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Un débat avec le GMI sur la politique des révolutionnaires face à la grève des cheminots

samedi 21 juin 2014, par Robert Paris

Le groupe GMI (Groupe Marxiste Internationaliste, section française du Collectif Révolution Permanente) nous a adressé le message suivant :

« Chers camarades, La grève des cheminots entre dans sa deuxième semaine et nous venons d’adopter le tract suivant. Nous vous le soumettons à la discussion afin de savoir si vous êtes d’accord pour avoir une position commune sur cette base. »

Suit le texte qui nous a été proposé et nos commentaires :

Le texte de GMI

cliquer ici :

Notre réponse :

Nous choisissons de diffuser ce texte du GMI afin de permettre le débat le plus large et le plus ouvert entre nous. La proposition de GMI nous paraît parfaitement légitime et fraternelle et nous l’en remercions.

Ce n’est nullement la démarche fraternelle visant à agir ensemble malgré nos divergences que nous récusons mais nous estimons que sur ce terrain également les divergences sont trop importantes :

 entre leur démarche visant à demander aux salariés de faire pression sur les appareils syndicaux pour que ceux-ci adoptent une attitude lutte de classe au lieu d’une politique de collaboration de classe et notre propre démarche consistant à proposer aux travailleurs, qu’ils appartiennent ou pas à un syndicat ou même en soient militants, de s’organiser eux-mêmes en dehors de ces appareils,

 en proposant aux salariés d’être acteurs directs de l’extension de la lutte aux autres secteurs de la classe ouvrière, comme cela s’est produit lors des grandes luttes du passé au lieu de demander aux directions syndicales de le faire, c’est-à-dire de demander au bouc de donner du lait….

 nous n’estimons pas que l’aide essentielle que la classe ouvrière doive apporter aux cheminots soit sous la forme de caisse de soutien

 nous pensons qu’il faudrait d’abord expliquer aux cheminots que leur lutte est la même que celle des autres secteurs du public et du privé déjà en lutte et que nous devons informer les travailleurs de la responsabilité des appareils syndicaux qui isolent consciemment leur lutte de celle des postiers, des hospitaliers, des enseignants, des chercheurs, des intermittents et des salariés du privé menacés de licenciement.

Nous estimons qu’il ne s’agit pas de simples désaccords de formulation réglables par des amendements au texte ni de simples désaccords tactiques avec un accord sur la fond.

Non, il s’agit d’un désaccord sur le rôle des militants révolutionnaires dans les luttes sociales et un désaccord de fond sur le rôle des centrales syndicales.

Faire pression sur ces appareils ne les rendra pas plus pro-lutte de classe, bien au contraire et il faut donc les déborder à l’aide d’organisations autonomes des travailleurs.

D’autre part, le rôle socialiste du prolétariat est indispensable face à la situation actuelle d’effondrement du système capitaliste et il n’est possible que si on progresse vers des formes de conseils de salariés fédérés à l’échelle nationale.

Il n’est donc pas question d’une simple pression ni d’une critique d’extrême gauche des appareils réformistes. Il sera indispensable que les travailleurs prennent le pouvoir sur leurs propres luttes, expriment eux-mêmes leurs aspirations et leurs perspectives.

Si ce n’était pas le cas, le dégoût, le découragement, la désorientation complète ne feraient que suivre les trahisons syndicales.

Bien entendu, nous sommes toujours à la disposition du GMI, comme de tous les groupes ou militants qui souhaiteraient en débattre par écrit comme lors de réunions à venir.

Nous ne dressons aucune barrière infranchissable entre le GMI et nous, pas plus qu’avec d’autres groupes avec lesquels nous avons des divergences de fond sur la politique des révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. Nous ne lançons aucune espèce d’accusation contre la politique ou les pratiques de GMI et estimons tout à fait valable l’effort qu’ils mènent mais nous nous orientons seulement différemment d’eux pour les raisons exposées ci-dessus.

Le débat (d’un côté F.L. et J. pour GMI et, de l’autre, E et R.P. pour VDT :

E :

Je ne peux diffuser un tel papier.

Je relève pour le moment le paragraphe en gras.
Selon la mise en page, s’il est en gras, c’est que c’est ce qui est le plus important à dire car c’est ce qui attire l’oeil et donc c’est ce que votre papier recommande de lire en priorité et de retenir.
Je cite :

"ll faut imposer aux responsables de la CGT, SUD, FO, UNSA, CFDT de rompre le « dialogue social » avec la direction de l’en-treprise et le gouvernement. Il faut leur imposer d’appeler à la grève générale de la SNCF, de RFF et de la SERNAM jusqu’au retrait du projet de loi Hollande-Cuvillier !"

Je ne veux rien imposer du tout aux responsables de la CGT. Je veux m’adresser à ceux qui déjà ne reconnaissent pas ces directions comme les leurs. Je souhaite qu’ils prennent conscience de leur force et surtout de leur capacité à opposer aux directions syndicales une organisation qui se propose en direction alternative. Et je mise sur cela pour que les travailleurs choisissent cette direction alternative.
Cela change radicalement des vieilles formules auxquelles vous êtes beaucoup trop attachés.

Cela propose quelque chose de vivant face à la mort bourgeoise des directions syndicales qui ont largement fait leur temps.

E. :

Voici le document que nous diffusons aux cheminots, et aussi à l’AG des intermittents, dans les hôpitaux, dans l’automobile...

ici

R.P. :

C’est surtout la conclusion qui pose problème : la perspective, ce sont des comités de grève fédérés à l’échelle nationale à l’aide de coordinations.

voir ici

F.L. :

Je pense que la réponse du camarade est assez éloquente malgré sa brièveté.

Elle montre le gouffre qui existe entre nos deux conceptions.

J. ne veux pas discuter ici du bien fondé de la nôtre, mais seulement réaffirmer que, de mon point de vue, VdT (même si par ailleurs on nous dit qu’il ne s’agit pas d’une organisation et qu’il y règne une diversité, voire une opposition d’opinions divergentes) s’est éloignée du marxisme, du léninisme, du trotskysme, ce qui rend toute perspective d’entente entre nous sinon à jamais impossible, du moins dans le moment présent illusoire.

Avançons donc sur les rares points où nous pouvons espérer arriver à un accord (cf. Ukraine évoquée lors de la réunion du 1er juin) et pour le reste, marchons séparément, faute de pouvoir "frapper ensemble" selon la formule bien connue.

F.

E :

Je suis content de voir que celui qui revendique être dans la ligne des camarades qu’il cite oppose marcher séparément et frapper ensemble, alors que Trotsky articulait les deux.

