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Un débat avec le Collectif Révolution Permanente (COREP)

mercredi 20 août 2014, par Robert Paris

La lettre du COREP à Voix des Travailleurs

Ici le site du Collectif Révolution Permanente

Nous diffusons ci-joint la lettre que nous a envoyé le COREP et à laquelle nous répondons ensuite. Le débat est ouvert sur ce thème...

Voix des Travailleurs

Ici le texte de Voix des Travailleurs qui est discuté dans cette lettre du COREP


Une réponse de Robert Paris au COREP pour lancer le débat :

Le principal problème politique soulevé par la lettre de nos amis et camarades du COREP (et nous tenons à les remercier de souhaiter poursuivre le débat avec sérieux et persévérance, ce qui est également notre intention) est celui qui est formulé ainsi : « Pour sa part, l’éditorialiste se lance dans un raccourci mécaniste : le « monde capitaliste » a fait son temps et la révolution monte ; par conséquent, le « monde capitaliste » décide « la guerre » pour l’empêcher… De toute façon, l’exemple des « précédentes guerres mondiales » invalide son interprétation cavalière… Le seul pays impérialiste où se produit une montée révolutionnaire avant la 1ère guerre mondiale est la Russie. Or, ce n’est pas le tsar qui déclenche la guerre. »

Il est exact que la Russie tsariste, qui a chuté en 1917, avait été menacée par la montée révolutionnaire prolétarienne avant la première guerre mondiale, dès 1905 mais aussi de 1910 à 1914. Mais ce n’est pas un cas isolé. L’empire chinois a commencé à être menacé à partir des années 1910 par la montée révolutionnaire ainsi que toute l’Asie comme le relève Lénine en 1913 dans son texte « L’Europe arriérée et l’Asie avancée » : « Des centaines de millions d’hommes s’éveillent à la vie, à la lumière, à la liberté. Quel enthousiasme ce mouvement universel provoque dans le cœur de tous les ouvriers conscients… ». Là non plus, il ne s’agit pas d’un cas à part : tous les empires sont menacés : si l’empire français a chuté en 1871, les empires ottoman, austro-hongrois, russe et allemande, qui vont chuter après 1918, sont également menacés par des montées des sentiments révolutionnaires des masses avant 1914

Sur ce point, je renvoie ces camarades au texte de Voix des Travailleurs :

Il y a cent ans, la première guerre mondiale (1914-1918) démarrait. Oui, mais pour quelle raison ?

La seconde guerre mondiale, causée par un risque révolutionnaire ?

La lettre du COREP poursuit : « Quant à la 2ème guerre mondiale, elle est plutôt le résultat de la contre-révolution (et de la trahison par les directions ouvrières).

Que je sache,1936 en France et en Espagne sont des débuts de révolutions (rappelons « la révolution française a commencé » de Trotsky) qui ont certes échoué mais pas simplement des contre-révolutions…

Trotsky écrit en 1938 « Le programme de transition » et, dans ce texte, il dresse une perspective pour une montée révolutionnaire. Aurait-il la berlue ?

Il y écrit : « Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres ; elles ont même commencé à pourrir. Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d’être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire. »

Il analyse ainsi la situation mondiale :

« La prémisse économique de la révolution prolétarienne est arrivée depuis longtemps au point le plus élevé qui puisse être atteint sous le capitalisme. Les forces productives de l’humanité ont cessé de croître. Les nouvelles inventions et les nouveaux progrès techniques ne conduisent plus à un accroissement de la richesse matérielle. Les crises conjoncturelles, dans les conditions de la crise sociale de tout le système capitaliste, accablent les masses de privations et de souffrances toujours plus grandes. La croissance du chômage approfondit, à son tour, la crise financière de l’État et sape les systèmes monétaires ébranlés. Les gouvernements, tant démocratiques que fascistes, vont d’une banqueroute à l’autre. La bourgeoisie elle-même ne voit pas d’issue. Dans les pays où elle s’est déjà trouvée contrainte de miser son dernier enjeu sur la carte du fascisme, elle marche maintenant les yeux fermés à la catastrophe économique et militaire. Dans les pays historiquement privilégiés, c’est-à-dire ceux où elle peut encore se permettre, pendant quelque temps, le luxe de la démocratie aux dépens de l’accumulation nationale antérieure (Grande-Bretagne, France, États-Unis, etc.), tous les partis traditionnels du capital se trouvent dans une situation de désarroi qui frise, par moments, la paralysie de la volonté. »

Ne pas y voir une situation objectivement révolutionnaire et y voir seulement une situation contre-révolutionnaire est à la fois absurde et d’un défaitisme total du point de vue du prolétariat… Ce point de vue n’est nullement celui de Trotsky puisque le même programme se donne comme objectif : les soviets ! C’est même l’objet d’un chapitre entier de la brochure alors que Trotsky y précise : « Les soviets ne peuvent naître que là où le mouvement des masses entre dans un stade ouvertement révolutionnaire. »

Dans le chapitre « les comités d’usine », Trotsky écrit : « Que la propagande pour les comités d’usine ne soit ni prématurée ni artificielle, c’est ce que démontrent amplement les vagues d’occupations d’usines qui ont déferlé sur un certain nombre de pays. De nouvelles vagues de ce genre sont inévitables dans un prochain avenir. Il est nécessaire d’ouvrir à temps une campagne en faveur des comités d’usine pour ne pas se trouver pris à l’improviste. »

Donc Trotsky envisage bel et bien une situation révolutionnaire en 1938, juste avant que la guerre éclate et c’est bien la guerre mondiale qui va donner un coup d’arrêt à cette perspective révolutionnaire qui menace que le COREP n’a pas vu mais que la bourgeoisie mondiale a très bien vu…

C’est en juin 1934 que Trotsky écrivait « La catastrophique crise commerciale, industrielle, agraire et financière, la rupture des liens économiques, le déclin des forces productives de l’humanité, l’insupportable aggravation des contradictions de classe et des contradictions nationales marquent le crépuscule du capitalisme et confirment pleinement la caractérisation par Lénine de notre époque comme celle des guerres et des révolutions. » dans sa brochure La guerre et la IVe Internationale.

Et il rajoutait : « A l’intérieur de chaque pays, l’impasse historique du capitalisme s’exprime dans le chômage chronique, la baisse du niveau de vie des ouvriers, la ruine de la petite bourgeoisie urbaine et de la paysannerie, la décomposition et le déclin de l’Etat parlementaire, dans l’empoisonnement monstrueux du peuple par une démagogie « sociale » et « nationale » face à la liquidation dans la réalité des réformes sociales, la mise à l’écart et le remplacement des vieux partis dirigeants par un appareil militaro-policier nu (le bonapartisme du déclin capitaliste), dans les progrès du fascisme, son arrivée au pouvoir et l’écrasement de toutes les organisations prolétariennes sous sa botte. Sur l’arène mondiale, les mêmes processus sont en train de nettoyer les derniers restes de stabilité dans les relations internationales, plaçant sur la lame du couteau tous les conflits entre Etats, exposant la futilité des tendances pacifistes, déclenchant la croissance des armements à un niveau technique supérieur et conduisant ainsi à une nouvelle guerre impérialiste dont le fascisme est l’artificier et l’organisateur le plus consistant. De l’autre côté, le fait qu’apparaisse la nature profondément réactionnaire, putréfiée et pillarde du capitalisme moderne, la destruction de la démocratie, du réformisme et du pacifisme, le besoin ardent et brûlant pour le prolétariat d’échapper au désastre imminent mettent à l’ordre du jour la révolution internationale avec une force renouvelée. »

Rappelons que, pour le mouvement prolétarien en France, Trotsky concluait son article La révolution française a commencé, du 9 juin 1936 :

« L’organisation de combat ne coïnciderait pas avec le parti, même s’il existait en France un parti révolutionnaire de masse, car le mouvement est incomparablement plus large qu’un parti. L’organisation de combat ne peut pas non plus coïncider avec les syndicats, qui n’embrassent qu’une partie insignifiante de la classe et sont soumis à une bureaucratie archi-réactionnaire. La nouvelle organisation doit répondre à la nature du mouvement lui-même, refléter la masse en lutte, exprimer sa volonté la plus arrêtée. Il s’agit d’un gouvernement direct de la classe révolutionnaire. Il n’est pas besoin ici d’inventer des formes nouvelles : il y a des précédents historiques. Les ateliers et les usines élisent leurs députés, qui se réunissent pour élaborer en commun les plans de la lutte et pour la diriger. Il n’y a même pas à inventer de nom pour une telle organisation : ce sont les soviets de députés ouvriers.
Le gros des ouvriers révolutionnaires marche aujourd’hui derrière le Parti communiste. Plus d’une fois dans le passé, ils ont crié : "Les soviets partout !", et la majorité a sans doute pris ce mot d’ordre au sérieux. Il fut un temps où nous pensions qu’il n’était pas opportun, mais, aujourd’hui, la situation ,a changé du tout au tout. Le puissant conflit des classes va vers son redoutable dénouement. Celui qui hésite et qui perd du temps est un traître. Il faut choisir entre la plus grande des victoires historiques et la plus terrible des défaites. Il faut préparer la victoire. "Les soviets partout ?" D’accord. Mais il est temps de passer des paroles aux actes. »

Il faut rajouter à la révolution de 1936 en France et en Espagne, février 1934 en Autriche (qui y font échouer la contre-révolution fasciste), débuts insurrectionnels en Espagne en 1934, multiples révoltes de 1934 (Haïti où les troupes américaines sont contraintes de quitter l’île), grève générale au Portugal, révolte des tribus de l’Euphrate (Irak), les émeutes à Java, grèves à Dakar (1935-1937), grèves en Afrique du sud (1935), émeutes aux Antilles (1935), révolte au Brésil (1935), révolte en Irak (1935), révolution sociale de 1936-1939 en Palestine, les soulèvements de 1936 en Indochine (notamment les grandes grèves de 1936-1937),et dans la même année 1936 : grève générale de Buenos Aires et agitation ouvrière en Argentine, insurrection général en Mongolie contre le Japon, insurrection de Syrie (1935-1936), grève générale en Belgique, révolte des kurdes de Turquie (1937-1938), émeutes en Tunisie (1938), grève générale au Kenya (1939), émeute populaire en Irak (1939), etc…

Rappelons aussi la montée révolutionnaire qui se développait en Inde, juste avant l’éclatement de la deuxième guerre mondiale. En 1935, la révolution sociale gronde dans le petit Etat de Râjkot. Le peuple de cet Etat est en insurrection pour renverser le souverain. Gandhi sort de sa relative retraite pour sauver ce souverain… La montée de la révolte sociale culminait dans la 2 octobre 1939, à laquelle participèrent 90 000 ouvriers de l’industrie de Bombay. Pour détourner cette montée spontanée des masses, Gandhi lança la salt satyagraha (mouvement de résistance non-violent contre le monopole du sel détenu par les Britanniques) au début des années en 1930.

Certes, les contre-révolutions sont bien plus nombreuses dans cette période que les révolutions, par exemple les mises en place de dictatures et de mouvements fascistes, mais elles manifestent de la même crainte de la montée révolutionnaire par les classes dirigeantes

C’est encore la crainte d’une remontée révolutionnaire par Staline qui amène la violence des « procès de Moscou ». C’est toujours elle qui va amener conjointement Hitler et Staline à massacrer les Juifs de Pologne.

Certes, la fin des années 30 est une période de contre-révolutions.
N’oublions pas qu’une période de contre-révolution est aussi une période de révolution, qu’une période où les classes dirigeantes mettent à l’ordre du jour les méthodes contre-révolutionnaires est aussi une période où est à l’ordre du jour pour les opprimés la méthode révolutionnaire. Il n’existe pas de situation où les classes dirigeantes gouvernent tranquillement sans crainte des masses et enclenchent pourtant des contre-révolutions violentes. Comme l’affirmait Marx dans la Nouvelle Gazette Rhénane du 10 décembre 1848 « Nous ne l’avons jamais caché. Notre terrain, ce n’est pas le terrain juridique, c’est le terrain révolutionnaire. Le gouvernement vient de renoncer pour sa part à l’hypocrisie du terrain juridique. Il s’est placé sur un terrain révolutionnaire, car le terrain contre-révolutionnaire lui aussi est révolutionnaire. »

Nous avons assisté ces dernières années à la transformation en guerre de multiples situations de crises révolutionnaires dans plusieurs pays, et inversement, de la Côte d’Ivoire (crise en 1999 et guerre en 2001) à la Syrie (crise 2011 en et guerre depuis 2012), de la Libye (crise en janvier 2011 et guerre en mars 2011) au Mali (guerre en janvier 2012 et crise en mars 2012) et du Liban (crise en 1975 et guerre en 1976) à l’Algérie (crise en 1988 et guerre en 1990). Et ce ne sont que des exemples. On pourrait également citer certains pays d’Asie et d’Amérique du sud.

La guerre est un dérivatif classique des situations révolutionnaires, celles où les classes dirigeantes ne peuvent plus diriger. Quand Napoléon III se lance dans la guerre franco-allemande, quand la Prusse en fait autant, les deux font le choix risqué de la fuite en avant guerrière car les deux se retrouvent devant une montée du mouvement ouvrier et socialiste qui menace directement la domination de la bourgeoisie. L’échec de Napoléon III et sa chute provoque plusieurs révolutions à Paris, et finit par mener au pouvoir ouvrier de la Commune en 1871.

Quand la Russie entre en guerre avec le Japon, en 1904, la menace révolutionnaire monte et elle va réapparaitre après la guerre, en 1905.
Quand la bourgeoisie européenne fait le choix de la guerre mondiale en 1914, la révolution monte dans tous les empires (russe, austro-hongrois et ottoman) et c’est face à une nouvelle crise économique, alors que la catastrophe de la précédente manifeste pleinement ses effets notamment en Allemagne qu’elle décide de casser momentanément les risques révolutionnaire par l’entrée en guerre. La fin de la guerre verra réapparaitre la révolution sociale, particulièrement dans tous les pays vaincus, notamment l’Allemagne, l’empire ottoman et les faux vainqueurs comme l’Italie.

Transformer la révolution sociale en guerre est tout aussi classique comme politique des classes dirigeantes et c’est ce que l’on a remarqué lors de la révolution espagnole. C’est en prétendant qu’il fallait interrompre la révolution sociale pour mener une guerre classique contre franco que les partis républicain, socialiste et stalinien ont cassé l’élan révolutionnaire et permis le triomphe du fascisme. Un exemple plus ancien est la tentative des girondins de casser l’élan révolutionnaire en poussant à la guerre contre les puissances européennes.

L’autre lien, classique lui aussi, c’est la guerre qui se transforme en révolution. Là aussi, on trouve l’exemple dans la révolution française avec la révolution jacobine qui découle de la révolte du peuple contre les trahisons des Girondins dans la guerre contre les puissances européennes. On l’a vu aussi en Russie, en 1905, suite à la défaite militaire contre le Japon. On l’a vu dans la vague révolutionnaire en Europe à partir de 1917, pendant la guerre mondiale inter-impérialiste. C’est même la révolution prolétarienne qui a contraint les bourgeoisies européennes à arrêter leur guerre, ce qui n’a pas empêché l’éclatement des révolutions dans les pays vaincus. On l’a vu dans la vague révolutionnaire en Asie après la deuxième guerre mondiale, suite à la défaite japonaise.

Dès que la crise de la domination capitaliste atteint son sommet, l’alternative guerre ou révolution devient inévitable.

Et la première guerre mondiale, causée préventivement par une montée révolutionnaire menaçante ?

Quant à la première guerre mondiale, issue de la crise capitaliste de 1907, comme la deuxième est issue de la crise capitaliste de 1929, elle est issue non seulement de contradictions critiques sur le plan économique mais aussi social et politique, c’est-à-dire de la lutte des classes : grandes grèves en Espagne (1910-1914), et dans l’année 1910 : début de la révolution mexicaine, insurrection au Maroc, révolte au Brésil, révolution politique au Portugal, manifestations politiques de masse en Allemagne, grève des cheminots devenant grève générale en France, … 1910, c’est aussi la révolte des Albanais contre l’empire ottoman, la révolte des Abès de Côte d’Ivoire, la révolte des vignerons de Champagne, la révolte des peuples du Gabon, la révolte ouvrière internationale contre la condamnation de Durand, charbonnier du Havre, la révolte des marins brésiliens, les débuts de la révolte en Arabie, les révoltes des peuples de la boucle du Niger et, en France, la révolte des ménagères, la révolution mexicaine, la révolte des pêcheurs de Rivière-au-Renard au Québec, etc, etc... 1910, c’est en même temps la grève des cheminots en France, la montée ouvrière en Espagne, la grève de masse en Angleterre et en Irlande, la révolution républicaine au Portugal avec notamment l’obtention du droit de grève, les mouvements révolutionnaires basques en Espagne, les manifestations de masse pour le suffrage universel en Allemagne, le succès du mouvement pour le droit de vote des femmes en Suède, la manifestation de masse aux obsèques de Tolstoï, le soulèvement des peuples des Balkans, etc... Entre 1910 et 1914, la classe ouvrière en Grande-Bretagne et en Irlande déclencha des vagues successives de grèves massives avec un souffle et une hargne sans précédent contre tous les secteurs-clefs du capital, grèves qui balayèrent tous les mythes soigneusement fabriqués sur la passivité de la classe ouvrière anglaise qui avaient fleuri pendant la précédente époque de prospérité capitaliste. Et n’oubliez pas le 8 mars 1910 : première journée internationale des femmes !!!

Rappelons aussi les grèves de 1910 en Allemagne qui ont suscité un débat intense de 1910 à 1912 entre révolutionnaires et réformistes au sein de la social-démocratie allemande, notamment entre Rosa Luxemburg et Pannekoek d’un côté et Kautsky de l’autre (polémique largement moins connue que celle de 1905 à propos de la révolution russe), grèves dans lesquelles la social-démocratie avait joué le rôle de frein de luttes spontanées. Et aussi, à la même époque, le mouvement de masse en Allemagne en faveur de la république, de janvier à mars 1910 conjointement aux grandes grèves des mines et du bâtiment, situation où la direction social-démocrate a joué le rôle de frein, ce dont l’accuse l’aile révolutionnaire de la social-démocratie. Rosa relance ainsi le débat sur la grève de masse ce qui sous-entend une situation pré-révolutionnaire. Rosa Luxemburg compare même l’Allemagne de 1910 à la Russie de 1905 ! Alors que l’Allemagne connaît sa pire crise économique depuis 1907 avec un chômage de masse, qu’elle connaît également une crise de son régime politique, qui impose à celui-ci des réformes démocratiques inconnues jusque là, la social-démocratie et la direction des syndicats font tout pour temporiser, refusent de prendre la tête des mouvements spontanés. En 1911, Kautsky lui-même est contraint de décrire ainsi la situation en Europe : « C’est devenu une vérité d’évidence : les luttes politiques et économiques contemporaines débouchent toujours plus sur des actions de masse. » (article intitulé « L’action de masse ») Et en 1912, le même Kautsky écrit dans « La nouvelle tactique » : « Le point de départ de la critique de Pannekoek est la série d’articles que j’ai publiés l’automne dernier à propos de « l’action de masse » dans la Neue Zeit, articles eux-mêmes suscités par les troubles qui avaient lieu peu de temps auparavant en Angleterre, en France et en Autriche, conjointement à des grèves de très grande ampleur (en août en Angleterre) et à des manifestations contre la hausse des prix (en septembre en France et en Autriche). A ces troubles avaient pris part essentiellement des masses inorganisées… Je parvins à cette conclusion que, dans ce contexte marqué par l’aiguisement constant des conflits entre les classes, par la hausse des prix et le danger de guerre, on pouvait être certain que la combinaison de l’action du prolétariat organisé avec celle des grandes masses inorganisées promettait d’être un facteur important. » Malgré toute l’hypocrisie réformiste de Kautsky, il est capable de remarquer « l’aiguisement constant des conflits entre les classes » entre 1910 et 1911 en Europe !

A propos des grèves ouvrières en France de 1910, dans « Les hommes de bonne volonté » (tome « La montée des périls »), Jules Romains développe la thèse selon laquelle l’Etat bourgeois et les classes dirigeantes ont lancé la guerre mondiale pour fuir les risques révolutionnaires prolétariens.

Ainsi il conclue le chapitre précédemment cité par :

« Si l’ouragan avait communiqué à Paris, et dans une certaine mesure, à quelques grandes villes, un tremblement pathétique, il avait à peine eu le temps d’être perçu au cœur des provinces… Mais ces huit jours devaient longuement agir par la suite, et même selon des voies peu apparentes ou détournées. Pas un village au fond des provinces, pas un homme, qui ne dût tôt ou tard en ressentir les effets »
Pas étonnant car les effets, c’est la peur de la bourgeoisie qui la mène à la guerre.
Le chapitre suivant présente deux grands bourgeois industriels en train de peser les conséquences de la grève des cheminots.
L’un dit : « Les meneurs n’ont qu’un but : la révolution sociale. Les grèves, les réclamations sur tel ou tel point, c’est pour tenir leurs troupes en haleine… »
Il s’inquiète et montrant son usine : « Nous nous donnons beaucoup de mal… Ce n’est peut-être pas nous qui utiliserons ce que nous sommes en train de construire…. Je commence à me demander si nous nous en tirerons autrement que par une guerre… »

Jules Romains écrit : « Octobre 1910 venait d’être une époque d’une grande signification. Préparée dès l’été par un pullulement de grèves locales, annoncée de plus loin par une série de mouvements, d’inspiration syndicaliste, et de tendance révolutionnaire, dont les plus imposants avaient été la grève des postiers de mars 1909, et la grève des inscrits maritimes d’avril et mai 1910, la grève générale, tant de fois décrite par les voyants, ou située par les théoriciens dans le monde excitant des mythes, venait de faire son entrée dans le monde réel.
Entrée semblable à un ouragan. Du fond du ciel chargé, le souffle accourut soudain, augmentant de violence à chaque heure, faisant trembler tout l’édifice social, donnant à ceux qui y étaient logés un frisson qu’ils ne connaissaient pas.
Le 10, les cheminots de la Compagnie du Nord déclenchaient la grève. Le 11 et le 12, elle s’étendait à tous les réseaux. Le 15, elle était généralisée, au point d’intéresser la plupart des services dont dépendait la vie de la capitale.
Pour la première fois, en somme, les deux Pouvoirs, campés l’un vis-à-vis de l’autre, en arrivaient à un véritable corps à corps. (…) Ce n’était pas encore la révolution. C’en était la répétition d’ensemble et éventuellement le prélude. Si les circonstances y aidaient, si les événements, une fois mis en branle, glissaient d’eux-mêmes vers la révolution, on pouvait penser que les meneurs ne feraient pas de grands efforts pour les arrêter sur la pente. »

Venons-en à la situation actuelle

Et d’abord à nouveau une crise profonde de l’économie mondiale entraîne une vague révolutionnaire qui débute au Maghreb et dans le monde arabe, atteint l’Afrique et le Brésil et menace le Moyen Orient. Après l’Egypte, un « printemps arabe » menace non seulement les territoires occupés par Israël (la Palestine) mais aussi Israël où se développe une révolte sociale contre les riches… Et le mouvement révolutionnaire atteint la Syrie, avant que les grandes puissances y mettent leur nez pour la transformer en guerre en soutenant de manière armée les islamistes radicaux qu’ils prétendent combattre…

A ce propos, on peut lire :

Vers un "printemps arabe" en Palestine...

Grève générale et révolte en Palestine

Syrie : les puissances impérialistes (anciennes contre nouvelles) transforment une révolte populaire du monde arabe en guerre inter-impérialiste

Quand Etat d’Israël, Autorité palestinienne, Hamas, Fatah, classes dirigeantes israélienne et palestinienne ont exactement le même but : éviter que la révolution du monde arabe ne se propage à la Palestine !

La vague de révolte atteint Israël

Luttes sociales en Israël : révolte contre les logements trop chers

Quel lien entre la "révolution arabe" et la crise mondiale du capitalisme ?

Tout cela est lié à la crise du capitalisme mondial et intégré par l’impérialisme dans la perspective de guerre mondiale pour éviter la révolution mondiale :

Les USA contre la Russie et la Chine

L’encerclement armé de la Chine et de la Russie, une politique de l’impérialisme américain et de ses alliés pour préparer une issue guerrière à l’effondrement du système

Révolution à Kiev ou guerre des blocs ?

Le lien entre crise capitaliste et guerre mondiale

Crise, guerre et révolution sont très liés et les dates déjà le montrent clairement :

La guerre de 1871 est liée à la crise de 1866 et à la crise de 1873. Révolution en 1871.

La guerre de 1914 est liée à la crise de 1907 et à la crise de 1913. Révolution en 1917.

La guerre de 1939 est liée à la crise de 1929 et à la crise de 1937. Révolution en 1945.

De nombreuses situations de l’histoire ont montré à quel point guerre et révolution sont imbriquées de même que les deux s’opposent. Dans ces situations de crise, guerre ou révolution sont des alternatives et des contraires dialectiques car, si la révolution ne l’emporte pas, si la guerre éclate, elle est alors elle-même menacée par la révolution, tout particulièrement en cas de défaite. La guerre peut se transformer en révolution comme la révolution en guerre.

D’abord, la guerre est un moyen de retarder, d’éviter, d’écraser les potentialités de la révolution. Ensuite, la révolution est une issue de la guerre.

La raison en est que les guerres n’ont pas que des motifs nationaux, économiques ou ethniques, ils ont d’abord des motifs de classe et guerre et révolution sont les opposés dialectiques dans la lutte de classes.

Nous avons assisté ces dernières années à la transformation en guerre de multiples situations de crises révolutionnaires dans plusieurs pays, et inversement, de la Côte d’Ivoire (crise en 1999 et guerre en 2001) à la Syrie (crise 2011 en et guerre depuis 2012), de la Libye (crise en janvier 2011 et guerre en mars 2011) au Mali (guerre en janvier 2012 et crise en mars 2012) et du Liban (crise en 1975 et guerre en 1976) à l’Algérie (crise en 1988 et guerre en 1990). Et ce ne sont que des exemples. On pourrait également citer certains pays d’Asie et d’Amérique du sud.

La guerre est un dérivatif classique des situations révolutionnaires, celles où les classes dirigeantes ne peuvent plus diriger. Quand Napoléon III se lance dans la guerre franco-allemande, quand la Prusse en fait autant, les deux font le choix risqué de la fuite en avant guerrière car les deux se retrouvent devant une montée du mouvement ouvrier et socialiste qui menace directement la domination de la bourgeoisie. L’échec de Napoléon III et sa chute provoque plusieurs révolutions à Paris, et finit par mener au pouvoir ouvrier de la Commune en 1871.

Quand la Russie entre en guerre avec le Japon, en 1904, la menace révolutionnaire monte et elle va réapparaitre après la guerre, en 1905.
Quand la bourgeoisie européenne fait le choix de la guerre mondiale en 1914, la révolution monte dans tous les empires (russe, austro-hongrois et ottoman) et c’est face à une nouvelle crise économique, alors que la catastrophe de la précédente manifeste pleinement ses effets notamment en Allemagne qu’elle décide de casser momentanément les risques révolutionnaire par l’entrée en guerre. La fin de la guerre verra réapparaitre la révolution sociale, particulièrement dans tous les pays vaincus, notamment l’Allemagne, l’empire ottoman et les faux vainqueurs comme l’Italie.

Transformer la révolution sociale en guerre est tout aussi classique comme politique des classes dirigeantes et c’est ce que l’on a remarqué lors de la révolution espagnole. C’est en prétendant qu’il fallait interrompre la révolution sociale pour mener une guerre classique contre franco que les partis républicain, socialiste et stalinien ont cassé l’élan révolutionnaire et permis le triomphe du fascisme. Un exemple plus ancien est la tentative des girondins de casser l’élan révolutionnaire en poussant à la guerre contre les puissances européennes.

L’autre lien, classique lui aussi, c’est la guerre qui se transforme en révolution. Là aussi, on trouve l’exemple dans la révolution française avec la révolution jacobine qui découle de la révolte du peuple contre les trahisons des Girondins dans la guerre contre les puissances européennes. On l’a vu aussi en Russie, en 1905, suite à la défaite militaire contre le Japon. On l’a vu dans la vague révolutionnaire en Europe à partir de 1917, pendant la guerre mondiale inter-impérialiste. C’est même la révolution prolétarienne qui a contraint les bourgeoisies européennes à arrêter leur guerre, ce qui n’a pas empêché l’éclatement des révolutions dans les pays vaincus. On l’a vu dans la vague révolutionnaire en Asie après la deuxième guerre mondiale, suite à la défaite japonaise.

