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Questions/Réponses sur la menace fasciste et la manière d’y faire face

mardi 10 juin 2014, par Robert Paris

N’oublions jamais que le fascisme est un choix du grand capital, et pas un choix des peuples, au même titre que la démocratie bourgeoise et que les deux ne sont que deux étapes différentes de la dictature du grand capital.

Questions/Réponses sur la menace fasciste et la manière d’y faire face

« La victoire de Hitler en Allemagne démontre que le capitalisme ne peut vivre dans les conditions de la démocratie ni même se couvrir de guenilles démocratiques. Ou la dictature du prolétariat ou la dictature du capital financier. Ou les soviets ouvriers ou les bandes armées de la populace petite bourgeoise déchaînée. Le fascisme n’a pas et ne peut avoir de programme pour sortir de la crise du capitalisme. Mais cela ne signifie pas que le fascisme tombera automatiquement, victime de sa propre inconscience. Non, il maintiendra l’exploitation capitaliste en ruinant le pays, en abaissant la civilisation et en apportant toujours plus de sauvagerie dans les mœurs. La victoire du fascisme est le résultat de l’incapacité du prolétariat à prendre en mains le sort de la société. Le fascisme vivra tant que le prolétariat ne se lèvera pas. »
Léon Trotsky (avril 1933 - Déclaration des délégués appartenant à l’Opposition de Gauche pour le congrès de lutte contre le fascisme)

Question- Est-ce qu’il ne faudrait pas cesser de relativiser le danger que représente Le Pen, les dernières élections européennes ayant prouvé que ce danger devenait très sérieux avec 21% au niveau national, certaines zones du territoire, comme les campagnes, votant Le Pen à 71% !

Réponse- Tout d’abord, à La Voix des Travailleurs, nous n’avons pas cherché à relativiser les risques fascistes, en France comme en Europe ou dans le monde, mais à éviter de les voir spécifiquement dans les résultats électoraux et dans ceux du seul Front National. Relativiser les risques fascistes consisterait à faire croire que, dans la situation de crise mondiale du capitalisme, le capital ne pourrait pas à nouveau choisir cette « solution », ce qui n’est nullement notre avis. Au contraire, nous estimons que le grand capital prépare sur toute la planète des dérives fascistes, sème les haines et les guerres civiles comme il sème les éléments de la future guerre mondiale. Nous ne sommes donc nullement en train de relativiser les risques fascistes mais nous ne les plaçons pas uniquement dans Le Pen et le Front National, non seulement parce que les groupes fascistes se sont multipliés mais parce que tous les partis bourgeois suivent une dérive vers l’extrême droite. En politique, il ne convient nullement de se fier à ce que déclarent les partis et les politiciens. Les étiquettes sont mensongères. Le critère du fascisme, pas plus que celui de la démocratie, ne peut être « c’est celui qui le dit qui l’est », car la politique bourgeoise n’a rien à voir avec la transparence et les intentions réelles et non seulement affirmées ne suffit pas, les hommes politiques arrivés au pouvoir ne font que ce qui est nécessaire aux classes dirigeantes et que permet la situation et non ce qu’ils avaient envie de faire ou prétendaient faire. Le second point important sur cette question est le fait que le choix du fascisme est le fait d’une infime minorité de gens des classes dirigeantes et non celui de l’électorat.

Q- Faut-il attendre de voir Le Pen élue aux présidentielles pour mesurer qu’il y a un risque électoral et pour admettre la nécessité d’une réaction sur le terrain politique à un tel risque ?

R- Il est vrai que les dernières élections européennes ont semblé particulièrement mettre en selle l’extrême droite mais plus du fait de l’effondrement des partis de gauche et de droite, y compris le centre, la gauche de la gauche, les écolos et l’extrême gauche. Bien sûr, cela n’a rien politiquement ou socialement de positif. Mais il ne faut pas croire tout ce qui se dit à ce propos, par exemple ceux qui prétendent qu’un beaucoup plus grand nombre de Français seraient pro-Le Pen : Marine Le Pen n’a réuni que 4,71 millions de voix alors que Jean-Marie Le Pen en avait obtenu 4,8 millions en 2002. Une augmentation du pourcentage ne fait que montrer la chute des autres partis mais pas l’accroissement du nombre des partisans du discours lepéniste. Pourtant, les commentaires médiatiques et politiciens ont fait comme s’il s’agissait d’un raz de marée et comme si le Front National était massivement crédibilisé dans la population, ce qui n’est pas vraiment le cas. A l’inverse, les politiciens bourgeois et la démocratie sont massivement discrédités et le but des partis et des média qui crient au loup à propos de la montée de Le Pen consiste à vouloir se servir de la peur pour recrédibiliser la démocratie bourgeoise en train de s’effondrer avec la crise et de recrédibiliser aussi les partis bourgeois. On ne voit pas pourquoi nous apporterions de l’eau à ce moulin là ! Et d’autant moins que tous ces partis qui se prétendent investi du rôle de barrer la route à Le Pen sont justement ceux qui, par leur politique au pouvoir, ont crédibilisé la démagogie lepéniste et continuent de le faire. Ce sont eux qui ont fait campagne pour la défense nationaliste de l’économie française face aux prétendues agressions extérieures. Ce sont eux qui ont toujours fait passer leurs politiques anti-sociales pour des obligations venues de l’Europe en prétendant que le gouvernement national, lui, n’aurait mené que des politiques sociales… Ce sont eux, toujours gauche, centre et droite confondus, qui ont désigné du doigt les étrangers, instrumentalisé la répression de l’immigration, les sans papiers, les Roms et qui continuent de le faire. Hollande-Valls ne laissent pas passer de semaine sans expulser un camp de Roms ! La lepénisation des esprits n’a même pas besoin de Le Pen. Les Guéant, Sarkozy, Estrosi et autres Valls y pourvoient amplement.

Q- Cela ne me convainc pas cependant que Le Pen présidente ne serait pas un moyen énorme donné à la montée fasciste en France et qu’il ne faudrait pas y mettre une barrière, pour éviter que cette lepénisation ne grandisse encore et ne s’appuie désormais sur le pouvoir d’Etat.

R- Bien sûr, une telle élection ne serait pas un message neutre, politiquement comme socialement, mais ce ne serait pas pour autant la prise du pouvoir du fascisme. Il ne faut pas confondre l’élection d’un président ou d’un gouvernement d’extrême droite avec un changement d’orientation de la politique de la grande bourgeoisie qu’est le fascisme.

