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La dialectique de la plante

vendredi 6 juin 2014, par Robert Paris

La dialectique de la plante

« J’ai toujours placé les plantes très haut sur l’échelle des êtres organisés. »
Darwin dans son Autobiographie

Après 1859, Darwin se fit botaniste afin, disait-il, de « contourner l’ennemi par le flanc ».

Curieusement, même les spécialistes de Darwin accordent relativement peu d’attention à son oeuvre botanique, qui comprend pourtant six livres et plus de soixante-dix articles. Le botaniste Duane Isely peut ainsi écrire que, alors que Darwin est le biologiste sur lequel on a le plus écrit, il est rarement présenté comme un botaniste. Le fait qu’il ait écrit plusieurs livres consacrés à ses recherches sur les plantes est mentionné dans de nombreuses études, mais pour ainsi dire en passant, un peu dans le style : « Bon, il fallait bien que le grand homme s’amuse un peu de temps en temps. »

Darwin a toujours eu avec les plantes une relation particulière, empreinte d’admiration et même de tendresse « J’ai toujours placé les plantes très haut sur l’échelle des êtres organisés », écrit-il dans son autobiographie. Il avait grandi dans une famille de botanistes - son grand-père, Erasmus Darwin, avait écrit un long poème en deux volumes intitulé The Botanic Garden le jardin botanique, et Charles lui-même avait été élevé dans une maison dont les grands jardins étaient peuplés de fleurs mais aussi de nombreuses variétés de pommiers, croisés pour améliorer leur vigueur. Lorsqu’il était étudiant à Cambridge, les seuls cours auxquels assistait assidûment Darwin étaient ceux du botaniste J.S. Henslow.

Darwin était lié d’une étroite amitié avec deux botanistes, Joseph Dalton Hooker, directeur des jardins botaniques royaux de Kew, et Asa Gray, de Harvard. Hooker était devenu son confident dans les années 1840 - il fut la seule personne à qui Darwin ait montré la première ébauche de son oeuvre sur l’évolution -, et Asa Gray rejoignit leur petit cercle dans les années 1850. Il leur écrivait à tous deux des lettres dans lesquelles il montrait un enthousiasme croissant à propos de « notre théorie ».

L’étude des plantes fut toujours pour lui intimement liée à des objectifs théoriques, des objectifs centrés sur l’évolution et la sélection naturelle.

Une de ses principales préoccupations fut d’expliquer comment les plantes s’adaptaient de façon à utiliser les insectes comme agents pour leur propre fertilisation. À son époque, on savait déjà que les insectes étaient attirés par certaines plantes et les visitaient, et qu’ils ressortaient parfois d’une fleur couverts de pollen. Mais, étant donné que l’on pensait que les fleurs se pollinisaient elles-mêmes, personne n’avait soupçonné que ce fait pût avoir de l’importance.

Darwin avait commencé à douter de l’autopollinisation dès 1840, et pendant les années 1850 il mit au travail cinq de ses enfants pour cartographier les chemins suivis par les bourdons mâles dans leur vol. Comme il admirait particulièrement les orchidées indigènes qui poussaient dans les prés environnant Down House, ce fut par elles qu’il commença. Puis, grâce à l’aide d’amis et de correspondants qui lui envoyaient de nouveaux spécimens - notamment Hooker -, il élargit son étude à toutes sortes d’orchidées tropicales.

Ses travaux sur les orchidées avancèrent vite et bien, et dès 1862 il était en mesure d’envoyer à l’imprimeur le manuscrit de son livre, The Various Contrivances by Which Orchids are Fertilised by Insects publié en français en 1870 sous le titre De la fécondation des orchidées par les insectes et du bon résultat du croisement - un titre long et explicite, bien dans la manière victorienne. Dès les premières pages, il affichait ses intentions et ses espoirs : « Dans mon livre L’Origine des espèces, je n’ai donné que les raisons générales qu’il y a de croire que c’est une loi de nature presque universelle que les êtres organisés supérieurs ont besoin [pour se reproduire] de se croiser avec un autre individu [...] . Je souhaite montrer ici que je n’ai pas parlé sans y avoir réfléchi en détail [...] . Ce traité me fournit aussi l’occasion de tenter de montrer que l’étude des êtres organisés peut être aussi intéressante pour l’observateur convaincu que leur structure résulte intégralement de lois secondaires que pour celui qui considère que le moindre détail de cette structure est dû à l’intervention du Créateur. » Darwin jette ici le gant en ces termes sans ambiguïté : trouvez donc une meilleure explication, si vous pouvez !