Dès que la crise de la domination capitaliste atteint son sommet, l’alternative guerre ou révolution devient inévitable.

La question se pose dès maintenant. Après l’effondrement du capitalisme en 2007-2008, les classes dirigeantes n’ont pas trouvé d’issue à la crise autre qu’une intervention financière massive pour retarder la chute et préparer ainsi tous les moyens de détourner les révolutions, même si celles-ci ont quand même éclaté dans le maillon faible, au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique. L’un des dérivatifs à la lutte des classes, le principal même est la préparation de la guerre mondiale qui prend la forme d’un affrontement entre les deux blocs impérialistes, les anciens impérialismes USA-Europe-Japon-Canada-Australie et les nouveaux Chine-Russie-Inde-Iran-(peut-être le Brésil ou l’Afrique du sud).

La guerre n’est pas causée par des buts territoriaux en soi mais par l’impossibilité pour la bourgeoisie de gouverner durablement sans risques de soulèvements révolutionnaires incontrôlables. Du côté de la Russie et de la Chine, la fuite en avant économique vers la domination n’est pas un choix mais une nécessité. Les entourer, les diminuer, les attaquer est aussi une nécessité pour le camp occidental.
A terme, la guerre entre les deux blocs capitalistes est absolument inévitable.

La seule alternative est que la révolution prolétarienne démarre avant et que le prolétariat y joue un rôle dirigeant, ce qui n’est pas encore le cas au Maghreb et dans le monde arabe, ni en Afrique.

Les préparatifs de la troisième guerre mondiale entre les anciens impérialismes et les nouveaux

Loin de rejeter en bloc toute critique de nos amis et camarades du COREP, auquel appartient en France le groupe GMI, nous cherchons à en tirer le maximum de points positifs, non seulement en développant nos arguments comme ci-dessus mais aussi en donnant partiellement raison au COREP, par exemple quand il remarque que nous avons cité plusieurs fois le président français et jamais le président américain dans notre éditorial qui a le défaut d’avoir été écrit pour être diffusé dans les manifestations en France et pas dans les manifestations dans le monde. Nous admettons volontiers devoir combattre la tendance à militer dans un pays et devoir travailler, sans délai, de manière internationale et internationaliste et nous remercions nos camarades du COREP de faire pression sur nous en ce sens. Nous apprécions également, en partie, leur texte, au point de l’avoir diffusé conjointement au nôtre dans les manifestations publiques à Paris. Nous ne l’avons donc pas signé, parce que nous avions besoin de le discuter, mais nous l’avons donc fait circuler, dans notre site et par tract.

Le voici d’ailleurs : Arrêt immédiat de la guerre israélienne contre Gaza ! Palestine socialiste !

Et nous comptons bien que le débat se poursuive avec le COREP comme avec tous les révolutionnaires. Par contre, nous n’admettons pas le diktat : ou vous adhérez à notre regroupement international ou vous n’êtes qu’une secte nationaliste !

La dernière réponse du GMI-COREP :

Notre réponse au courrier de GMI-COREP...

Chers camarades du GMI, du COREP, ainsi que des groupes communistes révolutionnaires associés,

Nous ne nous lasserons jamais de nous émerveiller des miracles que produit la logique de groupe, opposée à la logique des idées révolutionnaires. Rappelons que Marx affirmait dans le Manifeste du parti communiste que les communistes de défendent pas d’intérêt particuliers de groupe : « Quelle est la position des communistes par rapport à l’ensemble des prolétaires ? Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers. Ils n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat. »

Voir ici

C’est sans doute cette triste et étroite logique de groupe (et pas la logique de classe, la seule véritablement révolutionnaire) qui amène le GMI et le COREP à affirmer que VDT est un groupe sans principe, qui fait en gros n’importe quoi, et en même temps à lui proposer d’assister à ses assemblées, à ses congrès et à souhaiter son adhésion ! Alors que GMI et COREP affirment n’avoir des relations qu’avec des groupes qui ont un programme clair et que VDT n’en aurait pas, on ne comprend pas pourquoi alors lui reprocher de ne pas avoir répondu présent aux divers congrès de GMI !!!

La lettre que nous venons de recevoir de votre part souligne que nous commettons de multiples erreurs politiques :

  affirmer que la crise économique se poursuit (nous craignons que vous n’ayez pas bien lu : nous disons que le capitalisme est mort en temps que système, désolés si vous ne voyez pas la différence !).

  notre texte intitulé « De Gaza à Donetsk, de Alep à Tikrit, d’un monde en guerres vers un monde en guerre… » aurait paraît-il un caractère « plus national » que le votre qui isole et spécifie la situation de Gaza !

  notre texte dresserait un parallèle entre l’Etat colonisateur et le peuple agressé… (bigre ! Je ne comprends encore pas que vous regrettiez l’absence à votre congrès de gens qui feraient une chose pareille !). C’est sans doute le passage « Plus de 500 morts et 3000 blessés Palestiniens à Gaza, en majorité civils alors que l’essentiel des victimes israéliennes, une dizaine, sont des militaires pris alors qu’ils attaquaient des quartiers palestiniens !!! Israël est en train de changer le caractère de la guerre contre les Palestiniens : c’est la guerre totale ! » qui vous amène à penser que nous mettons un signe égal entre Israël et les Palestiniens !!!

  nous aurions commis l’erreur insigne de croire que les guerres mondiales ont été dues à la volonté des bourgeoisies impérialistes de contrer la menace révolutionnaire. Ce n’est pas grave : nous sommes dans l’erreur face à GMI-COREP, mais en accord avec Marx, Engels, Lénine, Trotsky, Rosa Luxemburg et on en passe…

  nous employons à tort l’expression « bourgeoisie européenne » car il n’y avait pas en 1914 de centre de décision unique ! Amusant puisqu’il s’agissait que deux fractions de cette bourgeoisie s’entretue. Ils auraient eu du mal à la décider dans un centre unique !!! Vous montrez décidément sans cesse un humour ravageur !!!

  nous avons des conclusions impuissantes et désarmantes, paraît-il. Désolé, elles visent d’abord à rendre les prolétaires conscients des situations objectives telles que nous les voyons avec nos petits moyens intellectuels !

Mais, comme vous le dites, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie et nous savons reconnaître la « logique de groupe » qui amène à ne pas combattre des idées mais des courants que vous estimez concurrents. C’est sans doute pour cela que vous ne nous avez pas envoyé de mail de confirmation de notre invitation à votre congrès. C’est peut-être regrettable mais ce qui l’est encore plus, c’est que vous soyez loin d’être le seul groupe d’extrême gauche à concevoir les choses ainsi. Nous vous invitons sur ce point à lire notre texte intitulé « Inutile de discuter » à l’adresse suivante :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3433

Contrairement à ce que dit son titre, nous souhaitons toujours vous inviter à venir discuter avec nous, mais à la seule condition que vous acceptiez justement de discuter en même temps avec les autres groupes de l’extrême gauche, et de manière ouverte car nous ne connaissons pas les relations internes et diplomatiques.

Nous vous transmettons nos salutations communistes révolutionnaires
Robert Paris, pour Voix des Travailleurs

Avant la prochaine AG commune GMI-VDT et afin de remettre en mémoire le débat qui nous a opposé à GMI-COREP, quelques rappels que nous diffusons publiquement puisque cette discussion est rendue publique aussi bien par GMI que par VDT :

Le texte principal de discussion venu du COREP, auquel appartient GMI, se trouve à l’adresse suivante :

http://www.matierevolution.org/IMG/pdf/2014_08_11_CoReP_Lettre_a_VdT_FRA2-2.pdf

en réponse à l’édito de VDT :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3342

Quels sont les points essentiels de critique du COREP à notre égard :

1°) nous n’avons pas cosigné leur texte du la guerre de Gaza sans avoir proposé de texte alternatif valable

2°) nous serions un groupe franco-français ayant une vision purement nationale

3°) nous serions une espèce de secte avec un gourou empêchant la fusion qui, elle, irait vers la construction de l’internationale communiste

4°) nous serions confus, flous et ambigues, lançant des affirmations absurdes du type :

 le capitalisme est mort (c’est vrai que nous avons avancé cette hypothèse comme explication des politiques des Etats et des bourgeoisies et que nous l’avons mise en discussion)

 l’impérialisme fait la guerre pour contrer la révolution (c’est même grâce au GMI-COREP que nous avons développé notre argumentation sur ce thème en particulier sur la première guerre mondiale)

 Israël et la Palestine sont les deux bouts d’un même baton (c’est une erreur d’interprétation de nos écrits)

 Gaza serait soutenue, dans la dernière guerre menée par Israël, par le camp Russie-Chine que nous aurions le tort d’appeler BRICS et, plus encore, d’y adjoindre l’Iran.

5°) Le plus grave à leurs yeux : nous ne nous conformerions pas aux règles clairement établies par Lénine et Trotsky des relations entre groupes et, en particulier, nous répondons à des courriers d’organisation par des réponses personnelles, nous ne donnons pas toujours une réponse de groupe à leurs demandes.

Il est exact que nous ne mettons nullement comme base de départ des objectifs organisationnels, que nous n’avons qu’une très faible cohésion et discipline organisationnelle même si nous avons une assez importante cohésion sur l’accord politique.

On a même dit que VDT n’est pas formellement une organisation. Même si nous, cela ne nous empêche pas d’avoir périodiquement des éditoriaux, des tracts et des interventions publiques, nous tenons à préciser ce fait. Nous n’en faisons pas une théorie. Nous ne sommes pas contre l’existence de groupes révolutionnaires ou de partis révolutionnaires. Nous sommes pour quand c’est une réalité mais ce n’est pas aujourd’hui notre réalité et nous ne nous en cachons nullement. Libre à GMI d’accepter ou de refuser cette réalité. Libre à eux de nous la reprocher et de faire pression pour que nous obéissions à une discipline organisationnelle et à des buts organisationnels plus forts, s’il parvient de nous en convaincre.

Nous ne lisons pas, sur ce plan, les leçons du passé de la même manière et nous savons que tous les grands leaders révolutionnaires ont, durant de longues phases, été en dehors de toute logique organisationnelle, ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient des intellectuels coupés de la lutte des classes et ne faisant que discuter ou de faire des analyses de laboratoire.

Nous ne sommes nullement touchés par les arguments nous accusant de nationalisme pro impérialisme français ni de défauts de manque de vision internationale car ce n’est pas fondé. Nous sommes en relations en notre propre sein avec des militants de divers pays et régions du monde et nos préoccupations ne concernent pas particulièrement la France comme nos multiples écrits par exemple sur le Maghreb et l’Afrique le montrent. Les « preuves » qu’avance GMI concernent seulement le fait d’avoir écrit un édito pour des bulletins d’entreprise diffusés seulement en France ou des tracts diffusés seulement dans des manifestations en France. Les preuves sont d’ailleurs du genre : le nombre de fois qu’on cite la France, pour la dénoncer, et Hollande, pour le démolir. Si c’est ça du nationalisme, on aimerait en lire davantage !

Nous pensons œuvrer à notre manière à reconstruire la confiance dans une politique révolutionnaire, ce qui nous semble une étape obligatoire de la reconstruction des idées et de la conscience prolétarienne révolutionnaire. Trop de groupes, dont les « internationales » d’où viennent nos camarades, ont mis en premier la construction du regroupement le plus nombreux possible avant la discussion et l’accord politique. Nous sommes contents qu’avec GMI la prochaine étape soit une assemblée commune car nous pensons que la lecture des textes et de mails polémiques ne peut remplacer, pour construire la confiance mutuelle indispensable, l’échange libre entre militants.

Par contre, nous estimons que la discussion doit se faire de bonne foi, en ne prêtant pas à l’interlocuteur des propos qu’il n’a pas émis.

Par exemple, quand nous écrivons : « La guerre de Gaza s’intègre dans la montée d’un affrontement mondial qui se profile. Et, fait nouveau, la guerre oppose ouvertement le camp des puissances occidentales et le camp des nouvelles puissances capitalistes et impérialistes. », le COREP affirme comprendre : « la guerre de Gaza… oppose ouvertement le camp des puissances occidentales et le camp des nouvelles puissances capitalistes et impérialistes. » ce qui est un contresens.

Il nous faut préciser que, même si notre texte est peut-être confus, il ne voulait pas du tout dire cela. Nous expliquions que, si l’impérialisme a donné sa caution à la guerre d’Israël, par les voix de Obama, Cameron et Hollande notamment, alors que c’est une guerre particulièrement meurtrière pour les civils et dont les justifications sont particulièrement mensongères, cela doit être mis en rapport avec la poussée dans le monde vers des affrontements guerriers voulus par les impérialistes occidentaux.

Le COREP écrit « La symétrie affichée par l’éditorialiste est une spéculation ».

En fait, pour nous, même dans l’affrontement entre les deux camps impérialistes, il n’y a pas de symétrie, car c’est le camp occidental qui est entièrement à l’offensive et l’autre totalement sur la défensive pour le moment. D’autre part, nous ne disons pas que, du côté palestinien, ni la Russie ni la Chine soient intervenus directement ou indirectement.

Nous disions dans ce texte qu’il y a un lien entre la crise capitaliste mondiale et les montées guerrières, aussi bien en Palestine qu’ailleurs…

Ceci dit, vous ne risquez pas de nous suivre dans ce raisonnement, vu que vous pensez que la crise mondiale est complètement terminée, en attendant la prochaine crise.

Je cite : « Le capitalisme européen a du mal à sortir de la crise capitaliste mondiale et, en son sein, le capitalisme français n’arrive pas à s’en remettre…. Cependant, à l’échelle mondiale, l’économie capitaliste est sortie de « son effondrement de 2007-2009 », certes temporairement, certes au détriment de la classe ouvrière mondiale, certes en recourant à des palliatifs étatiques nationaux qui ont limité la destruction du capital et qui préparent la prochaine crise mondiale. »

Et le COREP relève que notre position va a contrario des positions classiques révolutionnaires, affirmant qu’aucune crise capitaliste n’est fatale ni finale.

Mais le COREP n’a pas relevé l’essentiel dans notre position : nous estimons que la crise n’a pas eu lieu en 2007-2008, les autorités capitalistes mondiales n’ayant pas laissé les faillis chuter, ce qui est cependant l’un des points essentiels de la nouveauté de la situation.

Citons VDT :

« Il est en effet remarquable que le système a fait, pour la première fois, le choix de « sauver » tous les trusts et toutes les grandes banques ou assurances, ce qui va a contratio de ce que ce système a toujours fait en laissant chuter les faillis, même s’il s’agissait de grandes banques, de grandes assurances, de grands financiers ou de trusts. On a même vu les Etats et les banques centrales dépenser des sommes colossales en pure perte pour sauver trois ou quatre fois le même trust ou la même banque, comme c’est le cas pour la banque Dexia. Les fonds d’Etat ou des banques centrales ont alors agi a contrario de l’intérêt capitaliste qui consiste à agir uniquement pour ce qui est profitable. Au cours des multiples crises capitalistes de l’Histoire, les chutes des sociétés en faillite ont servi à débarrasser le marché des poids morts pour permettre au capitalisme de repartir de plus belle. Une analyse de la situation actuelle nécessiterait d’interpréter cette toute nouvelle politique qui n’est pas le seul fait de l’Etat américain ou de sa banque centrale, la FED, mais tout le monde capitaliste, y compris l’Europe et la Japon, y compris même les nouveaux impérialismes chinois, russe, brésilien, etc… Alors que ces politiques d’intervention financière massive des Etats et des banques centrales sont extrêmement couteuses et dangereuses pour les finances publiques et la crédibilité financière des Etats, alors que ces politiques d’intervention centrale et institutionnelles sont menées par des partis qui ont toujours eu comme idéologie le laisser-faire, le « libéralisme », la non intervention de l’Etat, il est indispensable de nous expliquer le pourquoi de ces interventions qui n’ont pas cessé depuis 2008, soit depuis six ans et qui représentent des sommes bien plus colossales que les valeurs de l’ensemble de la production de richesses…. Les Etats et les capitalistes, eux-mêmes, admettent que l’on ne peut plus se fier aux bilans des sociétés, des banques, des banques centrales ou des Etats car y sont cumulés des vrais capitaux et des « titres pourris », des actifs fictifs (pas seulement virtuels ou financiers mais fallacieux, mensongers, ou inexistants). Le PIB, qui totalise ces sommes fictives, est encore plus opaque. Il totalise des dettes avec des crédits, des valeurs fausses avec des valeurs réelles. On ne peut même pas se fonder sur les chiffres du PIB pour estimer la croissance ou la décroissance des investissements productifs privés car les interventions massives des Etats se font sans considérer que les trusts et banques, même entièrement financés par des institutions centrales, sont des capitaux d’Etat. Ainsi, les statistiques comptabilisent les trusts automobiles américains comme capital privé alors que l’Etat et le syndicat UAW s’en sont portés acquéreurs, comme ils comptabilisent tout le capital de Renault ou PSA comme des capitaux privés. Et on ne parle pas de la banque Dexia, elle aussi comptabilisée comme du capital privé… Bien entendu, nous savons bien que tout au long de l’Histoire, il y a eu des interventions d’Etat pour aider l’économie, pour aider les intérêts privés, pour prendre en charge des secteurs non immédiatement rentables et nécessaires au fonctionnement d’ensemble. Nous savons aussi que l’existence de titres pourris n’existe pas seulement depuis quelques années de même que la ponction des spéculations financières sur l’ensemble des capitaux investis, les profits issus de l’exploitation du travail humain étant répartis entre l’ensemble des capitaux, y compris les capitaux financiers et spéculatifs. Mais il y a une grande différence entre ces ponctions sur la plus-value et une situation où l’essentiel des profits sont réalisés par des investissements fondés sur les dettes, sur les pertes, sur les chutes, c’est-à-dire un fonctionnement nécrophile du capital privé qui agit en sciant la branche du système, les Etats se contentant de nourrir par leurs interventions ces capitaux nécrophiles. Ce sont également les Etats et les banques centrales qui nous montrent qu’ils n’ont plus aucune confiance dans la dynamique des investissements privés puisque, depuis 2008, ils ne cessent d’injecter des milliers de milliards de dollars dans les circuits financiers et économiques… Tous les Etats et toutes les banques centrales de la planète n’ont pu faire durer le système depuis l’effondrement de 2007-2008 qu’en s’engageant sans cesse plus dans l’économie, en suppléant sans cesse plus à la défaillance des capitalistes privés qui, pour leur part, misent sur les effondrements, les faillites, les titres pourris et les dettes. Il a fallu des sommes colossales pour faire tenir le système Madoff mondial mais cela n’a pas suffi à faire repartir le moins du monde une économie capitaliste viable et, au contraire, cela pousse encore plus les capitalistes privés à continuer à vivre sur les dos des fonds d’état. Ce château de carte finira bien par s’effondrer de lui-même, y compris sans une poussée révolutionnaire des masses. Par contre, les classes dirigeantes savent parfaitement qu’un nouvel effondrement économique, causé par exemple par une perte de confiance dans les fonds d’Etat ou par un effondrement économique d’une grande banque ou d’une monnaie importante, entraînerait inévitablement l’ensemble de l’économie dans le gouffre et les prolétaires du monde vers la révolution sociale. Ils n’attendront donc pas d’en arriver là pour s’attaquer au prolétariat et tenter de leur couper les ailes. Ils préparent déjà les guerres, les guerres civiles et les fascismes. Ils préparent même la guerre mondiale. Les mesures qu’ils prennent n’ont pas un but économique mais un but politique et social. Il s’agit de détruire la classe ouvrière dans ses capacités révolutionnaires potentielles, de la soumettre à l’Etat sauveur, de lui imposer l’idée que ses ennemis sont étrangers, de la pousser vers les idéologies nationalistes, racistes, xénophobes. Or toutes ces tendances préparent un certain type d’avenir qui va bien au-delà d’une récession ou d’un recul du capitalisme et qui prépare une barbarie infra-capitaliste, une société qui ressemblerait plutôt à un monde des féodaux armés, une espèce d’Afghanistan mondial… En tout cas, le capitalisme n’attendra pas la montée de la révolution pour attaquer le prolétariat et les peuples. Dès qu’il se rendra compte que la perfusion mondiale ne suffit plus à faire tenir le château de cartes économique, il lancera son offensive contre le prolétariat et les peuples. Il deviendra alors clair que ce qui remplace le capitalisme est devenu la barbarie. Marx n’a jamais dit que le socialisme devait fatalement remplacer le capitalisme mais seulement que c’est dans des conditions objectives données (celles d’une crise du système) que le prolétariat pouvait se poser le problème de son remplacement. »

Messages

  • Une réponse à titre personnel provenant du CoReP :

    Jour du 74e anniversaire de la mort de Trotsky

    Cher Robert Paris

    Il n’y a aucun diktat du type : "adhérez, si vous n’êtes pas une secte nationale". Ce serait digne d’une bureaucratie ou d’une secte... internationale.

    L’obligation politique est pour VdT de se poser le problème de son avenir, ce qui inclut forcément la dimension mondiale.

    Le problème de l’Internationale demeurerait même si le Collectif Révolution Permanente ne l’avait pas posé, même si le CoReP n’existait pas. Et, qui sait, votre réponse passe peut-être par d’autres organisations internationales ; après tout, il en est de bien plus grosses que le CoReP (dont l’UCI). Ceci dit, le CoReP fait peut-être partie de votre futur...

    La réponse tient au programme. A titre d’exemple d’échec, Socialist Fight de Grande-Bretagne a quitté le CoReP parce que celui refusait de soutenir le colonel Khadafi et sa "révolution". Et des sectes nationales existent bel et bien : le gourou de l’ARS France semble redouter que sa base soit en contact avec d’autres groupes ; le Groupe Révoltes de France a, plus récemment, refusé la discussion. Malgré leur rencontre avec le CoReP, je suis prêt à parier que ces deux groupes n’ont pas su élargir leur horizon (je ne vérifie pas, j’ai d’autres chats à fouetter).

    Inversement, il est irresponsable de ne pas tenter de rassembler les forces s’il y a accord sur les questions essentielles.

    Cela demande examen des positions et vérification de la convergence. A titre d’exemples de réussite, le GKK d’Autriche a collaboré plus d’un an avec le CoReP avant de le rejoindre ; le CCI(T) de France a collaboré avec le CoReP (et le GB) un an avant la fusion qui a engendré le GMI.

    Si VdT a su adopter un éditorial sur la guerre qui vient en quelques jours, elle doit pouvoir répondre en tant que telle à la lettre du CoReP.

    De même, VdT doit pouvoir amender, réfuter ou adopter le projet Ukraine que le CoReP soumettra bientôt aux organisations avec qui il est en contact.

    A titre individuel et avec mon salut internationaliste,

    V.

    PS. Vu la taille du CoReP, il ne s’agirait pas d’un simple accroissement numérique, en cas de fusion, mais d’un progrès substantiel avec une ouverture sur le continent africain qui lui manque.

  • Contribution personnelle d’un membre du GMI, groupe qui est membre du CoRep :

    Camarades

    La discussion n’a pas pour but la discussion, mais l’examen des convergences et divergences. Il est clair que, pour prendre un cas français, Trotsky, en lien avec le secrétariat international et la section française discute avec la GR du PSn ce n’est pas pour s’occuper mais pour gagner à la QI et construire la parti en France. Par parenthèse, on peut encore lire Trotsky, mais qui lit Pivert ?

    Comme certains camarades de VdT l’ont sans doute vu, l’éditorial de VdT sur la guerre qui vient (et la correspondance antérieure entre organisations) est sur le site du GMI (rubrique "Débats") depuis plusieurs semaines :

    http://groupemarxiste.info/?page_id=516

    La dernière lettre du CoReP figurera bientôt sur le site du CoReP en espagnol et en français.

    Par ailleurs, tous les discussions du CoReP avec d’autres organisations figurent dans le bulletin interne du GMI.

    Pravda

  • En France, il n’y a pas eu que la grève des cheminots de 1910. C’est toute une montée des luttes ouvrières qui n’a cessé de monter : affrontements ouvriers à Chambéry et Grenoble en 1906, électriciens de Paris en grève en 1907, la Bâtiment en 1908 avec le mouvement de Draveil-Vigneux-Villeneuve-saint-Georges, les sablières de la seine en 1908, les postiers en 1909, la grève des cheminots se généralisant à d’autres professions en 1910 et ne s’arrêtant que par l’arrestation du comité de grève et 15.000 révocations, les électriciens et les chauffeurs de taxis en 1911, les dockers et les inscrits maritimes en 1912. Il faut y rajouter les manifestations contre la guerre comme le 13 juillet 1907 et en juin 1913 contre le vote de la loi des trois ans.

    Il n’y a pas eu que la France, l’Allemagne et l’Angleterre où l’ébulliton ouvrière monte. On peut citer aussi l’Italie.
    Voici comment Pietro Nenni rapporte ces années-là en Italie dans « Six ans de guerre civile en Italie » :

    « Dans le mouvement syndical, les tendances anti-réformistes et soréliennes prenaient de la force. Le parti socialiste n’échappait pas à la crise et son axe se déplaçait de droite vers la gauche. En même temps allait s’organiser un mouvement nationaliste et impérialiste, qui se déclarait à la fois antisocial, antilibéral et antigiolittien. L’expédition coloniale en Tripolitaine mit pour la première fois en mouvement ces forces nouvelles qui n’existaient encore qu’en puissance et qui allaient dramatiser ou, comme l’on dirait aujourd’hui, radicaliser les luttes sociales et politiques. A Bologne, la jeunesse bourgeoise et nationaliste attaqua, à coups de matraque, les ouvriers qui manifestaient contre la guerre. En Romagne, et notamment à Forli, la grève générale prit le caractère d’une émeute. Trois jours durant le prolétariat fut maître du pavé… Les ouvriers déboulonnaient les rails pour empêcher les trains militaires de partir, occupaient les gares, organisaient le ravitaillement… Cela « chauffait ». A trois reprises, la cavalerie chargea, sabres au clair. Les manifestants tenaient bon. Une palissade fut démolie et nous nous servîmes des planches comme d’une arme. Les femmes se jetaient à terre pour arrêter l’élan des charges. Les gamins bombardaient cavaliers et gendarmes avec des pavés. Nous fûmes repoussés à plusieurs reprises, mais revinmes toujours à l’attaque… Courte victoire. Le lendemain, la ville était en état de siège et la Bourse du Travail, sans tenir compte de nos derniers appels à la résistance, délibérait sur la fin de la grève… L’extrémisme s’accentuait de jour en jour. Vers le milieu de 1914, un événement, qui reçut le nom de « Semaine rouge », donna la mesure de l’état de surexcitation du pays. Le mouvement de grève prit naissance à Ancône, où, le 7 juin, dans un conflit avec la police à « Villa Rossa », trois ouvriers furent tués. De là il s’étendit à la Romagne et à l’Ombrie, et gagna l’Italie tout entière. Les cheminots s’étant joints à la grève, celle-ci fut vraiment générale. Dans plusieurs villes, elle revêtit un caractère d’émeute, notamment à Ancône, dans la Romagne, à Florence et à Naples. La force publique fut débordée. Un moment on eût l’impression d’être en pleine révolution. Les citoyens arboraient des cocardes rouges. A Ravenne, les grévistes avaient arrêté un général. Dans des petites villes on proclamait la République au son du tocsin. A Rome, une manifestation qui se dirigeait contre le Palais-Royal fut péniblement dispersée par l’armée… A Fabriano, une colonne de « bersaglieri » fut désarmée et dut assister à la proclamation de la République. Des églises flambaient. Le drapeau rouge flottait sur des édifices publics. »

  • Prenons l’année 1913...

    Il y a cent ans, en France, le 10 février 1913, débutait dans les usines Renault la deuxième grève du chronométrage, après celle des 4 et 5 décembre 1912. La grève est totale : 4000 ouvriers arrêtent le travail.

    En 1913, en Irlande, les membres du syndicat général des travailleurs du transport (ITGWU) entament une grève à Dublin pour sa reconnaissance, les employeurs décrètent un lock-out dans toute la ville. C’est toute la société irlandaise qui se retrouve coupée en deux selon une ligne de fracture toute nouvelle : d’un côté pour les ouvriers en grève, de l’autre pour l’ordre et William Murphy. Indépendantistes ou unionistes, catholiques ou anglicans, irlandais ou anglo-irlandais, se retrouvent dans les deux camps, entre ceux prêts à mourir pour leur cause et ceux prêts à les affamer.

    Le 14 avril 1913 en Belgique : grève générale initiée par le parti ouvrier pour protester contre le refus de Chambre d’adopter le suffrage universel.