Q- Peut-on effectivement commencer par définir ce que l’on entend par fascisme pour mieux comprendre les enjeux et les risques ?

R- Il convient en effet de remarquer que, dans les pays capitalistes, en dehors des périodes de crise sociale grave, les classes dirigeantes collaborent avec les parlements, s’appuient sur les syndicats, les associations, la presse, et se fondent sur la démocratie bourgeoise, même si celle-ci est bien entendu dépendante des intérêts de classe du grand capital. Jamais, le droit bourgeois n’autorise le peuple travailleur à prendre les décisions et jamais les élections ne peuvent permettre à de véritables représentants du peuple travailleur d’accéder au pouvoir. Il n’y a aucun changement de pouvoir réel, celui du grand capital, dans le passage de la démocratie bourgeoise au fascisme. C’est le même Etat allemand sous la social-démocratie que sous le fascisme. C’est la même classe dirigeante. Cependant, les révolutionnaires ne doivent pas en déduire que le passage au fascisme ne serait rien, ne changerait rien de fondamental. Bien au contraire, le fascisme, en détruisant toute démocratie et tout droit d’organisation des travailleurs, est une attaque violente contre la classe ouvrière. La montée fasciste elle-même se fonde sur la mobilisation des masses petites bourgeoises, d’une partie de la jeunesse, des chômeurs, des couches paupérisées contre le prolétariat. Certes les parlements, la démocratie bourgeoise, les syndicats ne sont nullement des vrais outils pour les travailleurs et les peuples mais plutôt des moyens de canaliser le mécontentement et de stabiliser la domination de la grande bourgeoisie mais le fait que celle-ci s’en débarrasse n’est nullement indifférent pour le combat des travailleurs. L’arrivée au pouvoir du fascisme, en dévoilant le caractère foncièrement anti-ouvrier de l’Etat bourgeois, en donnant à la lutte des classes un caractère ouvert et violent, est une défaite importante du prolétariat et celui-ci doit se battre contre la montée fasciste avant même que celle-ci parvienne au pouvoir.

Q- Il est donc bel et bien nécessaire de battre l’extrême droite, y compris dans les urnes.

R- Ce n’est pas véritablement le problème. De toutes manières, on ne peut jamais battre notre adversaire de classe, la grande bourgeoisie, par les élections, pas plus si celle-ci opte pour la voie fasciste ou si elle compte seulement sur la démocratie bourgeoise et les syndicats pour canaliser les luttes et faire reculer ainsi les droits sociaux et le niveau de vie de la classe ouvrière. Plus encore, il convient de remarquer que le fascisme n’est jamais sorti des urnes. Hitler a été choisi par la grande bourgeoisie et le haut appareil de l’Etat bourgeois et pas à l’issue d’une victoire électorale (il avait même vu ses voix baisser sérieusement à l’élection précédant sa nomination comme chancelier du Reich par le président Hindenburg, élu par les socialistes, soi-disant pour « barrer la route à Hitler »). Jamais aucun pouvoir fasciste n’est sorti des urnes, ni en Italie avec Mussolini, ni en Allemagne avec Hitler, ni en Espagne avec Franco, ni au Portugal, ni au Chili, ni en Grèce, ni au Rwanda… Ce n’est pas par les élections, par la « volonté populaire » et ce n’est pas non plus en renversant l’Etat en place que le fascisme est parvenu au pouvoir, mais par la décision d’une infime minorité capitaliste et d’un petit nombre de membres de l’appareil d’Etat, de l’armée, de la police, de la justice, de l’administration, de la religion, des directions syndicales et du personnel politique. L’idée de « battre le fascisme dans les urnes » n’est qu’une manière de dire qu’il faut compter sur les institutions de la bourgeoisie, comme les parlements, les partis bourgeois, les institutions parlementaires pour lutter contre le fascisme. Certes le fascisme tue la démocratie bourgeoise, dont les appareils syndicaux, mais cela ne signifie pas qu’on puisse compter sur la démocratie bourgeoise pour lutter contre le fascisme. Quant aux partis bourgeois, ils ne combattent les partis d’extrême droite que comme concurrents électoraux, mais ils sont parfaitement capables de s’unir aux partis d’extrême droite si c’est leur intérêt politicien. Mais, de toutes les manières, quand c’est l’intérêt des classes dirigeantes d’aller au fascisme, aucun parti bourgeois ne lève le petit doigt pour s’y opposer. Ce qu’ils font semblant de faire éventuellement n’est là que pour empêcher les travailleurs et les classes populaires d’agir. Les fronts populaires sont des alliances de classe avec la grande bourgeoisie qui, en période où la petite bourgeoisie a peur de chuter socialement et est prête à dénoncer et à combattre tous ceux qui la jettent dans la ruine. Au moment même où les travailleurs ont besoin de rompre avec tout réformisme, les partis réformistes prétendent, au nom de la lutte contre le fascisme, proposer une entente avec les partis bourgeois dits démocratiques. Au contraire, il doit être clair que, même dans les pays dits démocratiques, il n’existe pas une bourgeoisie démocratique et il n’existe aucun bouclier contre le fascisme dans les institutions bourgeoises.

Q- Il n’empêche que les campagnes électorales d’Hitler des années trente ont bien servi à faire monter l’impression de force des fascistes et la fascination craintive des travailleurs et des partis et syndicats ouvriers en Allemagne.

R- C’est vrai mais Hitler ne se contentait pas des élections pour faire de la politique. Il intervenait dans les situations politiques, par exemple pour dénoncer l’oppression politique et économique de l’Allemagne par les grandes puissances suite à la première guerre mondiale. Il menait des actions directes violentes contre les syndicats et les partis ouvriers. Il détruisait des meetings ouvriers. Il participait aux grèves pour développer une démagogie dans la classe ouvrière. Il disposait pour tout cela d’un soutien financier et politique de la grande bourgeoisie, soutien qui n’était nullement dû à une sympathie pour les idées d’Hitler dans les milieux bourgeois, petits bourgeois ou populaires. Le fascisme, c’était une nécessité pour une bourgeoisie impérialiste lancée dans une reprise économique très dynamique, se heurtant au mur de la crise mondiale et enfermée dans des limites trop étroites pour se développer, tout en étant menacée par la classe ouvrière la plus organisée et la plus forte du monde. Le fascisme est d’abord et avant tout un produit de la lutte des classes et le crime des partis réformistes et stalinien était de refuser justement de mener la lutte des classes, notamment de mettre en place un front de classe à partir de la classe ouvrière en s’attaquant violemment aux bandes fascistes dès leur constitution. Ce n’est pas une alliance dans les urnes entre social-démocratie et staliniens qui a manqué mais une alliance de combat dans les entreprises et dans les rues.

