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Qu’est-ce que l’existentialisme de Jean-Paul Sartre ?

mardi 10 février 2015, par Robert Paris

Qu’est-ce que l’existentialisme de Jean-Paul Sartre ?

Tentons d’y répondre en nous centrant sur une œuvre majeure de Sartre : sa « Critique de la Raison dialectique » dans laquelle on pourrait voir d’abord un prolongement de Hegel et Marx :

« La connaissance dialectique de l’homme, après Hegel et Marx, exige une rationalité nouvelle. »

« Il ne s’agit pas pour nous de … rejeter le marxisme au nom d’une troisième voie ou d’un humanisme idéaliste mais de reconquérir l’homme à l’intérieur du marxisme. » écrit Sartre dans « Questions de méthode » en introduction à la « Critique de la Raison dialectique ».

C’est ce que nous annonce Sartre en préambule.

Un point nous met tout de suite la puce à l’oreille : pourquoi spécifier la connaissance de l’homme alors qu’Hegel comme Marx parlaient de connaissance du monde matériel comme humain ?

En fait, cette œuvre de Sartre, vise à éliminer à la fois Hegel et Marx, sous prétexte d’opposer deux conceptions : l’existentialisme de Sartre et la pensée stalinienne. Attention, Sartre n’est pas en train de lancer une attaque politique contre le stalinisme : il écrit après la prétendue "déstalinisation" de Khrouchtchev. Le seul passage, très court, dans lequel Sartre analyse un tant soi peu le stalinisme, c’est pour le justifier par l’isolement et l’encerclement hostile, en évitant complètement de rappeler que lui-même a été stalinien ni pourquoi il l’a été et pourquoi il a cessé de l’être et quand… Non il se contente de tâcher de trouver une position sans jamais avoir l’air de critiquer son ancienne position stalinienne. Pour cela, il ne fait que critiquer la pensée stalinienne, pas la politique stalinienne. Tout au long de l’ouvrage, cette pensée stalinienne, interprétant à sa sauce le marxisme et la dialectique, est prise pour cible. Bien. Les critiques sont parfois fondées : le marxisme est transformé par les staliniens en progressisme, en mysticisme, en fatalisme, en économisme, etc…

Ce n’est pas faux. Mais, pour Sartre, qu’est-ce que le stalinisme ? Est-ce seulement un mouvement de pensée ? Est-ce le produit d’une dérive des idées ? D’une dérive des individus ? D’une dérive des existences liée à une dérive sociale ? Jamais la question ne vient sous la plume de l’écrivain. Tout plongé qu’il est à ramener à la surface les individus dans l’Histoire, il en oublie complètement de se poser une question fondamentale : d’où viennent les staliniens, comme individus, comme groupe, ou comme phénomène social… Pourquoi l’Histoire a-t-elle produit le stalinisme ? Est-il un sous produit de la pensée de Marx ? Et par quel mécanisme existentiel ou dialectique ?

Quel est le point de vue existentialiste sur le stalinisme ? Ce serait une dérive de la pensée pure !!! Belle incompréhension de la réalité de la bureaucratie russe que de lui prêter une pensée abstraite !!!

Pour Sartre, ce qui manque à la « pensée stalinienne » (c’est lui qui emploie cette expression !), c’est de « réintégrer l’homme en soi l’homme même comme un fondement »…

Comment parvenir à expliquer au bureaucrate russe qu’il faut « réintégrer l’homme », là Sartre n’en parle pas et on ne sait s’il a conscience du caractère comique de sa proposition…

En tout cas, le parti pris de Sartre est de prendre le contrepied du stalinisme sur le « pur » terrain intellectuel et littéraire. Par exemple, si les staliniens font exagérément l’éloge des jacobins et de leur dirigisme, Sartre n’y voit pas une justification de la politique réelle de la bureaucratie russe, à laquelle il se garde de faire allusion, mais un déni du caractère positif des Girondins. Et il répond en leur prétant même bien plus de démocratisme qu’il n’y en a en réalité !

Un autre point pose question dans la description sartrienne du monde. L’objectivité de la dynamique du monde a-t-elle aussi un droit à exister ?

Pour le littéraire Sartre, la pensée sur le monde a un droit à l’existence. Mais le monde lui-même, c’est moins sûr !
Il reconnaît la dialectique pensée mais voit-il une dialectique réelle, celle du monde matériel ? On ne la retrouve pas dans son œuvre.

Sartre a vu dans le marxisme une dialectique mais y a-t-il vu un matérialisme ?

Quel lien entre dialectique et sciences chez Sartre ? Aucun ! Il dénonce même « le déterminisme scientiste d’Engels » qu’il oppose à « Marx qui avait admirablement compris la question » et qui « ne considère pas l’objet comme une moyenne sociale ». Là aussi on demeure béant devant un tel gouffre de la pensée… sartrienne…

Lisons-le encore s’opposant au scientisme prétendu d’Engels :

« Les rapports sociaux sont moléculaires parce qu’il n’y a que des individus et des relations singulières entre eux (opposition, alliance, dépendance, etc.) ; mais ils ne sont pas mécaniques parce qu’il ne s’agit en aucun cas du heurt de simples inerties ; dans l’unité même de sa propre entreprise, chacun dépasse l’autre et l’incorpore à titre de moyen (et vice versa), chaque couple de relations unificatrices est à son tour dépassé par l’entreprise d’un tiers. Ainsi, à chaque niveau se constituent des hiérarchies de fins enveloppantes et enveloppées, dont les premières volent la signification des dernières et dont les dernières visent à faire éclater les premières. »

(Extrait de « Questions de méthode » en guise d’introduction à la « Critique de la Raison dialectique »)

Comme il s’agissait notamment de comprendre la révolution française, on conçoit à quel point on a infiniment progressé par rapport à Engels avec ces « hiérarchies de fins enveloppantes et enveloppées » et ces « chaque couple de relations unificatrices » de Sartre qui éclairent tout le processus historique amenant des individus singuliers dont chacun dépasse l’autre, tout cela pour partir à l’assaut des bastilles !!! Cela dépasse tellement (en verbiage creux) la lutte des classes conçue comme l’action moléculaire des masses, comme le pense Engels !!!