Dans un livre paru en 1793, intitulé The Secret of Nature Revealed in the Structure and Fertilization of Flowers le secret de la nature révélé par la structure et la fertilisation des fleurs, le botaniste allemand Christian Konrad Sprengel, un observateur extrêmement minutieux, avait noté que les abeilles chargées de pollen charriaient celui-ci d’une fleur à l’autre. Darwin a toujours considéré ce livre comme « merveilleux ». Mais Sprengel, quoiqu’il fût passé tout près, avait failli à découvrir l’ultime secret, attaché qu’il était à l’idée linnéenne que les fleurs s’autofertilisaient - et parce qu’il pensait que toutes les fleurs d’une même espèce étaient fondamentalement identiques. Ce fut Darwin qui opéra une rupture radicale et qui perça le secret des fleurs, montrant que leurs caractères particuliers - les divers motifs, couleurs, formes, nectars et parfums qui leur servaient à attirer les insectes et à les faire passer d’une plante à une autre, et les dispositifs destinés à s’assurer que les insectes se chargeraient de pollen avant de quitter la fleur - étaient tous des « trouvailles », « contrivances », comme le disait le titre de son ouvrage ; tous avaient évolué au service de la fertilisation croisée.

Avant lui, des insectes bourdonnant autour de fleurs aux couleurs éclatantes ne formaient qu’un tableau charmant. Avec Darwin, cela devint une scène essentielle de la vie, chargée d’une signification biologique capitale. Les couleurs et les odeurs des fleurs étaient adaptées aux sens des insectes. Les abeilles sont attirées par les fleurs jaunes et bleues, mais ignorent les rouges, parce qu’elles ne voient pas la couleur rouge. Par ailleurs, leur capacité de voir au-delà du violet est exploitée par certaines fleurs, qui utilisent des marqueurs ultraviolets - appelés guides à nectar - pour guider les abeilles vers leurs nectaires. Les papillons, qui ont une bonne vision du rouge, fertilisent les fleurs rouges mais ignorent les bleues et les violettes. Les fleurs pollinisées par les papillons de nuit ont tendance à être ternes, mais exhalent leurs fragrances durant la nuit. Et les fleurs pollinisées par les mouches, insectes qui se nourrissent de matières putrides, imitent parfois l’odeur pour nous, la puanteur de la viande pourrie.

Darwin n’illustrait pas simplement ainsi, pour la première fois, la seule évolution des plantes, mais la coévolution des plantes et des insectes.

Darwin ressent vite le besoin de dépasser la simple observation des phénomènes et de passer à l’expérimentation.

À partir de 1873, il associe à la poursuite de ce travail son fils Francis, physiologiste de formation. La coopération entre le génie intuitif de Charles et le travail méthodique de Francis va s’avérer incroyablement fructueuse. Elle les conduit à conclure en 1880 que l’agent responsable des mouvements est une « influence » se déplaçant dans les plantes. Le professeur Sachs (Würzburg), figure de proue de la physiologie végétale de l’époque, rejette catégoriquement cette proposition. Ce rejet assombrit les dernières années de la vie de Charles. C’est pourtant les Darwin qui avaient raison. Leur idée va susciter au XXe siècle des recherches qui déboucheront en 1928 sur la découverte de la première et la plus importante hormone végétale : l’auxine.

Parmi les découvertes de Darwin, notons le caractère favorable de l’hybridation, c’est-à-dire le caractère positif de la contradiction : de l’apport d’un autre matériel génétique.