Q- Puisque la venue au pouvoir de partis d’extrême droite n’est pas un critère pour définir un pouvoir fasciste, quelle définition du fascisme faut-il adopter ?

R- Il y a eu bien des variantes du fascisme dans l’histoire du monde, qui diffèrent aussi bien par le type de pays, le type de bandes armées, par les milieux sociaux sur lesquels ils se sont s’appuyés, par les circonstances de la montée et de la prise de pouvoir des fascistes. Un des points communs entre ces situations diverses est le fait que la grande bourgeoisie ressente le besoin d’organiser de larges milieux populaires, politiquement et militairement, en milices, pour encadrer massivement la population en se débarrassant des manières classiques, dites démocratiques bourgeoises, d’encadrer les masses populaires : élections, institutions, alternance électorale, syndicats, droit de grève, droit de manifester, droit d’expression, etc… C’est la gravité de la crise de la domination de la bourgeoisie, liée généralement à la crise économique et sociale, liée aussi à la menace de révolution sociale (parfois seulement la menace, parfois déjà la montée révolutionnaire prolétarienne) qui est cause de la prise de conscience des classes dirigeantes d’une politique fasciste méthodique et cette dernière ne doit rien à des hasards, des dirigeants particuliers. Ce n’est ni le produit de dérives, ni celui de défauts des institutions, ni de faiblesses du personnel politique démocratique, ou autres balivernes… Ce n’est pas non plus le produit des erreurs des peuples, de la manipulation des foules, de la démagogie. La décision du fascisme est le fait de gens qui ne sont ni manipulés, ni fanatiques des partis fascistes, ni même leurs partisans. Ce qui les guide n’est pas l’idéologie, ni le caractère partisan. Ce sont seulement les nécessités de l’heure pour sauvegarder les intérêts des classes dirigeantes dans un environnement plus menaçant, plus explosif, plus potentiellement révolutionnaire. C’est parce que les classes dirigeantes savent qu’elles vont devoir faire un grand bain de sang si elles ne veulent pas être victimes de la révolution sociale que les classes dirigeantes se jettent dans le fascisme, même quand elles-mêmes ne sont pas spécialement rassurées et attirées par les violences fascistes. Tant que les classes dirigeantes peuvent se fonder sur leur appareil d’Etat, sur les syndicats, sur les partis classiques et les élections pour diriger leur lutte de classes, elles ne font pas appel au fascisme et cela quelles que soient les résultats électoraux des partis d’extrême droite. Ceux-ci peuvent être en mesure de gouverner sans pour autant appliquer des recettes du fascisme : suppression de la démocratie électorale et de la collaboration de la bourgeoisie avec les syndicats. Elle peut aussi utiliser un mixage de toutes ces « solutions » : dictature militaire, guerre et guerre civile ainsi que bandes armées, milices, groupes de combat, organisations de masse encadrant la petite bourgeoisie, la jeunesse et une fraction des milieux populaires. Fondamentalement, le fascisme est une arme de combat contre la classe ouvrière et les classes dirigeantes peuvent l’employer avant même que les travailleurs aient eu conscience d’être une menace pour les classes dirigeantes et leur pouvoir d’Etat.

Q- Est-ce que la montée des partis d’extrême droite européens n’est pas due à des difficultés particulières de l’Europe, une crise particulière, un déficit de démocratie, des effets économiques et sociaux négatifs de l’union européenne plutôt qu’à des facteurs généraux liés à l’évolution du capitalisme depuis la crise de 2007-2008 ?

R- Il est exact que les partis d’extrême droite ont effectué une percée lors des élections européennes et qu’ils ont profité du fait que les classes dirigeantes (et tous leurs représentants politiques et média) n’avaient cessé de présenter la crise comme un produit européen, les sacrifices comme une nécessité européenne, les politiques d’austérité comme une particularité européenne, la destruction des services publics comme une exigence européenne, l’immigration comme une spécificité européenne et les pays européens comme des victimes du reste du monde. La réalité est que la montée de l’extrême droite n’est pas particulièrement européenne, pas plus que le chômage, la crise, l’effondrement des classes moyennes et l’austérité pour les milieux populaires. Des pays aussi différents que l’Inde, le Japon, le Nigeria, Israël, la Russie, les USA ou l’Ukraine connaissent ou ont connu des montées d’extrême droite et la venue au gouvernement d’équipes d’extrême droite n’est nullement particulière à l’Europe. Les montées des intégristes islamistes un partout dans le monde font également partie de cette évolution. Groupes xénophobes, racistes, bandes armées détruisant violemment tout l’édifice « démocratique bourgeois » sont partout à l’œuvre et il ne suffit pas de les dénoncer ou de prétendre les combattre : il est indispensable de comprendre que ces groupes, milices et partis, et que leur succès sont inséparables des classes dirigeantes et de leur besoins spécifiques dans une période de crise mondiale qui déstabilise la domination capitaliste sur le monde. Du coup, il n’existe pas de « lutte contre le fascisme » qui ne soit pas une lutte contre la bourgeoisie capitaliste, une lutte de classes. Il ne faut pas que le prolétariat oublie son combat, ou le mette momentanément en arrière, au nom de la lutte contre le fascisme, de même qu’il ne faut surtout pas que les travailleurs ne se préoccupent que de leurs revendications économiques et oublient leur intervention politique propre et notamment leur propre combat contre le fascisme.

Q- Sur le terrain de la lutte sociale politique, que doivent défendre les travailleurs conscients autour d’eux pour s’armer devant une telle situation menaçante qui désoriente travailleurs et milieux populaires ?

