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Qui était Max Höltz ?

lundi 22 décembre 2014, par Robert Paris

Qui était Max Hölz ?

Adresse de l’Internationale communiste pour Max Hoelz

AU PROLÉTARIAT ALLEMAND

Aux deux mille ans de prison et de peines correctionnelles qu’elle a infligés aux combattants de mars, la bourgeoisie allemande ajoute l’emprisonnement à perpétuité contre :

Max Hoelz

L’Internationale Communiste est adversaire de la terreur et des actes de sabotage individuel qui ne servent pas directement aux buts de combat de la guerre civile ; elle condamne la guerre de franc-tireur menée en dehors de la direction politique du prolétariat révolutionnaire. Mais l’Internationale Communiste voit en Max Hoelz l’un des plus courageux rebelles contre la société capitaliste, dont la rage s’exprime par des condamnations de prison et dont l’ordre se manifeste par les excès de la canaille qui sert de base à son régime. Les actes de Max Hoelz ne correspondaient pas au but poursuivi ; la terreur blanche ne saurait être brisée qu’à la suite du soulèvement des masses ouvrières, ce n’est qu’ainsi que le prolétariat pourra conquérir la victoire. Mais ces actes lui étaient dictés par son amour pour le prolétariat, par sa haine contre la bourgeoisie.

Le Congrès adresse donc ses salutations fraternelles à Max Hoelz. Il le recommande à la protection du prolétariat allemand et exprime son espoir de le voir lutter dans les rangs du Parti Communiste pour la cause de l’affranchissement des ouvriers, le jour où les prolétaires allemands auront brisé les portes de sa prison.

Qui était Max Hölz

A propos de Max Hölz

L’action de mars 1921 (en anglais)

Un rebelle dans la révolution

Le KPD et l’action de mars

L’action spontanée de mars 1921

Ouvrier et autodidacte, Hoelz organisa une armée rouge dans la région du Vogtland sur la frontière tchèque pendant le putsch de Kapp, et créa une armée de 2 500 partisans en Allemagne centrale pendant l’Action de mars. Bien qu’à une échelle réduite, Hoelz et sa milice s’étaient audacieusement procuré des armes en désarmant les flics et les soldats et en réquisitionnant les munitions des usines locales. Hoelz était un communiste impulsif et primitif qui n’attendait généralement pas les instructions avant d’agir ; mais une direction intelligente aurait cherché à utiliser ses talents évidents de chef militaire.

En mars 1921, l’Allemagne centrale était agitée par les secousses profondes de la guerre civile. C’est là que, pourchassées, affamées, mais non pas vaincues, les avant-gardes révolutionnaires menaient une guérilla héroïque face aux automitrailleuses et aux lance-bombes de Severing, face aux mercenaires de la Schupo. Le soutien de la population ouvrière, qui les armait, les renseignait et les cachait de son mieux, était leur seul atout en face de la réaction triomphante. Et cependant, ils la tenaient en échec, rendant coup pour coup, sang pour sang, feu pour feu, expropriation pour expropriation. N’était la passivité des autres parties de l’Allemagne, ils auraient peut-être vaincu, avec le point d’appui de la Lena-Werke, l’usine géante du trust chimique IG Farben, qui avait été occupée par ses milliers d’ouvriers en armes et avait retourné un moment contre l’ennemi de classe sa puissance industrielle formidable !…

Le 22 mars 1921, Max Hoelz intervient dans une assemblée des mineurs d’Eisleben ; il prend l’initiative de lancer des actions militaires en formant des unités ouvrières armées. Des ouvriers venant d’autres régions s’y joignent. Dans les premiers affrontements ces groupes disposent d’une force supérieure par rapport à la police. En particulier, des ouvriers insurgés occupent le terrain de l’usine Leuna. Ici, le 23 mars est lancé l’appel à la grève générale concernant cette entreprise. La majorité des environ 20 000 travailleurs suit la grève ; cependant seulement environ 2000 grévistes dirigés par Bernhard Koenen restent dans l’usine. Le 29 mars, ils sont expulsés des lieux. Selon des chiffres officiels, 31 ouvriers sont tués. Le 1er avril la dernière unité conduite par M. Hoelz est défaite dans les environs de Beesenstedt.