    1913 : grèves violentes au Royaume Uni

    1913 : mouvements de grève en Russie

    1913 : à Paris, grève des ouvriers boulangers et c’est aussi la grève des mineurs du Pas-de-calais

    Novembre 1913 : préparation de l’armée révolutionnaire pour l’indépendance de l’Irlande

    En 1913, Rosa Luxemburg écrit sur la grève générale belge :

    « La grève générale belge ne mérite pas seulement, en tant que manifestation remarquable des efforts et des résultats de la masse prolétarienne en lutte, la sympathie et l’admiration de la social-démocratie internationale, elle est aussi éminemment propre à devenir pour cette dernière un objet de sérieux examen critique et, par suite, une source d’enseignements. La grève d’avril, qui a duré dix jours, n’est pas seulement un épisode, un nouveau chapitre dans la longue série des luttes du prolétariat belge pour la conquête de l’égalité et de l’universalité du droit de vote, luttes qui durent depuis le commencement de la dernière décennie du XIX° siècle et qui, selon toute apparence, sont encore très éloignées de leur fin. Si donc nous ne voulons pas, à la manière officielle, applaudir toujours et à toute occasion tout ce que fait et ne fait pas le Parti social-démocrate, il nous faut, en face de ce nouvel assaut remarquable du Parti Ouvrier Belge, dans ses luttes pour le droit électoral, nous poser la question suivante : Cette grève générale signifie-t-elle un pas en avant sur la ligne générale de combat ? Signifie-t-elle en particulier une nouvelle forme de lutte, un nouveau changement tactique qui serait appelé à enrichir, à partir de maintenant, les méthodes de combat du prolétariat belge, et peut-être aussi du prolétariat international ? »

    Et aux USA, 1913 c’est l’année de la grève de 25.000 ouvriers du caoutchouc à Akron...

  • La guerre est une manière de détruire socialement et politiquement la classe ouvrière. Le 13 janvier 1915, Millerand déclarait à la délégation syndicale des Métaux : "Il n’y a plus de droits ouvriers, plus de lois sociales ; il n’y a plus que la guerre."

  • Une correspondance avec une militante de CoRep

    Chère V.

    Tout le problème est que la fusion n’est pas un objectif en soi. Ce qui l’est, c’est d’intervenir mutuellement sur notre opinion de révolutionnaires.

    salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    Chère V.,

    Puis-je me permettre de vous suggérer une lecture pour vous entraîner également dans le débat philosophique :

    http://www.matierevolution.org/spip.php?article1905

    Salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    PS L’important consiste à imaginer les étapes des relations que ce débat nécessite. L’une d’entre elles consiste à s’écrire mutuellement sur nos sites respectifs. A ce propos, je vous rappelle que le débat a commencé sur :

    http://www.matierevolution.org/spip.php?article4385

    Par la suite, il serait souhaitable de faire bien plus que signer un texte en commun, c’est-à-dire d’écrire des articles différents dans un même média...

    Robert,

    Pour l’instant, nous avons eu d’innombrablables textes différents sur les mêmes questions. Le bon chemin n’est pas de publier des textes séparés dans le même support (c’est déjà fait sur les sites, semble-t-il), mais plutôt de publier des textes communs dans nos supports respectifs. Pour arriver à publier un bulletin commun international et diffuser un journal pour toute la France.

    Si nous y parvenons, la discussion inter-individuelle, au passage, n’en sera que plus riche. Tu admettras que les débats internationaux (de l’AIT, de l’IO, de l’IC et de la QI), ne déméritent pas à côté de ceux du site VdT. Pourquoi les débats au sein d’un CoReP élargi et d’un groupe français issu de la fusion de VdT et du GMI seraient-ils plus pauvres que ceux au sein de VdT ?

    Merci pour les conseils de dialectique. Comme je suis sexagénaire et que j’ai débuté dans le SUQI, j’ai pu rencontrer dans ma jeunesse George Novack du SWP / EU.

    http://en.wikipedia.org/wiki/George_Novack

    Tu le connais sans doute sous le nom de "Warde" auquel Trotsky suggère dans En défense du marxisme de travailler la dialectique. Il a suivi ce conseil et, pour ma part, j’ai étudié ses ouvrages philosophiques durant mes années de formation.

    http://www.pathfinderpress.com/s.nl/sc.8/category.141/.f

    http://www.marxists.org/archive/novack/index.htm

    Évidemment, j’ai pu être mauvais élève !

    A propos de dialectique, n’y a-t-il pas, dans VdT, une crainte conservatrice devant un saut qualitatif, devant la perspective d’un dépassement (aufhebung) du groupe ?

    A titre individuel, V.

    Chère V.,

    je ne voulais nullement te vexer en te disant qu’il manquait une dimension philosophique à votre travail mais seulement vous demander de vous lancer dans un travail théorique qui me semble manquer. Ce travail nous semble indispensable, y compris pour converger avec un courant révolutionnaire.

    salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    Robert,

    Notre collectif est certainement sans théoricien éminent et je pense que mes camarades seront ravis d’en gagner un de VdT. Mais tu fais de nouveau fausse route en en faisant un préalable. Je redoute que tu cherches toutes sortes de prétextes et que tu tournes le dos à toute l’expérience du mouvement ouvrier et à la pratique de ses meilleurs théoriciens.

    Le seul cas d’exigence de ce type est assez peu glorieux, c’est celui de Healy.

    Luxemburg, qui avait une certaine envergure théorique et en tout cas était audacieuse politiquement, a dit quelque part explicitement (je ne me souviens plus où, je dois le reconnaître, mais peut-être le sais-tu) : la base d’un parti, c’est le programme. Même si nous étions d’accord sur la dialectique (mais y a-t-il deux personnes d’accord sur la dialectique ?), cela ne suffirait pas. Inversement, l’accord sur les tâches essentielles (le programme) fonde la possibilité d’un travail commun et d’une organisation commune.

    Lénine a même dit, me semble-t-il, qu’il fallait admettre des prêtres s’ils étaient d’accord avec le programme du POSDR. Inversement, il aurait été probablement opposé à l’adhésion de quelqu’un/e qui aurait été matérialiste et dialecticien mais opposé au programme.Lénine a travaillé la dialectique en tant que telle à l’ouverture de la guerre inter-impérialiste, ce qui a dynamisé toute ses analyses (impérialisme, aristocratie ouvrière - bureaucratie ouvrière, État, nationalité opprimée) et son travail politique (une nouvelle Internationale, partis délimités, la défaite de son propre impérialisme, lancement de la Gauche de Zimmerwald, importance révolutionnaire des peuples opprimés et des colonies, rupture avec le gouvernement provisoire, insurrection...) mais il n’en a jamais fait un préalable. Comme tu le sais, Lénine ne méprisait pas Boukharine (qui a fourni la première critique marxiste des néo-classiques, retrouvé la théorie marxiste de l’État avant Lénine, rédigé un ouvrage sur l’impérialisme avant Lénine...) tout en regrettant son incompréhension de la dialectique (ce qui est assez juste). Il n’a jamais dit qu’il fallait l’exclure pour cela !

    Travaillons ensemble, si la convergences est suffisante (Palestine, Ukraine, Irak...), sans autre manœuvre dilatoire. Les organisations changeront en cours de route et il en sortira peut-être une organisation plus grande, plus capable, poussant davantage à la théorie. Si nous entamons avec succès ce processus, toi et moi pouvons même inciter les deux groupes français à organiser sans attendre, conjointement, une formation à la dialectique avec plusieurs exposés...

    A titre personnel

    V.

    V.,

    il n’y a rien de dilatoire à estimer qu’il est nécessaire d’être d’accord sur la dialectique car cela signifie pouvoir être d’accord sur le programme. On ne peut pas opposer période des contre-révolutions et période des révolutions comme le fait la dernière lettre de réponse du CoRep critiquant notre tract. Cela signifie ne pas être d’accord sur ce qu’il faut dire sur l’Ukraine et, en même temps, ne pas être d’accord sur ce qu’il faut dire de Gaza. Et, ce qui est plus grave, ne pas avoir le même point de vue sur la situation mondiale.

    Examine par exemple ce texte sur l’Ukraine et regarde s’il convient de votre point de vue :
    Thèses sur la politique du prolétariat mondial face à la situation de l’Ukraine

    http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3270

    Ce n’est pas tout d’être organisés ensemble : il faut que cela ait un sens pour que cela ne soit pas décevant pour tous
    salutations communistes révolutionnaires

    Robert Paris

    • Chère V.,

      Je ne suis pas certain de ce que vous appelez par « théoricien éminent » (avant 1917, très peu de militants révolutionnaires auraient traité Lénine de théoricien éminent, sans même parler de Rosmer ou Monatte, pour prendre des exemples de militants qui vont fonder le courant communiste mondial), mais je suis sûr d’une chose : ceux qui veulent militer en révolutionnaires conscients doivent prendre en charge le travail théorique et celui-ci ne se limite pas en des prises de position sur l’actualité politique et sociale. Il faut entrer de plein pied dans la philosophie, dans la science, dans les débats fondamentaux car cela impacte directement nos prises de positions politiques. C’est exactement ce que nous constatons dans le premier débat que nous avons entre nous. L’un des camarades de GMI intitule nos textes de spéculation philosophique inutile et c’est bien significatif du fait qu’il ne vous manque aucun théoricien : vous rejetez la nécessité de la théorie, autrement que comme courbette aux grands théoriciens du passé. Nous avons connu le même type d’attitutde avec les autres groupes d’extrême gauche que nous avons fréquenté et qui ne parlent de théorie que pour parler des textes anciens… Comme si le marxisme était mort pour eux ! Le fait de nous dire qu’on débattra mieux quand on aura fusionné est très significatif. Nous sommes des fractions d’une future internationale à construire et nous n’avons pas besoin des fusions pour débattre. Par contre, nous avons besoin de cadres de discussions du type de l’assemblée ouverte qu’organise régulièrement Voix des Travailleurs et à laquelle le GMI a participé plusieurs fois. C’est dans ce genre de débats ouverts à l’extrême gauche révolutionnaire que vous devriez faire des propositions et elles ne peuvent consister seulement à dire aux militants et aux groupes : adhérez ! Dans Que Faire, Lénine justifiait la nécessité du maintien de fractions séparées, au nom de l’importance des divergences théoriques. Cela ne l’a pas rendu incapable de construire le parti révolutionnaire…

      Salutations communistes révolutionnaires

      Robert Paris

  • La période qui précède la première guerre mondiale n’est pas faite que de reculs.

    Par exemple en 1912 :

    En janvier, première grève générale au Portugal ; en Allemagne, la social-démocratie devient le premier parti au parlement, le Reichstag, la bourgeoisie est affolée et ne parvient pas à former un cabinet majoritaire ; les Bantous d’Afrique du sud créent leur propre parti ; révolte en Tunisie contre les colons français appelée « boycott des tramways » ; les Sénousis du Sahara se défendent contre le colonisateur italien en Libye ; gouvernement révolutionnaire de Sun Yat-Sen en Chine ; apparition du syndicalisme ouvrier en Indonésie ;
    En avril, insurrection de Fès contre la colonisation française au Maroc
    En mai, grève générale et émeutes à Budapest (Hongrie) organisées par les sociaux-démocrates. La répression par la police fait six morts, 182 blessés et 300 arrestations.
    En juillet, soulèvement au Nicaragua contre un pouvoir conservateur soutenu par les USA
    En décembre, les travailleurs anglais imposent le salaire minimum garanti pour les mineurs et en Roumanie, ils imposent une loi d’assurance ouvrière
    Etc, etc…

  • Henry Poulaille écrit dans « Les damnés de la terre » :

    « Depuis quelques jours, chez Radigond, toute la famille est réunie pour la soupe à la même heure. Cela ne s’était pas vu depuis des années. La cause en était la grève (celle de 1909).
    Nini n’en semblait pas plus ravie que cela…

    Elle fulminait.
     Vous êtes là tous les trois sur le sable… et ça sera pire qu’en 1906, j’prévois ça ! Et si on vous foutait en l’air, tous autant que vous êtes, postiers, facteurs, « et caetera », où que vous iriez ? Pas foutus de faire au’chose, hein ! J’pousse les choses au noir, pasque c’est heureusement impossible qu’on vous balance tous…
     Tiens, la mère, regarde plutôt Le Journal, à la page 1, au lieu de ton feuilleton. C’est nous qui sommes à l’honneur. Tiens, c’est écrit : « Plus de trois millions de lettres, plus de cent mille télégrammes restent en souffrance. » C’est même écrit assez gros de manière à ce que les myopes comme toi puissent le voir sans lunettes…

    Les jours passaient. Radigond et se sgars étaient toujours en alerte. On avait saboté le télégraphe. On le ferait payer cher ! et cher, disait-on. Ce n’était pas le moment de se lâcher les coudes.
    Dans une séance de nuit, la Chambre par 458 voix contre 69 se disait décidée à ne pas tolérer de grève des fonctionnaires.

    Et l’on tenait… et solidement.

    On avait fait appel à la troupe ; les soldats étaient occupés au triage des lettres, à la manipulation des « morses »…

    De fait, le gouvernement capitulait ; le tiercement qui eût retardé l’avancement régulier des agents des PTT dans une proportion de 30% était supprimé.
    Un nouveau meeting au Tivoli-Vauxhall décidait la reprise du travail…

    La grève était finie. L’après-midi même, place Vauban, les grévistes faisaient leur dernière manifestation, et c’était en cortège joyeux qu’ils partaient vers leur travail…

     Les fonctionnaires, disait Radigond, ont gagné leur première grande bataille…
    D’ailleurs quelques faits nés au cours des grèves récentes étaient inquiétants. En ce mois de mars, en même temps que les postiers, une série de mouvements alertaient la police, la gendarmerie, la troupe.
    A Mazamet, dans le Tarn, on avait des craintes. Après trois mois, la grève des délaineurs menaçait de dégénérer en combats de rues ; on venait d’envoyer les enfants dans des localités voisines. C’était mauvais signe. A Tunis, les zouaves remplaçaient les cheminots. Mais c’était surtout dans l’Oise que la situation était grave.

    A Méru et environs, les boutonniers au nombre de 12 000, s’étaient mis en grève, l’emploi de la nacre artificielle, la transformation de l’outillage ayant abaissé leurs salaires dans d’effarantes proportions. Des manifestations avaient eu lieu dans plus de vingt localités à la fois. Une « horrible jaquerie » disait-on.
    Il y avait eu du grabuge à Ablainville, où l’usine principale fut dévastée ainsi que la maison du patron ; à Méru, ç’avait été chez le maire de Saint-Crépin que les « jacques » avaient opéré. Tout ce qui était facilement déménageable avait été sorti et brûlé sur la route.

    Pendant quelques jours, des bagarres avaient éclaté, puis on avait repris le travail partiellement.
     Alors, vous avez gagné votre grève ! ça m’a fait bougrement plaisir, leur avait dit Magneux qu’ils étaient allés voir à l’hôpital…. Oui, on est en époque révolutionnaire… mais c’est souvent la réaction qui profite des situations révolutionnaires par la faute de la somnolence des militants qui répugnent trop à l’action directe…

    C’est qu’on était forts !
    Quel magistral soufflet c’était pour le gouvernement et le Clemenceau, que ce grand meeting de l’Hippodrome, organisé par les syndicats des électriciens, des maçons d’art et des terrassiers, pour affirmer la solidarité du prolétariat industriel avec les travailleurs de l’Etat.

     On vit une époque révolutionnaire, répétait Radigond, reprenant le mot de Magneux, en revenant de ce meeting….

    Dans l’Oise, la lutte reprenait de plus belle, sur ces entrefaites.

    Le 9 avril, 600 militants chahutaient les jaunes et s’attaquaient à deux ou trois établissements à Lormaison, à Saint-Crépin, où travaillaient des « renards », chez le fils du maire, celui que l’on avait déménagé un mois auparavant. Chemin faisant, les manifestants abattaient les poteaux du télégraphe, coupaient les fils, cela sur une étendue de plus d’un kilomètre. C’était l’ « émeute caractérisée »… Des escadrons de hussards étaient dès le lendemain sur les lieux et la gendarmerie arrêtait des « émeutiers », ce qui occasionnait de violentes bagarres ; à plusieurs reprises les ouvriers tentaient d’arracher leur proie aux « cognes ».

    On dut appeler du renfort. Des escadrons de chasseurs à cheval, des dragons, des cuirassiers arrivèrent.

    Trois compagnies de chasseurs cantonnaient à Méru… Malgré ce déploiement de troupes et les multiples patrouilles et parades, de bruyantes manifestations se déroulèrent au cours de la grève générale de vingt-quatre heures décidée dans la région en protestation ».

  • Rappelons nous que, dans la révolution française, la bourgeoisie girondine lance la guerre pour arrêter la révolution...

    Rappelons-nous aussi que Napoléon III se lance dans l’impérialisme guerrier pour se sauver de la révolution ouvrière montante.

  • Et n’oublions pas les Balkans qui connaissaient eux aussi, avant 1914, un soulèvement révolutionnaire, contre l’oppression nationale et sociale...

  • Rosa Luxemburg décrivait ainsi dans "Was weiter" (Où allons-nous ?) l’impuissance du mouvement ouvrier organisé (politique et syndical) face aux mouvements de masse montants en Europe :

    "La question est de savoir si la social-démocratie allemande, qui s’appuie sur les organisations syndicales les plus puissantes et la plus grande armée d’électeurs existant au monde, est capable d’impulser une action de masse du genre de celle qui a été suscitée... avec un grand succès dans la petite Belgique, en Italie, en Autriche-Hongrie, en Suède - sans parler de la Russie - ou si, par contre, en Allemagne, une organisation syndicale comptant deux millions de membres et un puissant parti bien discipliné sont aussi peu capables, dans les moments décisifs, de déclencher une action de masse efficace que les syndicats français paralysés par la confusion anarchiste et que le Parti socialiste français, affaibli par ses conflits internes."

  • Rappelons aussi la révolution mexicaine débutée en 1911...

    En novembre 1910 l’insurrection démarre très lentement, et l’échec est sanglant à Puebla où les principaux conspirateurs (dont Aquiles Serdan) sont découverts et massacrés. Les premiers soulèvements ont lieu dans les régions minières du nord dans l’État de Chihuahua avec Pascual Orozco et les classes moyennes rurales, mais aussi en Basse-Californie, à Oaxaca, au Sonora et à Coahuila sous l’impulsion de guérilleros liés au Parti libéral mexicain, organisation de tendance libertaire fondée par Ricardo Flores Magón. Au printemps 1911, l’insurrection s’étend à d’autres régions, dans les États du nord et, tardivement, dans le Morelos, où se forme une armée de paysans villageois, sous la conduite d’Emiliano Zapata, un petit propriétaire, maire de son village : il soutient la cause madériste en échange de la promesse d’une réforme agraire. Le régime porfirien tombe en mai 1911 avec la démission et le départ en exil de Porfirio Díaz.

    En tant que leader de la rébellion, Zapata doit se réfugier dans la montagne pendant la répression. Il réapparaît en 1909, en étant proclamé président de la Junte de Défense des terres de Ayala, commençant de cette manière son activité révolutionnaire. En Mars 1911 il rejoint le mouvement guérillero de Madero, renforçant le Plan de San Luis Potosí contre le dictateur Porfirio Díaz. Le Plan Ayala prévoit la restitution des terres à la population indigène et une véritable Réforme Agraire. Son ascension politique le conduit à prendre en charge l’organisation du mouvement révolutionnaire dans le sud du Mexique, étant nommé chef suprême du mouvement révolutionnaire de la région méridionale, puis chef maderiste de Morelos.

  • Et aussi la révolution chinoise débutée en 1911-1912 :

    En 1905, des notables décident de construire avec leur propres fonds des voies de chemin de fer en Chine ; or en mai 1911 les autorités impériales sous l’impulsion du ministre Sheng Xuanhuai décrètent la nationalisation des voies de chemin de fer, les puissances étrangères voyant d’un mauvais œil l’influence du milieu des notables nationalistes. Les indemnités proposés aux notables chinois leur paraissent insuffisantes : ils créent des comités de défense notamment au Sichuan. Une ligue pour la protection des chemins de fer est créée, mais ses manifestations entrainent l’arrestation de ses dirigeants, suivie de manifestations pour réclamer la libération de ces derniers. La répression des manifestations cause plusieurs victimes, radicalisant la contestation. Les sympathies révolutionnaires gagnent la nouvelle armée du Hubei, un tiers environ de ses 15 000 hommes soutenant les républicains. En mai 1911, la nomination d’un nouveau gouvernement, dirigé par le prince Yikuang et composé d’une forte majorité de mandchous, est perçu comme une provocation.

    Dans une caserne de Wuchang — un quartier de Wuhan —, le 10 octobre, des militaires de l’armée du Hubei s’insurgent et déclenchent un soulèvement armé. Le gouvernement impérial tarde à réagir et, dès le lendemain, la ville est contrôlée par les insurgés. Ils proclament la sécession de la province sous l’égide d’un gouvernement républicain, dirigé par le général Li Yuanhong, qui appelle à l’insurrection les autres provinces.

    Plusieurs provinces chinoises proclament leur indépendance dans les semaines qui suivent : le 22 octobre, une troupe de révolutionnaires comptant des soldats de l’armée du Hubei marche sur Changsha et prend la ville, tuant le gouverneur du régime Qing. Le même jour, des membres du Tongmenghui lancent une insurrection à Xi’an et achèvent de prendre le contrôle de la ville le 23. Toujours le 23, le Tongmengui, mené notamment par Lin Sen, emmène un soulèvement des troupes du Jiangxi : un gouvernement militaire est proclamé à Jiujiang. Le 29, une insurrection armée, comptant Yan Xishan parmi ses leaders, éclate à Taiyuan : le gouverneur du Shanxi est tué et la province déclare à son tour son indépendance. Le 30, après la prise de Kunming, Cai E devient le chef du gouvernement militaire du Yunan. Le 31, Nanchang est prise à son tour par le Tongmenghui.

    La cour impériale réagit en nommant le 14 octobre le général Yuan Shikai à la tête du gouvernement. L’armée de Beiyang est envoyée pour affronter les insurgés. Elle prend Hankou -un quartier de Wuhan. Mais dès le 2 novembre, Yuan Shikai, ne croyant plus à l’avenir de la dynastie Qing, déconsidérée depuis la guerre des Boxers et sans appui de l’étranger, entame des négociations secrètes avec les révolutionnaires. Le 9 novembre, Huang Xing prend contact avec Yuan et lui propose la tête de l’État.
    Le drapeau à cinq couleurs.

    Le 3 novembre, l’insurrection éclate à Shanghai, le gouvernement militaire étant proclamé dans la ville cinq jours plus tard. Le 4, la révolte gagne le Guizhou. Le 5, le gouverneur du Jiangsu, Cheng De, est amené par les insurgés à déclarer l’indépendance de la province. Le 6, c’est le tour du Guangxi et le 9, celui du Fujian, où le vice-roi Song Shou se suicide. Toujours le 9, l’indépendance du Guangdong est déclarée, Hu Hanmin prenant la tête du gouvernement de la province. À la fin novembre, le Sichuan tombe à son tour. Le même jour, Li Yuanhong télégraphie à tous les gouverneurs insurgés pour leur proposer de tenir une conférence à Wuchang et de fonder un nouveau gouvernement central. La conférence débute le 30 novembre, les délégués s’accordant finalement pour établir un gouvernement provisoire. Le 2 décembre, les révolutionnaires prennent Nankin. Entretemps, la Mongolie extérieure profite de la situation pour déclarer son indépendance le 1er décembre, établissant le khanat de Mongolie autonome : le Tibet expulsera à son tour les autorités chinoises en 1912, pour proclamer sa souveraineté l’année suivante.

    Le 3 décembre, les troupes de Yuan Shikai s’accordent sur un cessez-le-feu avec les révolutionnaires et entame des négociations de paix.

    Le 11, les délégués de dix-sept provinces, venus de Shanghai et Hankou, se réunissent dans la ville et parlementent à nouveau, s’accordant sur l’élection d’un président provisoire. Un nouveau drapeau national est choisi : certains réclament le choix du drapeau bleu à soleil blanc, emblème du Tongmenghui, mais le choix se porte finalement sur le drapeau à cinq couleurs, symbole de l’union de toutes les ethnies chinoises, qui contrebalance la tonalité jusque-là anti-mandchous de l’insurrection contre la Dynastie Qing. Un compromis est adopté, le drapeau au ciel bleu à soleil blanc devenant l’enseigne de vaisseau de la République. L’élection du président est repoussée, les insurgés apprenant que Yuan Shikai est prêt à les soutenir et décidant d’attendre sa décision.

    Le 25 décembre, Sun Yat-sen, jusque-là en exil, arrive à Shanghai : en raison de son prestige, les révolutionnaires lui proposent d’assumer la présidence. L’élection a lieu le 29 décembre à Nankin, en présence de 45 délégués représentant 17 provinces. Recevant les suffrages de 16 provinces sur 17, Sun Yat-sen est élu président.

  • Rosa Luxemburg écrit dans une lettre du 13 mars 1906 : « Nous vivons des temps agités où tout ce qui existe mérite de disparaître. »(extrait de Faust de Goethe)

  • Il flottait déjà, avant même qu’éclate la première guerre mondiale, un parfum de révolution dans tout l’Empire Ottoman. Il y avait eu la guerre italo-ottomane lors de laquelle notre famille avait été contrainte de se réfugier à Beyrouth car Isaac, notre grand-père, était consul italien à Alep et sujet italien. Il y avait de multiples expressions de sentiments d’hostilité de toutes les nationalités opprimées de l’empire qui était attisé par les grandes puissances comme l’Angleterre et la France contre l’empire. Les Anglais entretenaient même une armée arménienne pour préparer le conflit contre l’empire. Les peuples avaient flairé leur libération et n’entendaient plus s’en laisser imposer par cette prison des peuples. Les Arméniens bougeaient. Les Kurdes bougeaient. Les Juifs étaient touchés par l’aspiration à la liberté. Les Alaouites se rebellaient. Avant même qu’éclate la révolution russe, tout était comme un baril de poudre près à exploser.

  • Le régime ottoman était déjà menacé, depuis 1900, de l’intérieur par la révolution bourgeoise jeune turque. Il n’avait pas eu la force d’écraser cette rébellion. Les Jeunes-Turcs parviennent à renverser le sultan en 1908 avec l’aide des mouvements minoritaires, et dirigent alors l’Empire ottoman. Comme l’empire, comme toutes les classes dirigeantes turques, les « jeunes turcs » se sentent menacés par la révolte des peuples et commencent à les massacrer systématiquement. Il faut dire que les grandes puissances laissent croire à ces peuples qu’ils vont les soutenir militairement contre l’empire, ce qui ne sera pas vrai…

  • En 1911 débute le soulèvement marocain du Rif contre le colonisateur, une guerre révolutionnaire...

  • Dans la révolte des peuples opprimés de l’Empire Ottoman, notons celle des Arméniens avec notamment la seconde révolte de Sassoun en 1904... La révolte monte jusqu’en 1915 où l’empire répond par le premier génocide des Arméniens.