R- Le premier but des classes dirigeantes dans la situation actuelle est d’effacer politiquement et socialement l’alternative que représente le prolétariat communiste révolutionnaire. La montée des fascismes est un des moyens pour y parvenir. Cela donne l’impression aux travailleurs qu’ils ne sont pas une force face à une marée montante des nationalismes exacerbés, des xénophobies, des racismes et des affrontements de plus en plus violents. Cela leur fait croire qu’ils ont besoin de l’Etat bourgeois démocratique pour les protéger et aussi qu’ils ont besoin des classes bourgeoises démocratiques, y compris contre les petits bourgeois attirés par l’extrême droite. Cela leur fait croire que la force politique doit s’exprimer dans les urnes si on veut sauver la démocratie ou le système social. C’est exactement le contraire d’une réaction consciente fondée sur des conceptions de classe. Cela n’a rien d’étonnant car tous les partis qui se revendiquent de la classe ouvrière et tous les syndicats coopèrent pour diffuser la xénophobie, le nationalisme économique, les illusions sur la démocratie bourgeoise, les mensonges sur les buts nationaux du capitalisme. Le but de tous les adversaires politiques du prolétariat, dont les fascistes ne sont qu’une des ailes, est d’empêcher les travailleurs de s’exprimer politiquement en termes de classe, de s’organiser indépendamment, de développer une alternative politique de classe et de s’adresser sur de telles bases aux couches moyennes pour empêcher les classes dirigeantes de manipuler la petite bourgeoisie contre le prolétariat. Ce sont ces problèmes qui sont centraux dans l’intervention des militants communistes révolutionnaires. Ils doivent apparaître clairement comme ceux qui proposent de s’unir contre la bourgeoisie capitaliste et pas seulement de s’unir contre les bandes fascistes. La démagogie fasciste, qui fait mine d’offrir une perspective anticapitaliste ou antifinance, n’est destructible que par le combat réel contre le grand capital. Les mensonges réformistes doivent être simultanément combattus et surtout pas cachés sous prétexte d’entente avec des réformistes contre le fascisme. C’est seulement dans la perspective prolétarienne du renversement du capitalisme que l’on peut véritablement combattre la montée fasciste. Il convient toujours de rappeler que ce ne sont pas les masses petites bourgeoises, ni l’ « opinion publique » qui font le fascisme mais le grand capital. Il faut donc relier les luttes sociales entre elles pour en faire une grande force prolétarienne agissant sur des bases de classe et pas sur des bases défensives purent locales et corporatistes mais il faut aussi unir les revendications sociales et les perspectives politiques. Pour démolir le fascisme dans l’opinion ouvrière, il convient de démolir le nationalisme, la xénophobie, les buts de guerre de la bourgeoisie nationale, le racisme, les différents mensonges qui opposent les peuples, de démasquer les buts de la bourgeoisie. Dans ce but, il est essentiel de démasquer le fait que la bourgeoisie n’est plus capable de faire fonctionner l’économie, plus capable de diriger le monde et qu’elle va nous lancer dans toutes sortes de barbaries plutôt que d’admettre qu’elle est désormais historiquement dépassée.

Q- Pensez-vous que la montée du fascisme va provoquer un choc dans la classe ouvrière qui va mener à une montée révolutionnaire, poussant les travailleurs à se radicaliser socialement et politiquement ?

R- Il est vrai que c’est souvent les offensives violentes antisociales des classes dirigeantes qui ont provoqué les plus grandes offensives des prolétaires dans le monde. Cela ne signifie pas que nous sachions d’avance ce que l’avenir nous réserve. Nous n’avons aucune boule de cristal marxiste, ou prétendue telle, qui nous dise d’avance quand ni comment la classe ouvrière peut repasser à l’offensive et tracer de nouvelles Communes, de nouveaux soviets et autres avancées révolutionnaires. Nous ne savons pas si une attaque de la bourgeoisie provoquera une reprise du mouvement prolétarien révolutionnaire. Par contre, il est clair que nous sommes dores et déjà rentré dans l’ère des troubles, des guerres, des guerres civiles, des fascismes, des dictatures mais aussi des révolutions sociales. Cette constatation ne nous donne absolument pas le rythme, le sens, les événements qui mettrons en marche cette dynamique. La révolution du Maghreb et du monde arabe nous a déjà étonnés et elle dure encore, même si l’impérialisme et les bourgeoisies ont pour le moment limité ses effets. Tout dépendra non seulement de facteurs objectifs (l’ampleur de l’effondrement du capitalisme, la déstabilisation de la grande et de la petite bourgeoisie, l’effondrement des Etats, les guerres, etc.) mais aussi de facteurs subjectifs et, du côté du prolétariat, l’ampleur des mobilisations et soulèvements, la conscience, l’organisation des prolétaires, le niveau politique des révolutionnaires et leur compréhension des événements. Il est facile de mesurer l’ampleur de l’attaque de la bourgeoisie mondiale mais bien plus difficile de connaître le niveau actuel des réactions prolétariennes et impossible d’imaginer l’avenir de ces dernières. Sur ce plan, il ne faut surtout pas raisonner avec des lunettes nationales ni régionales car une seule lutte révolutionnaire marquante peut suffire à lancer toute une période. On vient d’ailleurs de le voir avec les révolutions arabes. La Tunisie et l’Egypte à eux seuls ont lancé tout un mouvement quasiment international. Une révolution prolétarienne en Chine, en Inde ou au Brésil peut parfaitement redonner au prolétariat mondial ses références pour toute une période. Si la bourgeoisie a réussi à marquer la période actuelle par la chute du mur de Berlin, faisant croire que la chute de la bureaucratie stalinienne était une chute du communisme autant qu’elle s’était auparavant appuyé sur la victoire du stalinisme contre la révolution, il est très possible que les prolétaires d’un coin du monde écrivent de nouvelles pages historiques qui seront déterminantes pour tous les prolétaires du monde. Ce qui nous est nécessaire, ce n’est pas de prédire l’avenir mais d’analyser le présent, c’est-à-dire de donner notre point de vue sur la crise du capitalisme, sur les perspectives de la bourgeoisie mondiale et sur celles du prolétariat, ce qui n’est nullement une question de prédiction ou d’utopie. Il n’est nullement nécessaire de nous affoler en examinant l’état d’esprit actuel des masses travailleuses, sur leur prétendue passivité face aux attaques ou sur l’influence grande ou petite des idées réactionnaires. Cela n’aurait rien de probant : l’idéologie dominante est celle de la classe dominante et celle-ci sait donner de l’ampleur et du crédit aux idées petites bourgeoises, y compris dans la classe ouvrière, mais cela n’a rien de nouveau et n’efface nullement les capacités révolutionnaires du prolétariat. Bien sûr, nous n’avons aucun moyen de prédire quand, comment, dans quelles circonstances, le prolétariat peut renouer avec les révolutions prolétariennes et soviétiques, allant jusqu’à détruire le pouvoir de la bourgeoisie et construire le pouvoir des conseils ouvriers mais nous n’étudions pas la politique pour faire des prévisions. Par contre, nous avons absolument besoin de l’étude politique et de la science sociale marxiste pour analyser les circonstances de la lutte et d’abord les conditions objectives dans lesquelles nous nous trouvons et d’abord l’état du système et les perspectives des classes dirigeantes, avant d’envisager celles du prolétariat et ses possibilités d’entraîner avec lui les couches moyennes et la jeunesse. C’est seulement en agissant ainsi que l’on peut éradiquer les risques fascistes, dictatoriaux ou guerriers.