Cela donne toute sa saveur à la phrase par laquelle débute sa « Critique de la Raison dialectique » :

« Tout ce que nous avons établi dans « Questions de méthode » découle de notre accord de principe avec le matérialisme historique. »

Au fait, qu’est-ce que le matérialisme historique ?

Serait-il inconvenant de demander qu’est-ce qu’un « accord de principe » concernant le marxisme ?

Quel serait le fameux principe amenant à un tel accord ?

En principe oui, mais en réalité non… a-t-on envie de compléter, ignorant complètement comment Sartre a pu accéder à tel accord et à un tel principe !

Sartre est donc pour le matérialisme historique par accord de principe.
On ne voit pas en quoi réside l’accord puisqu’il nie la conception historique de Marx, celle des classes sociales et non des « individus singuliers ».

Puisque Sartre dit être d’accord avec le marxisme, pourquoi en douter et lui prêter un double langage ?

Parce que, quelques lignes plus loin, du même ouvrage, Sartre écrit :

« Le formalisme marxiste est une entreprise d’élimination. La méthode s’identifie à la Terreur par son refus inflexible de différencier, son but est l’assimilation totale au prix du moindre effort… Le marxisme croirait perdre son temps s’il tentait, par exemple, de comprendre une pensée bourgeoise dans son originalité. »

Mais il y a plus : fondamentalement, Sartre répugne à voir dans l’Histoire des classes et des luttes de classe. Il critique non seulement les historiens staliniens mais même Daniel Guérin dans ses études de la révolution française et lui reproche tout simplement d’y voir des classes sociales en lutte :

« Il faut se défendre à tout prix de remplacer les groupes réels et parfaitement définis (la Gironde) par des collectivités insuffisamment déterminées : la bourgeoisie. »

On ne voit pas chez Sartre un accord quelconque avec le matérialisme scientifique de Marx et Engels.

On ne voit même pas où réside le matérialisme de Sartre, fût-il « de principe ».

On ne voit pas où réside l’accord de Sartre avec la dialectique matérialiste de Marx qu’il taxe d’idéalisme ! Toutes les fois que Sartre se catalogue comme au sein du marxisme, c’est pure hypocrisie.

La science, selon lui, n’a que faire de la dialectique et réciproquement.

Tout en citant exactement Hegel et Marx qui disent exactement le contraire. Hegel y affirme que le monde et le savoir sur ce monde sont inséparables et doivent obéir aux mêmes lois. Marx y affirme que la dialectique matérialiste n’est pas une addition extérieure à la matière.

Sartre affirme :

« Si vous déclarez qu’un ensemble de lois établies par les savants représente un certain mouvement dialectique « dans les objets de ces lois », vous n’avez aucun moyen valable d’en faire la preuve. Les lois ne changeront pas, ni les « grandes théories », quelle que soit la manière dont vous les envisagiez… Autrement dit, il s’agit d’une réflexion sur le Savoir. Et comme la loi que le savant vient de découvrir n’est, à la prendre isolément, ni dialectique ni antidialectique (tout simplement parce qu’il s’agit seulement de déterminer quantitativement une relation fonctionnelle), ce ne peut être la considération des faits scientifiques. »

Pour lui la science ne recherche pas le mode de fonctionnement de la nature mais de simples relations mathématiques entre des quantités. Elle n’a que faire de toute philosophie sur le fonctionnement du monde. On peut dire qu’il a été bien influencé par le positivisme régnant…

Pour Sartre, « La dialectique de la nature d’Engels est incapable de répondre à ces deux questions essentielles : pourquoi y a-t-il quelque chose comme une négation dans le monde naturel ou dans l’histoire humaine ? »

La réponse de Marx et d’Engels n’est pas parvenue aux sens de Sartre. Elle consiste à dire que, sans contradiction, c’est l’immobilité et l’absence de changement de la mort !

Citons la :

« Sous sa forme rationnelle, la dialectique n’est, aux yeux de la bourgeoisie et de ses théoriciens, que scandale et horreur, parce que, outre la compréhension positive de ce qui existe, elle englobe également la compréhension de la négation, de la disparition inévitable de l’état des choses existant ; parce qu’elle considère toute forme sous l’aspect du mouvement, par conséquent aussi sous son aspect transitoire ; parce qu’elle ne s’incline devant rien et qu’elle est, par son essence, critique et révolutionnaire. »

Sartre en conclue :

« Cette conception a l’avantage d’escamoter le problème ; elle présente la dialectique a priori sans justification comme loi fondamentale de la Nature. Ce matérialisme de l’extérieur impose la dialectique comme extériorité… L’Esprit voit la dialectique comme une loi du monde. Le résultat est que nous retombons en plein idéalisme dogmatique. En effet, les lois scientifiques sont des hypothèses expérimentales vérifiées par les faits. Le principe absolu que « la Nature est dialectique » n’est au contraire susceptible en ce jour d’aucune vérification. »