  • De 1910 à 1914, Rosa Luxemburg mène une polémique publique contre Kautsky et reproche publiquement à la social-démocratie allemande de freiner les grèves, de refuser les grèves générales politiques, de refuser de tirer des leçons du vaste mouvement européen de grèves générales tendant à devenir insurrectionnelles. Alors que Kautsky affirme que les grèves se font de plus en plus rares en Allemagne, Rosa Luxemburg écrit :

    « Que nous montre, par exemple, la statistique des grèves en Allemagne ? … Pendant toute la dernière décennie du XIXe siècle, il y a eu en Allemagne, en tout, 3 772 grèves et lockes outs, tandis que durant les neuf années allant de 1900 à 1908, il y en a eu 15.994. Les grèves deviennent si peu « de plus en plus rares » qu’au contraire elles ont quadruplé au cours de la dernière décennie ; en chiffres absolus, 425.142 travailleurs ont pris part à des grèves au cours de la dernière décennie du XIXe siècle et 1.709.415 au cours des neuf première années de ce siècle, sit quatre fois plus à nouveau… Mais regardons l’Europe occidentale. Le camarade Kautsky qui conteste tout ce que je viens de dire s’oblige à rompre des lances avec une autre contradictrice que moi : la réalité. Car que voyons-nous, si nous examinons attentivement les grèves de masse les plus importantes des dix dernières années ? Les grandes grèves de masse en Belgique qui avaient imposé le suffrage universel demeurent, dans les années 90, un exemple isolé, une expérience pleine de hardiesse. Mais depuis lors, quelle richesse d’expérience, quelle diversité ! En 190, c’est la grève de masse des mineurs de Pennsylvanie qui, selon les camarades américains, a fait davantage pour la diffusion des idées socialistes que dix ans d’agitation ; en 1900 encore, c’est la grève de masse des mineurs en Auutriche, en 1902 celle des mineurs en France, en 1902 encore celle qui paralyse tout l’appareil de production à Barcelone, en solidarité avec les métallurgistes en lutte, en 1902 toujours, la grève de masse démonstrative en Suède pour le suffrage universel égalitaire également ; la grève de masse des ouvriers agricoles dans l’ensemble de la Galicie orientale (plus de 200.000 participants) en défense du droit de coalition, en janvier et avril 1903, deux grèves de masse des employés des chemins de fer en Hollande, en 1904 grève démonstrative en Italie, pour protester contre les massacres en Sardaigne, en janvier 1905, grève de masse des mineurs dans le bassin de la Ruhr, en octobre 1905, grève démonstrative à Prague et dans la région praguoise (100.000 travailleurs) pour le suffrage universel au parlement de Bohême, en ocotbre 1905, grève de masse démonstrative à Lemberg pour le suffrage universel égalitaire au Conseil d’Empire, en 1905 encore grève de masse des travailleurs agricoles en Italie, 1905 toujours, grève de masse des employés de chemin de fer en Italie, en 1906, grève de masse démonstrative à Trieste pour le suffrage universel égalitaire au Parlement régional, grève couronnée de succès ; en 1906, grève de masse des travailleurs de fonderies de Wittkowitz (Moravie) en solidarité avec les 400 hommes de confiance licenciés pour avoir chômé le 1er mai, grève couronnée de succès ; en 1909, grève de masse en Suède pour la défense du droit de coalition ; en 1909, grève de masse des employés de postes en France ; en octobre 1909, grève démonstrative de l’ensemble des travailleurs de Trente et Rovereto, en protestation contre les poursuites engagées contre la social-démocratie ; en 1910, grève de masse à Philadelphie, en solidarité avec les employés de tramways en lutte pour le droit de coalition, et, en ce moment même, se prépare une grève de masse des employés des chemins de fer en France. Voilà donc pour ce qui est de l’ « impossibilité » des grèves de masse, notamment des grèves de masse démonstratives, si superbement démontrée noir sur blanc par le camarade Kautsky. »

  • Marx a exposé, dès la fin de la guerre franco-allemande de 1870, qu’une nouvelle guerre opposant la France alliée à la Russie d’un côté et l’Allemagne de l’autre en découlait nécessairement et que cette guerre serait cette fois mondiale. Engels a expliqué ensuite dans de multiples articles et courriers que la perspective de la guerre mondiale se couplait avec la montée du mouvement ouvrier et des révolutions (révolutions sociales comme révolutions des nationalités contre les empires).

    Marx écrit ainsi :

    « Quiconque n’est pas complètement abruti par les criailleries du moment ou n’a pas intérêt à duper le peuple allemand, doit reconnaître que la guerre de 1870 porte tout aussi nécessairement dans son sein une guerre entre l’Allemagne et la Russie alliée à la France que la guerre de 1870 est elle-même née de celle de 1866. Je dis fatalement, sauf dans le cas peu probable où une révolution éclaterait auparavant en Russie. » (lettre de fin août 1870 au comité social-démocrate de Brunswick)

    On remarquera dans ce courrier comme dans les textes qui suivent que Marx et Engels, loin de prédire que la révolution européenne allait débuter forcément dans les pays les plus développés d’Europe comme on leur prête à tort, ont parfaitement analysé le rôle révolutionnaire de la situation en Russie.

    Engels affirmait déjà, début 1886, concernant la perspective de guerre européenne, que :

    « La guerre, si elle éclate, ne sera menée que dans le but d’empêcher la révolution… Une guerre mondiale d’une ampleur et d’une violence encore jamais vues. Huit à dix millions de soldats s’entrégorgeront ; ce faisant, ils dévoreront toutes l’Europe comme jamais ne le fit encore une nuée de sauterelles. »

    Engels reprend plus en détails ces idées dans une lettre à Lafargue repoduite par le journal Le Socialiste, organe du Parti ouvrier, le 6 novembre 1886, article réédité ensuite en Amérique par le journal Der Socialist et le journal Sozial-demokrat ainsi que la Revista Socialista en Roumanie en décembre 1886 :

    « Sous Napoléon III, la rive gauche du Rhin avait servi à détourner vers l’extérieur les passions révolutionnaires ; de même, le gouvernement russe montra au peuple inquiet et remuant la conquête de Constantinople, la « délivrance » des Slaves opprimés par les Turcs, et leur réunion en une grande fédération sous la présidence de la Russie… Le chauvinisme grandissait de jour en jour et devenait menaçant pour le gouvernement russe… Le chauvinisme slavophile est plus puissant que le tsar, il faut qu’il cède par peur d’une révolution, les slavophiles s’allieraient aux constitutionnels, aux nihilistes, enfin à tous les mécontents. La détresse financière complique la situation. Personne ne veut plus prêter à ce gouvernement qui a déjà emprunté 1 milliard 750.000 francs à Londres et qui menace la paix européenne… La révolution en Russie changerait immédiatement la situation en Allemagne : elle détruirait d’un coup cette foi aveugle en la toute-puissance de Bismarck, qui lui assure le concours des classes dirigeantes ; elle murirait la révolution en Allemagne… Pour se sauver de la révolution, le pauvre tsar est obligé de faire un nouveau pas en avant. Mais chaque pas devient plus dangereux ; car il ne se fait qu’au risque d’une guerre européenne, ce que la diplomatie russe a toujours cherché à éviter. Il est certain que, s’il y a intervention directe du gouvernement russe en Bulgarie et qu’elle amène des complications ultérieures, il arrivera un moment où l’hostilité des intérêts russes et autrichiens éclatera ouvertement. Il sera alors impossible de localiser la guerre ; elle deviendra générale… Il est plus que probable que, si la guerre éclate entre la Russie et l’Autriche, l’Allemagne viendra au secours de cette dernière pour empêcher son complet écrasement… Afin d’échapper à une révolution en Russie, il faut au tsar Constantinople ; Bismarck hésite, il voudrait le moyen d’éviter l’une et l’autre éventualité. Et la France ? Les Français patriotes, qui depuis seize ans rêvent de revanche, croient qu’il n’y a rien de plus naturel que de saisir l’occasion qui peut-être s’offrira. Mais, pour notre parti, la question n’est pas aussi simple ; elle ne l’est pas même pour messieurs les chauvins. Une guerre de revanche, faite avec l’alliance et sous l’égide de la Russie, pourrait amener une révolution ou une contre-révolution en France… La force qui, en Europe, pousse à une guerre est grande… Une guerre générale nous rejetterait en arrière… La révolution en Russie et en France serait retardée : notre parti subirait le sort de la Commune de 1871. Sans doute, les événements finiraient par tourner en notre faveur ; mais quelle perte de temps, quels sacrifices, quels nouveaux obstacles à surmonter !... Cette guerre qui nous menace jetterait dix millions de soldats sur le champ de bataille… Si guerre il y a, elle ne se fera que dans le but d’empêcher la révolution ; en Russie, pour prévenir l’action commune de tous les mécontents, slavophiles, constitutionnalistes, nihilistes, paysans ; en Allemagne, pour maintenir Bismarck ; en France, pour refouler le mouvement victorieux des socialistes et pour rétablir la monarchie. »

    Les courriers d’Engels continuent ce type d’analyse. Par exemple, le 13 septembre 1886, Engels écrit à Bebel :

    « Pour Bismarck et l’Empereur, l’alternative est la suivante : d’une part, résister à la Russie et avoir alors la perspective d’une alliance franco-russe et d’une guerre mondiale, ou la certitude d’une révolution russe grâce à l’alliance des panslavistes et des nihilistes ; d’autre part, céder à la Russie, autrement dit trahir l’Autriche… En tout cas, l’antagonisme entre l’Autriche et la Russie s’est aiguisé dans les Balkans, au point que la guerre semble plus vraisemblable que la paix. Et ici, il n’y a plus de localisation possible de la guerre… Bref, il y aura un chaos et la seule certitude est : boucherie et massacre d’une ampleur sans précédent dans l’histoire ; épuisement de toute l’Europe à un degré inouï jusqu’ici, enfin effondrement de tout le vieux système… La meilleure solution serait la révolution russe, que l’on ne peut escompter qu’après de très lourdes défaites de l’armée russe. Ce qui est certain, c’est que la guerre aurait pour premier effet de rejeter notre mouvement à l’arrière-plan dans toute l’Europe, voire le disloquerait totalement dans de nombreux pays, attiserait le chauvinisme et la haine entre les peuples, et parmi les nombreuses possibilités négatives nous assurerait seulement d’avoir à recommencer après la guerre par le commencement, bien que le terrain lui-même serait alors bien plus favorable qu’aujourd’hui. »

    Le 23 octobre 1886, il rajoutait, dans une lettre à Bebel :

    « Les Russes ont dit à Bismarck, et il sait que c’est vrai, que « Nous avons besoin de grands succès du côté de Constantinople ou bien, alors, c’est la révolution »… Or ce que Bismarck redoute le plus, c’est une révolution russe, car la chute du tsarisme russe entraîne avec elle celle du règne prusso-bismarckien. Et c’est pour cela qu’il met tout en œuvre pour empêcher l’effondrement de la Russie – malgré l’Autriche, malgré l’indignation des bourgeois allemands, malgré que Bismarck sache qu’il enterre lui aussi en fin de compte son système… Nul ne peut prévoir quel sera le regroupement des combattants : avec qui l’un s’alliera et contre qui il s’alliera. Il est clair que l’issue finale sera la révolution. Mais avec quels sacrifices ! Avec quelle déperdition des forces – et après combien de tourments et de zigzags ! (…) Qu’il y ait la guerre ou la paix, l’hégémonie allemande est anéantie depuis quelques mois, et l’on redevient le laquais servile de la Russie. Or, ce n’était que cette satisfaction chauvine, à savoir être l’arbitre de l’Europe, qui cimentait tout le système politique allemand. La crainte du prolétariat fait certainement le reste… »

    Insistons, durant toutes les années 1880, Engels répète que « La Russie est à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire en Europe. »

  • Chers camarades du CoRep et du GMI,

    Nous vous avons posé plusieurs questions sans réponse de votre part :

    1°) Concernant la grève de la SNCF, quelle est votre conception de l’auto-organisation et des relations avec les bureaucraties syndicales. Voir ici : http://www.matierevolution.org/spip.php?article4311

    2°) Concernant l’Ukraine, pourquoi ne pas mettre en relation la crise ukrainienne avec la crise mondiale. Voir ici : http://www.matierevolution.org/spip.php?article4318

    3°) Concernant Gaza, pourquoi ne pas relier la montée des violences d’Israël avec celle des impérialismes ? Voir ici : http://www.matierevolution.org/spip.php?article4344

    4°) Votre réponse critique par rapport à notre texte sur Gaza a été également discutée par une lettre de Voix des Travailleurs. Vous y niez que la cause essentielle des guerres mondiales soit la crainte de la révolution. Voir ici : http://www.matierevolution.org/spip.php?article4385

    Nous attendons toujours la réponse.

    5°) Nous avons complété notre courrier par une nouvelle réponse, elle aussi rendue publique sur notre site. Voir ici : http://www.matierevolution.org/spip.php?article4411
    Vous niez que votre attitude découle d’un espèce d’ultimatum (fraternellement bien sûr) : du genre on discutera quand vous serez à l’intérieur. Réexaminez vos mails. Si nécessaire, je vous en donnerai la preuve, citations à l’appui.

    Quant à la nécessité de se regrouper d’abord et de discuter après, nous estimons, avec Lénine, qu’il faut discuter d’abord des questions théoriques et se regrouper, éventuellement, après.

    Lénine écrit dans « Que faire » :

    « L’exemple des social-démocrates russes illustre d’une façon particulièrement concrète ce phénomène commun à toute l’Europe (et signalé depuis longtemps par les marxistes allemands)… la liberté prise à l’égard de tout système cohérent et réfléchi, l’éclectisme et l’absence de principes. Ceux qui connaissent tant soit peu la situation réelle de notre mouvement ne peuvent pas ne pas voir que la large diffusion du marxisme s’est accompagnée d’un certain abaissement du niveau théorique. Bien des gens, dont la préparation théorique était infime ou nulle, ont adhéré au mouvement pour son rôle pratique et ses succès pratiques. On peut juger ainsi de ceux qui répètent triomphalement cette sentence de Marx : « Tout pas réel du mouvement pratique importe plus qu’une douzaine de programmes. » Répéter ces mots en cette époque de débandade théorique équivaut à clamer à la vue d’un cortège funèbre : « Je vous souhaite d’en avoir toujours à traîner ! » D’ailleurs ces mots sont empruntés à la lettre sur la critique du programme de Gotha par Marx, où il condamne vigoureusement l’éclectisme dans l’énoncé des principes. Si vraiment il est nécessaire de s’unir, écrivait Marx aux chefs du parti, passez des accords en vue d’atteindre des buts pratiques, mais n’allez pas jusqu’à faire commerce des principes, ne faites pas des « concessions » théoriques. Telle était la pensée de Marx, et voilà des gens qui, en son nom, essayent de diminuer l’importance de la théorie ! Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. On ne saurait trop insister sur cette idée à une époque où l’engouement pour les formes les plus étroites de l’action pratique va de pair avec la propagande à la mode de l’opportunisme. Pour la social-démocratie russe en particulier, la théorie acquiert une importance encore plus grande… Une erreur « sans importance » à première vue, peut entraîner les plus déplorables conséquences, et il faut être myope pour considérer comme inopportunes ou superflues les discussions de fraction et la délimitation rigoureuse des nuances. De la consolidation de telle ou telle « nuance » peut dépendre l’avenir de la social-démocratie russe pour de longues, très longues années. Deuxièmement, le mouvement social-démocrate est, par son essence même, international. Cela signifie non seulement que nous devons combattre le chauvinisme national, mais encore qu’un mouvement qui naît dans un pays jeune ne peut réussir que s’il assimile l’expérience des autres pays. Or, pour cela, il ne suffit pas simplement de connaître cette expérience ou de se borner à recopier les dernières résolutions : il faut pour cela savoir faire l’analyse critique de cette expérience et la contrôler soi-même… Citons les remarques faites par Engels en 1874, sur l’importance de la théorie dans le mouvement social-démocrate. Engels reconnaît à la grande lutte de la social-démocratie non pas deux formes (politique et économique), - comme cela se fait chez nous – mais trois, en mettant sur le même plan la lutte théorique… »

    en toute fraternité communiste révolutionnaire

    Robert Paris

  • Rosa Luxemburg écrit en mars 1917 dans « La révolution en Russie » :

    « La guerre a retardé de quelques années mais n’a pu empêcher ce que l’on sentait déjà sourdre avant qu’elle n’éclatât : la résurgence de la révolution russe. Le prolétariat russe qui, dès 1911, était parvenu à lever le faix de plomb de la période contre-révolutionnaire et d’année en année, dans les luttes de masses et les manifestations économiques et politiques, avait à nouveau brandi de plus en plus haut le drapeau révolutionnaire de 1905, le prolétariat russe n’a permis à la guerre de le désorganiser, à la dictature du sabre de le bâillonner, au nationalisme de le fourvoyer que pendant deux ans et demi. Il s’est relevé pour secouer le joug de l’absolutisme et a contraint la bourgeoisie à aller provisoirement de l’avant. Si aujourd’hui la révolution en Russie a été victorieuse si rapidement, en quelques jours à peine, c’est uniquement parce qu’elle n’est dans son essence historique que la prolongation de la grande révolution de 1905-1907. La contre-révolution n’est parvenue à l’écraser que pour une période très brève, mais l’œuvre inachevée de la révolution exigeait inexorablement d’être menée à son terme et l’énergie de classe inépuisable du prolétariat russe s’est embrasée même dans des circonstances aussi difficiles que celles d’aujourd’hui. Ce furent les souvenirs récents des années 1905-1906, du pouvoir politique partiellement illimité du prolétariat en Russie, de ses vaillants assauts, de son programme révolutionnaire radical qui permirent à la bourgeoisie de décider avec cette étonnante rapidité de prendre la tête du mouvement. Ce fut la crainte d’un développement sans entraves d’une révolution populaire comme celle qui, en 1905-1907… »

  • Karl Kautsky et la première révolution russe de 1905 : "Ce qui promet de s’ouvrir c’est (...) une ère de révolutions européennes, qui aboutiront à la dictature du prolétariat, à la mise en train de la société socialiste."

  • Pour quelle raison, la guerre mondiale ?

    Engels reliait la nécessité, pour les classes dirigeantes, de la guerre mondiale et la montée en force du prolétariat.

    Parlant du développement du mouvement ouvrier, présenté comme une armée qui préparait l’affrontement avec la bourgeoisie mondiale ou la guerre mondiale, Engels écrivait :

    « Nous menons une guerre de siège contre notre ennemi, et tant que nos tranchées ne cessent de progresser et de resserrer l’étau, tout va bien. Nous sommes maintenant tout près du second parallèle, où nous dresserons nos batteries démontables et pourrons bientôt faire taire l’artillerie adverse. Or, nous sommes déjà assez avancés pour que les assiégés ne puissent être dégagés momentanément de ce blocus que par une guerre mondiale. »

    (Lettre d’Engels à H. Schlüter, où il reprend des arguments de son article « La future guerre mondiale et la révolution » – 19/03/1887)

  • Léon Trotsky écrivait le 31 octobre 1914 dans "La guerre et l’Internationale" :

    Nous, marxistes révolutionnaires, n’avons aucune raison de perdre espoir. L’époque dans laquelle nous entrons sera notre époque. Le Marxisme n’est pas vaincu. Au contraire : si le grondement de l’artillerie sur tous les champs de bataille européens signifie la faillite des organisations historiques du prolétariat, il proclame la victoire théorique du Marxisme. Que reste-t-il à présent du développement « pacifique », de l’effondrement des contradictions capitalistes, de l’accroissement mesuré et progressif du Socialisme ? Les réformistes, qui espéraient « arriver » en faisant collaborer la Social-démocratie avec les Partis bourgeois, en sont réduits à souhaiter une victoire des armées nationales. Ils comptent sur les castes dirigeantes pour exaucer les vœux des prolétaires en récompense de leur patriotisme. Cette conception serait complètement « imbécile », si elle ne dissimulait pas un espoir beaucoup moins « idéaliste « : la victoire apporterait à la bourgeoisie de la nation victorieuse une base plus large d’enrichissement au détriment des autres bourgeoisies vaincues et permettrait un partage des « dépouilles » avec le prolétariat de cette nation au détriment des autres prolétaires. Le Réformisme socialiste s’est métamorphosé en Socialisme impérialiste.

    Sous nos yeux, se produit la liquidation désastreuse de tout espoir en un meilleur bien-être du prolétariat mondial. Pour sortir de leur impasse, les réformistes cherchent, en contradiction avec leur doctrine, la force, non chez les travailleurs, mais chez les classes dirigeantes.

    Après 1848, la bourgeoisie allemande renonça aux méthodes révolutionnaires. Elle confia aux féodaux le soin de régler la question de son développement par la solution guerrière. Le processus général du demi-siècle dernier a placé le prolétariat devant le problème de la Révolution. S’en détournant, les réformistes durent accepter les restes du Libéralisme bourgeois : ils laissent le soin aux féodaux de régler le problème que pose le prolétariat par la solution de la guerre. Mais là se termine l’analogie. La création de gouvernements nationaux a résolu le problème de la bourgeoisie pour toute l’époque passée et les guerres coloniales si nombreuses sont venues en complément pour élargir le champ d’action ouvert au développement capitaliste.

    L’ère des guerres coloniales a conduit au conflit actuel. Après le partage du monde entre les puissances capitalistes, il ne restait plus à celles-ci qu’à s’arracher leurs conquêtes l’une à l’autre. Citons à nouveau les paroles de Georges Imer ! « Qu’on cesse de nous dire que le peuple allemand est arrivé trop tard »...

    Un nouveau partage des colonies n’élargit pas la base du développement capitaliste ; ce qu’il gagne d’un côté, il le perd de l’autre. Un apaisement momentané de la lutte des classes en Allemagne ne serait atteint que par une recrudescence de ces mêmes conflits en Angleterre et en France et vice versa.

    A ceci vient se joindre un facteur décisif : le réveil capitaliste des colonies auquel la guerre donnera une forte impulsion. La désorganisation de l’ordre mondial entraînera celle de l’ordre colonial. Les colonies perdront leur caractère « colonial ». Quoi qu’il en soit de l’issue du conflit, le résultat ne peut en être que l’amoindrissement de la base du Capitalisme européen. La guerre ne résout pas la question du prolétariat ; au contraire, elle la rend plus aiguë. Et voici le monde capitaliste placé devant ces deux possibilités : Guerre permanente ou Révolution du prolétariat. Si la guerre a « passé par-dessus » la tête de la IIe Internationale, ses conséquences immédiates la feront passer par-dessus celle de la bourgeoisie mondiale. Nous ne nous livrons pas au désespoir devant le naufrage de l’Internationale, cette vieille forme idéologique balayée par l’Histoire L’ère révolutionnaire sera créée à partir des sources inépuisables du prolétariat qui s’élèveront à la hauteur des nouveaux problèmes. Nous nous mettons à l’ouvrage sous les aboiements enragés des mercenaires et le glapissement patriotique des chacals capitalistes. Nous gardons la tête froide au milieu de cette musique infernale de mort. Nous gardons la vue claire et nous nous sentons l’unique force créatrice de l’avenir ! Nous sommes plus nombreux qu’il ne le paraît ! Demain, nous serons incomparablement plus nombreux qu’aujourd’hui. Soixante-sept ans après la publication du « Manifeste », se grouperont sous notre drapeau des millions d’hommes qui n’ont rien à perdre, sauf leurs buts !

  • Le texte de Trotsky qui suit démontre que, pour lui, en 1908, la révolution montait en Turquie et en Iran : lire ici

  • Au premier coup d’œil, on pourrait croire que les perspectives sociales-révolutionnaires de l’époque future sont à jamais détruites quand on contemple l’effondrement des Partis socialistes. Un tel scepticisme dans la conclusion serait une erreur. Il ignorerait le bon côté de la dialectique historique, tout comme nous avions trop souvent ignoré son mauvais côté.

    La guerre de 1914 conduit au naufrage des Etats nationaux. Les Partis socialistes, appartenant à une époque désormais révolue, étaient des Partis « nationaux ». Ils se sont développés sous l’égide des gouvernements nationaux et les ont toujours défendus, alors même que l’Impérialisme, s’appuyant sur la base nationale, détruisait les entraves constituées par les différents nationalismes.

    Dans leur chute historique, les gouvernements nationaux entraînent avec eux les Partis socialistes nationaux.

    Le Socialisme ne périra pas, mais seule disparaîtra son expression historique provisoire. L’idée révolutionnaire se transforme.

    Oui ! L’idée révolutionnaire se transforme. On peut dire qu’elle « mue » en rejetant loin d’elle sa vieille peau. Cette idée révolutionnaire s’incarne en personnes vivantes : c’est toute une génération socialiste qui, grâce à un travail d’agitation organisé, bouscule la réaction politique engourdie dans les routines du national « Possibilisme ».

    De même que les gouvernements nationaux furent un frein au développement des forces productrices, de même les vieux Partis socialistes nationaux ont été le principal obstacle à l’avance révolutionnaire des classes laborieuses.

    Ils devaient cacher toute l’ampleur de leur retard, masquer la mesquinerie de leurs méthodes. Ils ont apporté au prolétariat l’horreur et la honte de la lutte intestine à tel point que celui-ci, parmi les affres du désespoir, se libère des préjugés et des routines serviles et devient ce à quoi l’appelle la voix de l’Histoire : la Classe révolutionnaire luttant pour le Pouvoir.

    Voilà ce qu’écrivait Trotsky en octobre 1914 dans "La guerre et l’internationale"

  • Voici la description par Lénine de la situation mondiale le 1er mars 1913 dans "Les destinées historiques de la doctrine de Karl Marx" :

    « Les opportunistes n’avaient pas encore fini de glorifier la "paix sociale" et la possibilité d’éviter les tempêtes sous la "démocratie", que s’ouvrait en Asie une nouvelle source de grandes tempêtes mondiales. La révolution russe a été suivie des révolutions turque, persane, chinoise. Nous vivons aujourd’hui justement à l’époque de ces tempêtes et de leur "répercussion en sens inverse" en Europe. Quel que soit le destin réservé à la grande République chinoise, qui excite aujourd’hui les appétits de toute sorte d’hyènes "civilisées", aucune force au monde ne pourra rétablir le vieux féodalisme en Asie, ni balayer de la surface de la terre le démocratisme héroïque des masses populaires dans les pays asiatiques et semi-asiatiques... A la suite de l’Asie, l’Europe commence à se remuer mais pas à la manière asiatique. La période "pacifique" de 1872-1904 est à jamais révolue. La vie chère et l’emprise des trusts provoquent une aggravation sans précédent de la lutte économique, aggravation qui a même secoué les ouvriers anglais, les plus corrompus par le libéralisme. Une crise politique mûrit sous nos yeux même dans le plus "irréductible" pays de la bourgeoisie et des junkers, en Allemagne. »

  • Lénine – La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky – 1918 :

    Compter sur la révolution européenne est obligatoire pour un marxiste, du moment qu’on se trouve en présence d’une situation révolutionnaire. C’est une vérité première du marxisme, que la tactique du prolétariat socialiste ne peut être la même quand la situation est révolutionnaire et quand elle ne l’est pas.

    Si Kautsky avait posé cette question, obligatoire pour un marxiste, il aurait vu que la réponse lui était nettement défavorable. Bien avant la guerre, tous les marxistes, tous les socialistes s’accordaient à reconnaître que la guerre européenne créerait une situation révolutionnaire. Du temps où Kautsky n’était pas encore un renégat, il admettait la chose d’une façon claire et précise, en 1902 (la Révolution sociale) et en 1909 (le Chemin du pouvoir). Le manifeste de Bâle l’a reconnu au nom de la II° Internationale tout entière : ce n’est pas sans raison que dans tous les pays les social-chauvins et les kautskistes (les « centristes », ceux qui balancent entre les révolutionnaires et les opportunistes) craignent comme le feu ces déclarations du Manifeste de Bâle !

    Par conséquent, l’attente d’une situation révolutionnaire en Europe n’était pas un engouement des bolchéviks ; c’était l’opinion commune de tous les marxistes.

  • Quel est le but de la guerre ? Vaincre l’ennemi !

    Qui est l’ennemi principal ? La classe ouvrière organisée sur des bases de classe !

    L’union sacrée imposé par la "défense de la patrie", voilà le moyen de briser l’alliance internationale de classe du prolétariat !

    « Dans la guerre qui s’engage, la France [...] sera héroïquement défendue par tous ses fils dont rien ne brisera, devant l’ennemi, l’union sacrée. »

    Raymond POINCARÉ, Message aux Chambres, 4 août 1914

  • « Ma formule est la même partout. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. »

    Georges CLEMENCEAU, Chambre des députés, 8 mars 1918

    Politique des classes, je fais la guerre... à la classe ouvrière !

  • « Le retournement en août 1914 de la politique ouvrière […] soulève des problèmes considérables. C’est pourquoi il fait l’objet d’une polémique idéologique qui, après plus de quarante ans, n’a guère perdu de sa virulence. Si le premier devoir est […] de déterminer scrupuleusement quand et comment les choses se sont passées, on ne saurait cependant échapper ensuite à la nécessité de se prononcer sur le “qui” et le “pourquoi”. » écrit A. Kriegel, Aux origines du communisme français.

    Contre qui ?

    Contre le prolétariat international !

    Pourquoi ?

    Parce que 1914, c’est guerre mondiale ou révolution mondiale !

    Lénine écrit comme cause de guerre : "la volonté d’enrayer le mouvement révolutionnaire du prolétariat" !