Hoelz était entré à l’USPD en novembre 1918, puis en janvier 1919 au KPD et en février il avait constitué un groupe local du KPD à Falkenstein, dans la région du Vogtland. En avril il devint président du conseil de chômeurs de Falkenstein. Par la suite il était contraint d’agir dans la clandestinité. Il quitta temporairement la région et travaillait pour le KPD en Allemagne du centre et Bavière. Lorsque le 13 mars 1920 est perpétré le putsch Lüttwitz-Kapp, Hoelz se rend à Oelsnitz et se met en rapport avec le groupe local du KPD à Falkenstein. Cette localité, comme d’autres, se trouve investie depuis début février par l’armée gouvernementale. Hoelz organise avec d’autres une action militaire, et réussit à occuper Auerbach-Mühlgrün. Il participe à la constitution d’un comité d’action à Falkenstein, et par la suite agit en coordination avec le comité d’action d’Oelsnitz.

Lorsque le 23 mars 1920 la Centrale du KPD diffuse la consigne de cesser le combat armé, M. Hoelz refuse de suivre. Le 4 avril des représentants de la direction du KPD pour le district Erzgebirge-Vogtland demandent directement à Hoelz de mettre en oeuvre une retraite organisée de ses unités. Le 6, le congrès de district du Parti exclut Hoelz du parti pour violation de la discipline de parti.

Au sujet de l’Armée rouge constituée à partir de mi-mars autour de Max Hoelz dans la région industrielle de l’Allemagne centrale, le Vogtland, la direction de Chemnitz du KPD sous H. Brandler suit aussi cette attitude en argumentant que cela n’a pas de sens "d’organiser en Vogtland une Armée rouge" alors que se déroule "dans le reste de l’Allemagne l’étranglement des mineurs de la Ruhr sans résistance sérieuse.

Voici le texte de la résolution du KPD :

« La conférence du KPD du district Erzgebirge-Vogtland rejette le communisme primitif, qui se présente en Vogtland sous la direction de Hoelz, comme étant d’un type dépassé, qui ne correspond pas aux rapports de pouvoir actuels du capitalisme. Le trait caractéristique du communisme n’est pas, comme le déclare un appel d’Oelsnitz, de prendre là où il y a quelque chose pour le mettre là où il n’y a rien. Le communisme est le travail d’avant-garde pour rassembler l’ensemble de classe ouvrière avec un objectif clair, pour réveiller dans l’ensemble de la classe ouvrière la force révolutionnaire pour la réalisation du communisme, pour la transformation de l’ordre social, pour le transfert de la propriété des moyens de production vers la propriété de la société toute entière. Les actes de Hoelz ne sont pas la conséquence d’une grande force révolutionnaire du prolétariat de Vogtland et de l’Erzgebirge, mais au contraire, un signe de l’impuissance révolutionnaire. Le prolétariat du Erzgebirge n’agit pas révolutionnairement en tant que masse, mais sympathise seulement avec Hoelz parce qu’il espère que Hoelz avec sa centaine et demi de camarades prêts à affronter la mort fasse la révolution pour eux. C’est une illusion dangereuse qui fatalement entravera le développement vers la clarté communiste, si nous n’agissons pas pour la contenir. Les actions de Hoelz, aussi courageux que soit leur esprit de sacrifice, ne peuvent pallier à cette absence de force de la part de la masse du prolétariat en Vogtland et en Erzgebirge. Au contraire. Parce que les actions de Hoelz ne correspondent pas à la force réelle de la masse des travailleurs (seulement au souhait respectif) et parce que la situation révolutionnaire d’ensemble e l’Allemagne ne se trouve pas dans une ascension victorieuse mais s’est atténuée à cause de la traitrise de l’abandon de la lutte avant qu’elle ne puisse changer les rapports de pouvoir anciens, parce qu’il en est ainsi tout ce que Hoelz fait est incapable de servir à la consolidation du pouvoir révolutionnaire de la classe ouvrière. Cela n’a pas de sens d’organiser une armée rouge en Vogtland, tandis que pendant ce temps dans le reste de l’Allemagne s’effectue l’étranglement des mineurs de la Ruhr sans une riposte sérieuse. C’est le premier devoir de toute intervention politique, de mettre en cohérence mutuelle les actions du prolétariat ; nous en Erzgebirge ne pouvons pas au moment actuel passer à l’assaut isolément, mais nous devons affermir notre position jusqu’à ce que les travailleurs dans le reste du Reich nous auront rejoint. Bien que nous combattrons de la façon la plus résolu la campagne de dénigrement contre Hoelz de la part du gouvernement de Saxe et de toute la réaction, nous déclarons ici publiquement que nous rejetons les actions de Hoelz supposées remplacer les actions de la masse des travailleurs. Par ses actions confuses, Hoelz avec ses gens se place en dehors du Parti, puisque le Parti ne peut vivre que si les consignes du Parti dans son ensemble sont mises en oeuvre. »