Malheureusement, Sartre vient après « Dialectique de la nature » d’Engels qui contient de telles vérifications…

Mais cela ne peut avoir de valeur pour Sartre puisque son a priori c’est l’homme et c’est que l’homme est d’abord l’esprit de l’homme et que l’esprit de l’homme s’oppose à la matière. La dialectique vue par l’esprit de l’homme ne peut donc que s’opposer à la matière et la « dialectique de la matière » n’être qu’un songe creux pour Sartre…

« Nous avons affaire à un système d’idée contemplé par une conscience pure, qui leur a déjà constitué leur « loi », tout en étant parfaitement incapable de fonder cet oukase.. C’est ce qui fait que le matérialisme en soi ne s’oppose pas à l’idéalisme. Bien au contraire : il y a un idéalisme matérialiste qui n’est au fond qu’un discours sur l’idée de matière… »

Sartre ne peut voir partout que de l’idéalisme puisqu’il cherche à développer une conception dans laquelle non seulement l’homme est un monde à part mais un monde qu’il n’existe que par opposition au monde matériel.

Sartre refuse explicitement de considérer tout ce qui concerne l’homme comme un domaine du même type que tout ce qui concerne la matière, pratiquant sans même en avoir conscience un véritable dualisme :

« Nous refusons de confondre l’homme aliéné avec une chose, et l’aliénation avec les lois physiques qui régissent les conditionnements d’extériorité… Pour nous, l’homme se caractérise avant tout par le dépassement d’une situation, par ce qu’il parvient à faire de ce qu’on a fait de lui, même s’il ne se reconnaît jamais dans son objectivisation. Ce dépassement, nous le trouvons à la racine de l’humain. »

(dans la « Questions de méthode » en introduction à la Critique de la Raison dialectique)

Inutile de demander, par exemple, s’il y a un tel dépassement, par exemple, chez l’animal. Le choix, voilà ce qui caractérise l’humain, pour Sartre. A partir de quel singe est-on un homme, ce n’est pas une question pour Sartre puisque, pour lui, l’homme est hors de la question des sciences !!! Du marxisme, disiez-vous, avec Sartre ? Pas celui de Marx en tout cas !!!

« Taxera-t-on d’idéalisme le souci de fonder la dialectique marxiste autrement que par son contenu, c’est-à-dire autrement que par les connaissances qu’elle a permis d’acquérir ? »

Eh oui ! c’est bel et bien de l’idéalisme comme Sartre le devine lui-même…

Et Sartre attaque immédiatement la volonté du marxisme d’être une science :

« La comparaison entre le principe scientifique et la dialectique n’est absolument pas recevable. »

Donc ni scientifique ni politique, la prétendue dialectique de Sartre s’en tient au terrain de l’individu, à sa psychologie, à sa perception de lui-même et de ses relations avec les autres individus. Comment passe-t-il de ces individus agissant chacun pour soi et chacun par ses propres critères individuels aux actions collectives et transformations historiques par lesquelles les masses changent le monde. Eh bien, il ne se pose tout simplement pas la question.

« Qu’est-ce donc qui fait que nous ne soyons pas tout simplement marxiste ? C’est que nous tenons les affirmations d’Engels et de Garaudy pour des principes directeurs, des indications de tâches, des problèmes et non des vérités concrètes : c’est qu’elles nous semblent insuffisamment déterminées et, comme telles, susceptibles de nombreuses interprétations : en un mot, c’est qu’elles nous apparaissent comme des idées régulatrices. »

Passons sur le fait, pour un prétendu marxiste (de principe) et anti-stalinien de mettre dans le même sac Engels et Garaudy. Passons sur le bla-bla des « principes directeurs », des « indications de tâches ». Mais ne passons pas sur le fait que l’on n’a pas su clairement en quoi Sartre divergeait d’Engels et pas de Marx, alors qu’ils ont mené quasiment tout leur travail ensemble et en accord !!! Quel accord avec un Marx qui pensait au contraire fonder une pensée scientifique ?

Dès le départ de son ouvrage sur la dialectique, Sartre annonce qu’il va le placer sur le terrain, principal selon lui, de la culture.

Etant devancé par Plekhanov sur son idée, prétendument originale dans l’existentialisme, du rôle de l’individu dans l’Histoire, il faut bien qu’il ne semble pas le suivre mais le démolir :

« Nous accordons volontiers à Plekhanov que « les personnages influents peuvent… modifier la physionomie particulière des événements et certaines de leurs conséquences partielles mais qu’ils ne peuvent en changer l’orientation. »… Je cite ce texte du vieux Plekhanov, qui m’a toujours fait rire, parce que je ne crois pas que les marxistes aient beaucoup progressé sur cette question…L’objet de l’existentialisme – par la carence des marxistes – c’est l’homme singulier dans le champ social, dans sa classe, au milieu d’objets collectifs et des autres hommes singuliers, c’est l’individu aliéné, réifié, mystifié, tel que l’ont fait la division du travail et l’exploitation, mais luttant contre l’aliénation au moyen d’instruments faussés et, en dépit de tout, gagnant patiemment du terrain. »

Mais Sartre ne citant pas longuement Plekhanov, faisons-le par quelques extraits de l’ouvrage en question :