    Voici la citation : "La guerre européenne et mondiale présente tous les caractères d’une guerre bourgeoise, impérialiste, dynastique. La lutte pour les marchés et pour le pillage des autres Etats, la volonté d’enrayer le mouvement révolutionnaire du prolétariat et de la démocratie à l’intérieur des pays belligérants, la tentative de duper, de diviser et de décimer les prolétaires de tous les pays en jetant les esclaves salariés d’une nation contre ceux d’une autre au profit de la bourgeoisie, tel est le seul contenu réel de la guerre, telle est sa signification."

    dans "Les tâches de la social-démocratie révolutionnaire dans la guerre européenne"

  • Comme le résumait un grand banquier américain le 25 mars 1917 pour la revue Les Annales « Plus encore que le Kaiser, ce sont les banques de Berlin qui ont voulu la guerre ! » :

    « Je pourrais vous confier que lorsqu’un peuple est sur le point de se sentir trop riche, une guerre est nécessaire pour l’arracher à la tentation du bonheur. Mais les idées abstraites ne sont pas mon fait. Je ne connais que les chiffres. J’ignore La Fayette. J’ignore si l’Allemagne attaqua la première. De l’histoire je ne retiens que la statistique. Je sais une chose, c’est que la Grande Guerre a quintuplé le chiffre de nos affaires, décuplé nos bénéfices et tout ce trafic magnifique nous l’avons opéré avec les Alliés. Nous nous sommes enrichis en vous procurant du coton, de la laine, de la viande, de l’acier, des obus, du blé, du cuir, des souliers, des mitrailleuses, des chevaux, des automobiles, des produits chimiques. Nos actions d’aciéries, telles que la Bethleem, ont monté en six mois de 600 pour cent. Nos poudreries, telles que l’usine Dupont, distribuent des dividendes de 110 pour cent. Le moindre de nos débardeurs ne travaille pas à moins d’un salaire de 35 francs par jour. C’est vous qui soldez. Tout ce qu’on pouvait vous vendre, nous vous l’avons vendu. Vous nous avez payés partie en or. Notre stock or dépasse aujourd’hui le stock or de tous les Alliés réunis. Mais vous nous avez payés aussi avec du papier. Or vos traites ne vaudront que ce que vaudra votre victoire. Il faut que vous soyez victorieux à tout prix pour faire face à vos engagements.

    « Je vois plus loin encore. Il vous faudra reconstruire tout ce qui fut détruit. Cet argent que nous avons gagné sur vous, nous vous le prêterons pour relever vos villes, pour rebâtir vos fabriques, pour créer à nouveau votre existence économique. Un beau champ s’offre là pour nos placements futurs. Mais ce champ ne sera profitable que si vous triomphez avant l’épuisement complet. Voilà pourquoi nous voulons votre victoire rapide. L’Union vous aidera. Nous sommes derrière Wilson. Les rois eux-mêmes sont nos esclaves. Nous voulons la guerre ne serait-ce que pour protéger la flotte marchande anglaise dont la moitié du capital est yankee. Nous vous aiderons plus encore que vous ne pensez. Nous enverrons des volontaires, nous voterons le service militaire obligatoire, nous augmenterons encore notre production en obus, en canons, nous prendrons part s’il le faut, à la lutte continentale. Tous nos citoyens marcheront. L’Union n’est-elle pas déjà une gigantesque armée civile, exercée, assouplie, soumise de longue date à la rigoureuse discipline du trust. De cette armée nous sommes les chefs. Vous comprenez maintenant pourquoi la guerre est inévitable ? Les luttes entre peuples ? Mais c’est le seul moyen que nous avons de régler de trop lourdes différences en banque ! La Grande Guerre ? Guerre des tarifs, la nécessité d’un traité douanier avantageux, l’espoir d’une expansion économique nouvelle ! Plus encore que le Kaiser, ce sont les banques de Berlin qui ont voulu la guerre ! »

  • Comment expliquer une guerre aussi inhumaine, aussi générale ?

    2a) La nature humaine ?

    " Le fait est que les hommes dans leur grande majorité sont prêts à considérer, du moins en certaines circonstances, que le recours aux armes est une démarche légitime. Ce peut être le désir d’enrichir sa communauté et d’exalter son amour-propre... Ces considérations nous rappellent que la guerre est dans la nature humaine" (Robin Prior et Trevor Wilson ; Atlas des guerres ; La Première Guerre mondiale). Je comprends qu’un professeur d’Académie militaire fasse de la guerre une essence de la nature humaine. Mais, est-ce qu’en 1914 "les hommes dans leur grande majorité" ont fait délibérément le choix de la guerre ? Ayant beaucoup vécu enfant dans le monde des anciens combattants de 14, je suis en accord avec le récit de mon père ( Le chant des rivières) : " Le 1er août 1914, jour d’une grande foire à Entraygues, le tocsin sonna à trois heures de l’après-midi. Dès les premiers sons de cloche tout le monde comprit. Madame Marc passait en ce moment sur le trottoir où ma mère tenait une mercerie. Cette pauvre femme tomba évanouie. Pressentiment...? Peut-être. Son mari ne revint jamais... Cinq minutes après, le champ de foire était vide. Le silence, plus un bruit dans les cabarets... A la campagne, surpris à l’époque des grands travaux, les gens restaient comme assommés. Ce n’est que dans les casernes..."

    2b) L’engrenage des alliances ?

    Ce fait-là, souvent mise en avant dans les manuels scolaires, ne constitue pas vraiment une cause. Depuis 1880, chaque "Etat" :

     avait choisi une alliance en fonction de ses intérêts ;

     avait maintenu ou pas cette alliance fonction de ses intérêts ( la diplomatie anglaise est essentiellement dirigée contre la France dans les années 1890 avant de s’allier à elle)

     a fait jouer ou pas ses alliances en 1914, fonction de ses intérêts ( l’Italie, alliée de l’Allemagne et de l’Autriche Hongrie jusqu’en 1914 n’entre pas en guerre avec elles puis s’allie à la France et à la Grande Bretagne).

    De plus, même si ces alliances ont joué un rôle, reste à expliquer le pourquoi de celles-ci. De plus, des personnalités, des gouvernements ont concrètement pesé en faveur de la guerre et de l’engrenage des alliances. Ainsi, le 20 mai 1914, le chef d’état-major général allemand Moltke demande à la Wilhemstrasse de faire des préparatifs politico-militaires en vue d’une guerre préventive contre la Russie et la France. Ainsi, l’état-major autrichien voulait la guerre. Ainsi, à mon avis, le Royaume-Uni attendait la bonne occasion pour affaiblir l’Allemagne. Ainsi, le président de la République française Raymond Poincaré a largement pesé en faveur de la guerre au moment décisif fin juillet ; or, il s’agit d’une grande personnalité de la droite et du capitalisme français du 20ème siècle.

    c) Un hasard malencontreux ?

    Quiconque parcourt les ouvrages spécialisés récents peut constater la vogue d’une méthode importée des Etats Unis pour qui l’histoire et même ses conflits majeurs naissent essentiellement de la conjonction accidentelle d’évènements fortuits. A.J.P. Taylor en est l’exemple type lorsqu’il explique la Guerre de 14-18 comme l’aboutissement d’une succession de facteurs secondaires : hasards, incidents, manoeuvres diplomatiques manquées, déclaration de guerre visant plus à à intimider qu’à provoquer le conflit, plans de mobilisation soumis aux horaires de chemin de fer" pris pour une attaque en règle... De telles "explications" nécessitent d’empiler des centaines de pages de faits décousus pour ne donner, en fin de compte, aucune cohérence causale.

    La méthode "américaine" non causaliste, pèse parmi les historiens français des 20 dernières années :

     "Plus un évènement est lourd de conséquences, moins il est possible de le penser du point de vue de ses causes" ( François Furet)

     " La question des causes de la guerre de 1914 est d’une extrême complexité et, dans une large mesure, il reste une part de mystère dans la manière dont les puissances européennes se sont laissées glisser vers la catastrophe" ( Stéphane Audouin et Annette Becker dans " La Grande guerre" chez Gallimard).

    d) L’attentat de Sarajevo

    Le type d’"explications" ci-dessus domine aujourd’hui dans les manuels scolaires ; aussi, l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche a bon dos. Comme si un évènement mineur pouvait déclencher une guerre mondiale sans raisons plus profondes. D’ailleurs, plusieurs personnalités politiques autrichiennes avaient expliqué dès 1919 comment cet assassinat avait été un prétexte.

    e) Le choix de la guerre par des régimes autocratiques confrontés aux mouvements sociaux et démocratiques

    Ce choix d’une "bonne guerre" pour rassembler la "nation" autour de son "sauveur" ne fait pas de doute pour de nombreuses personnalités proches du pouvoir, à Vienne et à Moscou en particulier. La Russie par exemple est secouée en juin et juillet 1914 par des grèves générales massives, y compris dans la capitale Saint Petersbourg.

    Non, l’explication fondamentale est que l’Etat est là pour combattre la lutte des classes et la guerre des Etats encore pour combattre la lutte des classes et la guerre mondiale pour combattre la révolution mondiale !

  • Howard Zinn, historien et militant étasunien, dans son livre, « Une histoire populaire des États-Unis (de 1492 à nos jours) », analyse ainsi, sans prendre de gants, une des principales raisons de l’entrée en guerre des États-Unis en 1917 :

    « Le capitalisme américain avait besoin de cette rivalité internationale — et de ces guerres périodiques — pour créer une communauté artificielle d’intérêt entre riches et pauvres propre à supplanter la communauté originelle d’intérêt entre pauvres qui engendrait des mouvements sporadiques de révolte. »

  • Ce qui se passait en Belgique à la veille de la première guerre mondiale : voir ici

  • Chers camarades du GMI,

    Voici quelques éléments de discussion concernant la suite de votre débat avec VdT. Ayant suivi d’assez loin les échanges de lettres GMI-VdT et le processus de formation du GMI, j’espère ne pas commettre d’erreurs factuelles.

    1) En ce qui concerne la forme : le ton de vos lettres me semble d’une gravité apocalyptique dépassant (malheureusement) les circonstances. Nous ne sommes pas à la veille de la prise du pouvoir à la direction des soviets ni par le GMI ni par VdT.

    A moyen-terme (question de semaines, de mois) il me semble que pour VdT au moins deux chapitres doivent continuer à rester ouverts au débat avec les camarades du GMI
    a) la situation générale, économique et politique (nature de la crise de 2008, Ukraine, guerres de l’impérialisme au moyen-orient et en Afrique etc)
    b) la situation des organisations : des petits regroupements tel GMI et VdT sont des morceaux, des ’planétésimaux’ d’une nébuleuse qui commence à être assez vaste : des militants qui ont quitté individuellement ou collectivement les grandes organisations (POI, LO, NPA). Un point de méthode me parait fondamental : 5 des ’nations’ politiques qu’au moins en France des communistes révolutionnaires doivent intégrer dans des discussions en vue éventuellement d’activités communes sont

    a) les courants issus du PCI
    b) les courants issus de la LCR
    c) les courants issus de LO

    mais aussi
    d) les courants issus de la gauche communiste
    e) les courants issus du syndicalisme révolutionnaire (et les anarchistes non hostiles à la classe ouvrière)

    Le GMI, à moins que je ne me trompe, est un regroupement au sein de la ’nation’ a). Les camarade de GMI ne doivent pas s’étonner que le rapprochement du Groupe Bolchévick et du CCI(T) soit facilité par cette filiation commune. Une partie des orphelins de la famille a) s’est regroupée après s’être séparée, j’en suis heureux pour eux. Vous avez sans doute un langage, une pratique commune. Ce n’est pas forcément la cas avec les autres ’nations’. Il faut tenir compte de ce facteur.

    Nos grands-parents de la mouvance bolchevique anti-stalinienne (Trotsky, Bordiga,Monatte, Rosmer) se sont disputés puis 3 de leurs enfants de la mouvance trotskiste, nos parents (LCR, LO, PCI) se sont aussi disputés : le sectarisme des ’5 nations’ nous a coupé les un des autres, je pense que notre premier objectif doit être de réorganiser des discussions tous azimuts regroupant ces 5 nations (pas seulement les trotskistes), sous toutes les formes (regroupement organisationnel au sein d’une petite structure très centralisée pour ceux qui le souhaitent comme l’ont fait les militants GMI), lecture de nos textes fondamentaux (Barta n’a pas l’air de faire partie de vos références, étonnant), discussions individuelles, commentaires de nos articles sur les sites (le GMI pourrait s’ouvrir à cette pratique s’il le souhaite, au lieu d’un site à la LO)

    VdT invite tout le monde à ses AG, au-delà même des ’5 nations’, notre démarche de mise en contact des organisations est depuis des années au coeur de notre démarche. Au contraire les ’cibles’ politiques, récentes, du GMI sont floues, car ce groupe qui aime (et c’est une bonne chose) le langage clair des dates faisant époque (1847,1848,1864,1889,1915 etc) et de la caractérisation des courants politiques (réformistes, centristes) etc n’a pas un langage clair vis-à-vis des familles d) et e). Avoir pour but de construire un parti sans intégrer toutes ces tendances qui eurent leur place dans le parti bolchévick du vivant de Lénine me parait être un vice de procédure, une tare sectaire originelle dans la méthode de construction du parti par la direction du GMI

    2) Dans la lettre du 14 décembre du GMI à VdT, une série de dates charnières de l’histoire des partis ouvriers est donnée ... sans lien avec la discussion entre VdT et GMI. En quoi 2013, 2014 ou 2015 sont-elles des ’années’ qui feront époque au même titre que 1847, 1914, 1933 etc ? La création du GMI en 2013 est-elle une des grandes dates historiques du mouvement ouvrier ? J’en serais heureux.

    Mais le GMI interprète les grande dates de fondations des partis en termes purement organisationnels, pas en terme de lutte des classes ou du développement économique. C’est l’extension de la révolution industrielle au continent qui a abouti à l’apparition de larges organisations ouvrières en Allemagne ou en Russie, pas des proclamations. C’est seulement dans ce contexte que des déclarations de parti, d’internationales ont un sens. Il n’y a pas eu la magie de déclarations.
    L’analyse de la structure économique, des rapports entre classes, est un préalable fondamental avant de vouloir agir dans la superstructure politique.

    Une date dans la chronologie ébauchée par GMI est ’la crise de 2008’. Or il semble qu’une profonde divergence existe entre des camarades de VdT et GMI à ce sujet : le capitalisme s’est-il bloqué en 2008 ? Je pense que oui, il y a un saut qualitatif dans la crise du capitalisme. C’est cette date qui à mon avis mérite d’être marquée dans la conscience du mouvement ouvrier, faire le sujet des ’déclarations’ des groupes militants. Mais j’entends par déclaration pas nécessairement celle de la formation d’un nouveau parti, seul type de déclaration que GMI inclut dans sa chronologie, réduisant ainsi la panoplie des types de ’déclaration’ qu’un parti bolchévick peut et doit faire le type.

    Former des structures de partis avec organigramme, des internationales n’est pas très difficile, il suffit de se mettre à l’école de la bourgeoisie.

    Mais nous sommes à mon avis dans une situation plus difficile, très analogue celle de Marx vers 1855. Il sentait (à tort) approcher l’échéance d’une révolution ouvrière à cause de l’approche d’une nouvelle crise cyclique profonde (pas à cause de sa ’déclaration’ de 1847 que fut le Manifeste, il l’idéalisait moins que le GMI semble le faire) . Il se mit à écrire avec hâte, non une déclaration de type ’plate-forme de parti’ comme Le Manifeste de 1847 mais publia sa... Critique de l’Economie politique ! jugeant qu’un texte permettant de comprendre les mécanismes fondamentaux du capitalisme était vital. Il continua dans cette direction car son ouvrage fondamental ne fut pas un livre sur ’le Parti’, ce fut Le Capital. Cet ouvrage est peu lu, discuté par l’extrême gauche en France par rapport à la crise de 2008. Il me semble que la crise de 2008 pose à nouveau ce genre de question : VdT et GMI qui veulent remplacer le capitalisme ne sont pas d’accord sur son état de santé : est-il est mort, est-il est vivant ? Cela signifie que nos outils d’analyse du monde ne sont pas les mêmes, même si nous donnons à notre boîte à outil le même nom : marxisme, trotskisme.

    C’est une activité de confrontation des analyses que nous devons entreprendre, si nous voulons que le marxisme soit un socialisme scientifique. Or comme l’écrit Marx paraphrasant Euclide : il n’y a pas de voie royale vers la science : quelques lettres entre orgas semblent suffisantes au GMI, Lénine lui a répété que ce sont les discussions ininterrompues en liaison avec les événements de la vie politique tumultueuse de l’époque, (de 1903 à 1917, soit 15 ans de discussion politique) qui ont permit au parti bolchévick d’être opérationnel en 1917. C’est seulement à cette date que l’unité entre Lénine et Trotsky au niveau du parti a été atteinte. Lénine et Trotsky ont mis 15 ans à se convaincre l’un l’autre (sur le parti et la révolution permanente) , GMI veut convaincre tout le mouvement ouvrier mondial en quelques semaines, sans discussion politique approfondie !

    3) Trois points pris au hasard m’empêchent de signer les textes de GMI :

    a) l’appel récurrent aux directions syndicales qui ’devraient’ appeler à la ’grève générale’. Or nous devons dénoncer les confédérations syndicales (le terme de ’directions syndicales’ est d’ailleurs très fallacieux, une bonne excuse pour les révolutionnaires dirigeants de syndicats de boites), pas faire croire aux travailleurs le contraire de ce que nous pensons de ces ’directions’ (même en se cachant derrière la tactique de Front unique).
    L’objectif de la grève générale comme objectif suprême est un point du programme des anarchistes, pas des léninistes, même si je ne suis pas contre la grève générale, y ayant appelé mainte fois. Le GMI à raison de ne pas mentionner ce point dans ses programmes, mais dans sa pratique, cet objectif idéalisé de ’grève générale’ revient. Or ce langage est exactement celui du POI, de la LCR, de LO dans l’action, pour masquer leur abandon des idées révolutionnaires.

    Le GMI doit comprendre que des militants de VdT dont moi-même, sont très sceptiques quant à la ligne politique du GMI.

    b) Dans le texte du 13 juillet 2014 sur la Palestine : http://groupemarxiste.info/?p=885

    i) le suivisme du GMI vis-à-vis du nationalisme arabe, masqué par des ’critiques radicales’, l’absence de perspective claire de lutte politique et économique contre la bourgeoisie palestinienne, (bourgeoisie qui à l’air de se réduire pour vous à de partis politiques dont le Fatah) ;

    ii) l’appel à une révolution ’anticapitaliste’ dans ce même texte du GMI du 13 juillet 2014 ! Je souligne ce terme car il résume à mon avis le fatras (masqué par des références solennelles à nos grands textes) auquel abouti la démarche hâtive de la direction du GMI, l’aventurisme organisationnel dans lequel elle entraine ses militants. Les militants du GMI ont l’air d’être tous, à juste titre contre ce slogan d’anticapitalisme ... mais la direction du GMI donne cet objectif ’anticapitaliste’ dans un texte sur une question d’actualité qu’il estime vitale : cela veut-dire que les groupes de votre ’internationale’ sont ’pour l’anticapitalisme’ ? Sans doute. Quel grand écart idéologique la direction du GMI est prête à faire pour ’fusionner’ à marche forcée et proclamer son internationale !
    Pourquoi n’écrivez vous pas des texte séparés si vous souhaitez apparaitre avec d’autres partis ? Oui, cela montrerait les limites de votre poids réel à l’échelle internationale, mais cela correspondrait à la réalité, et VdT serait sans doute prêt à des publications en commun sous cette forme plus souple qui permet non d’apporter LA vérité aux jeunes pro-palestiniens, mais le débat que nous avons entre nous sur ces questions.Un soviet est entre autres un grand comité débattant en permanence. Sinon, nous ne recruterons que des idiots passifs, suivistes La rigidité organisationnelle de la direction du GMI aboutira à des éclatement du GMI et/ou de son internationale , car on sait que le ’l’anticapitalisme’ n’est pas un point de détail. Des groupes étrangers favorables à l’anticapitalisme rejoindront le NPA un jour ou l’autre !
    Ces mécanismes sont très bien décrits sur les sites de vos groupes constitutifs.

    c) votre caractérisation de Cuba qui reprend celle de la LCR et du PCI

    Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. ce que Lénine n’a pas fait en deux temps trois mouvement, nous le ferons pas en proclamant chaque semaine ’maintenant ou jamais’, ’qui m’aime me suive’, ’après moi le déluge’, ’démission historique’ , hors de la fusion organisationnelle ’point de salut’.

    Le GMI ne devrait pas non plus se focaliser sur Robert Paris, et pouvoir comprendre qu’un groupe parfois laisse un camarade être responsable d’une tâche, souvent ingrate, à laquelle il est délégué temporairement. Le GMI n’a pas le monopole des méthodes organisationnelles ! Ce sont des divergences politiques (dont les méthodes autoritaires, les Ukazes pour construire le parti) qui expliquent les difficultés d’un rapprochement trop rapide entre VdT et GMI.

    Le GMI qui semble être à la recherche des ’contradictions’, ’revirements’, ’démissions’ de Robert Paris et de VdT se facilitera la tâche en intégrant dans sa critique de VdT des articles de moi-même (Alex sur le site) ou d’autres auteurs qui sur le site matière et révolution sont peut être encore plus contradictoires avec ceux de robert paris que ne le sont ceux de Robert Paris entre eux, dixit GMI. Ils attendent vos commentaires et critiques. Certains portent sur la Palestine et l’Ukraine, et peuvent contribuer par la discussion sur notre site à la préparation de la future réunion commune, qui je l’espère aura bien lieu.

    Salutations communistes,

    Alex de VdT

  • La première guerre mondiale servit aussi à écraser le mouvement ouvrier révolutionnaire des USA !

    En 1912, l’organisation IWW, syndicaliste révolutionnaire prônant la lutte des classes, comptait quelque 50 000 adhérents, principalement concentrés dans le Nord-Ouest, parmi les dockers, les ouvriers agricoles dans les États du Centre, et les régions d’industries textile et minière. Les IWW furent impliqués dans plus de 150 grèves, dont la grève du textile de Lawrence (1912), la grève de la soie de Paterson (1913) et the Mesabi range (1916). Ils furent aussi engagés dans ce qui est connu comme l’Émeute de Wheatland Hop, le 3 août 1913.

    Entre 1915 et 1917, l’Organisation des ouvriers agricoles (AWO) de l’IWW regroupa des centaines de milliers d’ouvriers agricoles saisonniers dans tout le Midwest et l’Ouest des États-Unis, les inscrivant et les syndiquant souvent dans les champs, les chemins de fer et les jungles hobo. Durant cette période, les IWW furent pratiquement confondus avec les hobos. Les travailleurs itinérants ne pouvant guère s’offrir d’autres moyens de transport pour rejoindre leur prochain lieu de travail, les wagons de marchandises couverts, appelés par les hobos « side door coaches » (voitures à porte latérale) étaient fréquemment recouverts d’affiches de l’IWW. La carte de membre de l’IWW était considérée comme suffisante pour voyager par le train. Les travailleurs obtinrent souvent de meilleures conditions de travail en utilisant l’action directe sur le lieu de production, et faisant grève "sur le tas", ralentissant consciemment et collectivement leur travail. Les conditions de travail des ouvriers agricoles saisonniers connurent une énorme amélioration grâce au syndicalisme Wobbly.

    Tirant parti du succès de l’AWO, le Syndicat des Travailleurs Forestiers Industriels de l’IWW (Lumber Workers Industrial Union) (LWIU) utilisa des procédés similaires pour organiser les bûcherons et autres travailleurs forestiers, tant dans le Sud profond que sur la côte pacifique du Nord-Ouest des États-Unis et du Canada, entre 1917 et 1924. La grève des forestiers de l’IWW en 1917 mena à la journée de travail de 8 heures et améliora grandement les conditions de travail dans le Nord-Ouest, sur la côte pacifique. Même si les historiens du milieu du siècle en attribuent le mérite au gouvernement américain et aux « magnats forestiers visionnaires », c’est une grève de l’IWW qui avait imposé ces concessions.

    A partir de 1913, le Syndicat des travailleurs du transport maritime de l’IWW (Marine Transport Workers Industrial Union) montra qu’il constituait une force avec laquelle il fallait compter. Il rivalisa avec les syndicats de l’American Federation of Labor pour prendre l’ascendant dans l’industrie. Étant donné son engagement en matière de solidarité internationale, ses efforts et ses succès dans le domaine ne furent pas surprenants. Local 8, une section du syndicat était dirigée par Ben Fletcher ; il avait recruté principalement des dockers afro-américains sur les quais de Philadelphie et de Baltimore. Il y avait encore d’autres dirigeants, comme l’immigrant suisse Waler Nef, Jack Walsh, E.F. Doree, et le marin espagnol Manuel Rey. L’IWW était également présente sur les quais de Boston, New York, La Nouvelle-Orléans, Houston, San Diego, Los Angeles, San Francisco, Eureka, Portland, Tacoma, Seattle, Vancouver, ainsi que dans des ports des Antilles, du Mexique, d’Amérique du Sud, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Allemagne et d’autres nations.

    Les IWW eurent souvent des difficultés à conserver leurs avantages, là où, comme à Lawrence, ils avaient gagné leurs grèves. En 1912, les IWW dédaignèrent les accords de convention collective, et prônèrent la lutte permanente à l’atelier contre le patron. Il s’avéra cependant difficile de maintenir cette sorte d’élan révolutionnaire contre les employeurs. À Lawrence, les IWW perdirent presque tous leurs membres dans les années qui suivirent la grève, car les employeurs sapèrent petit à petit la résistance de leurs employés, et éliminèrent la plupart des plus farouches supporters du syndicat.

    Clarice Stasz, biographe de Jack London note que celui-ci « voyait les Wobblies comme un apport bénéfique à la cause socialiste, bien qu’il ne fût pas aussi radical pour appeler par exemple au sabotage ». Elle mentionne une rencontre personnelle entre London et Big Bill Haywood en 1912.

    L’efficacité des tactiques non-violentes des IWW provoqua une réaction violente du gouvernement, des milieux patronaux, et de groupes de « citoyens ». En 1914, Joe Hill (Joel Hägglund) fut accusé de meurtre et, malgré uniquement des preuves indirectes, il fut exécuté par l’État de l’Utah en 1915. Le 5 novembre 1916 à Everett, un groupe d’hommes d’affaires, nommés shérifs-adjoints et menés par le shérif Donald McRae, attaqua des membres du syndicat sur le paquebot Verona, en tuant au moins 5 (6 autres ne furent jamais retrouvés et disparurent probablement dans le Puget Sound). Deux membres de la bande furent tués, et bien que les circonstances exactes demeurent inconnues, on pense que les deux adjoints ont été touchés par des « tirs amis ».

    De nombreux membres de l’IWW s’opposèrent à la participation des États-Unis au premier conflit mondial. L’organisation vota une résolution contre la guerre à son congrès de novembre 1916. Ceci rappelle l’opinion exprimée au congrès fondateur de l’IWW, que la guerre constitue une lutte des capitalistes entre eux, dans laquelle le riche s’enrichit, et où bien souvent le pauvre meurt des mains d’autres travailleurs.

    Le quotidien des IWW, l’Industrial Worker, écrivait, juste avant l’entrée en guerre des États-Unis : « Capitalistes d’Amérique, nous nous battrons contre vous, pas pour vous ! Il n’existe aucune force au monde qui puisse forcer la classe ouvrière à se battre si elle ne le veut pas. » Pourtant, quand la déclaration de guerre fut votée par le Congrès américain en avril 1917, Bill Haywood, secrétaire général et trésorier des IWW, devint fermement persuadé que l’organisation devait adopter un profil bas, afin d’éviter les menaces perceptibles contre son existence. Elle cessa toute activité anti-guerre, comme l’impression d’affichettes et de documents opposés à la guerre. La propagande contre la guerre ne fit plus partie de la politique officielle du syndicat. Après bien des débats au Directoire Général des IWW, Haywood prônant le profil bas, tandis que Frank Little soutenait la poursuite de l’agitation, Ralph Chaplin trouva un compromis. La déclaration qui en résulta dénonçait la guerre, mais les membres des IWW étaient invités à exprimer leur opposition en utilisant les procédures légales de la conscription. On les conseillait de se faire enregistrer, en indiquant leur demande d’exemption par « IWW, opposé à la guerre ».

    Bien que les IWW ait modéré son opposition verbale, la presse traditionnelle et le gouvernement américain réussirent à dresser l’opinion publique contre elle. Frank Little, l’opposant de l’IWW le plus virulent à la guerre, fut lynché à Butte dans le Montana en août 1917, juste quatre mois après la déclaration de guerre.

