements populaires et un des hommes d’armes de la révolution corse. Il a souhaité devenir le général en chef des armées corses et c’est seulement parce qu’ainsi il a soulevé l’hostilité du principal dirigeant Corse, Pascal Paoli et que ce dernier la fait chasse de l’île que Napoléon va se tourner vers l’Etat français pour y proposer ses talents militaires et politiques.

S’il est devenu héros français, avait d’abord postulé à être chef de la Corse nationaliste contre la France avant de devenir anti-héros de la Corse pour rester dans les mémoires corses et françaises comme le grand homme de la France. Cet ancien jacobin devenu l’un des fossoyeurs de la France jacobine par les Thermidoriens puis par le Consulat, n’est pas à une contradiction près !

Homme des répressions ?

 Napoléon est chargé de la répression, le 19 juillet 1789, de la première émeute de la faim qui éclate dans la ville de sa caserne, Auxonne, où deux marchands de blé ont été lynchés par le peuple.

 Napoléon Bonaparte est affecté à l’armée chargée de mater l’insurrection fédéraliste du Midi en 1793.

 Napoléon est chargé de la répression lors de l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795)

 sa prise de pouvoir en France le 18 brumaire (9 novembre 1799) se fait sous la menace d’une nouvelle révolution parisienne, la bourgeoisie lui abandonnant le pouvoir politique pour en finir définitivement avec les insurrections populaires.

Wikipedia en fait juste un élève officier français (voir ici) :

« Il est reçu sous-lieutenant, (42e sur 58) à l’examen de l’artillerie. Il reçoit son ordre d’affectation au régiment d’artillerie de la Fère alors en garnison à Valence, qu’il rejoint le 3 novembre 1785. L’été suivant, il obtient un congé de six mois à partir du 1er septembre 1786. Le 15 septembre 1786, sept ans et neuf mois après son départ, il repose les pieds sur l’île de Corse à l’occasion de son congé de semestre. Il ne rejoindra son régiment que 13 mois plus tard soit le 30 septembre 1787. Dès novembre 1787, il demande un nouveau congé de six mois, qu’il obtient. Il ne réintégrera son régiment que le 15 juin 1788. Le 1er juin 1788, il s’embarque pour rejoindre son régiment de La Fère en garnison à Auxonne et apprendre son métier d’artilleur. Dans ses loisirs, il travaille assidûment… Présent ponctuellement à Paris, le jeune officier est spectateur de l’invasion des Tuileries par le peuple le 20 juin 1792 et aurait manifesté alors son mépris pour l’impuissance de Louis XVI. Ce dernier signe, quelques jours plus tard, son brevet de capitaine ; ce sera l’un de ses derniers actes publics. Napoléon retourne à plusieurs reprises en Corse, où les luttes de clans avaient repris, les paolistes soutenant la monarchie à l’anglaise, et les Bonaparte la Révolution. Napoléon se fait élire lieutenant-colonel de la Garde nationale en mars 1792, avec 522 voix sur 492 inscrits. Il arrachera de force l’accord du commissaire du gouvernement. C’est à ce poste de commandant en second du bataillon Quenza-Bonaparte qu’il fait ses premières armes en février 1793, participant à la tête de l’artillerie à l’expédition de La Maddalena. Malgré l’efficacité et la détermination de Napoléon, l’opération commandée par Colonna Cesari, un proche de Paoli, est un échec cuisant. Cet événement et l’exécution du roi en janvier 1793 attisent la division avec les paolistes, provoquant une révolte des indépendantistes. Les désaccords entre Paoli et Bonaparte s’accentuent à la suite d’une lettre de Lucien Bonaparte à la Convention pour dénoncer Paoli. La famille de Napoléon, dont la maison a été mise à sac et incendiée, est contrainte de se réfugier dans une autre résidence, leur petite ferme de Milleli, puis, quelque temps plus tard, la 10 juin 1793, de quitter l’île précipitamment à destination de la France continentale. Débarqués à Toulon, les Bonaparte s’installent dans la région de Marseille. »

Contrairement à ce que sous-entend Wikipedia, Napoléon n’a pas juste eu quelques sympathies paolistes avant de se retrouver pris dans les divisions entre nationalistes corses et de s’en retirer. Il est tout jeune encore nourri aux grands faits de gloire révolutionnaire et militaire du nationalisme corse : voir ici la révolution corse

Il a été formé aux actes militaires de la lutte du peuple corse contre la royauté, lutte qui anticipe la révolution française.

Il acquière une formation militaire française en ayant gardé tous ses sentiments nationalistes corses et, dès qu’il a cette formation, il quitte la France pour mettre ses compétences au service du peuple corse, tel qu’il entend en tout cas ce service et c’est dans un combat contre la France.

Bien entendu, de tels faits nuisent à l’image que le nationalisme français souhaite avoir du « grand Napoléon » et cette thèse ne risque pas d’y être diffusée.