À la fin, les braves combattants du KAP, dont la mobilisation de solidarité autour des insurgés avait été immédiate et sans réserve, furent écrasés, et les sbires de la bourgeoisie allemande eurent la joie de saisir celui qu’on appelait leur chef. Max Holz, le « général rouge », un homme de courage et d’initiative. Il fut traîné devant les tribunaux et flétri comme assassin, incendiaire et bandit par une bourgeoisie à laquelle son nom seul donnait encore la colique. Son attitude fut inébranlable et nous donnerons quelque jour le texte du réquisitoire dont il frappa, du haut du « banc d’infamie » où il se trouvait enchaîné, la société dont il était l’ennemi. Qu’il suffise de savoir que sa hautaine attitude, la menace dont son nom restait entouré, la solidarité du prolétariat lui épargnèrent la peine de mort. Il fut condamné au bagne. Le parti communiste (IIIe Internationale), qui était loin d’avoir joué un rôle brillant dans une action qu’il avait étourdiment déclenchée sans pouvoir y faire bonne figure, s’empressa du moins de saluer en Max Holz, membre de l’organisation tant calomniée des « communistes ouvriers » (antiparlementaristes spontanéistes), un lutteur prolétarien authentique, aussi désintéressé qu’énergique, et digne de devenir un symbole de la résistance ouvrière.

Après l’Action de mars, Hoelz fut condamné à perpétuité et resta en prison sept ans avant d’être relâché lors d’une amnistie. Le Comintern fit campagne pour sa libération et, dans une adresse du 25 juin 1921, salua en lui « l’un des plus courageux rebelles contre la société capitaliste », tout en notant : « Les actes de Max Hoelz ne correspondaient pas au but poursuivi ; la terreur blanche ne saurait être brisée qu’à la suite du soulèvement des masses ouvrières, ce n’est qu’ainsi que le prolétariat pourra conquérir la victoire. Mais ces actes lui étaient dictés par son amour pour le prolétariat, par sa haine contre la bourgeoisie. »