Je suis aussi très heureux que le camarade nous dise qu’il considère que nous nous éloignons du marxime, du léninisme, du troskysme.

En effet, Marx a passé sa vie à dépasser sa propre pensée, pour passer de la philosophie hégélienne à la sienne, et en répondant à ceux qui de son vivant ne comprenaient pas cette démarche, qu’il ne se voulait pas marxiste...

Car ossifier une pensée sans en tirer la subsance vivante et les principes pour les faire vivre face à une réalité changeante revient à transformer une philosophie du changement et du dépassement en une philosophie métaphysique qui rate le changement.
Désolé, camarade, mais c’est le problème de fond entre nous : vous voulez vous appuyer sur de vieilles formules datant d’une période où les syndicats organisaient des milliers des centaines de milliers de travailleurs. Mais dans les AG que je côtoie, les travailleurs se méfient des directions syndicales, qu’ils soient syndiqués ou pas. Et c’est de cette réalité en cher et en os d’aujourd’hui, que je parle lorsque je dit que je cherche à discuter avec ces camarades pour leur proposer de devenir une direction alternative, de façon à dépasser les cadres syndicaux actuels.

Je ne suis pas sûr d’y arriver, mais proposer une caisse de grève indépendante des syndicats, des comités de travailleurs indépendants des syndicats me semble proposer des armes pour que la grève devienne populaire, auto-organisée, et comment à être dirigée par les gréviste et pas par les sbires de LePaon qui cherchent à faire arrêter cette grève profonde.

Cette grève est perlée, mais près de 80% des cheminots ont de près ou de loin manifesté par une heure (59 minutes) ou 4 heures (3h59) leur désaccord avec la réforme. Mais perdre de l’argent quand on sait que les syndicats n’assurent pas la victoire, cela fait que les travailleurs font attention à ce qui se passera à la fin du mois sur leur fiche de paye. Et ils ont raison.

Ce n’est donc pas en disant qu’on va faire adopter notre programme aux directions syndicales qu’on arrivera à convaincre les travailleurs de leur propre force. C’est bien plutôt en aidant les travailleurs les plus radicaux, les plus avancés, à concevoir aujourd’hui, qu’une autre politique est possible et qu’ils peuvent la défendre, et s’organiser dans ce but.

Car proposer que les directions syndicales adoptent notre politique, c’est leur laisser la place pour qu’ils arrêtent le mouvement. Car ce sont les intersyndicales qui tiennent les AG. En fait, ce que propose le GMI semble bien ne pas comprendre qu’on ne peut pas attendre qu’un canard ou un coq ponde des oeufs, que ce n’est pas le taureau qui donne du lait. Ce ne sont pas les syndicats et leur direction qui permettront aux grèves de gagner, car ils sont ou par nature ou devenus de par leur évolution complètement bourgeois.

Les syndicats sont les ennemis des travailleurs. C’est à partir ce cela qu’il s’agit d’élaborer une politique. Et demander à nos ennemis de nous emmener à la victoire, c’est le propre du christianisme, pas du trotskyme. Les chrétiens tendent la joue gauche quand on leur tape sur la joue droite. Et c’est en réalité ce que propose le paragraphe en gras du tract du GMI, si on en tire toutes les conséquences.
Dois-je rappeler que Lénine disait en parlant de son ami et camarade Martov qu’il ne savait pas raisonner ? Il me semble bien que c’est ce qui nous fait défaut lorsqu’on récite ou répète de vieilles formules. Or, si, dès que je cherche à raisonner, comme j’ai tenté de le faire sur un paragraphe, on m’oppose que je ne suis pas dans la ligne, c’est que le camarade a du mal à s’approprier la base même de la démarche du camarade Lénine. Apprendre à raisonner.

F. :

Cher camarade E.

1) Si nous ne pouvons "frapper ensemble" (et pour ma part, loin de me borner à le constater, je le déplore !), c’est précisément parce que tu commets/ vous commettez un contre-sens fondamental sur la démarche de Trotsky qui s’adressait précisément à ceux que tu mets/ vous mettez délibérément et arbitrairement de côté (sans doute en vertu d’un principe philosophique dont la profondeur, je l’avoue, m’échappe ! : à savoir les travailleurs (et même les dirigeants, car contrairement à ce que prétendaient dans leur période ultra-gauche les staliniens et que les maoïstes ont repris dans les années ’60, le FU ce n’est pas le slogan "à la base et dans l’action", mais bien l’adresse effectuée pour les démasquer, AUSSI à l’intention des dirigeants réformistes) influencés par le réformisme.

Il est vraiment dommageable que VdT n’ait pas donné suite à notre demande (le GMI n’était pas encore constitué à l’époque et cette demande émanait donc du seul CCI-T) de nous rencontrer pour discuter du document que nous vous avions adressé en décembre 2011 (!!!!!) sur le Front Unique, tu aurais/vous auriez pu y apprendre ou y ré-apprendre qu’au IVe Congrès de l’IC Trotsky ET Lénine, devant le reflux révolutionnaire, demandèrent aux PC de se réunifier avec une partie des réformistes (les maximalistes en Italie, par exemple) et d’appliquer la tactique du FUO de la base au sommet dans leurs relations avec les partis sociaux-démocrates droitiers.

2) Ton souci de toujours te référer à des structures philosophico-spéculatives est certes louable et sympathique, mais en l’occurrence il en est de la philosophie comme de toute chose, elle mène à tout à condition de savoir en sortir. Or tu justifies la ligne politique que tu préconises en comparant des choses qui ne ressortissent pas au même domaine conceptuel : bien entendu Marx ET Lénine aussi d’ailleurs, ont montré qu’il fallait comprendre à fond l’hégélianisme pour pouvoir le renverser ou plutôt en faire une lecture symptomale, mais précisément une telle lecture aboutissait à un postulat qui est la véritable proposition révolutionnaire du marxisme : "Les philosophes jusqu’ici n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le TRANSFORMER".

Or ce travail de transformation implique que le marxisme est et n’est pas à la fois une philosophie, mais un mode d’investigation scientifique du réel.

Or ce réel implique précisément qu’on analyse la situation telle qu’elle se présente et non selon les cadres herméneutiques élaborés abstraitement (en fonction de leurs désirs ou de leurs "weltschauungen" particulières) par des groupes ou des individus minoritaires, aussi intelligents, cultivés, "philosophes", clairvoyants, voyants tout court ou encore courageux et décidés qu’ils puissent être.