    Le gouvernement saisit l’occasion de la Première Guerre mondiale pour briser l’IWW. En septembre 1917, des agents du département de la justice menèrent des opérations simultanées contre quarante-huit locaux de réunion de l’IWW à travers tout le pays. En 1917, cent soixante-cinq dirigeants du syndicat furent arrêtés pour conspiration visant à entraver la conscription, à encourager la désertion, et intimider les autres dans les cas de conflits du travail, conformément à l’Espionage Act ; cent un passèrent en jugement devant le juge Kenesaw Mountain Landis en 1918. Ils furent tous reconnus coupables---même ceux qui n’appartenaient plus au syndicat depuis des années---et reçurent des peines de prison allant jusqu’à vingt ans. Condamné à de la prison, mais laissé en liberté provisoire sous caution, Haywood s’enfuit en Union soviétique, où il séjourna jusqu’à sa mort.

    Dans son livre "The Land That Time Forgot" (traduction du titre : La terre que le temps oublia), publié en 1918, Edgar Rice Burroughs présentait un membre des IWW comme un traître et un vaurien particulièrement méprisable. Cette vague de dénigrement poussa, en de nombreux endroits, des groupes d’auto-défense à attaquer les IWW. À Centralia le 11 novembre 1919, Wesley Everest, membre du syndicat et ancien combattant, fut remis à la foule par les gardiens de la prison. Il eut, tout d’abord, les dents cassées avec une crosse de fusil, puis fut castré et lynché trois fois en trois endroits différents, et enfin son corps fut criblé de balles, avant d’être enterré dans une tombe anonyme16. Le rapport officiel du médecin légiste attribua le décès à un « suicide ».

    Après la guerre, la répression continua. Des membres des IWW furent poursuivis pour infraction à différentes lois fédérales et gouvernementales, et les Palmer Raids de 1920 sélectionnaient les membres de l’organisation qui étaient nés à l’étranger. Au milieu des années 1920, le nombre d’adhésions avait déjà décliné en raison de la répression gouvernementale.

  • En 1912, les IWW se tournèrent vers l’Est et entreprirent la conquête des travailleurs du textile. Les 25.000 travailleurs inorganisés de l’American Woolen Company (lainages), à Lawrence (Massachussets), cessèrent le travail pour protester contre des salaires de famine. Ils étaient, pour la plupart, des immigrants de fraîche date, appartenant à vingt-huit nationalités différentes. Les Italiens prédominaient. Un des dirigeants des IWW, Joseph Ettor, prit la direction de la grève. Il la mena de main de maître.

    La petite ville fut mise en état de siège et Ettor arrêté. Haywood vint le remplacer. Un cortège de 10 à 15 mille grévistes lui fit un accueil triomphal. Il procéda à des innovations hardies. Secondé par une militante de valeur, Elisabeth Gurley Flynn, il organisa la solidarité à l’européenne, dirigeant les enfants des grévistes vers les foyers d’amis et de sympathisants dans d’autres villes. Il fit participer les femmes à la lutte et elles se battirent comme des lions. Il installa autour des usines des piquets intinterrompus, composés de milliers de travailleurs. Il sut attirer l’attention de l’opinion publique en faveur des grévistes. Il s’assura des concours dans la presse. Un comité d’enquête fut constitué à Washington et une délégation de seize enfants, garçons et filles, âgés de moins de seize ans, se rendit dans la capitale fédérale pour décrirer les terribles conditions d’existence à Lawrence. Un de ces enfants traita de menteur Samuel Gompers, venu témoigner contre la grève.

    Les employeurs finirent par céder. A l’annonce de leur victoire, les travailleurs (fait très rare aux Etats-Unis) chantèrent l’Internationale, en toutes langues. L’effet de cet événement fut immense et dépassa le cadre de Lawrence. 25.000 ouvriers obtinrent, par contrecoup, une augmentation de salaire.

    Une autre grève éclata, au début de 1913, dans l’industrie de la soie, à Paterson (New-Jersey). Elle s’élargit en une grève générale de solidarité. Haywood prit la tête du mouvement. Un cortège de 35.000 travailleurs de toutes nationalités se rendit à un meeting pour l’entendre. Il fut arrêté ; lorsque l’AFL organisa à son tour un meeting, les travailleurs le désertèrent, pour protester contre le refus d’accorder la parole aux leaders de l’IWW.

    Haywood, qui avait le génie de la publicité, amena 1200 grévistes à New York, où ils défilèrent dans les rues. Un grand meeting fut tenu à Madison Square Garden, éclairé par un gigantesque transparent lumineux, portant, en rouge, les trois lettres « IWW ». Les grévistes exposèrent eux-mêmes leurs conditions d’existence à Paterson, chantèrent des chants qu’ils avaient composés et jouèrent un spectacle retraçant les péripéties de leur lutte. La presse fit de longs compte-rendus. Haywood, toujours innovant, organisa des meetings d’enfants de grévistes, leur fit constituer un comité de grève, développa leur conscience de classe en leur racontant la fascinante histoire d’une cité d’enfants, sans adultes, sans police, sans prisons, sans banques et sans patrons. Malgré tous ces efforts, la bataille se termina par un échec.

    Le soulèvement du textile frappa fortement l’imagination des travailleurs des industries de production de masse, dont l’organisation avait été totalement négligée par l’AFL. En 1913, à Akron (Ohio), la cité du caoutchouc, les travailleurs inorganisés des grandes usines de pneus se soulevèrent spontanément. Les IWW prirent la direction du mouvement. Bientôt 20.000 ouvriers du caoutchouc furent en grève. L’infatiguable Haywood accourut. Aidé de James P. Cannon, le future leader trotskyste, il organisa, comme à Lawrence, des piquets de masses. Ici, l’union des syndicats AFL soutint le mouvement et envisagea de déclencher une grève générale. Mais le mouvement, finalement, échoua. Une des causes de cette défaite fut l’attitude hostile de William Green, de la fédération des Mineurs, futur successeur de Gompers, à la direction de l’AFL. Alors sénateur de l’Ohio et président d’une commission d’enquête législative, il dénonça les leaders IWW, les traitant d’ « agitateurs du dehors ».

    De même, à Detroit (Michigan), autre forteresse de la nouvelle grande industrie, les wobblies déclenchèrent une grève, au cours de l’été 1913, dans l’usine Studebaker. 8000 travailleurs, tous inorganisés, débrayèrent durant une semaine. Ils firent preuve d’une remarquable cohésion, mais le mouvement manqua son but. Presque en même temps, les organisateurs IWW concentrèrent leurs efforts sur les usines Ford, qu’ils inondèrent de journaux et de tracts, tandis que des orateurs haranguaient les travailleurs aux portes de l’entreprise. Le bruit courut que les wobblies préparaient une grève chez Ford pour l’été 1914. C’est alors que Ford, se sentant menacé, inaugura sa politique des « hauts salaires ».

    Trois ans plus tard, en 1916, les mineurs des gisements de fer de Minnesota, le Mesaba Iron Range, qui extrayaient la matière première nécessaire aux acieries de Pittsburgh et de Chicago, se révoltèrent à leur tour. Ces immigrants de fraîche date, pour la plupart d’origine finlandaise, se cherchèrent une direction. Les IWW répondirent à leur appel. Joseph Ettor et Elisabeth Gurley Flynn se rendirent sur place. La grève devint générale et engloba 16.000 mineurs. Finalement l’US Steel accorda une augmentation de salaire de 10%, la journée de huit heures et de meilleures conditions de travail.

    Cependant, après 1914, les IWW dirigèrent à nouveau l’essentiel de leurs efforts vers l’Ouest. Malgré les succès qu’ils avaient remporté dans l’Est, ils n’avaient pas réussi à y constituer une organisation permanente et la crise économique qui sévissait alors réduisit la combativité des ouvriers non qualifiés des régions industrielles de la côte Atlantique. En 1915-1916, ils entreprirent d’organiser les travailleurs agricoles, notamment en Kansas, Okhlahoma, Minnesota. Ils réussirent à syndiquer 18.000 ouvriers migrateurs. Puis ils se tournèrent vers les bûcherons du Nord-Ouest et les mineurs de cuivre de l’Arizona.

    En 1917, les IWW atteignirent leur apogée, au moins quant au nombre des adhérents. En un an, ils étaient passés de 40.000 à 100.000. Mais l’entrée en guerre des Etats-Unis déchaîna contre eux une féroce répression. Toutes les forces conjointes du capitalisme, des pouvoirs poublics, des anciens combattants employés à les écraser. Samuel Gompers, heureux d’être enfin débarrassé d’un rival gênant, donna carte blanche au président Wilson. Des milliers de wobblies furent arrêtés, condamnés à de longues années de prison. Le mouvement fut purement et simplement décapité. Il ne s’en releva jamais.

  • Que pense la grande bourgeoisie du péril ouvrier en 1914 ? Il suffit de lire le journal bourgeois "La Chronique de la Quinzaine" : voir ici

  • Le but, construire

    Le camarade M. du GMI a introduit ainsi la rencontre.

    Vous êtes un groupe avec ses publications, nous aussi. Nous ne pouvons pas en rester à ce que nous sommes. Ne nous attardons pas sur les griefs antérieurs, chercher qui est responsable de l’annulation de la réunion du 8 mars est sans intérêt, si tous ceux qui sont là en veulent une.

    VdT et le Collectif révolution permanente peuvent avoir des appréciations différentes sur Israël, sur la Grèce, la guerre mondiale (qui n’est pas pour nous immédiate), on peut discuter de ça pour voir si on peut aboutir à un accord. L’important c’est le but de cette rencontre : construire une internationale et un parti ouvrier révolutionnaire. Ne pas rester chacun dans son coin.

    Il faut se situer dans ce cadre là. Par exemple, dans le Parti bolchevik ou l’Opposition de gauche internationale, il y avait des désaccords mais un objectif, une volonté commune de construire le parti et l’internationale pour la révolution socialiste. À partir de cet objectif, nous pouvons encore tenir une réunion commune pour examiner les points de désaccords et les points d’accords et adopter des positions communes dès qu’il y a accord sur l’essentiel.

    Essayons de constituer un pôle de regroupement, d’offrir ce pôle aux jeunes et aux travailleurs.

    Les thèmes de la discussion

    Le GMI a proposé le 14 décembre trois thèmes pour trois réunions successives : d’abord le monde (dont la Palestine) ; ensuite, si c’est concluant, l’Europe (dont l’Ukraine) ; enfin, si nous commençons à travailler ensemble, la France (dont l’activité dans les syndicats).

    Il y a une réserve de camarades de VdT sur le thème de la question syndicale, considéré comme tactique mais concernant le monde entier.

    Ceci dit, la rencontre aboutit à un accord général pour commencer par le monde : situation économique, rapports entre les classes, stratégie révolutionnaire…

    Le déroulement de la discussion

    Le Groupe marxiste internationaliste a proposé le 13 janvier la date du 8 mars et des modalités, jamais contestées : une co-présidence, un exposé introductif de 45 mn pour chaque groupe (l’ordre étant tiré au sort par les deux présidents), une discussion libre, une brève conclusion des rapporteurs (l’ordre étant tiré au sort par les deux présidents).

    Lors de la rencontre, un désaccord est apparu avec E. qui proposait des rapports introductifs limités à 10 mn. Les camarades du GMI ont rappelé que, dans le mouvement ouvrier, un tel thème était toujours introduit avec soin, donc avec un temps suffisant. Au congrès de l’USPD en octobre 1920, les militants ont écouté puis débattu deux rapports contradictoires sur ce genre de problèmes avant de voter (pour adhérer à l’IC donc fusionner avec le KPD). Martov rapportait pour la 2e Internationale, Zinoviev pour la 3e. Le rapport de Zinoviev a pris 4 heures, celui de Martov à peine moins.

    Le consensus issu de la rencontre : pour les militants, sauf un, les rapporteurs doivent présenter, pour que l’information soit suffisante et la discussion fructueuse, une analyse sérieuse de la situation mondiale, de la dernière crise économique, des luttes des classes, du mouvement ouvrier, des axes stratégiques des communistes… Cela nécessite 30 mn.
    Les conditions pratiques

    Pour avoir le temps de préparer politiquement et matériellement, l’accord s’est fait pour que la réunion se tienne le samedi 23 mai ou le samedi 30 mai.

    Si elle démarre à 9 h du matin, il faudrait que les camarades de VdT (région parisienne) hébergent les militants du GMI (très majoritairement provinciaux).

    Pour gagner du temps, les militants parisiens des deux groupes prépareraient un buffet.

    M (VDT) a proposé de réserver une salle.

    L’accord s’est aussi fait pour partager les frais (déplacements, nourriture) au prorata de l’effectif des groupes.

    La préparation politique

    E. a proposé une rencontre pour finir de mettre au point la réunion commune des militants. Elle aura lieu le 21 mars.

    La DN de GMI a présenté une brochure contenant le débat antérieur entre R. Paris et le Collectif révolution permanente (ce prototype a depuis été amélioré).

    La DN de GMI a proposé un bulletin pour compléter les rapports, ouverts aux militants des deux groupes. Il y a eu un accord général pour qu’il y en ait deux numéros sur le thème (mondial) de la première réunion commune. Le premier pourrait contenir tout ce qui est prêt à la rencontre d’organisation du 21 mars. L’accord se fait également sur la taille : 20 pages maximum pour chaque groupe, pour chaque numéro.

  • « Une époque de développements révolutionnaires a commencé. L’époque des avances lentes, pénibles, presque imperceptibles, va céder le pas à une époque de révolutions, de sauts en avant soudains, peut-être de grandes défaites occasionnelles, mais aussi – il nous faut garder confiance dans le prolétariat – de grandes victoires en fin de compte. »

    (Karl Kautsky, 1905)

    Le chemin du pouvoir : « Aujourd’hui, les batailles dans la lutte de libération de l’humanité travailleuse et exploitée ne se mènent pas seulement sur la Spree et la Seine, mais aussi sur l’Hudson et le Mississippi, sur la Neva et sur les Dardanelles, sur le Ganges et le Hoang Ho. »

    (Karl Kautsky, Le chemin du pouvoir, 1910)

    « Celui qui nie aujourd’hui l’action révolutionnaire (Kautsky) est la même autorité de la Deuxième Internationale qui a écrit en 1909 tout un livre, Le chemin du pouvoir, traduit dans pratiquement toutes les principales langues européennes pour démontrer le lien entre la guerre future et la révolution. »

    (Lénine)

    « Longtemps avant la guerre, tous les marxistes, tous les socialistes, étaient d’accord pour considérer qu’une guerre européenne créerait une situation révolutionnaire… Par conséquent, l’attente d’une situation révolutionnaire en Europe n’était pas une obsession des Bolcheviks mais l’opinion générale de tous les marxistes. »

    (Lénine)

  • Y avait-il des mouvements insurrectionnels dans les colonies, dans les empires, dans les pays dominés à l’approche de la première guerre mondiale ?

    • La réponse est oui : il y avait partout une montée des révolutions : dans l’Egypte des années 1900 avec le Mouvement national, dans la Turquie de 1907 avec la révolution « Jeune turc » de 1908 et les révoltes des peuples opprimés, dans la Chine de 1907-1911 avec le mouvement révolutionnaire démocratique de de Sun Yat-sen, dans la Tunisie de 1907, dans l’Iran de 1911, dans l’Inde de 1905 à 1908, dans le Mexique de 1910 à 1917, etc….

    • Révolte en Tunisie contre les colons français appelée « boycott des tramways » ; les Sénousis du Sahara se défendent contre le colonisateur italien en Libye ; gouvernement révolutionnaire de Sun Yat-Sen en Chine ; apparition du syndicalisme ouvrier en Indonésie ;
      En avril, insurrection de Fès contre la colonisation française au Maroc .

      Par exemple, le 29 septembre 1911, l’Italie déclare la guerre à l’Empire ottoman. Un corps expéditionnaire de 100 000 hommes est constitué. L’Italie entre en guerre en Tripolitaine mais sans entraîner avec elle d’autres puissances européennes. Elle va, suite à des victoires militaires, occuper militairement Tripolitaine, Dodécanèse et Cyrénaïque.

      Ce n’est pas seulement la Russie qui était menacée par la montée révolutionnaire mais tous les empires, l’empire austro-hongrois et l’empire ottoman. Les nationalités opprimées et les classes ouvrières menaçaient de s’unir contre cette oppression impériale. La menace plane sur les empires : en 1911, la révolution a renversé déjà la dynastie des Qing en Chine. Le 23 janvier 1913, la révolution contre l’empire Ottoman a lieu. Les « Jeunes-Turcs » prennent le pouvoir par un coup d’État mené par le triumvirat formé par Enver Pacha, Talaat Pacha et Djemal Pacha.

      1910, c’est aussi la révolte des Albanais contre l’empire ottoman, la révolte des Abès de Côte d’Ivoire, la révolte des peuples du Gabon, la révolte des marins brésiliens, les débuts de la révolte en Arabie, les révoltes des peuples de la boucle du Niger .

      Dans la révolte des peuples opprimés de l’Empire Ottoman, notons celle des Arméniens avec notamment la seconde révolte de Sassoun en 1904... La révolte monte jusqu’en 1915 où l’empire répond par le premier génocide des Arméniens.

      Voilà ce que j’ai pu lire dans les articles/commentaires sur M&R.

    • Trois grandes vagues de grèves ont eu lieu au Japon : l’une qui s’est déroulée sur trois années, de 1896 à 1898, la deuxième sur les deux années 1906 et 1907 et la troisième en 1912.

      Soutenue par le syndicat des cheminots, fondé en 1898, la lutte se termina sur une victoire : les grévistes demandaient une meilleure reconnaissance de leur travail et la fin des discriminations qu’ils estimaient subir dans leur entreprise ; la compagnie leur accorda une position équivalente à celle des employés de bureau et remplaça les anciennes dénominations de leurs grades, trop dévalorisantes, par d’autres plus positives. Par contre, les machinistes, qui se mirent à leur tour en grève en 1899 et au début 1900 pour obtenir les mêmes avantages, échouèrent.

      Toute l’année 1906 fut ponctuée d’arrêts de travail dans les chantiers navals, civils mais surtout militaires à cause des licenciements consécutifs à la fin de la guerre, dont le motif principal était le relèvement des salaires : en janvier, tous les ouvriers arrêtent le travail dans le chantier de réparations navales d’Ôminato, à Aomori ; du 5 au 7 février, ce sont 750 ouvriers qui font grève dans le chantier naval d’Ishikawajima, près de Tôkyô ; en août, c’est l’arsenal de Kure, dans le sud-ouest du pays, qui est touché ; et en décembre, l’arsenal militaire d’Ôsaka. Ces mouvements se poursuivirent dans les premiers mois de 1907 : 500 menuisiers du chantier naval Mitsubishi de Nagasaki cessent, par exemple, le travail du 16 au 20 février.

      Durant toute l’année 1907, les mineurs participèrent à plusieurs grèves quasi insurrectionnelles qui n’avaient pas simplement des revendications salariales pour objet, mais aussi la brutalité de leur exploitation : du 4 au 7 février, les mines de cuivre d’Ashio, situées à 100 kilomètres au nord de Tôkyô, dans la préfecture de Gunma, s’embrasent ; en avril, ce sont les mines de Horonai, dans l’île de Hokkaidô ; en juin, les mines de cuivre de Besshi, dans l’île de Shikoku ; puis les mines d’argent d’Ikuno, près de Kôbe. Seule l’armée réussit à contenir ces mouvements souvent très violents.
      La grève à Ashio est celle qui a le plus impressionné les observateurs de l’époque. Tous se plaisent à souligner son importance pour le mouvement ouvrier japonais, quoiqu’on ne sache pas exactement les raisons qui l’ont déclenchée. Les mines d’Ashio avaient déjà défrayé la chronique au début du xxe siècle ; leur nom est lié à l’un des premiers exemples de pollution industrielle au Japon des terres et des rivières alentour. L’extraction de cuivre constituait alors un secteur vital pour le Japon, qui était en 1914 le deuxième exportateur mondial de cette matière première. Les mines d’Ashio appartenaient en outre à la puissante famille des Furukawa, et Hara Takashi (1856-1921), ministre de l’Intérieur en 1907, y possédait des intérêts. Toute interruption de la production dans ces mines constituait donc une menace pour l’Etat.
      Le conflit fut d’une rare violence, comme l’a rapporté Félicien Challaye en 1921 : « (...) les ouvriers (...) rouent de coups de bâton l’un des directeurs des travaux, s’emparent des magasins, pillent les provisions, mettent le feu aux bureaux, détruisent les habitations des surveillants, chassent des mines la police. » Les mineurs firent même usage d’explosifs, ce qui était plus une habitude des nihilistes russes que des Japonais, indiquant par là l’influence à cette époque au Japon, malgré la guerre russo-japonaise, des idées et des pratiques venues de Russie.
      L’intervention de l’Etat dans ces conflits du travail s’est exprimée, après la première période, de 1896 à 1898, par la Loi de police sur la sécurité publique (Chian keisatsu hô) de 1900, qui restreignait les droits de réunion publique, de grève et d’organisation ; complétée en 1925 par une Loi sur le maintien de l’ordre (Chian iji hô), elle réglera les réglera les relations du travail jusqu’en 1945. Cette loi, qui ne laissait à la classe ouvrière aucun moyen légal d’exprimer ses doléances en soumettant la formation des syndicats et la tenue de réunions publiques au pouvoir discrétionnaire de la police, aboutit à faire naître les grèves violentes qui ont marqué la deuxième période de luttes.

      Après les grandes grèves de 1906-1907, l’Etat promulgua en 1911 une Loi sur les fabriques (Kôjôhô) qui accordait un adoucissement des conditions de travail aux ouvriers et une tolérance à créer des syndicats modérés. Cette loi et celle de 1900 ne sont contradictoires qu’en apparence. La Loi de police, on vient de le voir, fut en vigueur dès le moment de sa publication, et jusqu’en 1945. Celle sur les fabriques, par contre, plus une concession aux luttes de la classe ouvrière que l’expression de la position du gouvernement, dut attendre 1916 pour être effectivement appliquée et on n’en parlait déjà plus dans les années 1920, après que de nouvelles luttes eurent forcé les entrepreneurs à accorder plus que la Loi sur les fabriques avait jamais pu promettre. En fait, le seul effet immédiat de la Loi sur les fabriques fut la création du syndicat Yûaikai (Société fraternelle) en 1912.

      Le mouvement syndical au Japon n’a commencé à véritablement intervenir dans les conflits du travail qu’après la première guerre mondiale. Ce paragraphe concerne donc, en fait, plus la préhistoire du syndicalisme japonais que son histoire proprement dite. Mais il n’est pas sans intérêt de tracer cette préhistoire parce qu’elle montre en germe le cours suivi par le syndicalisme au Japon depuis les origines, celui d’un syndicalisme de collaboration de classes, à l’image de ce que nous connaissons depuis la fin de la première guerre mondiale dans tous les pays industrialisés.
      Il n’y a aucun indice de l’existence d’un syndicalisme révolutionnaire au Japon, sinon les revendications des IWW américains d’avoir des affiliés dans quelques ports japonais, principalement Yokohama. Or, il semble que ces affiliés furent pour la plupart des marins américains venus au Japon avec de la propagande écrite qu’ils distribuaient à un très petit nombre de contacts japonais.
      Un aspect intéressant à noter pour l’histoire du syndicalisme au Japon, est que dès l’origine les syndicats ne limitaient pas leur action aux murs de l’usine mais étendaient leur contrôle à l’ensemble de la vie des ouvriers. Le nom du plus important des syndicats cités plus haut, celui des cheminots, la Nihon tetsudô kyôseikai, illustre bien ce propos : le terme kyôsei indique clairement que le but du syndicat était le redressement moral de ses troupes, et non comme on pourrait le croire de corriger les abus faits aux ouvriers par leurs patrons. La lutte quotidienne des militants de cette organisation se faisait surtout contre l’alcoolisme, les paris et les fréquentes bagarres entre travailleurs.
      1898

      Grèves des cheminots dans le nord-est du Japon.

      1902

      15-19 juillet : grève au chantier naval militaire de Kure contre un quartier-maître trop sévère.

      1906

      Août : grève aux chantiers navals militaires de Kure (Kure kaigun kôshô).
      Décembre : grève à l’arsenal militaire d’Ôsaka (Ôsaka rikugun zôheishô).

      1907
      4-7 février : trois jours d’émeutes aux mines d’Ashio, dans la préfecture de Tochigi.

      16-20 février : grève des menuisiers du chantier naval Mitsubishi de Nagasaki pour de meilleurs salaires et contre un projet d’allonger leurs heures de travail.

      Avril : grève dans les mines de charbon de Horonai (Horonai tankô), Hokkaidô.

      Juin : grève dans les mines de cuivre de Besshi, Shikoku.

      Juillet : grève dans les mines d’argent d’Ikuno, près de Kôbe.

      Une crise industrielle et boursière fait chuter le gouvernement Saionji.

      1908

      22 juin : « affaire du drapeau rouge » (akahata jiken) : ce jour-là, une manifestation pour célébrer la libération de Yamaguchi Koken (1883-1920), après quatorze mois de prison, dégénère ; une partie des participants à la réunion qui défilent dans la rue avec des drapeaux rouges portant les inscriptions « anarchisme » et « anarcho-communisme » sont sévèrement malmenés, puis condamnés à de lourdes peines de prison.

      1912

      31 décembre 1911-4 janvier 1912 : grève des chemins de fer municipaux de Tôkyô.

  • A partir du 14 avril 1913, la Belgique fut secouée par une grève de masse qui mobilisa jusqu’à 400 000 travailleurs. L’appel à la grève avait été lancé par le Parti socialiste belge, en opposition au "vote plural" qui donnait aux propriétaires fonciers, aux gens instruits et aux riches un plus grand nombre de voix qu’aux gens ordinaires.

    Cette grève faisait suite à la victoire électorale des éléments catholiques conservateurs l’année précédente. L’opposition socialiste avait d’abord décidé en juin 1912 d’organiser une grève générale à un moment donné à venir. Mais c’est seulement lorsqu’il devint évident que le roi n’allait pas intervenir pour modifier les lois électorales, et sous la pression croissante des masses, que l’appel à la grève fut lancé.

    La Belgique avait une classe ouvrière industrielle hautement concentrée avec une histoire de grèves massives, remontant à 1893. Au moins la moitié de la classe ouvrière industrielle du pays participa à la grève de 1913, paralysant les principales entreprises. Au bout d’un peu plus d’une semaine, cependant, le parti socialiste donnait comme consigne aux ouvriers de mettre fin à l’action de grève, suite à une promesse du premier ministre de créer une commission pour "étudier" la question du vote plural. La grève prit fin officiellement le 22 avril. Le vote plural resta en place tout au long de la Première Guerre mondiale.

    La politique de conciliation des socialistes belges fut commentée par un certain nombre de personnalités marxistes sur la scène internationale, dans le cadre de la lutte qui s’intensifiait entre les tendances révolutionnaires et opportunistes dans le mouvement socialiste. Rosa Luxembourg, la représentante la plus déterminée de l’opposition révolutionnaire aux opportunistes et aux tendances conservatrices syndicalistes qui dominaient de plus en plus le mouvement socialiste allemand, fit référence à la grève belge dans un discours sur la "grève politique de masse."

    Luxembourg dit que suite à la politique des sociaux-démocrates opportunistes qui s’orientaient vers le libéralisme, "la grève a été abandonnée dès la première concession illusoire faite, une concession qui représentait un gain quasiment nul... Nous voyons donc que la grève de masse, employée en conjonction avec la politique d’une grande coalition, n’aboutit à rien, si ce n’est à des revers." Elle appela la social-démocratie allemande à rejeter la politique opportuniste qui avait conduit à la trahison de la grève en Belgique.
    Lénine écrivit que le résultat de la grève démontrait la nécessité d’une rupture avec les libéraux bourgeois, d’un combat pour la conscience socialiste et d’un parti de la classe ouvrière qui soit politiquement indépendant.