Q- Justement, est-ce que cette étude politique ne devrait pas nous indiquer comment unir les forces antifascistes ?

R- L’expression « forces antifascistes » me semble être une tromperie politique car elle semble indiquer les forces bourgeoises dites démocratiques et une telle alliance ressemble bien à une collaboration de classe avec la bourgeoisie sous le prétexte de menaces fascistes. C’est se jeter dans la gueule du loup sous prétexte d’une attaque de sangliers. Le pouvoir fasciste n’est un danger mortel que lorsqu’il est nécessaire et indispensable à la grande bourgeoisie. S’unir alors avec ses forces sociales et politiques est complètement illusoire. Il est en effet tout à fait contreproductif de lier les mains au prolétariat avec les forces bourgeoises au moment même où l’essentiel serait de montrer que le prolétariat est une force de lutte déterminée contre la grande bourgeoisie allant jusqu’à envisager son écrasement, une force capable d’entraîner toutes les autres couches sociales victimes de la crise de la société bourgeoise. Donc au moment même où le prolétariat a un besoin vital d’indiquer que sa perspective est en rupture avec la société bourgeoise, il devrait nous dit-on s’unir avec des forces bourgeoises dites démocratiques, au moment même où celles-ci sont en train de se vider de tout contenu et de tout soutien social… S’unir aux partis démocratiques bourgeois, qu’ils soient de droite ou de gauche, c’est faire croire que l’extrême droite est la seule pourvoyeuse du fascisme et cela est complètement faux. En période de risques fascistes, tous les partis bourgeois sont également des défenseurs des idées fascistes, des bêtises de la défense des forces économiques prétendument nationales, de la défense contre la prétendue immigration massive envahissante, de la défense en somme contre les étrangers de toutes sortes, prétendument causes de la crise et qui sont présenté par tous les partis en boucs émissaires. Et nous sommes en effet dans une phase où tous les partis bourgeois convergent vers la xénophobie, vers le racisme, vers l’exclusion violente, vers le mythe de l’Etat fort, de la défense derrière les frontières, vers les slogans de « travail, famille, patrie »… La prétention à se sauver de la crise mondiale derrière des frontières est la copie conforme du mythe de l’autruche qui s’enfonce la tête dans le sable et elle est reprise par toutes les prétendues « forces démocratiques », des partis parlementaires aux syndicats, qui n’apparaissent plus comme des forces réelles pour bien longtemps.

Q- Comment alors s’opposer au fascisme ?

R- Il convient tout d’abord de se rappeler que le fascisme est fondé sur le nationalisme exacerbé, l’union derrière l’Etat national et la bourgeoisie nationale, c’est-à-dire l’idéologie diamétralement opposée à celle de la lutte des classes. La riposte du prolétariat est la conception de fond de la lutte des classes : aucun intérêt commun avec la grande bourgeoisie, aucune confiance dans l’Etat et ses gouvernants, aucune collaboration avec les classes dirigeantes, aucune négociation sur de prétendus intérêts communs, aucune concession nuisant à l’internationalisme du prolétariat qui affiche publiquement son objectif : la république mondiale des conseils ouvriers. Plus le capitalisme se révèle incapable de sortir de son impasse, plus nous devons nous diriger de manière diamétralement opposée à celle des réformistes qui n’envisagent que de renoncer à des positions principe pour obtenir des concessions. L’essentiel est que l’aile militante révolutionnaire n’abandonne pas, sous prétexte d’action immédiate, sous prétexte d’unité, l’indépendance de classe du prolétariat vis-à-vis de la bourgeoisie capitaliste et de l’Etat capitaliste.

Q- Si le prolétariat doit rester politiquement et socialement indépendant, comment peut-il proposer un front uni pour faire face aux risques fascistes, guerriers, dictatoriaux…

R- Il le peut d’autant plus qu’il a pris une position de classe indépendante pour affirmer ses perspectives communistes et révolutionnaires car alors, il lui est possible d’entraîner avec lui la fraction de la jeunesse et des couches moyennes révoltées par les effets de la crise, par l’effondrement de la petite bourgeoisie. Cet effondrement est encore devant nous et il n’est pas trop tard pour que le prolétariat se présente comme le défenseur de toutes les couches non capitalistes. Prétendre que le front des travailleurs ne devrait défendre que des revendications syndicales, des buts économiques des salariés, c’est réduire la lutte à l’apolitisme, c’est clôturer d’avance les perspectives révolutionnaires et c’est isoler les travailleurs des classes moyennes en les présentant comme de simples défenseurs de leurs intérêts corporatifs.

Q- N’est-il pas dangereux de nous mettre à la remorque des buts de la petite bourgeoisie qui ne peuvent pas être opposés à la société bourgeoise ?

R- Le problème n’est bien entendu pas d’attribuer des capacités communistes à la petite bourgeoisie mais de faire du prolétariat la classe dirigeante de toutes les couches révoltées par la catastrophe dans laquelle le capitalisme va plonger l’humanité et cette catastrophe ne concernera pas que le prolétariat ! La seule manière de combattre toutes les catastrophes que nous préparent les effondrements d’un système qui a atteint ses limites et ne va pas laisser la place de lui-même pour autant est de faire de la classe ouvrière la nouvelle classe dominante afin d’aller vers la suppression de la propriété des grands moyens de production et de l’exploitation de l’homme par l’homme. On ne peut pas se contenter de défendre la démocratie bourgeoise et, même si le prolétariat se mobilisait seulement contre le fascisme, il ne pourrait aller jusqu’au bout de cette lutte qu’en allant vers la dictature du prolétariat par la prise du pouvoir des conseils de salariés, vers la suppression du capitalisme lui-même. La crise de 2007-2008 a sonné le glas du capitalisme et, même si cela va d’abord se traduire par des catastrophes, il n’est nullement question de se lamenter et de s’affoler : l’avenir de l’humanité est devant nous !