Lors de son procès, Hoelz retourna l’accusation contre ses accusateurs, et dit que c’était la société bourgeoise qui était le véritable accusé. Après quatre ans dans l’armée pendant la guerre, Hoelz était devenu pacifiste mais ses expériences le convainquirent rapidement qu’on ne peut rien changer par des mots ou par de vains appels à la bourgeoisie pour qu’elle soit plus juste. Certes, disait-il, il avait eu recours à la force mais cela n’était rien comparé à l’orgie de violence gratuite perpétrée sans discernement par les organisateurs de la terreur blanche. Les cruautés commises par la bourgeoisie allaient endurcir les ouvriers et les rendre moins crédules. Hoelz se moqua du procureur lorsque celui-ci prétendit que le changement pourrait venir des élections : « Ce qui s’est passé en Allemagne en 1918 n’est pas une révolution ! Je ne reconnais que deux révolutions : la française et la russe » (Hoelz’ Anklagerede gegen die bürgerliche Gesellschaft [Réquisitoire de Hoelz contre la société bourgeoise], 1921).

Brandler fut jugé quelques semaines avant Hoelz. Le contraste est saisissant : avec une couardise et un manque de solidarité déplorables, Brandler nia toute implication dans les appels au soulèvement armé et chercha à sauver sa peau en rejetant la responsabilité de la violence sur Hoelz et les ultra-gauches du Parti communiste ouvrier (KAPD). Brandler assura au procureur que le pouvoir ouvrier était compatible avec la constitution bourgeoise. « Je dis : la dictature du prolétariat est possible même sous la constitution allemande ! » Il ajouta : « Depuis 1918, la possibilité de déterminer le sort de l’Allemagne par des soulèvements armés s’est de plus en plus réduite. » Se dissociant complètement des autres cibles de la répression de l’Etat, Brandler déclara à la cour : « Dans le KAPD, il y en a beaucoup qui pensent qu’on peut arriver à cette très longue méthode pour prendre le pouvoir par le sabotage et la terreur individuelle. Ces gens-là, nous les avons exclus du parti en 1919 » (Der Hochverratsprozess gegen Heinrich Brandler vor dem ausserordentlichen Gericht am 6. Juni 1921 in Berlin [Le procès pour haute trahison de Heinrich Brandler devant la cour spéciale le 6 juin 1921 à Berlin], 1921).

Voilà qui est révélateur de l’état d’esprit de la direction du KPD après l’Action de mars. Après s’être brûlé les doigts, ceux qui auparavant s’enflammaient pour « l’offensive permanente » comme Brandler, Thalheimer et Meyer se prosternaient maintenant devant le légalisme et la respectabilité bourgeoise. Lors d’une réunion du politburo russe en août 1923, Trotsky, parlant de la direction allemande, déclara acerbe : « C’est une mentalité de chien battu qu’ils ont là-bas après l’expérience de l’échec de [l’Action de] mars » (Compte-rendu de discussion « Sur la situation internationale » à la session du politburo du CC du P.C.(b)R. du 21 août 1923, Istochnik, mai 1995 [notre traduction]).

En 1919 et 1920, il n’y avait pas de parti communiste de masse qui soit en mesure d’exploiter les possibilités révolutionnaires. En 1921, les communistes ont pris pour une situation insurrectionnelle ce qui n’était qu’une éruption de lutte de classe, certes très puissante mais limitée à certaines couches. Par contre, la radicalisation généralisée précipitée par l’occupation de la Ruhr et la présence d’un parti communiste de masse offraient une occasion extraordinaire de lutter pour le pouvoir.

Max Hölz sous quatre déguisements différents

Discours de Max Hölz à son procès :