« Examinons de plus près le cas d’un homme - passé, présent ou futur – dont les actions lui semblent être entièrement marquées par la nécessité. Nous savons déjà qu’un tel homme, se considérant comme un messager de Dieu, tel Mahomet, comme choisi par le destin inéluctable, tel Napoléon, ou comme l’expression de la force irrésistible du progrès historique, comme certains des hommes publics au XIXe siècle, affiche presque la force élémentaire de la volonté, et balaie de son chemin comme un château de cartes tous les obstacles mis sur son chemin. Mais ce cas nous intéresse maintenant sous un autre angle - à savoir ce qui suit : lorsque la conscience de mon manque de volonté libre se présente à moi que sous la forme de l’impossibilité subjective et objective complète d’agir différemment de la façon dont je agis, et quand, dans le même temps, mes actions sont pour moi la plus désirable de toutes les autres actions possibles, alors, dans mon esprit, la nécessité se identifie avec la liberté et la liberté avec la nécessité ; donc je suis pas libre seulement dans le sens que je ne peux pas déranger cette identité entre la liberté et la nécessité, je ne peux opposer l’un à l’autre, je ne peux pas sentir la contrainte de la nécessité. Mais un tel manque de liberté est en même temps sa pleine manifestation..
.
Les particularités personnelles des grands hommes déterminent donc la physionomie individuelle des évènements historiques, et le hasard, au sens où nous l’avons dit, joue toujours un certain rôle dans le cours de ces évènements dont l’orientation se trouve en dernière analyse définie par les causes dites générales, en réalité par l’évolution des forces productives et les rapports que celles-ci déterminent entre les hommes dans le processus économique et social de la production.

Les phénomènes dus au hasard et les particularités personnelles des grands hommes se remarquent beaucoup mieux que les causes générales qu’il faut aller rechercher dans les profondeurs.
Le XVIIIe siècle ne s’était guère préoccupé de ces causes générales [...] Les avocats de la nouvelle tendance historique (...) dans leur effort pour souligner au maximum l’action des causes générales ont laissé de côté les particularités personnelles des artisans de l’histoire. A les en croire, les évènements historiques n’auraient pas été modifiés d’un cheveu si l’on avait substitué les uns aux autres des individus plus ou moins capables.[...]

Aujourd’hui, on n’a plus le droit de tenir la nature humaine pour la cause première et la plus générale du devenir historique.
Ce qu’il faut aujourd’hui tenir pour la cause première et la plus générale de ce devenir, c’est l’évolution des forces productives, lesquelles conditionnent les changements successifs dans les rapports sociaux entre les hommes.

A côté de cette cause générale opèrent des causes particulières, c’est-à -dire la situation historique dans laquelle se déroule l’évolution des forces productives d’un peuple, et qui est elle-même créée en suprême instance par l’évolution de ces forces chez les autres peuples, ce qui nous ramène à la cause générale.

Enfin, l’influence des causes particulières est complétée par l’action des cause individuelles, c’est-à -dire des particularités personnelles des hommes d’Etat, et l’ensemble des "hasards" grâce auxquels les évènements revêtent finalement leur physionomie individuelle. Les causes individuelles ne peuvent introduire de modifications fondamentales dans l’action des causes générales et des causes particulières qui conditionnent de surcroît la direction et les limites de l’action individuelles. Il n’en demeure pas moins incontestable que l’histoire changerait de visage si les causes individuelles qui y agissent se trouvaient remplacées par d’autres du même ordre. [...]

La grandeur du grand homme ne consiste pas en ce que ses qualités personnelles donnent une physionomie individuelle aux grands évènements de l’histoire. Elle consiste en ce que le grand homme a des qualités qui le rendent le plus capable de servir les grandes nécessités sociales de son temps, lesquelles naissent par l’opération des causes générales et particulières. [...]

Les rapports sociaux ont leur logique : tant que les hommes se trouvent entre eux dans de certains rapports, ils vont nécessairement penser, sentir et agir d’une certaine façon. L’homme d’Etat n’a rien à gagner à engager la bataille contre cette logique : le cours naturel des choses, c’est-à -dire cette logique des rapports sociaux, réduirait à néant ses efforts.

Mais si je sais dans quel sens les rapports sociaux se modifient par l’effet de certains changements dans le processus économique et social de production, je sais du même coup dans quel sens la psychologie sociale va se modifier et j’ai donc la possibilité de l’influencer. Influencer la psychologie sociale revient à influencer les évènements historiques.

Dans un certain sens, je peux donc faire l’histoire quand même, sans avoir besoin d’attendre qu’elle "se fasse".

(*) « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. » Karl Marx

Fin de citation de Plekhanov.

On remarquera notamment dans ce texte la dialectique de la liberté et de la nécessité, que l’on ne trouve nullement chez Sartre…

On ne sait s’il faut rire des « bêtises de Plekhanov » ou de la méchanceté affichée du jugement de Sartre…

Puisque Sartre n’a que mépris pour le « vieux Plekhanov » (sans parler même du jeune…), on peut indiquer quelques saines lectures :

La conception matérialiste de l’histoire - Gheorgi Plekhanov

Plekhanov - Le matérialisme militant

Augustin Thierry et la conception matérialiste de l’histoire -Gheorgi Plekhanov

Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire - G. Plékhanov

Les bourgeois d’autrefois - Gheorgi Plekhanov

Sartre est la parfaite négation d’un quelconque caractère objectif de l’existence humaine :

« L’homme est constamment hors de lui-même, c’est en se projetant et en se perdant hors de lui qu’il fait exister l’homme et, d’autre part, c’est en poursuivant des buts transcendants qu’il peut exister ; l’homme étant ce dépassement et ne saisissant les objets que par rapport à ce dépassement, est au coeur, au centre de ce dépassement.