Rappelons en conclusion ce qu’écrivait Tiekoura :

Il ne s’agit pas seulement de dénoncer quelques groupuscules d’extrême droite. A part les nazis eux-mêmes, et encore ceux qui s’en revendiquent ouvertement, tout le monde se dit aujourd’hui contre la violence fasciste. C’est donc un sujet excellent de tromperie. On est tous pour la démocratie. On est tous pour la paix. On est tous pacifiques. C’est du moins ce qui se raconte partout. A se demander pourquoi le monde est si peu pacifique en réalité ! Pourquoi les forces de l’ordre interviennent violemment contre les grèves ou contre les jeunes de banlieue ? Pourquoi la violence économique est la règle : des millions de gens qui n’ont plus de compte en banque, plus d’accès à l’électricité et au gaz, plus de logement, plus d’emploi au nom d’un dieu violent, l’argent ! Pourquoi un seul patron peut licencier des milliers de salariés par une simple décision arbitraire et un Etat comme la Grèce fermer un service public aussi violemment ! Pourquoi il y a des guerres aux quatre coins du monde, de la Syrie au Mali en passant par l’Afghanistan, où on massacre les populations civiles, où on viole et on torture. Et tout cela par des gouvernements tout ce qu’il y a de démocratiques, élus bien comme il faut et développant un « état de droit » tout ce qu’il y a de respectable ! Vraiment, dans nos belles sociétés démocratiques, on imagine tout sauf d’où pourrait bien venir le fascisme ! D’ailleurs, on ne l’imaginait pas davantage dans le passé et c’est venu quand même… Et c’est même venu justement de la fameuse société démocratique bourgeoise !
Ah bien sûr, ce n’est pas venu quand elle était en pleine prospérité. Pas quand les salariés avaient un emploi quasi assuré, une retraite généralement, un logement, un espoir de pouvoir l’acheter, certes à crédit, mais, quand on a l’emploi, tant pis pour le crédit, etc, etc… On connaît tous cela : c’est la société d’hier. Un peu encore celle d’aujourd’hui mais pas celle de demain. La plupart des jeunes n’osent pas rêver d’un CDI sans parler d’une retraite... Bien des gens se demandent quand on va leur annoncer que leur entreprise ferme ou licencie. C’est-à-dire qu’ils n’attendent que la catastrophe. Et, au niveau de l’ensemble de la société, ils n’attendent pas mieux !
Et que faire si cette société capitaliste s’effondre, si on apprend que les banques ont fermé définitivement engloutissant toutes les économies des gens, si la faillite des Etats en a fini des salaires et des retraites des fonctionnaires et anciens fonctionnaires sans parler des salariés du privé ? Ah oui, ce n’est pas possible ont dit tous les bourgeois et tous les politiciens à leur service ? Dommage, ils ont menti ! Alors, c’est l’affolement et on court après le sauveur… Qui va sauver qui ? Les chômeurs, les salariés, les milieux populaires ? Pensez donc ! Il n’est là que pour sauver les classes dirigeantes…
Mais d’abord, arrêtons de pleurer après cette société capitaliste qui s’effondre car ce n’a jamais été la nôtre ! Nous n’avons été que les rameurs de la galère et toutes nos illusions qui s’effondrent, tous nos pleurs ne pourraient de toutes les manières pas la faire renaître de ses cendres. Si les possesseurs privés de capitaux eux-mêmes ne veulent plus investir dans l’exploitation des prolétaires, vous auriez beau payer pour travailler, ils ne voudraient plus ! Or ils ne veulent plus : ils désinvestissent partout. S’il n’y avait pas les investissements publics, aucune entreprise privée capitaliste au monde n’aurait encore ses portes ouvertes et ne fonctionnerait.
C’est la catastrophe ? Oui, bien sûr, parce que nous ne sommes pas prêts à prendre nos responsabilités dans l’avenir du monde. Mais qu’est-ce qui peut nous y préparer sinon d’être au pied du mur ? Ce n’est pas en niant que nous étions des prolétaires que nous allions acquérir cette conscience de classe prolétarienne qui nous fait tellement défaut actuellement. Eh oui, si on n’arrive pas à se battre efficacement, c’est parce que notre conscience a pris quelque retard sur la réalité. Vous me direz que je vous ai entraîné là, loin de mon sujet : le fascisme, et pourtant, on n’est pas si loin. Parce que c’est là qu’existe le danger du fascisme, pas si des méchants, violents, fous et tortionnaires s’amènent et frappent mais si la classe ouvrière, devant l’alternative socialisme ou barbarie, n’assume pas son rôle.
Le danger, il provient d’abord, non seulement des nazis, mais des réformistes, de ceux qui vont tout faire pour éviter que la classe ouvrière n’entre dans la danse et qu’elle le fasse avec ses armes de classe.
Les réformistes, c’est justement tous ceux qui nous disent qu’il faut négocier, réformer, trouver des accords, certes lutter mais seulement pour se faire entendre, pour protester, pas frapper les classes dirigeantes, pas les attaquer là où ça fait mal, pas contester les institutions, pas remettre en cause le monopole de la politique par les classes dirigeantes, pas remettre en cause le monopole de la direction des luttes par les centrales syndicales, pas intervenir directement dans l’arène politique pour affirmer que, puisque le capitalisme n’offre plus d’avenir, nous travailleurs allons le balayer ! Le danger du fascisme ne vient que lorsque la classe ouvrière a accepté de passer son tour, qu’elle ne joue pas son propre jeu, qu’elle ne fait pas ses propres propositions, qu’elle ne postule pas à prendre la tête de la société. Et comment pourrait-elle les faire si elle ne se réunit pas, si elle ne discute pas dans tous les lieux de travail et d’habitation, si toutes les organisations réformistes lui disent : t’inquiètes pas, t’en mêles pas, on s’en occupe !
Alors si on veut que la société humaine ne tombe pas à nouveau entre les mains d’un Hitler, il convient d’abord de cesser de nous prendre pour des victimes prêtes pour le bourreau. On n’est pas des faibles qu’on peut aisément frapper. C’est seulement qu’on nous a endormis durant des années en présentant un esclavage doré comme le nec plus ultra du bien-être ! On va se réveiller, il n’y a pas de crainte là-dessus. D’ailleurs, pour tous ceux qui disent que l’on ne doit pas aller trop vite, que les travailleurs ne sont pas prêts à entendre un tel discours, je tiens à rappeler que les travailleurs ne sont pas bêtes. On ne voit encore rien mais ils enregistrent tout. Ils voient ce qui se passe. Ils lisent, ils réfléchissent. Après on est tout étonné de les voir exploser. Qui avait prévu l’explosion de la Turquie, pour ne pas parler de l’Egypte ou de la Tunisie. Le monde prolétarien s’éveille et il n’a pas fini.