  • En 1912, Louis Renault étend le chronométrage, ce qui provoque une grève à partir du 1er Décembre 1912. Les ouvriers réclament principalement la suppression pure et simple de l’organisation scientifique du travail, Renault répond par la conciliation. Finalement, un accord est signé le 5 Décembre ; il autorise les ouvriers à élire deux délégués par atelier pour contrôler les opérations d’établissement des prix par les chronométeurs et augmenter de 20% le temps d’exécution déterminé par ses derniers...Après une période d’apaisement, le conflit rebondit en 1913 : la guerre éclate de nouveau chez Renault. Les ouvriers revendiquent la suppression du chronométrage, le maintien des délégués avec formations d’une commission ouvrière du travail, la suppression des pièces loupées et des outils cassés. Louis Renault accepte les deux dernières revendications, mais rejette la première. Cette grève, qui va durer 44 jours sera finalement un échec. Renault en combinant conciliation et répression a, en effet, été à l’origine d’une certaine division chez les ouvriers. Certains reprenaient le travail ou étaient embauchés pendant que les autres étaient en grève. Ces grèves avaient deux motivations. Tout d’abord l’élite des professionnels était contre l’accélération du rythme de son travail et sa déqualification. Mais il ne s’agit là que de la minorité des grévistes. La majorité qui pensait plus à la baisse du prix des pièces comprend des contremaîtres, des manoeuvres et des ouvriers moyennement qualifiés.
    Le 10 février 1913, débutait dans les usines Renault la deuxième grève du chronométrage…

    Les Renault ne sont pas les seuls en grève en 1913. Les boulangers le sont par exemple aussi…

    N’ayant pas abouti à la révision de leur salaire par des réclamations et des interventions multiples, et après avoir vainement attendu une proposition raisonnable de la part des patrons, trois mille ouvriers boulangers se mirent en grève à Paris. Leur action corporative justifiée par le fait que depuis 1903 (période des dernières grèves de la boulangeries (1903-1906), ils n’avaient reçu aucune augmentation de salaire, que le repos hebdomadaire n’était pas appliqué et que le nombre d’heures de travail était illimité.

    Ils revendiquaient un salaire fixe de 48 francs par semaine et 2 francs de prime pour chaque journée supplémentaire, la limitation des heures de travail, l’application du repos hebdomadaire et la suppression du travail de nuit.

    Mais les patrons repoussèrent toutes les revendications, sans vouloir en discuter avec les ouvriers. Devant la mauvaise volonté évidente des patrons, les travailleurs boulangers recouvrirent à leur seul moyen de combat : la grève.

    Extrait de l’étude du poème « Le musicien de Saint-Merry » de Guillaume Apollinaire par Mr Poupon (cahiers de l’Association Internationale des études françaises-volume 23- page 212) :

    « Or, ce quartier [le Marais] occupait la une des journaux de 1913. Deux drames passionnels, l’un près de Saint-Merry le 11 mai (Titre : « L’amour qui tue », l’autre le 17, rue Simon-Le-Franc : « William Leroux tue Augustine Tessan. Mais je retiens surtout les échauffourées dues à la grève des boulangers, grève qui s’est poursuivie pendant une bonne partie du mois.

    La corporation des boulangers se tenait depuis le moyen-âge rue Brise-Miche. Les grévistes se réunissaient non loin de là, au manège Saint-Paul. Pendant ce temps deux boulangeries étaient ouvertes rue de la Verrerie. Des gens venus de tous les horizons faisaient la queue pour avoir du pain.
    Mais les grévistes décidèrent de mener une expédition punitive contre les « renards » (nous dirions « les jaunes »).
    L’Intransigeant écrit a la date du 16 mai : « Trois ouvriers boulangers qui avaient défoncé des panneaux et brisé des glaces dans les boulangeries de la rue de la Verrerie et de la rue Vieille du Temple ont été appréhendés et envoyés au dépôt. »

    En novembre 1913, c’est une grande grève des mineurs du Nord qui démarre…

    Le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, qui produit 67 % du charbon national, est en grève depuis plusieurs jours. La cause du mécontentement provient d’un sous-effectif endémique qui allonge la durée de travail et porte atteinte à la journée de huit heures, vieille revendication ouvrière. Rien qu’à Lens, par exemple, il manquerait 1800 ouvriers. Le mouvement s’étend au département du Nord et prend de l’ampleur.

    Soi-disant afin d’éviter les débordements et les violences, le gouvernement a appelé la troupe. A la Chambre, le député socialiste Jean Jaurès tonne :

    « Pourquoi envoie-t-on des forces militaires dans le bassin minier du Pas-de-Calais ? Y-a-t-il la moindre menace de désordre ? Le syndicat des mineurs a fait appel au calme. Que signifie ce déploiement de forces ? Le risque est plus grand de violence et d’agitation, par l’envoi des troupes, car, les compagnies peuvent y voir un encouragement aux mesures d’intimidation. Que demandent les ouvriers ? Ils protestent contre le régime des longues coupes qui les épuisent. La Chambre avait abaissé à trente heures par an la durée des coupes. Le Sénat a porté ce chiffre à 150 heures. C’est une dérogation au principe de la journée de huit heures que le Sénat, lui-même, a commise en se déjugeant (…) »

    Un journal fait la liste des grèves du Forez en 1913 :

    « L’année débuta à Firminy par une grève dans l’usine Verdié, faisant suite au renvoi de sept ouvriers.

    A Charlieu, renommée pour son andouille, les patrons bouchers et charcutiers ont fait grève pour protester contre le nouveau règlement de l’abattoir.

    Les platriers-peintres de Saint-Etienne observèrent une longue grève, d’au moins 34 jours. Les charpentiers de Rive-de-Gier et les maçons de Panissières se mirent aussi en grève.

    Les ouvrières garnisseuses en chapeau de paille de Chazelles (Ets Ferrier et Hardy) réclamaient une augmentation de salaire. Leur grève suivit de peu celle des ouvrières de la Société Manufacturière de chapeaux feutre et laine, à Chazelles toujours.

    A Unieux, dans les Aciéries Holtzer, un ouvrier fut mis à pied trois jours. A son retour, il était informé de son renvoi définitif. Ce qui causa un vif émoi. A une délégation ouvrière, la direction annonça que le renvoi serait limité à trois semaines mais qu’ "une amende serait infligée à tous les ouvriers pour n’être pas rentrés à l’heure du travail". La grève se généralisa le 11 avril. Elle concerna jusqu’à 150 ouvriers. »

    voir ici

    Episode aujourd’hui oublié, les casernes françaises ont été touchées, en mai 1913, par une forte agitation. En cause : le refus de la loi de trois ans de service militaire, pièce maîtresse de la militarisation du pays à la veille de la Grande Guerre. L’événement va provoquer une répression furieuse contre les mutins, mais aussi contre les syndicalistes révolutionnaires et les anarchistes, accusés d’avoir fomenté les troubles. C’est également le point de départ d’une crise ouverte à la CGT.

  • Aux USA, les grèves se développent en 1912…

    11 janvier : grève dans les usines textile de l’American Wollen Company à Lawrence (Massachusetts). Les 25.000 travailleurs inorganisés de l’American Woolen Company (lainages), à Lawrence (Massachussets), cessèrent le travail pour protester contre des salaires de famine. Ils étaient, pour la plupart, des immigrants de fraîche date, appartenant à vingt-huit nationalités différentes. Les Italiens prédominaient. L’IWW organise des défilés et des rassemblements qui réunissent 50 000 personnes. Après des affrontements avec la police qui font un mort (Anna LoPizzo, 28 janvier), la loi martiale est décrétée. Un des dirigeants des IWW, Joseph Ettor, prit la direction de la grève. Il la mena de main de maître. La petite ville fut mise en état de siège et Ettor arrêté. Haywood vint le remplacer. Un cortège de 10 à 15 mille grévistes lui fit un accueil triomphal. Il procéda à des innovations hardies. Secondé par une militante de valeur, Elisabeth Gurley Flynn, il organisa la solidarité à l’européenne, dirigeant les enfants des grévistes vers les foyers d’amis et de sympathisants dans d’autres villes. Il fit participer les femmes à la lutte et elles se battirent comme des lions. Il installa autour des usines des piquets intinterrompus, composés de milliers de travailleurs. Il sut attirer l’attention de l’opinion publique en faveur des grévistes. Il s’assura des concours dans la presse. Un comité d’enquête fut constitué à Washington et une délégation de seize enfants, garçons et filles, âgés de moins de seize ans, se rendit dans la capitale fédérale pour décrirer les terribles conditions d’existence à Lawrence. Un de ces enfants traita de menteur Samuel Gompers, venu témoigner contre la grève. Les employeurs finirent par céder. A l’annonce de leur victoire, les travailleurs (fait très rare aux Etats-Unis) chantèrent l’Internationale, en toutes langues. L’effet de cet événement fut immense et dépassa le cadre de Lawrence. 25.000 ouvriers obtinrent, par contrecoup, une augmentation de salaire.

    En avril 1913, des grèves ont lieu dans le Colorado.

    Grève des mines du charbon du Colorado. Les grévistes de Colorado Fuel & Iron Corporation, propriétés de la famille Rockefeller, sont expulsés des logements qu’ils occupent dans les villes possédées par la compagnie minière. Soutenus par la United Mine Workers Union, ils établissent des campements de tentes dans les collines voisines et maintiennent les piquets de grève. Les hommes de l’agence Baldwin-Felt detective effectuent des raids armés sur leurs campements et des grévistes sont assassinés. Le gouverneur du Colorado fait appel à la garde nationale, qui introduit des briseurs de grève de nuit et réprime les manifestations, aboutissant au massacre de Ludlow le 20 avril 1914.

    Puis en 1914…

    Grève des mines du charbon du Colorado. 20 avril : la grève des mines de charbon du Colorado, commencé en septembre 1913, culmine avec le massacre de Ludlow : le campement de grévistes de Ludlow est attaqué au fusil-mitrailleur par la garde nationale. Treize personnes sont abattues dans leur fuite. Les cadavres carbonisés de onze enfants et de deux femmes sont retrouvés dans une fosse le lendemain. La nouvelle provoque une grande agitation dans tout le pays et les mineurs prennent les armes. Les troupes fédérales sont prêtes à intervenir quand la grève s’essouffle. Malgré la mort de 66 personnes, aucun milicien ou surveillant des mines ne sera inculpé pour meurtre. Les grévistes de Colorado Fuel & Iron Corporation, propriétés de la famille Rockefeller, sont expulsés des logements qu’ils occupent dans les villes possédées par la compagnie minière. Soutenus par la United Mine Workers Union, ils établissent des campements de tentes dans les collines voisines et maintiennent les piquets de grève. Les hommes de l’agence Baldwin-Felt detective effectuent des raids armés sur leurs campements et des grévistes sont assassinés. Le gouverneur du Colorado fait appel à la garde nationale, qui introduit des briseurs de grève de nuit et réprime les manifestations, aboutissant au massacre de Ludlow le 20 avril 1914. Le massacre de Ludlow fait référence à une action de représailles de la Colorado National Guard durant laquelle 26 grévistes trouvèrent la mort, à Ludlow dans le Colorado le 20 avril 1914. Ce massacre fait suite à un long affrontement entre les grévistes, au nombre de 1 200, et les soldats de la garde nationale et les hommes de l’agence Baldwin-Felt Detective au service de la Colorado Fuel & Iron Company. Le campement des mineurs et de leurs familles est attaqué à la mitrailleuse par deux compagnies de la garde nationale, les grévistes répondent à coup de fusil. Les affrontements durent toute la journée, à la tombée de la nuit les gardes nationaux mettent le feu au camp, treize mineurs sont tués. Le lendemain on découvre dans les restes du camp, les cadavres calcinés de onze enfants et deux femmes dans une fosse, les mineurs avaient creusés des fosses sous leurs tentes pour échapper aux tirs

  • L’Afrique du sud entre en lutte au même moment...

    En 1913, une grève générale des mineurs blancs (rejoints par des travailleurs africains) connaît le succès, forçant les Randlords1 à s’asseoir à la table de négociations, après que des manifestations de rue à Johannesburg ont conduit à de violents affrontements et à la mort de 30 ouvriers. Une deuxième grève en 1914 est interdite par la loi martiale. En 1913, les mineurs africains suivent la grève des mineurs blancs, mais la leur est réprimée par l’armée.

    Face à la réduction massive des salaires et à la dégradation de leurs conditions de travail, les mineurs entrèrent massivement en lutte. En effet, courant 1913, une grève fut lancée par les ouvriers d’une mine contre les heures supplémentaires que l’entreprise voulait leur imposer. Et il n’en fallut pas plus pour généraliser le mouvement à tous les secteurs avec des manifestations de masse, lesquelles furent néanmoins brisées violemment par les forces de l’ordre. Au final on compta (officiellement) une vingtaine de morts et une centaine de blessés.

    Doris Lessing rapporte la montée révolutionnaire en Afrique du sud en 1913 dans « Les enfants de la violence » :

    « Le comité de grève transféra son quartier général de Benoni à Johannesburg. Pendant ce temps, le gouvernement armait la bourgeoisie terrifiée en groupes de milice spéciale. Des troupes continuaient à arriver, armées jusqu’aux dents… Des pièces d’artillerie étaient installées dans les espaces dégagés… Les dragons commençèrent à tirer dans la foule… C’était en juillet 1913. S’il n’y avait pas eu la guerre l’année suivante, on les aurait battus, on aurait eu le socialisme en Afrique du sud. »

    Le 19 juin 1913, pour faire face à la montée ouvrière, apparaissaient les premières lois d’apartheid en Afrique du Sud. Ségrégation à l’égard des Noirs : le Natives Land Act (en) no 27 fixe la part des terres réservé à chaque communauté en Union sud-africaine6. Les Noirs se voient attribuer 8 % des terres cultivables, alors qu’ils forment plus de 67 % de la population. Il leur est interdit de posséder et d’acheter des terres hors des réserves. Plus d’un million d’entre eux sont expulsés des terres qu’ils cultivaient. Dépossédés de leurs terres, les Noirs vont travailler dans les mines et les plantations européennes.

    Au début de 1914 éclata une série de grèves aussi bien chez les mineurs de charbon que chez les cheminots contre la dégradation des conditions de travail. Mais ce mouvement de lutte se situa dans un contexte particulier, celui des terribles préparatifs de la première boucherie impérialiste généralisée. Dans ce mouvement, on put remarquer la présence de la fraction afrikaner, mais à l’écart de la fraction anglaise. Bien entendu toutes deux bien encadrées par leurs syndicats respectifs dont chacun défendait ses propres "clients ethniques".

    Dès lors le gouvernement s’empressa d’instaurer la loi martiale sur laquelle il s’appuya pour briser physiquement la grève et ses initiateurs et en emprisonnant ou en déportant un grand nombre de grévistes dont on ignore encore le nombre exact des victimes. Par ailleurs, nous tenons à souligner ici le rôle particulier des syndicats dans ce mouvement de lutte. En effet, ce fut dans ce même contexte de répression des luttes que les dirigeants syndicaux et du Parti Travailliste votèrent les "crédits de guerre" en soutenant l’entrée en guerre de l’Union Sud-Africaine contre l’Allemagne.

    Si la classe ouvrière fut muselée globalement durant la guerre 1914/18, en revanche quelques éléments prolétariens purent tenter de s’y opposer en préconisant l’internationalisme contre le capitalisme.

    Puis, en 1917, une affiche fleurit sur les murs de Johannesburg, convoquant une réunion pour le 19 juillet : « Venez discuter des points d’intérêt commun entre les ouvriers blancs et indigènes. » Ce texte est publié par l’ International Socialist League (ISL), une organisation syndicaliste révolutionnaire influencée par les IWW américains2 et formée en 1915 en opposition à la Première Guerre mondiale et aux politiques racistes et conservatrices du parti travailliste sud-africain et des syndicats de métier. Comptant au début surtout des militants blancs, l’ISL s’oriente très vite vers les ouvriers noirs, appelant dans son journal hebdomadaire, l’ International, à construire un « nouveau syndicat qui surmonte les limites des métier, des couleurs de peau, des races et du sexe pour détruire le capitalisme par un blocage de la classe capitaliste ».

    Dès 1917, l’ISL organise des ouvriers de couleur. En mars 1917, elle fonde un syndicat d’ouvriers indiens (Indian Workers Industrial Union) à Durban. En 1918, elle fonde un syndicat des travailleurs du textile (se déclarant aussi plus tard à Johannesburg) et un syndicat des conducteurs de cheval à Kimberley, ville d’extraction de diamant. Au Cap, une organisation sour, l’ Industrial Socialist League, fonde la même année un syndicat des travailleurs des sucreries et confiseries. Le premier syndicat des ouvriers africains La réunion du 19 juillet 1917 est un succès et constitue la base de réunions hebdomadaires de groupes d’études menés par des membres de l’ISL (notamment Andrew Dunbar, fondateur de l’IWW en Afrique du Sud en 1910). Dans ces réunions, on discute du capitalisme, de la lutte des classes et de la nécessité pour les ouvriers africains de se syndiquer afin d’obtenir des augmentations de salaires et de supprimer le système du droit de passage. Le 27 septembre suivant, les groupes d’étude se transforment en un syndicat, l’ Industrial Workers of Africa (IWA), sur le modèle des IWW. Son comité d’ organisation est entièrement composé d’Africains. Les demandes du nouveau syndicat sont simples et intransigeantes : elles se résument dans son slogan : Sifuna Zonke ! (« Nous voulons tout ! »).

    En 1918, une vague sans précédent de grèves contre le coût de la vie et pour des augmentations de salaire, rassemblant ouvriers blancs et de couleur, submerge le pays. Lorsque le juge McFie fait jeter en prison 152 ouvriers municipaux africains en juin 1918, les enjoignant à continuer « d’effectuer le même travail auparavant » mais maintenant « depuis la prison sous surveillance d’une escorte armée », les progressistes blanc et africains sont outragés. Le TNC appelle à un rassemblement de masse des ouvriers africains à Johannesburg le 10 juin.

  • Rosa Luxemburg écrit en 1913 :

    « La grève générale belge ne mérite pas seulement, en tant que manifestation remarquable des efforts et des résultats de la masse prolétarienne en lutte, la sympathie et l’admiration de la social-démocratie internationale, elle est aussi éminemment propre à devenir pour cette dernière un objet de sérieux examen critique et, par suite, une source d’enseignements. La grève d’avril, qui a duré dix jours, n’est pas seulement un épisode, un nouveau chapitre dans la longue série des luttes du prolétariat belge pour la conquête de l’égalité et de l’universalité du droit de vote, luttes qui durent depuis le commencement de la dernière décennie du XIX° siècle et qui, selon toute apparence, sont encore très éloignées de leur fin. Si donc nous ne voulons pas, à la manière officielle, applaudir toujours et à toute occasion tout ce que fait et ne fait pas le Parti social-démocrate, il nous faut, en face de ce nouvel assaut remarquable du Parti Ouvrier Belge, dans ses luttes pour le droit électoral, nous poser la question suivante : Cette grève générale signifie-t-elle un pas en avant sur la ligne générale de combat ? Signifie-t-elle en particulier une nouvelle forme de lutte, un nouveau changement tactique qui serait appelé à enrichir, à partir de maintenant, les méthodes de combat du prolétariat belge, et peut-être aussi du prolétariat international ?

    Cette dernière question est d’autant plus justifiée que les chefs du Parti belge – quelle que soit leur position tactique – opposent, avec beaucoup de vigueur, la grève d’avril aux précédents grèves belges concernant le droit électoral, ainsi qu’aux grèves de masses qui se sont produites dans d’autres pays, et la louent comme une nouvelle arme dans l’arsenal du prolétariat en lutte. Dans la petite revue mensuelle de Herstal, La Lutte de Classe, de Brouckère écrivait en mars :

    « C’est pour la troisième fois que nous ferons une grève pour l’égalité du droit de vote et, dans d’autres pays, on a déjà fait grève dans le même but. La grève du 19 avril n’en représente pas moins un événement nouveau aussi bien par sa durée probable que par l’esprit dans lequel elle a été préparée. Cette grève ne doit ressembler ni aux rafales de 1893 et 1902, ni aux courtes grèves politiques en Suède et en Autriche, pas plus qu’aux grèves révolutionnaires de Russie. Ce sera la première tentative pour guider une grève politique d’après les principes mêmes qui rendent si efficaces les mouvements syndicaux ou, si l’on veut, une tentative pour élargir l’action syndicale jusqu’à la conquête de l’égalité politique. »

    Les chefs du Parti, au congrès du 24 avril qui a décidé la cessation de la grève générale, ont souligné également, à plusieurs reprises, son caractère particulier. Vandervelde, lui aussi, écrit dans son article du Vorwärts, le 28 avril :

    « Contrairement aux précédents mouvements similaires en Belgique et ailleurs, il s’est agi, cette fois, non plus d’une grève improvisée et impétueuse, mais d’une grève longue, préparée patiemment et méthodiquement. »

    Il s’agit donc avant tout de comparer l’efficacité de cette nouvelle tentative de caractère particulier aux tentatives précédentes du prolétariat belge. Si l’on considère uniquement le résultat immédiat et palpable, on ne pourra certes pas écarter la conclusion que la nouvelle expérience du Parti belge a infiniment moins rapporté que son premier assaut d’il y a vingt ans. En 1891, la première courte grève de masse, avec ses 125.000 ouvriers, a suffi pour imposer l’institution de la commission pour la réforme du droit de vote. En avril 1893, il a suffi d’une grève spontanée de 250.000 ouvriers pour que la Chambre se prononce, en une seule longue séance, sur la réforme du droit de vote qui croupissait depuis deux ans dans la commission. Cette fois, la grève de 400.000 ouvriers, après neuf moins de préparation, après des sacrifices et des efforts matériels exceptionnels de la part de la classe ouvrière, a été brisée au bout de huit jours, sans avoir obtenu autre chose que la promesse, sans engagement, qu’une commission sans mandat et sans droit à légiférer recherchera une « formule d’unité » concernant le droit électoral.

    Nos camarades belges ne se font aucune illusion sur le caractère vague et confus du résultat ; ils comprennent que ce n’est pas là une brillante victoire et qu’en tout cas, elle ne répond pas du tout aux efforts, aux sacrifices et aux préparatifs formidables qui ont été faits. Aucun des chefs du Parti n’a essayé, au Congrès du 24 avril, de présenter la résolution du Parlement sur ladite commission comme une victoire politique notable. Au contraire, ils se sont tous efforcés de porter le centre de gravité du bilan de la lutte de ces dix jours non sur le résultat parlementaire, mais sur le cours de la grève générale elle-même et sur son importance morale. « Trois points de vue, a dit Vandervelde (d’après le compte rendu du Vorwärts), se sont fait jour dans l’appréciation de la grève générale. Le premier, le point de vue parlementaire, est le moins important. » Mais les deux autres sont : le résultat politique, qui consiste dans la conquête de l’opinion publique, et le point de vue social, qui réside dans le déploiement de forces du prolétariat et dans le caractère pacifique de la grève générale : « Maintenant – s’est écrié Vandervelde – nous connaissons le moyen que le prolétariat peut employer lorsque le pouvoir veut le priver de son droit. » Jules Destrée est allé jusqu’à traiter toute la question du résultat direct de la grève de « futilités parlementaires » :

    « Pourquoi ne pas se hausser, au dessus des futilités parlementaires et des nuances des déclarations ministérielles, jusqu’au principal ? Considérons donc le principal, que tout le monde peut voir : l’enthousiasme magnifique, le courage, la discipline de notre mouvement. »

    Or, l’attitude excellente de la masse ouvrière belge dans la dernière grève générale, fut loin d’être une surprise. L’enthousiasme, la cohésion, la ténacité de ce prolétariat, se sont affirmés si fréquemment dans les vingt dernières années, en particulier dans l’emploi de l’arme de la grève générale, que le déclenchement et le cours de la grève d’avril, loin d’être une nouvelle conquête, ne sont qu’une preuve de plus de cette ancienne combativité. Evidemment, l’importance de chaque grève de masse réside, en grande partie, dans son déclenchement même, dans l’action politique qui s’y exprime, dans la mesure où il s’agit de manifestations spontanées ou qui éclatent sur l’ordre du Parti, qui durent peu de temps et manifestent un esprit combatif. Lorsqu’au contraire, la grève a été préparée de longue main, de façon tout à fait méthodique et systématique, dans le but politique déterminé de mettre en mouvement la question du droit de vote immobilisé depuis vingt ans, il apparaît assez étrange de célébrer la grève, en quelque sorte, comme un but en soi et de traiter son objectif propre, le résultat parlementaire, comme une bagatelle.

    Cette façon de déplacer l’appréciation de la situation s’explique aussi par l’état de gêne dans lequel s’est trouvé notre parti frère belge au bout d’une semaine et demie de grève générale. De toute la situation et de tous les discours du congrès de Bruxelles, il ressort clairement que la grève générale ne fut pas brisée au 24 avril parce qu’on s’imaginait avoir remporté une victoire notable. Au contraire, on s’empressa de saisir la première apparence de « concession » de la part du Parlement, pour désarmer la grève générale, parce qu’on avait, dans les milieux dirigeants, le sentiment net que la continuation de la grève générale amènerait à une situation sans issue et ne donnerait aucun résultat appréciable.

    Faut-il en vouloir aux chefs du parti belge d’avoir saisi la première occasion pour arrêter la grève générale, alors que sa prolongation leur paraissait incertaine et sans chance de succès ? Ou faut-il leur faire grief de n’avoir pas cru à la force victorieuse de la grève méthodique, prolongée indéfiniment et « jusqu’à la victoire » ? C’est exactement le contraire qu’il faut dire : longtemps déjà avant le début de la grève d’avril, par la seule façon dont cette grève fut préparée, vu les épreuves et la tactique de la lutte pour le droit électoral en Belgique dans les dix dernières années, tout observateur attentif ne pouvait que douter fortement de l’efficacité de cette nouvelle expérience. Aujourd’hui, où la preuve par l’exemple a été faite et où nos camarades belges pensent avoir ajouter en tout cas, et pour longtemps, une nouvelle arme à leur arsenal, il est temps d’examiner cette arme elle-même. Il est nécessaire de se poser cette question : La grève d’avril, en raison de son organisation, ne portait-elle pas en elle-même les germes de sa stérilité, et l’expérience qui vient d’être tentée n’est-elle pas faite pour nous encourager à la révision de cette tactique plutôt qu’à l’imiter ? »

    Leipziger Volkszeitung, 15 mai 1913

  • Rosa Luxemburg rajoute :

    Il est hors de doute que dans de telles grèves de masse se dégage une forte étincelle révolutionnaire ; que, dans une atmosphère chargée, dans une situation où la tension des antagonismes a acquis une certaine acuité elles peuvent amener de véritables collisions avec les pouvoirs publics. Mais il n’est pas moins sûr que c’est précisément la pression de telles grèves qui exerce le plus rapidement son effet et qui contraint généralement les classes dominantes à céder avant qu’on arrive aux dernières extrémités, avant qu’une rencontre générale avec la force publique soit amenée par la situation. Le cours des grèves belges de 1891 et de 1893 en est la confirmation complète. De même, en 1905, il suffit au prolétariat autrichien de suivre l’exemple contagieux des combattants révolutionnaires russes et d’entreprendre son mouvement spontané pour contraindre les détenteurs du pouvoir à céder avant qu’un règlement de comptes violent fût nécessaire. La même preuve est fournie par de nombreux autres cas tirés de la pratique du prolétariat international dans les cinquante dernières années : ce n’est pas l’emploi de la force physique, mais bien la résolution révolutionnaire des masses de ne pas se laisser effrayer, le cas échéant, dans leur action de grève par les conséquences les plus extrêmes de la lutte et de faire tous les sacrifices nécessaires qui confèrent à cette action une puissance si irrésistible qu’elle peut souvent amener dans un court laps de temps de notables victoires.

    A la base de la grève d’avril en Belgique, au contraire, il y a l’idée d’éviter toute situation révolutionnaire, tout défaut de calcul, tout tournant imprévu de la lutte, en un mot, d’écarter préalablement tout risque et tout danger et de fixer, presque une année à l’avance, toute la campagne. Mais de ce fait, les camarades belges ont enlevé à leur grève générale toute sa valeur de choc. L’énergie révolutionnaire des masses ne se laisse pas mettre en bouteille et une grande lutte populaire ne se laisse pas conduire comme une parade militaire. De deux choses l’une : ou bien on provoque un assaut politique des masses, ou plus exactement, comme un tel assaut ne se provoque pas artificiellement, on laisse les masses excitées partir à l’assaut, et il leur faut alors tout faire pour rendre cet assaut encore plus impétueux, plus formidable, plus concentré, mais alors on n’a pas le droit, juste au moment où l’assaut se déclenche, de le retarder pendant neuf mois afin de lui préparer, dans l’intervalle, son ordre de marche. Ou bien, on ne veut pas d’assaut général, mais alors une grève de masse est une partie perdue d’avance. Si, en avril, ainsi que les chefs l’ont assuré au congrès, on devait seulement faire une démonstration de la discipline et de la volonté unique de la classe ouvrière, il n’était point besoin de dix jours de grève pour cela, et c’était payer trop cher une préparation de neuf mois. Les prolétaires belges étaient depuis fort longtemps déjà prêts à une telle démonstration et s’y étaient déjà plusieurs fois préparés. Mais si ce devait être une grève de combat, la façon dont on l’exécuta était peu propre à en faire une grève victorieuse.