Si Marx et Engels, qui n’étaient pas les premiers venus théoriquement tu en conviendras, s’étaient contentés de s’adresser à ces groupes (hégéliens de gauche et philosophes directs), ils n’auraient point écrit ce texte de vulgarisation qu’est "Le Manifeste" ni édifié successivement la 1ère puis la 2e Internationale avec des partis de masse comme le devinrent la SPD allemand ou la SFIO française, ils n’auraient pas établi l’immense portée théorique (précisément parce qu’elle était pratique et composite) de l’épisode de la Commune de 1871 dont beaucoup des dirigeants (blanquistes, mazziniens, anarchistes) n’étaient pas, loin de là, exempts, d’illusions réformistes possibilistes et/ou patriotardes !

Or, la tâche (qui peut effectivement sembler démesurée, au vu de nos forces) du jour s’est précisément de se battre avec acharnement pour reconstruire de tels mouvements, de tels partis et une Internationale, ce qui ne pourra se faire qu’en partant de l’état présent du mouvement ouvrier et non de celui qui serait souhaitable.

Tu opposes tout à fait artificiellement (car tu poses encore une fois le problème de manière abstraite et purement conceptuelle) l’auto-organisation des masses et la lutte pour conquérir les directions syndicales et les immenses moyens matériels dont elles disposent pour engager le combat pour le gouvernement ouvrier (moyens que bien sûr Le Paon mais aussi les directions SUD et FO n’ont aucune intention de mettre en œuvre) sans voir (toi le philosophe et le dialecticien) qu’il s’agit en fait des deux faces d’une même médaille.

Tu manges d’ailleurs toi-même le morceau en déclarant vouloir t’adresser surtout aux "travailleurs les plus radicaux, les plus avancés". Et tous les autres ???? Tu les abandonnes donc dans leur insuffisante conscience "philosophique" à ces directions syndicales et réformistes traîtres ?

Ce n’est pas sérieux et d’ailleurs ce que j’ai pu voir des réunions de VdT auxquelles j’ai assisté montre, à mon sens, que cela ne correspond même pas à ta/votre pratique réelle.
Dans ces réunions, il est en effet patent, qu’interviennent des travailleurs dont les niveaux de conscience sont extrêmement différents, or tu te contentes/ vous vous contentez de les faire s’exprimer très librement (et c’est là un très grand mérite que pour ma part, attaché comme je suis à la démocratie ouvrière, je me garde bien de sous-estimer), de juxtaposer leurs points de vue non seulement différents, mais parfois opposés, voire incompatibles les uns avec les autres, sans JAMAIS tenter (tenter ne voulant pas dire évidemment qu’on est assuré de réussir) de les unifier, de les organiser en un ensemble qui commence à avoir un semblant de cohérence en vue de l’action pratique.

J’ai le regret de te le dire, mais, en procédant de cette manière, tu es/ vous êtes sans aucun doute plus proche de Martov que moi et non seulement vous vous tirez une balle dans le pied, mais vous servez (sans aucune intention de le faire, bien sûr) un sacré service à ces bureaucraties que vous vilipendez par ailleurs (à très juste titre)en faisant que ces travailleurs que vous rassemblez autour de vous, ne soient pas encouragés à retourner dans leurs syndicats, dans leurs partis, dans leurs associations pour défendre la perspective du Front Unique, du gouvernement ouvrier, de l’affrontement central avec la bourgeoisie.

Nous autres au GMI, avec nos forces pathétiquement faibles, c’est au contraire précisément cela que nous tentons de faire.

Voilà pourquoi, malgré nos rencontres répétées, chaleureuses et sympathiques nous ne sommes arrivés à rien de concret ensemble depuis les trois ou quatre années où nous nous côtoyons.

Je conclus en disant que j’ai rédigé cette réponse à chaud et sans en avoir discuté au préalable ni avec la direction du GMI ni avec aucun de mes camarades qui sont bien entendu fondés à intervenir pour rectifier éventuellement tel ou tel aspect de mon intervention.

Très cordiales salutations militantes

F.

R.P. :

Chers camarades,

je constate comme vous que nous n’interprétons pas le front unique, tel qu’il devrait être défendu aujourd’hui, de la même manière. Il me semble que cela devrait être le prochain sujet de discussion entre nous lors des prochaines discussions si nous voulons, comme tu en exprimes le souhait, avancer dans nos échanges politiques. Ceci dit, le fait que nous soyons depuis quelques temps en train d’échanger des points de vue sans insultes ni anathèmes, même si cela te paraît être "rien de concret" me semble au contraire très concret. Pour notre part, ce que nous faisons à Voix des Travailleurs consiste justement à apprendre en échangeant librement des points de vue ce qui, après tant d’années de stalinisme des organisations ouvrières (y compris celles dites d’extrême gauche) me semble indispensable. Bien sûr, cela peut te paraître du temps de perdu.

Selon toi, nous rendons un très grand service aux bureaucraties syndicales non seulement en exposant leurs trahisons à tous les travailleurs mais en proposant une alternative, à tous les travailleurs car nos tracts de toutes sortes, ceux de Voix des Travailleurs comme ceux que nous pouvons faire avec des groupes de travailleurs plus conscients ou plus combatifs. Ils s’adressent à tous les travailleurs et provoquent des réactions violentes des appareils syndicaux, montrant à quel point ceux-ci s’estiment servis par nos propos !

En préparant les travailleurs à la formation de structures auto-organisées, nous ne nous en adressons pas moins aux militants syndicalistes qu’aux autres. D’ailleurs, une grande part de ceux qui sont sensibles à notre action sont dans les syndicats et sont syndicalistes. Certains ont comme tu dis conquis des rôles au sein des syndicats mais ils l’ont fait clairement, de manière ouverte, sans jouer une tactique cachée qui n’est pas du front unique. Le front unique n’est pas le front populaire, constitué par des syndicats ! L’unité des appareils syndicaux n’est pas le front ouvrier, loin de là.

Notre problème, au delà même des grèves, est de préparer la classe ouvrière au rôle politique qui est le sien : diriger la société, chose impossible si les travailleurs se contentent de rester tranquillement dans les appareils bourgeois que sont les syndicats. Je n’ai pas vu ce qui tu répondais aux propositions de Trotsky en 1936 ?