Lorsque je suis arrivé en Allemagne centrale, pas un seul ouvrier n’avait encore une arme. Je me trouvais à Berlin au mois de mars. Je pensais que mon devoir de révolutionnaire était de m’y rendre et de me mettre à la disposition des camarades. Lorsque je suis arrivé, des comités d’actions avaient déjà été formés. D’après les informations dont nous disposions, nous pouvions penser que le prolétariat révolutionnaire tout entier se soulèverait avec décision contre la provocation de Hörsing. A la suite de l’attitude félone de la SPD et en particulier de l’USPD, il n’y eut pas d’action unitaire et massive du prolétariat. C’est uniquement lorsque la police de sécurité procéda à des arrestations lors de son arrivée à Eisleben et à Hettstedt et qu’elle maltraita quelques camarades que la classe ouvrière prit spontanément les armes. Je me chargeai des tâches militaires que l’on m’attribua. J’ai utilisé tous les moyens, non pas parce que je place la violence au-dessus de tout, mais je reconnais que la lutte de classe du prolétariat ne pourra être menée à son but final sans recourir à la violence. Il y a deux ans encore, je croyais que l’idée communiste de la libération du prolétariat pouvait être menée comme une lutte économique sans utiliser la violence. Si la classe ouvrière recourt à celle-ci, elle le fait pour répondre à la violence que la classe dominante oppose au combat du prolétariat pour l’existence et pour l’émancipation. Quand, aujourd’hui, un orateur communiste prend la parole au cours d’une réunion où il diffuse ses idées, il est poursuivi et opprimé par l’ordre capitaliste qui utilise tous les moyens. Par contre, tout recours à la violence de la part de la classe opprimée est qualifié de crime, de délit, par l’opinion publique de la bourgeoisie. La classe dominante nous garantit uniquement sur le papier la liberté de réunion et de parole. Dans la pratique, les journaux communistes sont interdits, les réunions communistes sont entravées, et tout cela par la violence. Les assassins réactionnaires sont protégés par une justice corrompue. Durant ces deux dernières années, des milliers de travailleurs ont été tués au mépris du droit. Mais les tribunaux bourgeois l’ont nié. La société bourgeoise est avide du sang des dirigeants ouvriers. Je vous pose cette question : est-ce que les ouvriers révolutionnaires ont tué, ne serait-ce qu’une seule fois, un dirigeant de la société bourgeoise ? Les ouvriers ont-ils tué un seul roi, un seul ministre, ou un seul dirigeant de parti ? Le prolétariat révolutionnaire n’a pas commis un seul assassinat en Allemagne. Combien de meurtres politiques la société bourgeoise allemande a-t-elle sur la conscience ? Combien de dirigeants intellectuels ont été massacrés par la société bourgeoise ? Je rappellerais seulement Liebknecht, Rosa Luxemburg, Jogichès, Landauer, Paasche, Eisner, Sylt et dernièrement Gareis. Aucun de ceux-là n’est tombé lors d’une lutte, ils ont tous été assassinés par derrière. Vous m’attribuez la mort du propriétaire Hess. D’un point de vue purement humain, je regrette la mort de Hess – mais Hess n’a pas été massacré, il est plutôt tombé lors d’un combat dans le cadre de l’action révolutionnaire. Au Vogtland, nous avons pris le pouvoir, mais pas un seul juge ou avocat général n’a été maltraité. Par contre, où vous avez le pouvoir, des centaines de prolétaires ont été frappés à mort dans des guet-apens. Partout, des traces sanglantes ont marqué l’avancée de la Reichswehr et de la police de sécurité. Ce procès l’a bien prouvé. A Schrapplau, six ouvriers ont été assassinés par la police de sécurité. Les cadavres gisaient sans armes, la poitrine broyée, dans les fours à chaux du village. Mais pas un avocat général, pas un juge n’a fait expier ce crime. Aux usines Leuna, quarante-deux ouvriers ont été abattus comme des bêtes par la police de sécurité.

 Le président : Ce sont des affirmations unilatérales de votre part qui ne font pas l’objet de ce procès. Je vous interdis ce genre d’accusations.

Hölz :A Hettstedt, deux ouvriers ont été assassinés par la police. Un ouvrier de cinquante-huit ans a été fusillé sans raison dans la rue. Un ouvrier de seize ans refusait de se laisser fouiller dans la rue. Il fut collé au mur, fusillé, et lorsqu’il fut allongé sur le sol, mort, un officier le frappa par trois fois au visage du talon de sa botte.