Ce n’est pas par nationalisme français que Napoléon a abandonné l’idée de prendre la tête de la Corse nationaliste et de son combat militaire contre la France. C’est parce qu’il va être contesté au sein des nationalistes corses et battu politiquement par le clan Paoli dont il conteste la direction pour exercer la sienne, comme il le fera au sein de l’armée et de l’Etat français pour mettre en place sa dictature personnelle avec l’Empire français…

Quand, en 1755, Pascal Paoli gouverne la Corse indépendante et républicaine (34 ans avant la révolution française de 1789) avec Charles Bonaparte, le père de Napoléon Bonaparte, Napoléon naîtra 14 ans plus tard. Quand le 8 mai 1769, à Ponte Novo, le peuple corse insurgé signe une page de gloire dans sa lutte contre l’armée française, tout en étant défait, Napoléon mettra encore quelques mois pour naître, le 15 août 1769. C’est dire que ces événements vont bercer l’imagination de son enfance !

L’élève officier passe toutes ses permissions en Corse et il y encourage dès 1789 toutes les tentatives des Corses pour se libérer. En avril 1789, il participe à une altercation aux côtés des indépendantistes Joseph Bonaparte, Pozzo di Borgo, Masseria, D’Orezza et Lévie, le maire d’Ajaccio… Mais il est dès lors du côté de la révolution française contre la réaction féodale et royaliste. Il réclame la liberté pour les Corses comme le peuple français lutte pour la liberté.

Pascal Paoli, lui aussi, reconnaît la révolution française et c’est à ce titre qu’elle accepte que cet ancien héros de la lutte contre l’occupation française rentre dans l’île corse.

Paoli et Bonaparte adhèrent au club des Jacobins (Bonaparte y entre en 1791). Paoli est acclamé par les révolutionnaires parisiens, que ce soit aux Cordeliers, aux Amis de la constitution, ou à l’Assemblée nationale.

Selon Joseph Bonaparte, la rencontre de Paoli et de Napoléon aurait eu lieu sur le champ de bataille de Ponte Novo, tout un symbole…

Napoléon de retour de son deuxième séjour en Corse, en 1791, pour sa caserne d’Auxonne, reprend son projet de « Lettres sur la Corse » dans lequel il prévoit une œuvre littéraire où il ferait oeuvre d’historien de la Corse.

Il envoie le 12 juin 1789 une lettre à Pascal Paoli avec cette introduction :

« Général, je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la Liberté dans les flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards. Les cris du mourant, les gémissements de l’opprimé, les larmes du désespoir environnèrent mon berceau dès ma naissance. Vous quittâtes notre île et, evec vous, disparut l’espérance du bonheur… »

Il affirme qu’à travers lui, c’est « la voix de tous les Corses qui s’exprime. »

Il publie son texte sur la Corse en 1791 mais ce dernier n’est pas approuvé par Paoli.

Il y a à cela de multiples causes : Paoli est resté catholique, papiste et royaliste et ne fait pas partie du même clan que les Bonaparte. Les Bonaparte sont politiquement au camp républicain de Salicetti que Paoli combat. Paoli est lié au clan Pozzo di Borgo que les Bonaparte combattent… Aux législatives, Paoli fait battre Joseph Bonaparte qui n’est plus élu.

La raison de fond : Napoléon est hostile à la noblesse. Il affirme :

« Les aristocrates sont la cause de la Révolution, la plaie de la nation, des imbéciles qui haïssent tous ceux qui ne sont pas des ânes héréditaires comme eux. »

En attendant, Bonaparte a démontré à Bastia qu’il est du côté des Corses contre l’armée française et contre la royauté ce qui pourrait lui valoir de graves ennuis comme soldat, si le roi ne choisissait pas de s’enfuir du côté des ennemis européens de la France… A Bastia, Napoléon participe à un mouvement corse armé. Il distribue des cocardes tricolores aux troupes. Le mouvement culmine le 5 novembre 1789 avec l’adresse des patriotes corses à l’Assemblée nationale qui mènera au retour en Corse de Paoli. A Ajaccio, il est pris à parti par les partisans de Pozzo di Borgo.

Napoléon parvient à obtenir un grade dans les volontaires corses en décembre 1791 à Ajaccio dont il exerce bientôt le commandement d’un des quatre bataillons (six compagnies à Corte et trois à Bonifacio). C’est à ce titre qu’il fait la conquête de la citadelle d’Ajaccio. Le jour de Pâques 1792, Napoléon se retrouve face à une émeute en faveur de prêtres réfractaires et il doit s’opposer à des troupes venues de son propre régiment français d’Auxonne ! En huit jours, Napoléon a le dessus sur ses adversaires.

Le but de ces affrontements auquel participe celui qui sera le chef des armées de la France aura été de remplacer l’armée française en Corse par les volontaires corses qu’il commande…

Un épisode que l’histoire de France se refuse généralement à rappeler et qui montre que Bonaparte était alors républicain mais d’abord républicain corse…

D’ailleurs, au cours de ces événements, Bonaparte n’était même plus permissionnaire mais considéré limite comme déserteur, sinon carrément ennemi !