Les groupes d’extrême gauche, sous prétexte d’unité, se contentent d’être l’aile politique des syndicats et ce faisant, ils couvrent toutes les trahisons syndicales en tentant ainsi d’en recevoir le bénéfice par des avancées au sein de l’appareil. Chaque groupe d’extrême gauche a ainsi sa petite officine syndicale où il mène cette démarche soi disant tactique : LO à la CGT, le NPA à SUD et le POI à FO. Il en résulte qu’aucun de ces groupes ne démasque aux yeux de l’ensemble des travailleurs les trahisons des directions syndicales. Pour ne donner qu’un seul exemple, aucune de ces organisations d’extrême gauche n’a voulu informer les travailleurs que le rapport qui lançait la privatisation avait été écrit par Lepaon au Conseil Economique, Social et Environnemental, le même Lepaon qui allait devenir ensuite secrétaire général de la CGT !!! Et ce rapport, qui avait été voté à l’unanimité des organisations syndicales, patronales et des représentants de l’Etat, ces groupes ne le citent même pas et vous-mêmes ne le citez même pas. Or, il annonce la trahison de la direction de la CGT dans la grève actuelle !!! Il ne suffit donc pas de demander aux directions syndicales de rompre le dialogue social. Il faut demander aux travailleurs de cesser de suivre les appareils syndicaux tout court. Il faut d’abord informer les salariés de ce que sont ces appareils... et des moyens qu’ils ont de s’organiser en dehors. Pourquoi Trotsky estimait-il devoir le faire en 1936 et vous ne le pensez pas aujourd’hui ? La révolution que vous appelez de vos voeux serait-elle celle des partis ouvriers et des syndicats alors que celle de Lénine et de Trotsky était celle des soviets ? Pensez-vous que des syndicats dirigés par des révolutionnaires pourraient remplacer les soviets ? Pensez-vous que les cheminots peuvent gagner sans fonder un comité central de grève entièrement contrôlé par des comités locaux ? Pensez-vous que le patronat et le gouvernement n’auraient pas infiniment plus peur de cheminots commençant à s’auto-organiser que de cheminots se contentant de faire pression sur les appareils syndicaux ? Obtient du lait d’un bouc en faisant pression sur lui ?

salutations communistes révolutionnaires

Robert Paris

Messages

  • Les camarades de GMI intitulent une de leurs réponses : "moins de philosophie et plus de politique" mais ne devraient-ils pas en faire le reproche à l’auteur des Cahiers philosophiques, à celui de Matérialisme et empiriocriticisme, à celui de l’Anti-Dühring, à celui du Capital (puisqu’il disait lui-même que c’était d’abord une oeuvre dialectique) ?

    Par contre, pour celui qui veut militer consciemment en révolutionnaire, le matérialisme dialectique ne doit pas être traité par des "d’abord la politique" !!!

    Voir cet article : Que vient faire la philosophie dialectique dans la politique des révolutionnaires ?

  • Je n’aurais probablement pas écrit ce que Robert Paris a écrit, mais il me semble que ses réponses vont dans le même sens que ce que je dis.

    Je suis donc assez d’accord, sinon carrément d’accord avec les réponses qu’il a formulées.

    Concernant la dialectique et la philosophie, je pense que pour compléter ce que dit Robert Paris, il est fondamental de citer le texte philosophique ET politique du camarade Trotsky dénommé EN DEFENSE DU MARXISME .

    C’est le texte où Trotsky articule la philosophie communiste dialectique à la nécessité de la défense de l’URSS face aux attaques impérialistes tout en critiquant la bureaucratie assassine qui dirige ce qui reste de structures ouvrières dans l’état issu de 1917, environ 20 ans après le début de la révolution.

    Et je pense que matierevolution reprend très bien cela également dans l’article suivant :

    Les révolutionnaires qui ne raisonnent pas dialectiquement ne peuvent que se tromper
    dent du mercredi 3 juillet 2013, et rédigé par Robert Paris

    Contrairement à ce que laisse entendre F. L., je n’ai et nous n’avons jamais refusé de discuter ni avec le CCI-T ni avec le GMI. Mais assister à un congrès de fusion de vos ex-organisation en GMI n’est pas la même chose que discuter.

    La proposition d’un texte de discussion, si elle n’est pas proposée à l’ordre du jour d’une journée de discussion, ou si la journée de discussion elle-même n’est pas proposée, cela limite grandement la portée d’une possibilité de discussion. F. L. nous dit que depuis 2011 le CCI-T a proposé de discuter autour d’un texte. Le CCI-T a-t-il proposé un calendrier de discussion ? ou une première réunion ou journée de discussion sur le sujet ? a-t-il réservé une salle pour cela ? je ne m’en souviens plus, mais peut-être l’a-t-il fait ? auquel cas, soit je n’ai pas été invité, soit je n’étais pas disponible ce jour-là, peut-être ?

    Si vous souhaitez discuter de votre texte, et s’il est encore temps de le faire, avez-vous un calendrier à proposer ? Il n’a jamais été refusé de donner la parole à vos camarades et F. L. et J. comme tous, GMI ou pas, sont libres de parler comme ils le souhaitent dans les réunions que VDT organise. Si une proposition de date et une prise de rendez-vous devaient ou doit à l’avenir être fixée, pourquoi ne pas le faire lors de ces réunions ?

    Car il est fondamental, à mon avis, de rappeler que, depuis plusieurs années, VDT propose des journées entières de discussion. Il me parait essentiel de rappeler que j’ai proposé à l’un des camarades du GMI de discuter philosophie. Jusqu’à il y a peu, il m’a été opposé un refus de ce type de discussion, sous prétexte que le camarade veut discuter de politique et pas de philosophie. Or, pour moi, discuter philosophie ne peut aller sans discuter politique et inversement.

    Il semble que récemment ce refus soit moins ferme et qu’une possibilité puisse être envisagée pour les mois prochains. Je loue ce changement d’attitude et suis très intéressé par la suite des échanges que nous pourrons avoir. Avez-vous une date à proposer ? en juillet ? en aout ? ou plus tard ?

    Ce désintérêt, jusqu’à récemment affiché, pour la discussion philosophique me semble particulièrement préjudiciable tant pour la révolution communiste à venir, que pour la politique de votre groupe. Car la séparation entre philosophie et politique est récurante chez vous.

    Pourtant, grand lecteur de Trotsky, j’ai toujours été particulièrement intéressé par les propos que Trotky tient concernant la philosophie : il s’agit d’une arme théorique puissante absolument indispensable pour élaborer une vision du monde, et indispensable pour la décliner ensuite en propagande politique et en stratégie et/ou tactique révolutionnaire.

    En vous privant de la discussion au niveau philosophique et théorique, vous vous cantonnez comme tant de groupe d’extrême gauche à une tactique ou, mieux, peut être, à une stratégie politique (et encore, je n’en suis pas sûr). C’est un peu comme si vous souhaitiez faire tenir une statue sans son piédestal, sans son socle.

    Et ainsi, vous vous interdisez de définir une orientation sur un socle solide. Dès lors, vous perdez une boussole indispensable pour diriger votre politique, votre stratégie, et votre tactique dans un sens de classe puissant.