Lire ici

Ce que Darwin a écrit sur les plantes insectivores

Et aussi sur les plantes grimpantes

« Le bouton disparaît dans l’éclatement de la floraison, et on pourrait dire que le bouton est réfuté (négation dialectique) par la fleur. A l’apparition du fruit, également la fleur est dénoncée comme un faux être-là de la plante, et le fruit s’introduit à la place de la fleur comme sa vérité. Ces formes ne sont pas seulement distinctes, mais encore chacune réfute l’autre, parce qu’elles sont naturellement incompatibles. Mais en même temps leur nature fluide en fait des moments de l’unité organique dans laquelle elle ne se repoussent pas seulement, mais dans laquelle l’une est aussi nécessaire que l’autre, et égale nécessité constitue seule la vie de tout »

Hegel dans « Phénoménologie de l’Esprit »

« Si un grain d’orge de ce genre trouve les conditions qui lui sont normales, s’il tombe sur un terrain favorable, une transformation spécifique s’opère en lui sous l’influence de la chaleur et de l’humidité, il germe : le grain disparaît en tant que tel, il est nié, remplacé par la plante née de lui, négation du grain. Mais quelle est la carrière normale de cette plante ? Elle croît, fleurit, se féconde et produit en fin de compte de nouveaux grains d’orge, et aussitôt que ceux-ci sont mûrs, la tige dépérit, elle est niée pour sa part. Comme résultat de cette négation de la négation, nous avons derechef le grain d’orge du début, non pas simple, mais en nombre dix, vingt, trente fois plus grand. Les espèces de céréales changent avec une extrême lenteur et ainsi l’orge d’aujourd’hui reste sensiblement semblable à celle d’il y a cent ans. »

Engels dans l’ « AntiDühring »

« Le germe est simple, presque un point ; même le microscope ne saurait y découvrir grand-chose ; mais cette simplicité est grosse de toutes les qualités de l’arbre. Tout l’arbre est dans le germe : les rameaux, le feuilles, leur couleur, leur odeur, leur saveur, etc. Cependant cette chose simple, le germe, n’est pas l’arbre même. Cet ensemble varié n’existe pas encore. Il importe de savoir qu’il existe quelque chose de tout simple, contenant en soi une multiplicité, qui toutefois n’existe pas encore pour soi… On peut dire après Aristote que dans le simple qui est en soi, dans la potentialité interne, la disposition, tout ce qui se développe est déjà contenu. Le développement ne produit rien de plus que ce qui est déjà en soi. Le germe est la notion de la plante… La plante en tant que réelle est une production qui ne s’arrête pas, une production par elle-même. Sa vie est accomplie quand elle est apte à produire de nouveau un germe. Le germe est en puissance la formation complète de la plante… L’unité entre le point de départ, de celui qui produit et de celui qui est produit, est le point essentiel qu’il faut retenir de l’évolution… C’est une seule et même chose ou plutôt un seul et même contenu qu’il soit en soi, enveloppé ou déployé, existant comme tel. Ce n’est qu’une différence de forme mais tout dépend de cette différence…Cette unité de ce qui est présent, et de ce qui est en soi (comme de la plante et du germe), est l’essentiel de l’évolution…. Cette unité du divers, du germe et de ce qui se développe est l’unité de deux choses qui n’en font qu’une… L’entendement abstrait ne peur saisir cela… Dans le développement est contenue aussi la médiation, l’un n’existe que relativement à l’autre. Ce qui est en soi (le germe) est poussé à se développer, à exister, à passer à la forme de l’existence ; et l’existence ne peut apparaître que de la potentialité, du germe. Il n’existe rien en réalité sans médiation… La racine, le tronc, les rameaux, les feuilles et les fleurs, tous ces stades différent les uns des autres. Aucune de ces existences n’est l’existence réelle de la plante (elles ne sont que traversées) parce que ce sont des états passagers qui toujours reviennent et dont l’un contredit l’autre. L’une de ces existences de la plante est réfutée par l’autre. Cette réfutation, cette négation des moments l’un par rapport à l’autre doit être remarquée ici ; mais nous devons aussi retenir fermement la vitalité une de la plante ; cette chose une, simple, se maintient dans tous les états. Toutes ces déterminations, tous ces moments sont absolument nécessaires et ont pour but le fruit, le produit de tous ces moments et le nouveau germe. En résumé, nous sommes en présence d’un seul processus vital, enveloppé d’abord, qui passe ensuite à un être actuel et se divise en diversité des déterminations qui, comme degrés divers, sont nécessaires et forment ensemble de nouveau un système. C’est là une image de la philosophie… C’est là la notion de l’évolution, notion tout à fait générale ; c’est d’une manière générale la vitalité, le mouvement… Si quelque chose résulte d’un de ces degrés, cela constitue le point de départ d’un autre, d’une nouvelle évolution. Le dernier état de l’un des degrés est toujours le premier du suivant. Goethe dit donc quelque part à bon droit : « Ce qui est formé redevient toujours matière. » La matière qui est formée redevient matière pour une forme nouvelle… »