Alors, la première des choses est de cesser de pleurer après des sauveurs du capitalisme, parce que ce sont eux qui nous conduiront le plus sûrement au fascisme.
Ensuite, il s’agit de chercher quelles sont nos armes de classe. Et la première est l’organisation en comités de salariés, de chômeurs, de jeunes, de femmes. Frapper une classe inorganisée, rien de plus simple. S’attaquer à une classe ouvrière organisée, même les classes dirigeantes ne le conseilleraient pas aux nazis ! C’est pour cela qu’ils entendent d’abord nous désorganiser, nous déboussoler, nous faire peur, nous faire perdre confiance en notre force, et que l’aide des réformistes leur est pour le moment indispensable. Même en Grèce, les classes dirigeantes ont récemment démantelé une tentative de coup d’état militaire car ce n’est pas encore le moment. Les travailleurs grecs ne sont pas assez découragés, pas assez désorganisés pour que le fascisme soit une bonne solution pour sauver la bourgeoisie.
Car Hitler a été accueilli comme un sauveur par toutes les classes dirigeantes du monde, même ceux qui allaient ensuite lui faire la guerre. Les réformistes malins croient qu’il suffit d’éviter la révolution pour éviter aussi la contre-révolution mais c’est exactement ce qu’ils ont fait en Allemagne et on a vu le résultat…La prise du pouvoir par les fascistes n’a été possible que grâce aux appareils syndicaux réformistes et aux partis réformistes stalinien et social-démocrate. C’est en suivant les bergers réformistes que la classe ouvrière a été livré au couteau du bourreau.
Les réformistes ont d’autres propositions, que d’éviter la révolution et l’affrontement, pour « lutter contre le fascisme » et il convient de les examiner sérieusement. Il s’agit d’éducation, de formation, de combat contre les idées fascistes, d’action de l’Etat, de répression policières des nazis, d’interdiction des groupes violents, de résolution pacifique des questions sociales, de protection des institutions républicaines et j’en passe…
Cela suppose déjà que l’Etat démocratique et républicain serait le point d’appui essentiel pour lutter pour la démocratie et contre le fascisme. Et c’est faux ! Ce même Etat contient en son sein aussi bien des forces fascistes que des forces démocratiques. Cela dépend seulement de la situation. L’Etat de Blum et celui de Pétain, c’est le même. Il a suffi que change la situation et que la classe ouvrière, d’abord mobilisée contre les classes dirigeantes, soit renvoyée au travail par les bergers syndicaux, staliniens et social-démocrates.
Bien des commentateurs ont idée que le fascisme provient du fasciste, que le nazisme vient d’Hitler, que le mal vient de la maladie sans réaliser que des groupuscules nazis seraient risibles dans une société saine. C’est parce que le système s’effondre, parce que la société est pourrie que ces fleurs qui se multiplient sur le fumier prospèrent. Bien sûr, nous ne voyons pas que cette société est gangrénée par le fascisme si nous ne voyons que ces groupuscules. Mais il suffit d’examiner un peu plus avant pour voir que, derrière l’Etat démocratique, se cachent bien des forces fascistes.
Quand un procureur trouve que l’assassin de Clément n’a pas tué sciemment, n’a pas tué volontairement, alors qu’il s’entraîne depuis des années au point d’être capable de tuer en deux coups de poings, cela montre non seulement qu’il y a des nazis dans la justice mais aussi qu’il n’y a pas assez de démocratie dès maintenant pour empêcher de tels personnages d’agir.
Et comment en serait-il autrement dans une société où la police est chargée par le gouvernement démocratique de gauche ( !) de faire la chasse aux Roms, de faire la chasse aux sans-papiers, aux immigrés, aux Musulmans (sous prétexte de terrorisme. Quand le ministre de l’Intérieur (eh oui, lui-même !) déclare qu’il ne faut pas arrêter les milices d’extrême droite qui ont envahi une mosquée mais qu’il arrêtera toute personne qui participera à une manifestation pour dénoncer le racisme anti-musulmans, qui est-ce qui prépare les forces d’Etat à jouer un rôle raciste et fasciste sinon les forces démocratiques de gauche (et de droite bien sûr). Quand l’armée de ce même gouvernement va faire des guerres aux quatre coins du monde, qu’est-ce qu’elle apprend à ces soldats sinon à assassiner des peuples désarmés ? C’est au Mali et en Côte d’Ivoire que les soldats apprennent à ne pas être racistes et fascistes ?!
Des fascistes, il y en d’abord partout au sein de l’appareil d’Etat des pays dits démocratiques, dans la police, l’armée, les forces dites spéciales, la justice, les prisons, l’administration, les institutions religieuses. Pour participer au génocide fasciste rwandais, il y a eu tous ces gens-là, des ambassadeurs, des militaires, des policiers, des politiciens, des services secrets. L’église de France elle-même a participé. C’était sous l’égide de la gauche, dans un gouvernement comprenant la gauche et la droite et cela a eu la caution écrite des écologistes et du pati communiste. Aucun de tous ces gens-là ne nous sauvera jamais du fascisme. Le Pen père lui-même ne déclare-t-il pas à qui veut l’entendre qu’il a torturé en Algérie parce que la gauche gouvernementale, et Mitterrand aussi, lui en a donné l’ordre. Rajoutons que c’est l’Etat démocratique qui a ordonné les massacres fascistes.
Mieux vaut la démocratie, disent encore les naïfs. Mieux vaut un lion repu, disent les dangereux rêveurs qui se promènent dans la savane désarmés. Les réformistes sont ceux qui disent que se promener armés, c’est le meilleur moyen de provoquer le lion... Tant que la bourgeoisie se porte bien, comme le lion repu, elle pense aussi que, dans les pays riches, il vaut mieux la démocratie. Et la même bourgeoisie, voyant que son monde s’effondre, devient violente et sort les couteaux. Dans ces conditions, prétendre éviter l’affrontement, c’est livrer la victime impuissante aux fauves.