    Et sans la boussole pour s’orienter, on devient une girouette, on répète les vieilles formules comme vous le faites, et vous oubliez ainsi de réfléchir de façon scientifique (et donc philosophique) à la situation du moment.

    Je pense donc que la première tâche du GMI est de ré-étudier les classiques en évitant d’écarter les propos profondément philosophiques contenus dans tous les textes fondamentaux de nos ancêtres prétendument communs : Marx, Lénine, Engels, Trostky.

    Et c’est cela que je propose depuis des années aux camarades qui viennent à nos journées de discussions.

    Et je continue présentement à proposer d’étudier ensemble. Car à trop écarter ces réflexions, ces pensées, et ces élaborations philosophiques articulées à la politique -et ce précisément par les auteurs de référence que nous revendiquons pourtant vous et nous- cela vous entraine dans une lobotomie des oeuvres et de la pensée de ces auteurs.

  • F. L. croit m’attaquer en écrivant cela :

    « Tu manges d’ailleurs toi-même le morceau en déclarant vouloir t’adresser surtout aux "travailleurs les plus radicaux, les plus avancés". Et tous les autres ???? Tu les abandonnes donc dans leur insuffisante conscience "philosophique" à ces directions syndicales et réformistes traîtres ?

    Ce n’est pas sérieux »

    Effectivement, déformer ma pensée de la sorte en affirmant ensuite qu’il n’a jamais entendu cela dans nos discussion est franchement peu sérieux !

    Qui se tire une balle envers lui-même ?

    S’adresser aujourd’hui aux plus radicaux pour qu’ils s’organisent de façon autonomes des syndicats qu’ils soient à SUD, CGT, FO, ou même UNSA, CFDT ou sans organisation ou sans syndicat sert à former une force pour entrainer les autres, ceux qui ne voient que les syndicats pour les diriger.

    Mais lorsuq’on ne veut pas discuter de philosophie, et qu’on ne veut pas utiliser l’outil puissant qu’est la dialectique (le seul outil philosophique matérialiste) on raisonne en logique formelle et on se prive ainsi du dépassement des lois de logique formelle par l’outil de la dialectique.

    Rappelons que cette logique formelle a été élaborée contre la dialectique socratique voire platonicienne.

    Car Socrate mettait en avant un débat contradictoire dans lequel tant l’interrogeant que l’interrogé sortaient tous deux transformés.

    Socrate, lui, se gardait bien de chercher à formaliser des lois de la logique. Mais Aristote a élaboré une philosophie formaliste contre cette démarche socratique.

    Ainsi, la logique formelle s’est vue répétée par toute la tradition pré-chrétienne puis chrétienne et scolastique depuis Aristote jusqu’à Kant, et que c’est la philosophie révolutionnaire de Hegel, élaborée en même temps que se développait le mouvement révolutionnaire en France et en Europe qui a permit de remettre profondément en cause cette logique formelle.

    Cela a eu comme conséquence la réouverture par tous les partisans de la logique formelle de discussions philosophiques et scientifiques tendant à rétablir cette logique formelle malgré son inefficacité. Une bonne part de la philosophie académique post-hégélienne cherche à tirer sur la dialectique. Ainsi, éviter d’étudier ces questions, c’est se priver d’affiner ses armes et rester dans la récitation des formules appartenant au passé.

    De ce fait, la haine de philosophie fait manquer à mon contradicteur un outil de débat puissant.

    Il tombe ainsi dans la facilité d’éviter de raisonner, ce qui le mène à penser que derrière un propos il y a une vision erronée et que lui seul détient la vérité et la ligne juste.

    De ce fait, il oublie que le débat contradictoire est absolument utile et nécessaire précisément parce qu’on ne sait jamais ce qui va en sortir. Et ainsi, bien souvent, c’est du débat contradictoire que peut sortir une position totalement nouvelle.

    De par son attitude, F. L. se ferme ainsi à beaucoup des possibilités de la vivante création des idées dans le débat contradictoire.

  • A l’attention des camarades de la Voix des Travailleurs, en réponse au message très matinal d’E de ce 20 juin 2014

    Chers camarades,

    En mon nom personnel et parce qu’à mon niveau je réfléchis à la situation politique (et sociale) nouvelle que dessine la formidable et plus que vivante grève des cheminots confrontée à la contre-offensive de la bourgeoisie et de ses agents (appareils syndicaux, presse, etc.), je n’ai pas pu résister à répondre à ce qui me paraît dangereusement erroné, car paralysant l’intervention des révolutionnaires dans la lutte de la classe, dans ce qui ressort des conceptions d’E.

    Je laisse à chacun le soin de peser les arguments avancés de part et d’autre, étant conscient que l’essentiel, c’est d’affronter l’ennemi de classe et ses alliés bureaucratiques qui, à la tête des syndicats, tente de briser la grève en la vidant de sa substance combative. Et après les cheminots (sans parler des intermittents), il est inéluctable que la santé et d’autres secteurs entrent dans la lutte. Si les cheminots parvenaient à imposer leurs vues, alors ces combats à venir auraient lieu dans des conditions beaucoup plus favorables que dans le cas où les travailleurs du rail devraient marquer le pas (je n’ose parler de défaite car rien n’est inscrit d’avance ; tout dépend en partie des révolutionnaires marxistes).

    La lecture de deux messages de Robert Paris (datés des 20 et 21 juin) m’a incité à reprendre la plume pour vous envoyer la suite de remarques suscitées par le message d’E. du 20 juin. Il se peut que je me sois répété, mais c’est parfois volontaire, convaincu que je suis de l’excellence du programme marxiste. Moi non plus, je ne prétends pas avoir la science infuse. Mais réfléchir à partir de ce que nous ont appris Marx, Lénine, Trotsky et tant d’autres, est toujours utile. Même si l’on fait des erreurs, dans la théorie et dans la pratique. C’est pourquoi il nous faut un parti pour élaborer ensemble ce qu’on appelle une "ligne juste", sans diktat et dans la démocratie ouvrière que vous avez le rare avantage d’avoir su commencé à organiser dans les débats actuels en vue de notre préparation commune à ce que je pressens comme l’ouverture, en France et en Europe, d’une crise révolutionnaire.