Il n’y a pas d’autre univers qu’un univers humain, l’univers de la subjectivité humaine.

Cette liaison de la transcendance, comme constitutive de l’homme — non pas au sens où Dieu est transcendant, mais au sens de dépassement — et de la subjectivité, au sens où l’homme n’est pas enfermé en lui-même mais présent toujours dans un univers humain, c’est ce que nous appelons l’humanisme existentialiste.

Humanisme, parce que nous rappelons à l’homme qu’il n’y a d’autre législateur que lui-même, et que c’est dans le délaissement qu’il décidera de lui-même ; et parce que nous montrons que ça n’est pas en se retournant vers lui, mais toujours en cherchant hors de lui un but qui est telle libération, telle réalisation particulière, que l’homme se réalisera précisément comme humain. »

(Extrait de « L’existentialisme est un humanisme »)

Ce type d’humanisme abstrait fait de l’homme une parfaire abstraction hors du temps et de l’espace, hors de la matière, hors de la transformation du monde qui l’entoure. L’homme n’est pas le produit des outils qu’il fabrique, des moyens de production qu’il invente et utilise, des modes de vie qu’il développe mais d’une conscience purement abstraite par laquelle il se définirait individuellement…

En tout cas, pour Sartre, l’individu est d’abord un créateur artistique, un Flaubert, un Sade. Quand c’est un Robespierre ou un Napoléon, c’est le penseur politique auquel il s’intéresse. L’homme existe pour Sartre, mais d’abord en pensées…

Il la nierait même volontiers le caractère objectif et auto-dynamique du monde matériel à l’occasion, dans son désir de soutenir à fond la subjectivisation des actes de l’individu.

Loin de voir dans l’individu une dialectique de la liberté et de la nécessité, il n’y voit que des libertés, ou que la liberté tout court :
« L’homme est condamné à être libre. »

Mais Sartre ignore complètement la dialectique de la liberté et de la nécessité. Car la nécessité n’a pas de sens objectif pour Sartre.

Il voit dans sa vie d’intellectuel une preuve de la possibilité de se libérer totalement des entraves car le monde matériel n’est conçu pour lui qu’en termes d’entraves.

Comment se pose pour lui le problème de l’existence :

« L’existence précède l’essence. Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit ensuite. »

Pour Sartre, il n’existe pas de “concept d’homme”, l’homme se retrouve face à lui-même, c’est à lui de s’auto-définir.

Il écrit dans « L’existentialisme est un humanisme » (1945) :

« En tout cas, ce que nous pouvons dire dès le début, c’est que nous entendons par existentialisme une doctrine qui rend la vie humaine possible et qui, par ailleurs, déclare que toute vérité et toute action impliquent un milieu et une subjectivité humaine. »

Toute vérité comme « la Terre tourne autour du Soleil » implique l’existence de l’homme ?
Toute action implique la subjectivité humaine ? Même l’action d’une matière sur une autre ou d’un être vivant non-humain sur un autre ? Absurde humanisme exacerbé !

« L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. Tel est le premier principe de l’existentialisme. » Extrait de « L’existentialisme est un humanisme »

Mais comment se fait-il qu’un homme du Moyen Age ne se fabrique qu’au Moyen Age et qu’on ne trouve pas dans les villes de la société moderne des chasseurs-cueilleurs ?

L’homme n’est rien d’autre que celui qui est fait par les circonstances historiques !

La subjectivité humaine, selon Sartre, indispensable à l’existence du monde est celle de la pensée et celle du choix, c’est-à-dire du libre arbitre humain. Il n’imagine pas de caractère individuel de l’être humain sur le plan matériel ! C’est la pensée individuelle qui selon lui rend la vie humaine possible et c’est la vie humaine qui donne un sens à l’univers. Et ce penseur se dit marxiste, c’est-à-dire matérialiste et dialecticien !!!

On pourrait penser Sartre matérialiste ou, au moins, réaliste, lui qui écrit :

« Il n’y a d’espoir que dans son action, et que la seule chose qui permet à l’homme de vivre, c’est l’acte. »

« L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. Tel est le premier principe de l’existentialisme. »

On pourrait croire… Mais les actes de Sartre ne sont rien d’autre que des pensées d’actes. Des choix moraux par exemple :

« L’homme se fait ; il n’est pas tout fait d’abord, il se fait en choisissant sa morale, et la pression des circonstances est telle qu’il ne peut pas ne pas en choisir une. »

Qu’est-ce que l’humanisme de Sartre ?

« Par humanisme on peut entendre une théorie qui prend l’homme comme fin et comme valeur supérieure. »

L’homme comme fin signifie quoi sinon l’homme comme abstraction détachée de tout contexte historique. Encore une fois on rigole à l’entendre déifier définitivement le marxisme lui qui n’y entend rien et ne veut rien y entendre…

Et, encore une fois, pour lui l’homme est seulement un individu, c’est Jean-Paul !

« Un homme s’engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure, il n’y a rien. »

Prendre l’homme comme fin revient alors à se prendre soi-même comme sa propre fin !!! Le théoricien de l’individualisme est là !

« L’homme est d’abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l’avenir. L’homme est d’abord un projet qui se vit subjectivement ... »

Foin des conditions objectives !