La première chose à savoir sur le fascisme est que ce n’est pas un accident, pas une maladie, pas une erreur ou une tromperie, une arriération ou une folie, que c’est un pur produit du capitalisme le plus développé, du monde moderne.
Du coup, prétendre combattre le fascisme sans combattre le capitalisme n’est que mensonges.
La deuxième, c’est que le fascisme, quand il menace de prendre le pouvoir, n’est pas une méchanceté de tel ou tel, une violence de tel ou tel, mais est véritablement une nécessité pour les intérêts vitaux des classes dirigeantes.
Tous ceux qui prétendent que cela n’a rien à voir avec les classes sociales ni avec la lutte des classes mentent effrontément ou se trompent gravement.
Le premier acte d’Hitler a été de détruire les organisations ouvrières et d’embrigader la classe ouvrière dans le front de fer. Ce n’est pas un effet du hasard. Les camps de concentration n’ont pas été d’abord ouverts pour les Juifs et les Roms mais d’abord pour les travailleurs, les militants syndicalistes, les militants réformistes et révolutionnaires. Et pour cela toute la bourgeoisie du monde, a bu le champagne car la classe ouvrière d’Allemagne, la plus militante du monde, était crainte par toute la classe dirigeante mondiale.
Tous les discours du monde selon lesquels le capitalisme pourra très bien rester démocratique ne tiendront pas une seule seconde dès qu’une quelconque frayeur boursière aura fait valser les banques, les financiers, les Etats. Le château de cartes actuellement édifié à coups de centaines de milliards des banques centrales s’effondrant d’un seul coup, les classes dirigeantes se retrouveront à nu face aux classes ouvrières et aux masses populaires et il n’y a aucune raison qu’elles ne fassent pas appel à leurs chiens de garde nazis, qu’elles se sont bien gardé de museler dans la période précédente.
S’il y a un niveau où l’éducation compte, ce n’est pas pour discuter la validité des thèses nazies, à l’école ou à la télé. C’est déjà fait et cela ne suffit pas. C’est au sein de la classe ouvrière et des masses populaires, de la jeunesse, que l’on doit expliquer les buts sociaux et politiques des classes dirigeantes qui les amènent à faire le choix du fascisme.
Il est encore temps. Il y a très peu autour de nous de partisans avérés et militants du racisme et du fascisme. Même si c’est un nombre croissant, ces derniers n’osent pas encore frapper, apeurer, contraindre les autres au silence. C’est maintenant qu’il importe que les fascistes soient craintifs dans les milieux où ils sont, qu’ils pensent qu’on ne les laissera pas se développer, qu’ils seront mis en cause et combattus. Au lieu de cela, syndicats et partis de gauche font comme si le danger ne les concernait pas. La mort de Clément n’a pas suscité beaucoup d’actions ni de proclamations syndicales. Les appareils syndicaux croient que le danger est loin. Ce n’est pas seulement une erreur. Ils sont tellement emmanchés du côté des appareils de l’Etat qu’ils regardent aussi ce problème par ce bout là…
Ne comptons pas sur les réformistes pour nous sauver des risques du fascisme. Ce serait compter sur les classes dirigeantes pour nous sauver d’un mal qu’elles auront-elles-mêmes appelé.
Tous les discours de ces gens-là consistent à dire que la police doit chasser les fascistes, que la justice doit les condamner, que les média doivent les critiquer, etc, tous ces discours consistent à compter sur les institutions de la bourgeoisie et pas sur les forces de classe des prolétaires et de la jeunesse.
Pour les réformistes, tout va bien : le gouvernement va le faire, la police va le faire, la justice va le faire. Et c’est faux. Dans aucun pays au monde, un Etat bourgeois n’a détruit les risques fascistes, bien au contraire. C’est l’Etat bourgeois qui, à un stade donné, est devenu l’instrument essentiel de la mise en place du fascisme.
Alors, loin des peurs irrationnelles, loin des illusions démocratiques, réfléchissons sérieusement et discutons-en autour de nous, voilà la première chose et refusons tous les mensonges selon lesquels c’est d’autres que nous-mêmes qui va nous sauver de quoique ce soit !
Comment un tel gouvernement qui affirme que ce sont les Musulmans qui menacent la paix du monde, que ce sont les pays étrangers qui nous prennent nos emplois, que ce sont les Roms qui causent l’insécurité, que les Africains sont incapables de choisir eux-mêmes des gouvernements sans qu’on intervienne militairement pour les mettre au pouvoir et les y maintenir, afin aussi d’y faire nos petites affaires, et qui propagent partout ici que c’est bien normal, comment un tel gouvernement serait-il en train d’éduquer contre le racisme et le fascisme ?
Et l’éducation, elle ne pourrait pas permettre d’éviter que les gens tombent demain entre les mains d’un nouveau Hitler ?
Comme si le fascisme était une simple question d’opinion. Comme si c’était une idée qu’il faudrait seulement combattre en la démontant.
Mais telle n’est pas la question. Le problème, c’est qu’à un moment donné, les classes dirigeantes elles-mêmes, elles qui avaient mis en place le système démocratique car il était plus stable, ont besoin du fascisme. Et alors, ce n’est pas une éducation par celles-là mêmes qui veulent le fascisme qui va permettre de le combattre.
Si la classe capitaliste veut le fascisme, il n’y a pas d’autre solution que de la renverser. Et seule la classe ouvrière, si elle prend la tête de tous les milieux populaires, des chômeurs, des femmes, des jeunes, des immigrés, des sans-papiers, peut le faire.
Et d’autre part, préparer les luttes ouvrière de demain, c’est aussi lutter contre le fascisme, car la porte ouverte aux nazis, ce sont les défaites que nous programment tous les appareils syndicaux....
La base réelle du fascisme sera dans le fait que le système s’effondre, dans les millions de gens qui auront peur de tout perdre, dans les petits bourgeois qui craindront pour leurs affaires, dans la jeunesse sans avenir. Ou la classe ouvrière leur offrira une perspective ou ce sera les nazis. Se préparer à la lutte contre la barbarie, c’est se préparer à la révolution sociale.

Le fascisme, un choix du grand capital : voir ici

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