 Le président : Si vous continuez ainsi, je vous retire la parole.

Hölz : Je sais bien que vous ne voulez pas écouter. Ce procès a montré que je ne suis pas l’accusé mais que c’est bien l’ordre bourgeois qui l’est. Tous vos jugements sont hostiles au prolétariat révolutionnaire. Vous ne me condamnez pas, vous vous condamnez vous-mêmes. Je suis convaincu que pendant ce procès vous avez plus servi la révolution que moi pendant toute mon activité révolutionnaire. Si je n’avais pas vu avec quel mépris de la mort la classe ouvrière combattait, je n’aurais pas trouvé la force de rester à la hauteur des efforts demandés par ces audiences. J’aurais perdu tout espoir dans ma cellule si je n’avais pas eu le sentiment d’une affinité avec les combattants prolétaires. Quand je m’oppose à vous de cette manière, vous appelez cela insolence, moi je l’appelle conscience de classe révolutionnaire, car c’est bien la conscience de ne pas être seul dans un combat gigantesque. Il y a sur cette terre des millions de gens qui sont d’accord avec notre cause et ils seront demain des centaines de millions. Cette certitude me donne la force et la persévérance de supporter ce que l’on m’impose aujourd’hui. J’espère que le prolétariat révolutionnaire vous fera payer tout ce que vous avez fait à la classe ouvrière. Vous dites que vous ne le craignez pas. Je vous connais trop peu pour vous dénier tout courage personnel. Mais j’affirme que la société bourgeoise dont vous êtes le représentant tremble aujourd’hui devant le prolétariat révolutionnaire. Cela explique cette procédure contre moi, sous la protection de pouvoir armé. La police de sécurité est là pour endiguer le prolétariat révolutionnaire. J’ai déjà dit que je ne veux rien répondre à l’acte d’accusation. Je ne reconnais pas les attendus de l’avocat général, je ne reconnais pas le verdict du tribunal. Il s’agit pour moi de présenter clairement à la classe ouvrière les raisons pour lesquelles j’agis ainsi. Je défens mes actes avec le courage que doit avoir tout combattant révolutionnaire. Si j’avais abattu un homme par nécessité révolutionnaire ou j’en avais donné l’ordre, j’aurais annoncé la couleur. Vous allez prononcer aujourd’hui une sentence de mort contre moi. Vous n’allez pas tuer grand-chose. Vous allez tuer un corps. Mais vous ne pouvez pas tuer l’esprit. Vous le « jugez », comme vous le dites. Vous abattez du bois, mais des milliers d’autres arbres vont pousser, qui se transformeront en acier, et ils ne feront pas la révolution à coups de gifles. Il viendra un temps où le prolétariat ne pourra plus dire : « Nous ne pouvons pas combattre, nous n’avons pas d’armes ». Il doit combattre avec ses mains, avec ses poings ! Tant que la classe dominante pourra disperser avec deux ou trois mitrailleuses dix mille manifestants, elle continuera à dominer. Mais le jour où le prolétariat se précipitera sur les armes et les retournera contre la classe dominante, alors arrivera la vraie révolution. Vous et la classe dominante allez trembler devant elle. Ce qui s’est passé en 1918 en Allemagne n’était pas une révolution. Les lâches aristocrates se sont enfuis, et ces braves messieurs Ebert et Scheidemann se sont assis sur des sièges vides. Je ne connais que deux révolutions : la française et la russe. L’allemande dépasse toutes les autres en atrocités. Elle les calcula froidement. Le sentiment est du côté du prolétariat. La bourgeoisie considère que le prolétariat est mineur en politique. Il ne peut pas encore répondre aux atrocités qu’elle a commise contre lui. Il a encore trop de sentiments. Mais le jour viendra où le prolétariat se vengera. Alors seule la froide raison tranchera. Si aujourd’hui vous me condamnez, cela n’a pas plus d’importance qu’un examen scolaire. Si