    Il est clair, en tout cas – et c’est ce que confirme l’histoire des grèves de masses dans les différents pays – que plutôt une grève politique tombe rapidement et inopinément sur la tête des classes dirigeantes, plus l’effet en est grand et les chances de victoire considérables. Lorsque le Parti Ouvrier annonce, trois trimestres à l’avance, son intention de déclencher une grève politique, ce n’est pas seulement lui, mais aussi la bourgeoisie et l’Etat qui gagnent tout le temps nécessaire pour se préparer matériellement et psychologiquement à cet événement.

    D’ailleurs, les longs et laborieux efforts d’épargne des prolétaires belges, si admirables dans leur idéalisme, eurent l’inconvénient de toucher fortement, pendant toute leur durée, les intérêts économiques de la petite bourgeoisie, des boutiquiers et des commerçants, de cette couche dont les sympathies sont les premières à aller à la classe ouvrière. Grâce à la longue préparation de la grève, la grande bourgeoisie put esquiver, dans une large mesure, le coup que toute grève spontanée des masses lui porte à elle d’abord.

    L’efficacité de toute grève politique de combat dépend aussi de la collaboration du personnel occupé dans les services publics. Lorsque les camarades belges – ainsi qu’il ressort de leur intention de faire une grève longue et pacifique – ont renoncé à arrêter les services publics, ils ont certes enlevé à leur grève tout « caractère illégal », mais en même temps ils l’ont privée de son efficacité en tant que moyen de contrainte rapide et d’intimidation de l’opinion publique et de l’Etat.

    En un mot, toutes les qualités de la grève d’avril qui, suivant les intentions du parti belge, devaient lui donner le caractère méthodique d’une action syndicale, lui ont enlevé par cela même, dans une large mesure, son efficacité de grève politique.

    Bien plus, nous avons vu dans l’histoire de la lutte pour le droit électoral en Belgique que les chefs du parti interdisaient réellement, depuis quinze ans environ, la grève de masse, et qu’ils cherchent constamment à la reculer, à l’empêcher. Finalement, cette tactique a eu cependant, chose curieuse, le résultat contraire à celui qu’elle poursuivait. La grève continuellement ajournée au moment où elle devait se déchaîner impétueusement, est devenue maintenant non seulement pour la réaction, mais aussi pour le parti, une véritable épée de Damoclès. Depuis neuf mois déjà, le parti belge est sous la hantise des préparatifs de la grève de masse. Une fois que la grève a été brisée en avril à la première ombre de concession, le parti, au congrès du 24 avril, a dû évidemment la faire rentrer dans ses nouvelles perspectives. La tactique même qui interdisait toute rencontre impétueuse de la masse avec la réaction, a fait de la menace de la grève générale quelque chose de chronique.

  • L’Irlande ouvrière et populaire s’enflamme en 1913…

    En août 1913, 40 puis 300 ouvriers sont licenciés, accusés d’appartenir au syndicat. Le patronat, mené par Murphy, fait venir des ouvriers britanniques et irlandais originaires d’autres comtés, pour remplacer les licenciés. On les surnomment les Scabs. C’est le grand Lock Out.

    La Grande Grève de Dublin éclate. D’abord au sein de la compagnie des tramways de Murphy puis dans les filatures à travers toute la ville. A l’appel de Jim Larkin, les Dublinois descendent dans la rue, soutenus par certains intellectuels irlandais nationalistes (WB Yeat, Bernard Shaw). Dublin est totalement paralysé.

    La police dublinoise (britannique) charge les manifestants et des victimes tombent. Une milice est alors formée pour protéger les ouvriers. Ce sera l’Irish Citizen Army, qui prendra activement part à l’insurrection de 1916 pour l’indépendance de l’Irlande.

    Le début de la Première guerre mondiale en 1914, l’hiver rigoureux et le manque cruel de nourriture dans la capitale mettront fin à cette première grève sociale irlandaise.

    Le conflit marquera les esprits à un point tel que, depuis cette date, le patronat irlandais a toujours cherché la négociation plutôt que le conflit avec les ouvriers et les employés.

    Tout avait commencé avec l’arrivée à Dublin de James « Big Jim » Larkin. « God sent Larkin in 1913, a labor man with a union tongue / He raised the workers and gave them courage ; he was their hero, the worker’s son », chanteront les Irlandais en sa mémoire. Il crée un syndicat de masse pour les ouvriers, l’Irish transport and general workers union (ITGWU). Face à lui, William Murphy, le très catholique et indépendantiste dirigeant du patronat dublinois, réagit radicalement : renvoi des ouvriers arborant le badge de l’ITGWU et obligation pour tous les travailleurs de signer un document par lequel ils s’engagent à ne jamais adhérer au syndicat. La grève éclate, d’abord dans les tramways dirigés par Murphy, puis sur les docks et gagne, par solidarité, rapidement les filatures… toute la ville. Jusqu’à la fin de l’année, Dublin est complètement paralysée.
    Tous les grévistes ne partagent pas les idéaux révolutionnaires de Larkin ! C’est la défense des ouvriers licenciés et le refus de se soumettre au diktat de Murphy qui animent les premières revendications. Un meeting était interdit ? Les grévistes occupaient la rue et l’organisaient quand même, défiant le pouvoir, le patronat et les charges policières qui laissent derrières elles de nombreuses victimes.
    C’est toute la société irlandaise qui se retrouve coupée en deux selon une ligne de fracture toute nouvelle : d’un côté pour les ouvriers en grève, de l’autre pour l’ordre et William Murphy. Indépendantistes ou unionistes, catholiques ou anglicans, irlandais ou anglo-irlandais, se retrouvent dans les deux camps, entre ceux prêts à mourir pour leur cause et ceux prêts à les affamer.
    D’ailleurs, le pain devient très vite le nerf de la guerre. Des comités d’aide aux grévistes, souvent animés par les femmes issues des mouvements nationalistes et féministes, comme l’actrice Maud Gonne ou Constance – « la Comtesse Rouge » – Markievicz, organisent des soupes populaires « rouges » ou de « charité ». Des chargements de nourriture sont envoyés par les syndicats anglais. Et c’est là que l’Église catholique réveille son vieux démon : cette charité internationaliste ressemble trop à un complot pour convertir ses ouailles aux diaboliques athéisme et pire, protestantisme. Avec le projet des syndicalistes d’envoyer en Angleterre les enfants affamés de Dublin pour les sauver, la coupe est pleine ! Walsh, l’évêque de Dublin, dira : « Elles ne méritent plus le nom de mères catholiques si elles oublient leur devoir au point d’envoyer leurs enfants dans un pays étranger… » L’Église reçoit le soutien de quelques grands noms de la cause nationaliste comme Arthur Griffith, fondateur du Sinn Féin.

    Finalement, c’est l’hiver 1913-1914 et ses rigueurs qui auront raison du mouvement. Vaincus par la faim, le découragement et la violence de la campagne anti-gréviste menée par les catholiques, les travailleurs retournent à leurs postes tandis que Larkin part pour les U.S.A. La relève sera assurée par son camarade James Connolly qui allie dans un même mouvement socialisme révolutionnaire et nationalisme irlandais, autour de l’Irish Citizen Army (ICA), créée et armée à l’origine pour défendre les grévistes de 1913. Aux côtés des nationalistes conservateurs, Connolly dirigera l’insurrection de Pâques 1916 à l’issue sanglante.

  • Les années qui précèdent la première guerre mondiale sont celles d’une montée gréviste et révolutionnaire en Russie.

    Le 1er mai 1912, la grève fut ainsi portée par près de 400 000 ouvriers.

    Pour la première fois, lors des élections parlementaires, sur les 9 députés de la « curie ouvrière », 6 étaient des bolcheviks.

    Fin 1912 et en 1913, des luttes ouvrières radicales démarrent…

    Il y a une remontée des mouvements de grève ; entre 725.000 et un million de prolétaires seront en grève en 1912, ce qui revient aux chiffres d’un million d’ouvriers en grève en 1906 et de 740.000 en 1907. En 1913 les chiffres seront compris entre 861.000 et 1.272.000, et lors des six premiers mois de 1914 les grévistes auront été 1,5 million.

    Par exemple, à l’usine Grisov à Moscou en 1913, une grève a éclaté parce que “l’attitude de l’administration de l’usine est révoltante. Il s’agit ni plus ni moins que de la prostitution”. Les grévistes revendiquaient entre autres choses de la politesse envers les ouvrières, et l’interdiction des gros mots.

    La journée internationale des femmes est introduite en Russie le 23 février 1913 et elle a du succès parmi les ouvrières (rappelons que ce sera la journée internationale des femmes qui démarrera la révolution de 1917).

    En juin 1913, ce sont des mouvements de grèves en Russie (1,75 million de grévistes de juin à juillet 1914).

    Les grèves se généralisaient, dans la première partie de 1914, il y avait 1,5 million de grévistes. A l’usine Oboukhov de Pétersbourg, la grève dura plus de deux mois ; celle de l’usine Lessner, près de trois mois. La répression était proportionnelle ; rien qu’en mars 1914, à Saint-Pétersbourg, 70 000 ouvriers furent renvoyés en un seul jour.

    En juillet 1914, la situation se transforma en crise de grande ampleur, comme un écho de 1905. Toutes les usines étaient en ébullition ; meetings et manifestations se déroulaient partout. On en vint même à dresser des barricades, comme à Bakou et à Lodz. En plusieurs endroits, la police tira sur les ouvriers et pour écraser le mouvement, le gouvernement décréta des mesures d’ « exception » ; la capitale avait été transformée en camp retranché. La Pravda fut interdite.

    C’est alors que la guerre impérialiste fut déclarée, le régime en profitant pour écraser les révoltes pour lancer une campagne de nationalisme.

  • Le Corep demandait :

    « La guerre mondiale est-elle causée par de multiples révolutions en cours ? »

    Et il répondait :

    « De toute façon, l’exemple des « précédentes guerres mondiales » invalide son interprétation cavalière. Le seul pays impérialiste où se produit une montée révolutionnaire avant la 1e Guerre mondiale est la Russie. Or, ce n’est pas le tsar qui déclenche la guerre.
    La cause fondamentale n’est pas la décision maîtrisée et cynique des capitalistes d’échapper à la révolution mais plutôt le choc incontrôlé des bourgeoisies impérialistes entre elles,pour conserver leurs positions mondiales ou tenter de les améliorer. »

    Les faits précédemment cités démontrent que la révolution montait partout dans le monde et notamment dans tous les empires : russe, ottoman, austro-hongrois, chinois... mai aussi en Allemagne, durement frappée par la crise du capitalisme...

  • Si la guerre mondiale impérialiste de 1914-1918, si le coup d’Etat de Kornilov en Russie en 1917 ou le coup d’Etat de Franco ont été des occasions de ripostes révolutionnaires prolétariennes d’ampleur, c’est d’abord parce que ces attaques contre les peuples et les travailleurs avaient elles-mêmes été causées par la montée des menaces révolutionnaires prolétariennes.

    Il n’a jamais existé, dans la société bourgeoise, de grande guerre, de guerre mondiale, de grand massacre, de génocide, de fascisme ou de dictature violente qui ne soit motivée par la crainte des classes dirigeantes et cette crainte est bel et bien l’éloge du vice à la vertu, la reconnaissance par les bourgeois des risques que représentent les exploités….

    Jamais ces bourgeoisies n’auraient lancé le génocide des Juifs ou des Arméniens, la « guerre civile » algérienne, le génocide rwandais, ni les fascismes italien, allemand, français, espagnol, portugais, grec ou chilien, ni les dictatures militaires latino-américaines sans les menaces révolutionnaires prolétariennes qui menaçaient à court terme ces bourgeoisies.

    Jamais elles n’auraient lancé les guerres mondiales sans cette menace révolutionnaire prolétarienne liée aux crises économiques mondiales.

    Bien des commentateurs ne relient la première guerre mondiale qu’à la concurrence coloniale ou à celle concernant les ressources minières mais les grandes puissances pouvaient tout à fait continuer à se combattre et à négocier sur les différents territoriaux sans prendre le risque de mettre le monde à feu et à sang en risquant d’ailleurs exactement ce qui allait se passer : que la guerre mondiale provoque la révolution mondiale ! Ces classes dirigeantes ne pouvaient prendre ce risque que si la révolution prolétarienne mondiale était déjà là si elles n’entraient pas en guerre…

    La guerre, la guerre civile, la dictature, le fascisme, le génocide ont été des moyens de faire face à la menace de déstabilisation sociale en faisant basculer toute la société dans la barbarie massive pour éviter que les prolétaires ne menacent la classe possédante.

  • N’oublions pas que la guerre impérialiste est la tentative ultime de la bourgeoisie d’éviter momentanément la révolution sociale. En 1914-1918 comme en 1939-1945, des millions d’êtres humains sont morts non seulement parce que les bourgeoisies s’affrontent mais parce qu’elles sont mortellement ennemis de la classe prolétarienne. Voilà ce que ne vous diront jamais les historiens officiels, voilà ce que ne vous diront jamais les partis réformistes ou les partis opportunistes qui se disent révolutionnaires. La guerre, c’est la lutte des classes exacerbée, violente. La guerre mondiale, c’est la lutte des classes parvenue au point d’une violence la plus extrême. Les questions nationales n’ont jamais et nulle part effacé la lutte des classes, dans une guerre moins que dans toute autre situation. Si les classes dirigeantes jettent le monde dans une violence intense, c’est en proportion des craintes qu’elles ont du prolétariat révolutionnaire. C’est un point dont on ne peut sous-estimer l’importance pour la compréhension des situations actuelles. La violence développée en Ukraine, en Syrie ou en Palestine ne s’expliquent qu’ainsi. Plus le monde capitaliste est tombé dans une crise inexorable, plus il développe la violence aux quatre coins de la planète et n’attend que le prochain effondrement financier qu’il ne pourra pas gérer pour la généraliser en guerre mondiale.

  • C’était un matin d’avril 1913l, un lendemain de Pâques, cette fête que célébraient nombre des immigrés grecs de Ludlow (Colorado). Trois membres de la garde nationale étaient venus ordonner la libération d’un homme prétendument retenu contre son gré. Louis Tikas, le responsable du camp, s’était alors rendu à la gare, distante d’un kilomètre, afin de rencontrer le commandant du détachement. Pendant leur rencontre, deux compagnies installèrent des canons sur une crête dominant le camp de mineurs. Tikas sentit le coup fourré et retourna auprès des siens. Le feu fut déclenché peu après.

    Après plusieurs mois de grève dans les mines de Ludlow au Colorado, appartenant 
à Rockefeller, la garde nationale et des nervis payés par les patrons de 
la mine attaquent le camp retranché des mineurs. Une des plus violentes lutte entre les travailleurs et le capital dans l’histoire des États-Unis…

    La bataille dura toute la journée. Des gardes sans uniforme, payés par les patrons de la mine, vinrent renforcer les miliciens du lieutenant Karl Linderfelt. Alors que le soleil se couchait, le passage d’un train permit à un certain nombre de mineurs de prendre la fuite. Quelques minutes plus tard, la soldatesque s’empara du camp. Louis Tikas fut arrêté en compagnie de deux autres mineurs. Son corps fut retrouvé le long de la ligne de chemin de fer. Il avait été abattu dans le dos. Sa dépouille resta trois jours de suite à la vue de tous, passagers des trains qui circulaient et résidents. Il fallait faire un exemple. Avec le leader syndicaliste, deux femmes, douze enfants, cinq mineurs et syndicalistes et un garde furent tués ce 20 avril 1914 à Ludlow, terme, selon Howard Zinn, de l’une 
des « plus amères et violentes luttes entre les travailleurs et le capital dans l’histoire de ce pays ».

    Tout avait commencé en septembre 1913. Les 1 100 mineurs de la Colorado Fuel and Iron Corporation, détenue par la famille Rockefeller, se mirent en grève après le meurtre d’un syndicaliste. Ils ajoutèrent à leurs revendications une augmentation des salaires, la journée de huit heures de travail, la reconnaissance du syndicat et la fin du contrôle total de leur vie par la compagnie, qui en fit aussitôt démonstration, en les expulsant de leurs baraquements. Avec l’aide du Syndicat uni des mineurs (United Mine Workers Union), les grévistes dressèrent alors des tentes sur les collines voisines. Rockefeller embaucha les cerbères de l’agence de « détectives » Baldwin-Felts, spécialisée, tout comme l’agence Pinkerton, dans la répression syndicale. Une première « descente » échoua à briser le mouvement, malgré plusieurs morts dans le camp des grévistes. Le milliardaire Rockefeller se tourna alors vers « notre cher petit cow-boy de gouverneur » qui, ni une ni deux, fit appel à la garde nationale, 
créée en 1903. Les grévistes l’accueillirent avec acclamations et drapeaux au vent. Ils pensaient que la réserve de l’armée des États-Unis était venue pour les protéger… Ils déchantèrent rapidement lorsque les soldats attaquèrent le camp, arrêtèrent des centaines de mineurs et les firent parader, comme des prises de guerre, dans les rues de Trinidad, la ville la plus proche. Le mouvement tint pourtant bon tout l’hiver, jusqu’au 20 avril 1914, où il fut décidé d’en finir avec ces ouvriers rebelles. La réaction au massacre de Ludlow fut immédiate. À Denver, le syndicat des mineurs lança un « appel aux armes ». Trois cents mineurs rescapés s’armèrent et, à Ludlow, coupèrent 
le téléphone et le télégraphe, se préparant à la bataille. Les cheminots refusèrent d’emmener les soldats sur place, tandis qu’à Denver, ce sont des soldats eux-mêmes qui mirent l’arme au pied.

    À Trinidad, la colère des mineurs dégénéra. Après les funérailles des victimes du massacre, des mineurs se rendirent dans les mines, firent exploser des puits et tuèrent plusieurs gardes. 
À Denver, le syndicat de l’industrie du tabac vota l’envoi de membres à Ludlow, tandis que des syndiquées de celui du textile se transformèrent en infirmières. L’affaire devint nationale mais un autre événement l’étouffa  : le bombardement de la ville mexicaine de Vera Cruz par l’armée américaine. « La ferveur patriotique et l’esprit militariste pouvaient-ils dissimuler la lutte des classes », s’interrogeait Howard Zinn dans son Histoire populaire des États-Unis. La réponse fut, semble-t-il, positive. Au final, des troupes fédérales furent dépêchées à Ludlow sur ordre du président Woodrow Wilson. Faute d’argent, le mouvement de grève périclita en décembre. Il y eut une enquête parlementaire, des milliers de pages de témoignages. Les soldats de la garde nationale, traduits en cour martiale, furent acquittés. Les grévistes furent remplacés par de nouveaux ouvriers. Sur le Vieux Continent, un autre siècle avait déjà commencé dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, un siècle qui fut aussi celui de la reconnaissance des droits des salariés portés par les mineurs de Ludlow.

  • la révolution sociale, cause la première guerre mondiale, ce n’est pas très classique, non ?

    on a eu tout mais pas ça….

    On a eu les alliances, les Balkans, le terrorisme, l’archiduc assassiné, l’Alsace et la Lorraine, les colonies, la course aux armements, l’Allemagne, la Russie, l’Autriche, la France. On a même eu la nature humaine, la faute des chefs d’Etat, la mentalité des peuples, le militarisme, les intérêts de l’armement, ceux des trusts et des banques, la concurrence mondiale, les crises, la violation de la neutralité, belge, l’impérialisme, le partage du monde, le blocs, les rancoeurs, le chauvinisme, etc. Mais la crainte des montées révolutionnaires suite aux crises comme cause des guerres mondiales, je ne m’en souviens pas. C’est neuf ?

  • Pas tout à fait. C’est ce que pensaient les révolutionnaires marxistes avant la première guerre mondiale mais ensuite, ils ont surtout insisté sur le fait que la guerre avait aussi produit la révolution.

    Aujourd’hui, on trouve des écrits en ce sens comme ceux de Jacques Pauwels.

    Aux éditions EPO vient de paraître, en néerlandais, son livre De Groote Klassenoorlog. 1914-1918 (« 1914-1918, la Grande Guerre des classes », qui sortira en français le 20 septembre, aux éditions Aden ; il sera donc en vente à ManiFiesta), un ouvrage incontournable sur la Première Guerre mondiale. Il voit deux causes principales à cette guerre : d’un côté, l’impérialisme ; ensuite, la peur de la révolution.

    « Les grandes puissances industrielles, les grandes banques et les grandes entreprises voulaient de nouvelles colonies – ou des semi-colonies sur lesquelles elles auraient exercé un contrôle indirect pour leurs matières premières, leur main-d’œuvre bon marché et leurs possibilités d’investissement. Ici réside certainement l’une des principales raisons de la guerre. »

    « Vers les années 1900 régnait parmi l’élite une « peur de la masse », la masse dangereuse qui connaissait une montée irrésistible. Pour endiguer ce danger, la guerre était une solution. L’élite voulait revenir au temps des seigneurs qui commandaient, et des esclaves qui obéissaient. Inconditionnellement. Le but était d’anéantir les idées révolutionnaires. Le retour en arrière. Précisément le genre de situation que l’on a dans l’armée : pas de discussion, pas de démocratie et un bel uniforme pour tout le monde. On voulait militariser la société. Il fallait donc une guerre. Et le plus tôt serait le mieux. Cet attentat à Sarajevo n’a pas été la raison de la guerre, c’était le prétexte pour enfin s’y lancer. Plus encore : en attendant trop longtemps, il se pouvait que, quelque part, les socialistes remportent les élections, et là, l’élite craignait la révolution. Les Britanniques et les Français, par exemple, ne pouvaient pas attendre trop longtemps, car ils craignaient qu’en Russie la révolution n’éclate. Dans ce cas, ils auraient perdu cet allié et n’auraient certainement plus pu être victorieux. À un moment donné, on ne put plus attendre. Cet attentat à Sarajevo n’a pas été la raison de la guerre, c’était le prétexte pour enfin s’y lancer. Tout comme la violation de la neutralité belge n’avait pas été une raison de partir en guerre contre l’Allemagne. Ils avaient besoin d’un prétexte… L’élite estimait qu’elle se trouvait tout en haut de l’échelle sociale, qu’elle était composée des meilleurs une fois pour toutes. Ils rationalisaient toute cette violence et tous ces morts : il y avait trop de monde et une guerre tomberait à point pour faire un peu de nettoyage, pour élaguer les classes inférieures. »
    A propos du livre « Le mythe de la bonne guerre » de Pauwells :

    Ces guerres étaient le meilleur moyen pour l’élite occidentale de faire face à la croissance des mouvements révolutionnaires et démocratiques, alimentés par des conditions économiques désastreuses et menaçant l’ordre établi.
    Pauwels raconte que selon Nietzsche par exemple, « la guerre était la solution contre la révolution, car, dans une guerre, il n’y a pas de discussions, comme c’est le cas en démocratie. Dans une guerre, la minorité, l’élite, décide et la majorité, les prolétaires, obéissent. »

  • Peu avant la première guerre mondiale, l’empire ottoman est particulièrement menacé par les multiples révoltes et révolutions, à la fois sociales et politiques, au même titre que l’empire russe qui l’est à la fois par la révolution prolétarienne, par la révolte paysanne et des nationalités opprimées par l’empire, prison des peuples.

    Avant 1914 et la guerre mondiale, on compte de multiples révoltes et révolutions :

     en avril 1903, c’est la révolte macédonienne

     en 1904-1911, c’est la révolution « jeune turque » qui va jusqu’à déposer Abdul-ul-Hamid et à prendre le pouvoir.

     en 1904-1911, c’est la révolte arabe et albanaise

     en 1907, c’est la révolte yéménite

     en 1907, c’est la jacquerie paysanne en Roumanie, écrasée militairement avec 10.000 morts.

     en octobre 1909, c’est la révolte crétoise

     puis les deux guerres balkaniques et la guerre italo-ottomane

     en 1910-1915, c’est l’armement de la population civile arménienne jusqu’aux massacres de 1915 par l’empire ottoman

    Et il faut encore y rajouter la révolte grecque, la révolte bulgare, la révolte serbe et yougoslave, etc…

    Se cumulent le nationalisme arabe, le nationalisme panslave, le nationalisme islamique, le nationalisme turc, les nationalismes des nationalités opprimées et le soulèvement social des travailleurs des villes et des campagnes, le mécontentement de la petite bourgeoisie.

    Comme la Russie, l’empire ottoman est une bombe prête à exploser. Les rivalités des impérialismes amènent ceux-ci à attiser tous les conflits au lieu de les désamorcer.

  • Fernand Braudel disait : « On a le droit d’affirmer que l’Occident, en 1914, AUTANT QU’AU BORD DE LA GUERRE, SE TROUVE AU BORD DU SOCIALISME. Celui-ci est sur le point de se saisir du pouvoir et de fabriquer une Europe moderne (...). En quelques jours, en quelques heures, la guerre aura ruiné ces espoirs. » La guerre fut la victoire des capitalistes sur les révolutionnaires et sur le prolétariat.

  • Selon Brzezinski, une alliance eurasienne pourrait naître d’une « coalition sino-russo-iranienne » avec Beijing pour centre :

    « Pour les stratèges chinois, face à la coalition trilatérale de l’Amérique, de l’Europe et du Japon, la riposte géopolitique la plus efficace pourrait bien être de tenter et de façonner une triple alliance qui leur soit propre, liant la Chine à l’Iran dans la région golfe Persique/Moyen-Orient et avec la Russie dans la région de l’ancienne Union soviétique. »

    Les Brics se sont opposé aux sanctions contre l’Iran et le dernier accord des USA avec l’Iran est certainement une tentative d’empêcher l’Iran d’adhérer aux BRICS. L’Iran veut faire partie du groupe des BRICS et de ses mécanismes financiers, déclarait le vice-ministre de l’Economie et des Finances de la République islamique, Behrouz Alisherí en 2013 :
    "L’Iran qui soutient le groupe des BRICS, est appelé à devenir l’un de ses membres dans le cadre de son fonds de réserve.

    Un accord pratiquement historique a été signé en janvier 2015 entre la Russie et l’Iran. L’accord intergouvernemental en question prévoit notamment l’élargissement des échanges de délégations, la coopération entre les états-majors des deux nations, la participation commune à des exercices militaires et à la formation du personnel, ainsi que l’échange d’expérience dans les activités visant l’instauration de la paix et la lutte contre le terrorisme. En effet, l’Iran partage avec la Russie et la Chine des positions communes sur le conflit syrien, en opposition totale avec les élites occidentales, qui ont parrainé et soutenu les barbares terroristes massacrant et martyrisant la population civile syrienne, et commis les pires crimes de guerre contre les représentants de l’Armée arabe syrienne. L’Iran a d’ailleurs exprimé il y a déjà un certain temps sa volonté de rejoindre les BRICS, ainsi que les mécanismes financiers de l’alliance. La nation perse est également observatrice auprès de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont la Russie et la Chine sont membres fondateurs avec des pays ex-membres de l’URSS d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan).

  • Les camarades de GMI-COREP nous affirment : "faites moins de philosophie et plus de politique" ou encore "assez de spéculations philosophiques" !

    « "Depuis quand êtes-vous devenus des spécialistes des problèmes philosophiques ?" demandent aujourd’hui avec ironie les opposants aux représentants de la majorité. L’ironie est ici complètement déplacée. Le socialisme scientifique est l’expression consciente du processus historique inconscient, c’est-à-dire de l’aspiration spontanée et instinctive du prolétariat à reconstruire la société sur des bases communistes. » écrivait Trotsky dans Défense du marxisme : voir ici

  • « La dialectique n’est ni une fiction, ni une mystique, mais la science des formes de notre pensée. » écrivait encore Trotsky.

  • Lénine écrit dans sa Résolution pour la Conférence internationale des femmes socialistes, Berne 26-28 mars 1915 :

    « Non seulement cette guerre ne sert pas les intérêts des ouvriers, mais elle est une arme dont usent les classes dirigeantes pour briser la solidarité prolétarienne internationale, et pour affaiblir le mouvement ouvrier et la lutte de classe à l’intérieur de chaque pays. »

    Et Lénine rajoute :

    « En prenant l’initiative d’organiser des manifestations révolutionnaires, en marchant la main dans la main avec le prolétariat, les ouvrières ont la possibilité d’ouvrir une nouvelle ère dans la lutte prolétarienne, au cours de laquelle le prolétariat des pays avancés parviendra à la conquête du socialisme, et celui des pays arriérés à la conquête de la république démocratique. »

    On remarquera que c’est exactement ce qui s’est produit en Octobre 1917 !...

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