Extraits de « Leçons sur l’histoire de la Philosophie » de G. W. F. Hegel

« Nombreux sont les arbres ou les herbes qui protègent leur territoire par des sécrétions ou des excrétions toxiques pour les autres plantes, voire pour les insectes. De tels végétaux qui font ainsi souffrir les autres sont qualifiés d’allélopathiques. Aucune graine ne parvient à germer dans ces ambiances délétères. C’en est à tel point que de petites herbes finissent par se contrarier mutuellement et en viennent à s’empoisonner les unes les autres par excès de leur sécrétion : c’est la version végétale du suicide. »

Jean-Marie Pelt

La dialectique de la plante

La division entre animaux et végétaux est l’une des plus communes et qui semble très simple au commun des hommes et pourtant elle est loin de l’être et elle pose tous les problèmes philosophiques de la dialectique.

La plante est un végétal, ce qui s’oppose diamétralement à l’animal, pensent bien des gens. La réalité est que cette opposition est dialectique et non diamétrale. Il y a bel et bien une division entre végétaux et animaux qui débute à partir de l’apparition des pluricellulaires. Cependant cette division entre ce que les scientifiques appellent les photosynthétiques (les végétaux) et les hétérotrophes (les animaux) n’est pas étanche. Marc-André Sélosse écrit ainsi dans « Animal ou végétal, une distinction obsolète » : « L’évolution des eurcaryotes est jalonnée de transitions entre l’état hétérotrophe et l’état photosynthétique. »

Pourtant, nous allons voir qu’il a bel et bien opposition entre animal et végétal sur des points fondamentaux de la construction de l’être vivant. Mais ces changements ne sont pas irréversibles : des espèces peuvent provenir d’être photosynthétiques et avoir une descendance hétérotrophes…

Grâce à l’ouvrage de Francis Hallé, « Eloge de la plante » et aux débats qu’il a entraînés, on sait tout ce qu’on ne sait pas sur les végétaux, les plantes, les arbres et notamment la réponse aux questions suivantes :

 la plante est-elle un individu ou une colonie ?

 la plante fonctionne-t-elle globalement sur le même mode que l’animal ?

 la plante a-t-elle un seul capital génétique ou plusieurs ?

 la plante a-t-elle une durée de vie quasi éternelle contrairement aux animaux ?

 la plante construit-elle des relations avec les autres plantes et sur quelles bases ?

 la plante est-elle déterminée par sa génétique ou par son épigénétique (par exemple les relations avec les autres plantes) ?

 la plante a-t-elle seulement un fonctionnement darwinien ou aussi certains fonctionnements lamarckiens ?

Les réponses à ces questions ne parviennent pas nécessairement à être sur le mode par oui ou par non parce que trancher dans un sens ou dans l’autre, c’est rompre le fonctionnement réel qui est les deux à la fois. Par exemple, les fonctionnements animaux et végétaux sont profondément imbriqués, interdépendants, inséparables et ils ont une base cellulaire fondamentalement commune. En même temps, même au niveau cellulaire, la divergence et même l’opposition est tout aussi fondamentale.

La raison d’être de ces contradictions dialectiques qui apparaissent dans l’étude des plantes provient non de l’insuffisance de nos connaissances mais du caractère dialectique de la réalité elle-même.

L’arbre est à la fois individu et colonie. La plante est à la fois sur le mode purement végétal et dans des modes animaux. L’arbre obéit à ses propres déterminations génétiques et subit des modifications liées à une grande souplesse génétique que ne connait pas l’animal et il est également sujet à l’influence de l’épigénétique. Les contraires ne sont pas diamétraux mais dialectiques et les polémiques sur le thème de « individu ou colonie » ou de « divergence complète ou pas entre animal et végétal », comme celles menées par les adversaires de l’ouvrage « Eloge de la plante » de Francis Hallé, risquent fort de durer éternellement car il faut bien reconnaître que les arguments dans les deux sens existent.