    Salutations marxistes révolutionnaires,

    J. (militant du GMI)

    Quelques remarques sur la grève des cheminots, à l’attention des camarades de la Voix des Travailleurs

    Je reçois ce matin le message d’E. exprimant son désaccord avec la tactique de lutte préconisée par le GMI dans la grève des cheminots, dont le tract du 17 juin ouvre la perspective de « la grève générale jusqu’au retrait du projet de loi ».
    La lutte pour la constitution de comités de grève et leur fédération jusqu’au plan national, combattant contre la politique de collaboration de classe des appareils syndicaux, n’est pas une question académique. Elle l’est d’autant moins que, par l’intermédiaire du camarade B., la Voix des Travailleurs est en contact depuis des années avec un groupe de cheminots dans une gare importante. C’est là un levier militant qui, bien manié, pourrait, à mon avis, permettre de déployer la grève, voire ouvrir la voie à la déconfiture complète de la politique des appareils syndicaux chez les cheminots et ailleurs et donc du patronat et du gouvernement aux ordres de ce dernier.
    Le tract de la VdT daté du 18 juin et auquel E. nous renvoie, conclut :
    « Il est indispensable que les cheminots, comme les agents de l’Hôpital public ou des autres secteurs de la classe ouvrière se dotent d’organisations autonomes, indépendantes du patronat et du gouvernement, et qui n’aient de compte à rendre qu’aux salariés : comités, conseils, coordinations de salariés… »
    Des organisations autonomes, indépendantes du patronat et du gouvernement ? Bien sûr. Le comité de grève représente cette forme élémentaire d’organisation dans tout arrêt du travail. J’espère que le camarade B. nous fera, en temps utile, un compte rendu de la bataille que ses camarades cheminots ont dû mener avec lui sur sa gare, comment un travail d’organisation a pu être engagé, à quel point les appareils syndicaux ont pu être submergés et démasqués afin que puisse se constituer une véritable organisation autonome de la grève, quel travail de centralisation ils ont pu entreprendre par le moyen de la coordination des comités de grève, la situation me paraissant favorable à leur constitution De ce point de vue, il semblerait que le GMI soit d’accord avec la conclusion du tract de la VDT lorsque nous écrivons :
    « A l’étape actuelle (le tract du GMI a été élaboré le 17 juin), les travailleurs sont éclatés site par site alors que les directions syndicales sont, elles, centralisées et qu’elles négocient à l’échelle nationale le projet sans le remettre en cause. Si les travailleurs ne veulent pas être trahis comme en 2003, 2007 et 2010, il est indispensable que les assemblées générales élisent des comités de grève et les centralisent dans une coordination nationale ».
    Or dans son message, le camarade E. se refuse à définir sur la question clé de l’organisation de la grève des cheminots une position commune avec le GMI. Pour la raison qu’il « ne veut rien imposer du tout aux responsables de la CGT ». Et cela, en réponse au paragraphe qui suit du tract du GMI où l’on peut lire :
    « Il faut imposer aux responsables de la CGT, SUD, FO, UNSA, CFDT de rompre le « dialogue social » avec la direction de l’entreprise et le gouvernement. Il faut leur imposer d’appeler à la grève générale de la SNCF, de RFF et de la SERNAM jusqu’au retrait du projet de loi Hollande-Cuvillier ».
    Il est clair que pour imposer, malgré les dirigeants syndicaux, une grève générale dont ils ne veulent pas (n’ayant, sous la pression de la base radicalisée des cheminots, consenti à n’appeler qu’à une ou deux journées de grève), il faut que les cheminots soient plus forts que les appareils bourgeois qui dominent dans les syndicats. Il faut donc affronter politiquement ces appareils, les contraindre par la conscience et la force du regroupement des travailleurs en lutte, il est nécessaire d’imposer la grève générale organisée dans ses comités et son comité central, contraindre par ce moyen les dirigeants traîtres à rompre avec la politique dictée par la direction de la SNCF et le gouvernement. Les empêcher de pratiquer une telle politique au compte de la bourgeoisie revient au même.
    Contre ce paragraphe du tract du GMI, le camarade E. a l’avantage d’expliciter sa pensée en ces termes :
    « Je ne veux rien imposer du tout aux responsables de la CGT. Je veux m’adresser à ceux qui déjà ne reconnaissent pas ces directions comme les leurs. Je souhaite qu’ils prennent conscience de leur force et surtout de leur capacité à opposer aux directions syndicales une organisation qui se propose en direction alternative. Et je mise sur cela pour que les travailleurs choisissent cette direction alternative ». Et le camarade E. d’ajouter, s’adressant au GMI : « Cela change radicalement des vieilles formules auxquelles vous êtes beaucoup trop attachés ».
    Radicalement différent ? Oui et non. Regardons-y d’un peu plus près. Imaginons que lors des premières assemblées générales de cheminots, les appareils continuent à y dominer et empêchent, sous des prétextes divers, dont la sacro-sainte « démocratie » qu’ils foulent aux pieds contre l’exercice réel de la « démocratie ouvrière », donc empêchent la constitution de comités de grève combatifs. C’est d’ailleurs ce qui semble s’être passé depuis le début du mouvement.
    Néanmoins (et là le camarade B. pourra nous dire ce qui s’est passé dans sa gare), sous les coups de la critique des militants révolutionnaires, dans la situation actuelle de montée de la combativité, il est certain que des couches entières de travailleurs sont amenées à se déprendre de leur confiance ou semi-confiance à l’égard des dirigeants syndicaux. Il arrivera forcément si le mouvement est profond, et aujourd’hui il l’est, un moment où les révolutionnaires peuvent devenir majoritaires dans l’AG qui, souveraine, prendra contact avec les autres gares, les autres villes, proposera la coordination, etc. et cela, jusqu’à la constitution d’un comité national de grève contrôlé par la masse en mouvement.
    Contrairement à ce qu’E. peut imaginer, les travailleurs ne « choisissent pas cette direction alternative » qu’il souhaite incarner. Les travailleurs deviennent, dans la lutte qui élève leur conscience, cette direction elle-même, en prenant leurs affaires en main. Pour en arriver là, il faut que l’initiative des militants révolutionnaires réponde à ces aspirations de la masse en lutte, donc un parti ou un embryon de parti révolutionnaire est nécessaire. Rosa Luxembourg pensait que cela suffisait pour rassembler les éléments d’un tel parti révolutionnaire en faisant l’économie de l’affrontement avec les sommets syndicaux. Eh non, cela ne suffit pas. Et ne retire d’ailleurs rien au génie de Rosa qui n’a pas eu le temps, hélas, d’évoluer sur cette question capitale. Mais revenons à notre AG « imaginaire » pas si éloignée que cela, me semble-t-il, de la situation actuelle de la grève des cheminots. (Là encore, je suis très intéressé par l’activité du camarade B. et des cheminots qu’il influence sur sa gare). Il arrive un moment où les travailleurs les plus conscients, ceux qui ont une compréhension générale de la situation, qui sont armés d’un programme politique (marxiste) en arrivent à comprendre qu’il faut s’organiser à part, c’est à dire en parti révolutionnaire distinct de la masse dont ils peuvent gagner d’importants segments. C’est comme cela que je vois la construction du parti. Nous sommes peut-être d’accord là-dessus.
    Néanmoins, dans le cours réel de la lutte politique, les travailleurs, même « radicalisés », restent confrontés à la domination des appareils syndicaux. La tactique du front unique ne consiste à lancer des appels à ces appareils pour leur confier le soin de mener la lutte, mais tout au contraire à opposer le mouvement organisé et autonome de la classe organisée dans ses comités de grève, à la politique traître de ces mêmes appareils, à les démasquer, même s’ils tournent sous la pression des grévistes et font semblant de défendre les revendications de la base. Il s’agit de paralyser ces appareils et de les chasser dès que cela devient possible. Alors les travailleurs pourront réinvestir leurs organisations syndicales qui les constituent dans leur masse, depuis le 19e siècle, en tant que classe. (Je pense d’ailleurs que pour en finir avec la politique contre révolutionnaire des « grands » appareils, confédéraux entre autres, la classe ouvrière n’y parviendra qu’après la prise du pouvoir par ses conseils. Mais qui vivra verra).
    Mais si l’on se refuse à affronter politiquement les dirigeants bourgeois du mouvement ouvrier en exigeant qu’ils rompent avec la bourgeoisie, les mettant ainsi en contradiction avec la base en lutte, base qui se « radicalise », alors on ne permet pas à la masse de s’organiser contre les sommets syndicaux, de les submerger, d’imposer l’unité de tous dans la lutte afin de gagner la bataille. La lutte pour le front unique, c’est-à-dire pour gagner la majorité de la classe pour que celle-ci dirige elle-même sa grève, edt notamment dans tout combat mettant en cause la société bourgeoise, ce n’est pas une recette ou une « vieille formule », mais la seule tactique permettant d’unifier le front prolétarien contre la politique traître des sommets « inamovibles », ou si l’on veut de dresser la classe en un bloc uni contre ses ennemis : patronat et gouvernement et ses agents (les appareils bourgeois syndicaux et politiques) dans le mouvement ouvrier.
    Il me semble que la grève des cheminots n’est pas sur le point de se terminer, en dépit des efforts de la vieille société pour la briser. Cette grève est à la fois le produit de la désaffection des masses pour les vieux partis ouvriers-bourgeois faillis (PS, PCF, PG) qui s’est exprimée aux récentes élections et d’un même mouvement de désaffection de ces mêmes masses à l’égard des directions syndicales. En ce sens, l’intervention des révolutionnaires, notamment ceux de la gare de B. je le répète, peut être décisive dans la période qui s’ouvre.
    Espérons que les points d’accord que nous pouvons avoir avec E. et ses camarades l’emporteront sur nos désaccords et que les cheminots pourront, avec notre concours commun, l’emporter contre leurs ennemis, ouvrant ainsi la voie à un combat décuplé de toute la classe ouvrière en France et en Europe.