vous m’acquittez, ce que naturellement je ne m’imagine pas, et que vous ne pouvez pas faire, il y aurait demain quatre morts à Berlin : trois juges et un accusé. Vous serez obligés de vous pendre parce que vos propres compères bourgeois ne voudraient plus vous voir. Je devrais aussi me pendre parce que j’aurais honte devant le prolétariat révolutionnaire. Vous pouvez me condamner à dix, quinze ans, à la prison à vie, et même à la peine capitale. Dix années de prison ça vaut un « quatre » (insuffisant). Quinze ans de prison c’est une bonne note, la prison à vie vaut un « un ». Mais si vous me condamnez à mort, alors là, c’est un « a », c’est la meilleure note que vous puissiez m’attribuer. Vous montrerez alors aux travailleurs révolutionnaires du monde entier qu’un véritable révolutionnaire ne peut être vaincu que par la mort. Je ne vous demande pas d’ « honneurs » bourgeois. Je n’ai jamais eu cette dignité bourgeoise pour laquelle vous vous entrebattez. Pour moi, la dignité bourgeoise, c’est l’art de vivre du travail des autres. Ça signifie : le monocle à l’œil, le ventre plein et la tête vide. Pour moi, il n’y a que l’honneur prolétarien et vous ne pouvez pas me l’enlever. La dignité prolétarienne c’est la solidarité de tous les exploités. Cela signifie que l’on prend parti pour ses camarades de classe et que l’on combat en agissant. Je vous ai opposé de fortes paroles. Par principe, je ne vous adresse pas la parole. Vous deviendrez ce que vous êtes : les juges d’une classe. Je ne peux pas vous demander que mes paroles fassent un effet sur vous. Je sais que la société bourgeoise dont vous êtes les représentants ne peut nous rejoindre ni par les mots, ni par la propagande, ni par les livres. Vous devez être placés devant une réalité d’airain et alors seulement vous vous inclinerez. Le juge d’instruction m’a dit avant le procès : « Si tous les ouvriers étaient gagnés à vos idées, il serait facile alors de prendre le pouvoir par le suffrage universel ». Je lui ai répondu et je vous répète mes paroles : en utilisant un tel argument vous ne prenez pas en compte le rapport de force effectif. Quand le peuple allemand est maintenu par l’école, l’Eglise, l’Etat et la presse dans l’idée que chacun doit se plier à l’autorité qui a pouvoir sur lui et qu’en même temps toutes ces institutions le renforcent dans l’idée qu’il doit y avoir des pauvres et des riches et que le Bon Dieu le veut ainsi afin que les pauvres aillent au ciel…

  Le président : Tout cela est en dehors du débat. Vous devez vous défendre des accusations. Nous n’avons pas à entendre des discours révolutionnaires. Si vous continuez, je vous coupe la parole.

Hölz : Avant tout, le peuple allemand doit être débarrassé de toutes ces idioties. Justement, vos verdicts auront pour effet de sortir le peuple allemand de cette idéologie que vous lui avez inculquée par l’école, l’Eglise et la presse. Le prolétariat allemand doit être tiré de son hibernation…

  Le président : Je vous retire la parole.

Hölz : Vous pouvez interdire la parole, vous ne tuerez pas l’esprit.

  Le président : Expulsez l’accusé de la salle.

Hölz : Vive la révolution mondiale !

Prison à perpétuité et perte des droits civiques, fut le verdict du procès.

Hölz : Le jour de la liberté et de la vengeance viendra et nous serons alors vos juges ! La justice est une putain et vous, les juges, ses souteneurs !

Messages

  • « Max Hoetz a été considéré comme un dangereux aventurier par les sociaux-démocrates, comme un irresponsable et un traître par les communistes officiels (staliniens), comme un anarchiste par les communistes de gauche et comme un léniniste par les anarchistes. »

    Pacio Ignacio Taibo II dans « Archanges »

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