Rentrant à Paris, il constate la montée des sentiments révolutionnaires du peuple et il constate également que, lui, préfère se retrouver du côté du parti de l’ordre que du côté de la révolution populaire. Lui qui était jacobin déclare alors : « Les Jacobins sont des fous qui n’ont pas de sens commun. »

Le 30 juin 1792, il rencontre à Paris une manifestation populaire de cinq à six mille hommes qu’il qualifie de « foule sans ordre dénotant par les propos et les vêtements ce que la populace a de plus abject ». Le peuple impose au roi la cocarde tricolore mais le républicain Bonaparte désapprouve cette démarche : « L’invasion des Tuileries a fourni ample matière aux déclarations aristocratiques des feuillantins. »

Le désordre le hérisse. A l’annonce de l’attaque des Tuileries, il se retrouve leur être hostile et choisit de retourner en Corse et de préférer le commandement des volontaires corses à un poste dans l’armée française.

Le proche de Bonaparte en Corse est d’abord et avant tout Saliceti, élu député du tiers aux Etats généraux de 1789, le seul Corse à voter la mort du roi (ce qui lui vaut la haine inextinguible de Paoli), favorable à la constitution civile du clergé (encore un motif de haine avec Paoli), il est le deuxième homme fort de la Corse après Paoli. Saliceti est devenu procureur général-syndic de la Corse nommé par Paris alors que Paoli est président du Conseil général. Paoli refuse de participer en personne à la direction quotidienne, à l’administration de la Corse, livrée à la lutte des clans, et se tient dans la position du sage qui donne des avis.

Jusqu’en 1792, le pouvoir central français a les meilleures relations avec Pascal Paoli mais c’est là que ça se dégrade. Et l’ambitieux Bonaparte attise les braises du conflit entre Paoli et le pouvoir central français… L’expédition en Sardaigne sert de prétexte. Cet échec calamiteux de l’armée française commandée par Colonna, aidée des volontaires corses de Napoléon n’est cependant pas d’une grande importance mais elle débute les rapports critiques (mémoires aux représentants de la Convention), de Napoléon contre le pouvoir de Paoli.

Début 1793, sur les instigations de Saliceti et Napoléon, la Convention retire sa confiance à Paoli pour diriger en Corse. Il y détenait alors au nom de l’Etat français tous les pouvoirs civils et militaires.

La Corse, insultée, réagit. Le 26 janvier 1793, une consulte (assemblée extraordinaire des députés de toutes les communes) décide, contre la France qui s’apprête à juger Paoli, de le nommer généralissime et chef suprême. Le drapeau français est abattu partout en Corse sauf à Ajaccio, fief napoléonien. La société populaire d’Ajaccio décide l’envoi d’un appel à la société populaire de Marseille et aux Jacobins de Paris, ce qui revient à faire appel à l’Etat français pour intervenir militairement en Corse. Cela revient également à traiter Paoli de traitre à la France et l’accusation lancée va prendre effet…

Cette situation se produit juste au moment de la trahison de Dumouriez et l’assemblée française est toute prête à voir des traîtres partout alors qu’en réalité Paoli n’était pas prêt à rompre avec la France ni à choisir l’Angleterre mais cette situation va l’y contraindre.

Le 2 avril 1793, la dénonciation de Paoli comme traître à la France par Lucien Bonaparte est lue à l’assemblée par le député du Var Escudier.

Paoli et Pozzo di Borgo sont décrétés en état d’arrestation par la France, ce qui n’est pas réalisable sur le terrain…

Paoli fait dresser sur toute la Corse un drapeau blanc à tête de maure, celui de Ponte-Novo et les adversaires de Paoli affirment que c’est le drapeau blanc de la royauté contre celui de la France.

Joseph Bonaparte conclue : « Paoli se trouva ainsi avoir accompli une révolution contre la France sans l’avoir voulue, sans l’avoir préparée à l’avance et presque à son insu. »

En mai et juin, Napoléon rassemble des forces armées pour affronter celles de la consulte corse et de Paoli. Le 26 mai 1793, la consulte de Corte confirme Paoli à la tête de la Corse et condamne les familles Napoléon, Saliceti et Arena. La maison de Napoléon en Corse est mise à sac et pillée. Cachée dans le maquis, la famille Napoléon embarque en catastrophe dans un bateau d’une escadre française venue le secourir et rejoint Toulon. A Toulon, une révolte royaliste contraint les Napoléon à fuir pour Marseille….

Napoléon rejoint l’armée française d’Italie et son destin militaire… En septembre 1793, il est nommé commandant provisoire de l’artillerie de la République au siège de Toulon.

C’est le Directoire qui va nommer ce un jeune homme de vingt-quatre ans pour commander en Italie une armée de vingt-quatre mille hommes, contre une armée de cinquante mille aux ordres du général le plus expérimenté de l’Autriche.

En juin 1794, la consulte de Corse décide la rupture définitive avec la France et le passage sous la protection de l’Angleterre. C’est seulement en juillet 1796 que Napoléon reconquière pour la France l’île corse.

Aux représentants corses

Napoléon Bonaparte raconté par Joseph Bonaparte

Lettre de Napoléon Bonaparte à Pascal Paoli

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.