    Salutations marxistes et internationalistes,

    Le camarade J., du GMI (en son nom personnel), le 20 juin 2014

    • Je de GMI nous explique que :

      La tactique du front unique ne consiste à lancer des appels à ces appareils pour leur confier le soin de mener la lutte, mais tout au contraire à opposer le mouvement organisé et autonome de la classe organisée dans ses comités de grève, à la politique traître de ces mêmes appareils, à les démasquer, même s’ils tournent sous la pression des grévistes et font semblant de défendre les revendications de la base.

      Je ne comprend pas alors pourquoi le tract de GMI qui nous était proposé faisait exactement le contraire.

  • Suite de mes remarques sur le front unique ouvrier (trois),
    à l’attention des camarades de la Voix des Travailleurs

    Je réponds ici brièvement à la courte remarque non signée, sur le forum, d’un camarade de la Voix des Travailleurs qui s’appuie sur un passage de mes « Quelques remarques sur la grève des cheminots », rédigées et envoyées aux camarades de la VdT le 20 juin 2014 et publiée dans le forum du site comme contribution à la discussion en cours entre la VdT et le GMI.

    Cette courte remarque, que je viens de découvrir, vise à me mettre en contradiction avec le tract du GMI du 17 juin, mal compris malgré sa clarté.

    Je souligne que dès le 23 juin, j’ai envoyé aux adresses mails des militants de la VdT que je possède, un second texte où je répondais à l’avance, et assez longuement, à la critique du camarade. Ce texte s’intitulait : « Suite aux quelques remarques de Jean (du GMI) sur la grève des cheminots (deux) ». Peut-être serait-il utile de joindre ce document (un peu plus long que le premier, mais pas trop quand il s’agit d’argumenter) à l’ensemble des contributions de camarades de la VdT et du GMI sur ces problèmes de fond qui nous tiennent tous à cœur.

    Mais répondons plus précisément à la remarque de mon contradicteur. En résumé, alors que j’essaie d’expliquer (et je reviens sur cette question dans la Suite (deux) de mes Remarques) que la tactique du Front unique ne consiste pas à faire pression sur les appareils mais a pour objectif de mobiliser les masses (en fonction des conditions concrètes de la lutte qu’elles ont engagée, notamment dans la grève), contre les appareils traîtres pour submerger ces derniers et éliminer leur influence sur ces mêmes masses, le camarade écrit : « Je ne comprends pas alors pourquoi le tract de GMI qui nous était proposé faisait exactement le contraire ».

    Pour moi, je comprends très bien l’attitude du camarade. Elle est celle-là même de la plupart des dirigeants des jeunes partis communistes regroupés dans la 3e Internationale, quand celle-ci définissait en 1921-22 la tactique du front unique. Comment, s’indignaient les communistes des nouveaux PC, nous venons de nous constituer en partis révolutionnaires sur la base d’une scission avec la social-démocratie traître et voilà que l’IC nous demande de nous adresser à ces mêmes dirigeants que nous vomissons avec l’objectif de mobiliser ensemble la classe ouvrière sur ses revendications. Nous ne comprenons pas.

    Toute la question est là et pour comprendre cette tactique, l’appliquer comme il convient afin de gagner la majorité du prolétariat (soit dans le cas d’une grève pour en assurer la victoire et plus largement dans la lutte pour la prise du pouvoir), il faut surmonter une conception statique, formelle, non dialectique du mouvement contradictoire de la classe. Le prolétariat, dès qu’il engage un mouvement d’ampleur, se heurte inéluctablement à la bourgeoisie et aux appareils bourgeois qui la défendent dans ses rangs. La tactique des révolutionnaires consiste ainsi à démasquer, isoler et éliminer autant que possible le rôle néfaste des appareils, à devenir majoritaires dans la lutte, assurant ainsi les meilleures chances à une issue victorieuse.