Examinons pourquoi la réalité offrirait un état contenant des contradictions en son sein et passerait, par l’action même de ces contradictions, à un autre état où on trouve sous une nouvelle forme ces mêmes contradictions ?

Déjà, il faut comprendre que l’animal comme le végétal sont des êtres vivants macroscopiques, c’est-à-dire que la gravitation est un phénomène fondamental de leur existence. Tous les êtres pluricellulaires ont une échelle suffisamment importante pour entrer dans le domaine où la force principale est la gravitation. Vaincre la gravitation est un problème des animaux qui se déplacent mais il l’est aussi des plantes qui, même si elles ne changent pas de base dans le sol, se déplacent… vers le haut. Cependant, le fondement du vivant, lui, n’est pas à la même échelle. La cellule est d’une taille inférieure à 0,1 mm alors que l’être vivant animal ou végétal est d’une taille supérieure à 1 mm. Entre les deux, il n’existe quasiment aucun animal et aucun végétal. En effet, dans les deux domaines d’existence (en dessous de 0,1 mm et au dessus de 1 mm), les lois physiques ne sont pas les mêmes. Pour les plus petits organismes comme la cellule, la gravitation n’intervient pas et les forces déterminantes deviennent dès lors la tension superficielle, la viscosité, le frottement et le mouvement brownien, forces peu sensibles dans la plupart des phénomènes à notre échelle. Or tous les animaux et tous les végétaux sont formés de cellules. Ils sont donc fondamentalement contradictoires car ils obéissent à la fois à deux logiques contradictoires, le monde de la gravitation qui reconnait les verticales comme des directions particulières et le monde sans la gravitation qui ne reconnait pas cette rupture de symétrie. La discontinuité entre ces deux mondes (appelée le hiatus) subsiste et les deux mondes sont interdépendants à la fois chez les animaux et chez les plantes. L’apparition ou émergence des structures d’organisation des animaux et des plantes provient de la coopération d’un très grand nombre de cellules eucaryotes (avec un noyau cellulaire), émergence qui s’est produite il y a environ deux milliards d’années (apparition des pluricellulaires). La séparation entre animaux et plantes date de 700 millions d’années. Les formes de vie complexe comme les végétaux et les animaux dateraient de 700 millions d’années. La vie pluricellulaire daterait d’il y 2,1 milliards d’années alors que la vie unicellulaire naîtrait il y a 3,5 milliards d’années. voir ici

La rupture entre animaux et plantes, alors que les deux sont fondés sur le même fonctionnement de base de la cellule eucaryote provient d’une opposition entre le mode de gestion de l’énergie : par photosynthèse pour les plantes et par ingestion d’aliments pour les animaux. Il en résulte que l’action de surface est externe pour la plante et interne pour l’animal. La première développe des structures fractales externes pour maximiser sa surface extérieure afin d’absorber le plus de lumière possible. Le second développe des structures fractales intérieures pour maximiser la surface d’action sur la nourriture et sur l’oxygène, par exemple. Alors que la plante agglomère les cellules de manière compacte, l’animal utilise l’apoptose (suicide cellulaire) pour sculpter des structures internes en creux.

La divergence n’est pas seulement au niveau du mode d’organisation des cellules eucaryotes mais des cellules elles-mêmes. La taille déjà les différencie : la cellule végétale est plus grande. La cellule végétale adulte mesure 100 micromètres de long alors que la cellule animale mesure de 10 à 20 micromètres. La cellule végétale est pleine d’armes chimiques défensives (oxalate de calcium, anthocyanes, flavonoïdes, composés cyanogènes, etc) alors que l’animal a d’autres solutions pour se défendre des agressions de son environnement. On constate dans les cellules végétales la présence de plastes (petites cellules dépourvues de noyau qui sont des cyanobactéries intégrées par la cellule végétale) alors que les cellules animales en sont dépourvues. Les plastes n’ont pas un caractère secondaire pour la plante. Il y a trois sortes de plastes : les chloroplastes qui assure la synthèse des glucides en utilisant le gaz carbonique atmosphérique, les amyloplastes qui stockent l’amidon et les chromoplastes qui sont bourrés de pigments assurant la coloration des fleurs et des fruits, couleurs indispensables à l’interaction avec les animaux qui elle-même est nécessaire à la dissémination des gamètes et à la procréation des plantes.