Si l’Eskimo vit comme un Eskimo, c’est subjectivement. Exactement comme l’homme du désert du Kalahari, qui fait le choix individuel de vivre ainsi. Ou exactement comme l’homme du monde capitaliste. Il a fait le choix de vivre dans le monde de l’argent, du salariat et du grand capital ! Belle philosophie pour comprendre le monde !

Quand il déclare que l’homme est condamné à être libre, Sartre entend seulement que l’homme est condamné à être individuel. L’être social ne pénètre pas sa pensée contrairement à Hegel ou Marx. Pas plus que l’être historique.

Et ce que n’imagine nullement Sartre, c’est qu’il n’y ait pas de concept une fois pour toutes de l’homme mais des étapes historico-sociales de chaque type de société dans lesquelles ce qu’est l’homme est collectivement défini et pas une auto-définition purement individuelle. Et il feint d’ignorer qu’une telle pensée est profondément anti-marxiste, non pas au sens du marxisme stalinien mais de celui de Marx et Engels.

L’homme, pour lui, c’est uniquement l’individu, un individu certes en relation avec des groupes, éventuellement des classes, des relations économico-sociales en toile de fond, suffisamment loin si possible, un monde matériel le moins possible :

« L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. »

La preuve que la vie ne pose selon lui à l’homme qu’en tant qu’individu :

« Chaque homme doit inventer son chemin. »

Cette philosophie annonce qu’hors de l’homme il n’existe rien ! Et l’homme n’existe que si son action le ramène à lui-même… Et surtout à sa pensée !

« J’existe parce que je pense. » écrit Sartre dans « La nausée », paraphrasant le dualiste Descartes, tout en se prétendant moniste...

Jean-Paul Sartre présenta en 1957 le marxisme comme l’ « horizon philosophique indépassable de notre temps ». Alors que Sartre prétend le marxisme « indépassable », il lui est étranger que le marxisme soit un matérialisme !

Sartre a prétendu avoir conçu un marxiste humaniste mais, heureusement, l’humanisme n’est pas nécessairement individualisme théorique de Sartre !

La pensée de Sartre sur l’homme provient de sa pensée sur Jean-Paul :

« Je construis l’universel en me choisissant ; je le construis en comprenant le projet de tout autre homme, de quelque époque qu’il soit. »

« Un homme s’engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n’y a rien. »

Les deux citations précédentes ne sont pas extraites de la « Critique de la raison dialectique » mais de « L’existentialisme est un humanisme ».

En même temps, Sartre dit exactement le contraire :

« Nous ne sommes nous qu’aux yeux des autres et c’est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes. »
Pour Sartre, les autres n’existent que dans la mesure où ils nous amènent à soi :

« Autrui, c’est l’autre, c’est-à-dire le moi qui n’est pas moi » écrit-il dans « L’Etre et le néant ».

C’est sans doute sa manière à lui d’être dialectique, de dire tout et son contraire…

Il affirme que le but de l’homme, c’est son futur à lui et en même temps il dit le contraire :

« Etre une conscience c’est s’éclater vers le monde. »

Ce que Sartre a retenu de Hegel est souvent à contresens complet de la pensée d’Hegel :

« La Nature, comme dit Hegel si profondément, est extériorité. »dit Sartre dans Situations III (1949).

Pour Hegel, la dialectique est une loi interne au fonctionnement de la matière.

Pour Sartre : « La pensée moderne a réalisé un progrès considérable en réduisant l’existant à la série des apparitions qui le manifestent. »

C’est la version ultra-positiviste de la science…

En somme, Sartre veut se débarrasser des lois tout en prétendant conserver la dialectique ! Tout cela sous prétexte que les staliniens ont donné de la dialectique une version caricaturale (ce qui est vrai) !

Pour exister autrement que comme intellectuel de l’institution, Sartre a choisi, consciemment, de s’attacher à la galère du stalinisme puis d’un anti-stalinisme très formel et fort peu social ou politique.

Le « Je pense donc j’existe » n’est pas une conception philosophique de Sartre mais un mode de vie. Celui de l’écrivain.

On arrive ainsi à la définition suivante :

Existentialisme = allure philosophique qui a permis à Sartre d’exister dans le monde intellectuel.

Qui était Jean-Paul Sartre ?

Grève des mineurs de Marikana (Afrique du Sud)

L’homme abstrait avec une conscience purement individuelle ou la lutte des classes, produit de la situation objective de classes aux intérêts objectivement opposés ?

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Messages

  • Mais cela ne peut avoir de valeur pour Sartre puisque son a priori c’est l’homme et c’est que l’homme est d’abord l’esprit de l’homme et que l’esprit de l’homme s’oppose à la matière.

    La dialectique vue par l’esprit de l’homme ne peut donc que s’opposer à la matière et la « dialectique de la matière » n’être qu’un songe creux pour Sartre…

  • Pour lui la science ne recherche pas le mode de fonctionnement de la nature mais de simples relations mathématiques entre des quantités. Elle n’a que faire de toute philosophie sur le fonctionnement du monde.

  • L’existentialisme de Sartre fait de l’individu un impuissant historiquement.

    Alors que le marxisme permet de penser la possibilité pour l’individu d’être un acteur important pour l’histoire. Cela, bien sûr, à condition de penser le monde dialectiquement et d’articuler déterminisme et liberté, nécessité historique et naturelle avec les conditions de possibilité d’une véritable liberté, tant de penser que d’agir... dans le cadre qui nous est donné de la nature et de l’état de la situation historique dans laquelle se trouve situé l’individu. Ce que fait Plekhanov, ce que propose Marx, Engels, mais certainement pas Sartre.