    Il ne s’agit donc pas de pression sur les appareils mais de faire éclater la contradiction entre deux politiques : celle de la bourgeoisie et de ses laquais et celle de la classe en mouvement. Pour cela, une seule méthode : avancer à tous les moments de la lutte, les mots d’ordre que peuvent prendre en charge les formes d’organisation autonomes, tels que les comités de grève. Le tract cheminots du GMI donne en titre l’objectif dont ne veulent surtout pas les appareils : « Pour la victoire des cheminots, grève générale ». Puis le tract aborde la politique traître des dirigeants syndicaux, notamment leur longue participation à l’élaboration de la loi ferroviaire est fustigée (des camarades de la VdT nous ont reproché, à tort, de n’avoir pas dit un mot à ce sujet) et la conclusion s’impose (où notre critique croit voir une contradiction) : que les responsables syndicaux rompent avec la collaboration de classe. Contre leur politique de soumission à la bourgeoisie, contre ceux qui se prétendent les représentants des travailleurs, ces derniers doivent s’organiser pour leur imposer d’appeler à la grève générale, etc.

    Mais, nous rétorquera-t-on, jamais les dirigeants n’appelleront à la grève générale. Comment le décréter ou le savoir à l’avance dans chaque cas précis ? Ce qui importe, c’est l’organisation autonome des travailleurs dont la puissance peut contraindre les appareils à changer (momentanément sans doute) de politique. Nos critiques peuvent aller plus loin et dire : admettons que la classe, débordant les sommets syndicaux, se dote d’un comité central de grève et déclenche la grève générale. Les appareils, même avec un langage gauche, n’en seront pas moins présents dans la grève générale (on l’a vu en 1968) et feront tout pour la faire refluer et la briser. Sans doute et tout l’art des révolutionnaires consiste à nourrir le mouvement conquérant de la classe, à l’opposer dans son essor à la bourgeoisie et à ses laquais, de lui faire faire toute une série d’expériences décisives qui élèvent sa conscience et permettent de gagner la majorité des travailleurs au programme de la révolution.

    N’est-ce pas cette politique que les bolcheviks ont appliquée en 1917 lorsqu’ils exigeaient que les dirigeants petit-bourgeois des soviets rompent avec la bourgeoisie ? En quelques mois, de très minoritaires qu’ils étaient dans les soviets, ils sont devenus majoritaires, ruinant l’influence des partis conciliateurs sur les masses et accueillant dans leurs rangs des dizaines de milliers d’ouvriers et de paysans pauvres bernés par les mencheviks, les anarchistes ou les socialistes révolutionnaires. Cette tactique, celle de Lénine et Trotsky, ne s’appelait pas encore front unique ouvrier mais y ressemblait comme deux gouttes d’eau.
    Si l’on définit la dialectique comme la logique des contradictions, alors les révolutionnaires doivent bien évidemment en maîtriser les lois et avancer une politique qui, partant des revendications élémentaires, permette à la classe ouvrière dans sa majorité, de prendre conscience qu’il lui faut substituer son pouvoir (et à tous les échelons, du comité de grève au soviet) à celui de son ennemi de classe et de ses agents, en détruisant le vieil appareil d’Etat bourgeois et ses organes de répression.

    Dans la grève des cheminots, le premier pas à accomplir était de se battre pour constituer, là où existaient des noyaux révolutionnaires et où cela était donc possible, des comités de grève forçant les appareils à obéir aux exigences des travailleurs. Et à chaque moment de la lutte, avancer la politique adéquate permettant à la classe de mettre en échec les manœuvres des appareils. C’est la méthode même du programme de transition de 1938. Cette bataille, si elle aboutit, permet aux travailleurs de commencer à se réapproprier leurs organisations historiques (notamment les syndicats) en s’organisant majoritairement en comités (de grève, d’usine, de quartiers, etc.). Alors les révolutionnaires, qui ont mené ce combat, peuvent intégrer dans leurs rangs l’avant-garde militante qui a combattu, construisant ainsi un parti révolutionnaire nécessaire pour préparer les masses à la prise du pouvoir, en en faisant mûrir les conditions.

    Sans avoir en tête cette perspective (la lutte pour le gouvernement ouvrier, pour l’Etat ouvrier, pour les Etats-Unis socialistes d’Europe et du monde), que concrétise un Programme d’Action, on ne peut pas combattre efficacement dans quelque grève « partielle » que ce soit. Une des lois de la dialectique, selon Hegel (et Marx), c’est la réciprocité de perspective. Tâchons d’appliquer cette loi, dont il s’agit de bien mettre à jour toutes les déterminations, et alors nous serons mieux armés pour affronter les futures et prochaines échéances de la lutte des classes. Avec les camarades cheminots et dans toutes les fractions du prolétariat qui se préparent à la lutte.

    J. (du GMI), en son nom personnel – 7 juillet 2014 -

    • Cher J. du GMI, merci d’abord de tout coeur pour ta constance dans ta volonté de discussion et d’explication politique. Je suis certain de parler au nom de tous nos camarades de VDT pour dire que cela nous touche et nous plait. Il est indispensable de s’expliquer et parfois longuement et nous n’estimons pas cela inutile car il n’y a rien d’aussi peu évident qu’une analyse juste et qu’une politique juste. Cependant, et je suis l’auteur du message "non signé", je pense que tu oublies justement qu’il y avait des soviets, lorsque tu écris :

      « N’est-ce pas cette politique que les bolcheviks ont appliquée en 1917 lorsqu’ils exigeaient que les dirigeants petit-bourgeois des soviets rompent avec la bourgeoisie ? En quelques mois, de très minoritaires qu’ils étaient dans les soviets, ils sont devenus majoritaires... »

      Nous n’en avons pas même le premier élément. Et l’auto-organisation est un point crucial.

      Bien sûr, absolument d’accord que dans l’intervention, on doit se donner des objectifs en accord avec les buts des travailleurs, que ceux-ci pensent en accord avec les appareils syndicaux, mais que ces derniers ne sont nullement capables de reprendre. Nous sommes pour le front unique. Cependant, dans un tract politique révolutionnaire, il nous semble indispensable que figure toujours la perspective des comités, des conseils, des coordinations... Cela n’est nullement en contradiction avec la politique de front unique.

      signé : Robert Paris

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