La plante n’a que trois sortes d’organes et ses cellules restent totipotentes (elles ne se spécialisent pas contrairement aux cellules animales).

La cellule végétale a des fonctionnements supplémentaires par rapport à la cellule animale : elle rajoute au fonctionnement cellulaire animal les fonctions supplémentaires : synthèse de la chlorophylle, photosynthèse, production de métabolites (flavonoïdes, phytochrome, caréténoïdes, coumarine, lignine, anthocyanes, alcaloïdes, etc).

Tous ces fonctionnements ont un caractère dialectique. Par exemple, les produits nocifs nécessaires pour écarter les animaux prédateurs sont utilisés de manière sélective car, à certains moments, il convient d’attirer ces animaux. Ils ne sont pas produits en permanence mais seulement si l’agression dépasse un certain seuil ou se produit à un moment inadéquat.

Les mécanismes de protection ne sont donc pas les mêmes y compris de manière interne puisque les plantes n’ont de système immunitaire du même type que les animaux.

Le mode de croissance n’est pas non plus le même puisque l’animal croit en faisant grandir l’ensemble des parties (homothétie) alors que la partie ancienne de la plante se conserve et se complète (en hauteur ou en bout) par des parties nouvelles. L’animal possède dès le début l’ensemble de ses parties qui ne font que changer de taille alors que la plante produit sans cesse de nouvelles parties. La plante est le lieu de nouvelles naissances alors que l’animal ne nait qu’une fois. La plante produit sans cesse de nouveaux germes.

La naissance n’a pas le même caractère chez les animaux et chez les plantes et la transmission sexuelle ou génétique non plus. Il n’y a pas, chez les plantes, de germen fabriqué dès la naissance de manière séparée du soma, contrairement aux animaux.

Il y a une véritable opposition de conception de structure entre animaux et plantes et pourtant les deux sont devenus complètement imbriqués au point qu’il est difficile de concevoir maintenant le fonctionnement de l’un sans l’autre. C’est une opposition dialectique et non diamétrale.

Même Francis Hallé qui souligne les oppositions entre animaux et végétaux, écrit : « Cellules eucaryotes animales et végétales ont en commun bon nombre de dispositifs structuraux et d’organites. Ils ne sont ni végétaux ni animaux, mais peuvent être regardés comme des constantes de la cellule eucaryote. » Il cite à la fois pour la cellule de la plante et de l’animal : le noyau cellulaire, le nucléole qui contient les ribosomes, le centre organisateur de la cellule avec deux acides nucléiques, le réseau des feuillets, des sacs et tunnels membranaires, l’appareil de Golgi, les mitochondries, les lysosomes, les perysomes. « Ces constantes de la cellule eucaryote sont extraordinairement anciennes ; elles sont certainement antérieures à la séparation entre les plantes et les animaux, il y a 700 millions d’années… Plantes et animaux ne sont pas les seuls êtres vivants constitués de cellules eucaryotes ; c’est aussi le cas des champignons et des protistes, mais pas celui des bactéries… Le fait d’être constitués de cellules eucaryotes ne signifie pas que leurs cellules soient identiques. Elles le sont au niveau des mécanismes moléculaires fondamentaux : autorégulation de l’ADN, synthèse des protéines, production d’ATP mitochondrial, cycle de Krebs, structuration des membranes, etc, mais, à des niveaux d’intégration plus élevés, ceux qui concernent les structures et les fonctions de la cellule dans son ensemble, des différences remarquables apparaissent entre la cellule animale et la cellule végétale... Animale, la cellule est petite et potentiellement mobile, au moins pendant les phases embryonnaires ; végétale, elle est beaucoup plus grosse, et elle immobile du fait que sa biologie est dominée par la présence de la paroi cellulosique… Même si les solutions, animale et végétale, sont différentes, voire opposées, chacun des deux groupes est capable de faire pratiquement tout ce que sait faire l’autre… Les cellules végétales ne sont pas aussi isolées que la présence des parois cellulosiques pourrait le laisser croire ; chacun communique avec ses voisines par des tunnels ou des plasmodesmes qui permettent le passage du cytoplasme d’une cellule à l’autre. »

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