    A l’existentialisme (Beauvoir ou Sartre), qui pense que l’homme est jeté dans le monde, il paraît utile de répondre : le jet dans le monde, la projection dans le monde qui nous contraint soi-disant à la liberté relève d’une profonde mauvaise foi, si chère à Sartre, pour éviter toute forme de responsabilité sociale. La liberté est quelque chose qui se gagne, qui s’arrache par la force des idées et des combats sociaux. Elle n’est pas donnée d’emblée et elle ne peut être une contrainte comme le pensent les existentialistes. Ceux qui se sentent contraints à la liberté, ce sont ceux qui ne savent pas ce que signifient le combat pour la liberté : ce sont les classes aisées qui ne savent pas ce que veut dire être garçon de café, et qui pensent qu’il s’agit juste d’un rôle social qu’on peut changer à loisir...

    Les existentialistes de type sartrien sont simplement des individus qui veulent se défaire de toute responsabilité, c’est-à-dire de rendre compte de leurs actes et brouillent les pistes. Les pistes sont brouillées car on prend pour de l’engagement le désengagement, pour la responsabilité toute désimplication à rendre compte de ses actes.

    Les pistes sont brouillées pour les contemporains, pour les forgeurs d’icônes, pour les générations suivantes. Et peut-être les existentialistes ont bâti leurs idées et leurs théories également pour se soulager de leur propre (mauvaise) conscience... puisqu’ils épousaient un courant d’idées venant du christianisme mais voulaient le penser sans recours à dieu (Kierkegaard, fondateur de l’existentialisme, dans sa réaction à Hegel reste parfaitement chrétien).

    Ainsi, Sartre préfère rire de Plekhanov, parce que le petit-bourgeois ricane et ricanera toujours de toute forme de pensée sérieuse qui veut avoir prise sur le monde.

    Notre problème n’est d’ailleurs pas tant Sartre : c’est bien plutôt ceux qui font une icône de Sartre et surtout, ceux qui croient que Sartre était engagé... dans la lutte contre le colonialisme ou pour la décolonisation, par exemple.

    Non Sartre n’a jamais combattu l’oppression : il a toujours fait semblant. Il fréquentait les opprimés ou certaines manifestations, certains combats, pour se donner l’illusion et pour donner l’illusion qu’il était engagé... alors qu’il ne l’était pas.

    Car la première forme d’engagement est de comprendre le monde, de le faire comprendre et d’utiliser les écrits de ceux qui ont, avant nous, écrit pour cela. Or, caricaturer et ricaner sur la pensée de ceux qui ont permis l’avancée des idées de la révolution et du changement du monde est une arme du petit-bourgeois qui cherche uniquement la tranquillité et qui se retranche du monde : c’est l’arme du désarmement des consciences que trop de nos contemporains utilisent encore.

    L’existentialisme est donc une pensée de refuge en soi-même pour éviter de se poser les problèmes fondamentaux, et pour éviter que d’autres se les posent. Alors, pour éviter de se les poser, on ricane et on balaye d’un revers de main les arguments auxquels on ne sait répondre. Toute pensée sérieuse devient objet de ricanement pour le petit-bourgeois. Car les arguments de Plekhanov sont précieux et puissants. Y répondre aurait nécessité de les prendre au sérieux. Mais le petit-bourgeois ne connait de sérieux que sa tranquillité d’esprit. Il n’ambitionne à rien d’autre.

    C’est pourquoi les propos de Plekhanov le dépassent tellement qu’il ne peut qu’éviter de les citer, ou d’y répondre, parce qu’il n’a rien à répondre à la beauté et à la
    profondeur d’une telle pensée :

    « La grandeur du grand homme ne consiste pas en ce que ses qualités personnelles donnent une physionomie individuelle aux grands évènements de l’histoire. Elle consiste en ce que le grand homme a des qualités qui le rendent le plus capable de servir les grandes nécessités sociales de son temps, lesquelles naissent par l’opération des causes générales et particulières. [...] »

    Ricaner ou dire que cette pensée est risible, c’est précisément une manière de se positionner socialement : « servir les grandes nécessités sociales de son temps » est contraire à la pensée sartrienne.

    « Les rapports sociaux ont leur logique : tant que les hommes se trouvent entre eux dans de certains rapports, ils vont nécessairement penser, sentir et agir d’une certaine façon. L’homme d’État n’a rien à gagner à engager la bataille contre cette logique : le cours naturel des choses, c’est-à -dire cette logique des rapports sociaux, réduirait à néant ses efforts.

    Sartre n’accompagnait-il pas justement ceux qui engageaient ce type de batailles inutiles ? Il allait dans les mouvements et manifestations désarmées idéologiquement dans le but de donner de l’importance aux combats sans lendemains...

    « Mais si je sais dans quel sens les rapports sociaux se modifient par l’effet de certains changements dans le processus économique et social de production, je sais du même coup dans quel sens la psychologie sociale va se modifier et j’ai donc la possibilité de l’influencer. Influencer la psychologie sociale revient à influencer les évènements historiques. »

    Sartre encourageait cette psychologie qui s’épuisait dans des combats réduisant les efforts militants à néant... sa seule ambition était que ces militants se soumettent aux coups de bâton ! En ce sens, il influait les psychologie dans le sens de la soumission et dans le sens du manche.

    • Pour Sartre, l’homme se trouve impuissant à triompher du néant. Le néant devenant cette rupture ontologique, sans cesse récurrente, mais finalement jamais surmontée, qui rattache l’homme à lui-même, parce qu’il se doit d’assumer les notions d’instant, de temps, de changement. L’homme sartrien, fondé sur le Cogito cartésien, saisit sa pensée dans l’existence, ce qui fait que chaque réalité-humaine, dans sa particularité de devoir assumer son absolue liberté, est seule.


  • "Au lieu de vous emmerder à lire tout Sartre, achetez Minute : pour dix balles vous aurez la Nausée ET les Mains sales."

    Pierre Desproges

  • “A moitié victime, à moitié complice, comme tout le monde” : Sartre se veut un peu trop "comme tout le monde" pour être honnête !

  • Pour Sartre, la dialectique est dans la mauvaise foi et réciproquement :

    « Quelle unité trouvons-nous dans ces différents aspects de la mauvaise foi ? C’est un certain art de former des concepts contradictoires, c’est-à-dire qui unissent en eux une idée et la négation de cette idée. »

    [Sartre, La mauvaise foi, chap.2 de l’L’Etre et le Néant]

  • Pour Sarte, il n’y a pas d’autre univers qu’un univers humain. Mais cela est faux : il y un univers animal, un univers perçu par les plantes, un univers perçu par la matière, un univers perçu par le vide...

  • Cela suppose que l’homme (lequel ? Sapiens sapiens, ou néanderthalien ou habilis ou lequel encore) est le seul à avoir conscience de lui-même ! Mais l’animal possède une conscience de lui-même et la plante elle-même en a une certaine forme...

  • Ce point de vue de Sartre dans "L’Etre et le néant" est donc d’une grande originalité ?

  • Bien au contraire, Sartre ne fait qu’écrire en français ce que Heidegger écrit en allemand dans « Être et Temps » (1927) ! Et Sartre a mis le temps de "faire son choix" car son ouvrage date de 1943 : seize ans après !

    Quant à l’originalité de la notion de libre arbitre humain et proprement humain, elle n’existe absolument pas. La plupart des philosophes la partagent. Et elle me semble fausse. le libre arbitre existe chez les animaux...

  • Merleau-Ponty dans « Les aventures de la dialectique » : « On sent que, pour Sartre, la dialectique a toujours été une illusion, qu’elle fût maniée par Marx, par Trotski ou par d’autres. »

  • Sartre prend la succession de Raymond Aron à l’Institut français de Berlin en 1933 et 1934… Mais il ne sait rien du nazisme !!!!

    Pendant l’été 1933, Sartre, en compagnie de Simone de Beauvoir, visite l’Espagne et l’Italie ; le régime fasciste de Mussolini gêne peu ces deux parfaits touristes : "Nous avons vu Venise avec ce regard qu’on ne retrouve plus jamais : le premier. Pour la première fois nous avons contemplé la Crucifixion du Tintoret".

    En 1936 le cœur de la ville populaire de Naples fascine Sartre.

    Le fascisme italien ne lui suscite pas une ligne de critique…

    En 1943, Sartre fit partie en France du Comité d’épuration, qui décidait quel écrivain avait encore le droit de publier et quel autre devait être banni.

    Contrairement au mythe, aucune recherche n’a pu mettre en évidence une quelconque activité de résistance de ce mouvement, et en particulier de Sartre.

    Après la guerre, il fait l’éloge d’une résistance qu’il n’a pas connue : "Il n’est pas d’armée au monde où l’on trouve pareille égalité de risque pour le soldat et le généralissime. Et c’est pourquoi la Résistance fut une démocratie véritable : pour le soldat comme pour le chef, même danger, même responsabilité, même absolue liberté dans la discipline." (dans Situations II)

    Sartre se reconvertit au dernier moment. Juste avant la libération, Sartre est recruté par Camus pour le réseau résistant Combat, il devient reporter dans le journal du même nom, et décrit dans les premières pages, la libération de Paris.

    La guerre de Corée, puis la répression musclée d’une manifestation antimilitariste du PCF pousse Sartre à choisir son camp : Sartre voit alors dans le communisme une solution aux problèmes du prolétariat. Ce qui lui fait dire : « Si la classe ouvrière veut se détacher du Parti (PCF), elle ne dispose que d’un moyen : tomber en poussière. »

    Sartre devient un compagnon de route du Parti communiste entre les années 1952 et 1956. Dès lors, il participe à sa mouvance : il prend la présidence de l’Association France-URSS. En 1954, il déclare « Le citoyen soviétique possède, à mon avis, une entière liberté de critique ». Il devient membre du Conseil mondial de la paix.

    Le livre de Sartre, Les communistes et la paix, marque le début de l’alliance de Sartre avec le stalinisme…

    Commentant l’article de Lénine « Mieux vaut moins mais mieux », article contre la bureaucratie, Sarte écrit : « Je ne vois pas que Staline ait suivi d’autre politique ».

    Quand Sartre adhérait au PCF, il ne reculait pas devant des formules telles que « Tout anti-communiste est un chien », « En URSS la liberté de critique est totale », « Si la classe ouvrière veut se détacher du PCF elle ne dispose que d’un moyen : tomber en poussière ».

    « L’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues. »

    • Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, Les Temps Modernes, janvier 1950

    « La liberté de critique est totale en URSS et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d’une société en progression continuelle. »

    • Jean-Paul Sartre, de retour d’URSS, Libération, 15 juillet 1954

    « La faute la plus énorme a probablement été le rapport Khrouchtchev, car, à mon avis, la dénonciation publique et solennelle, l’exposition détaillée de tous les crimes d’un personnage sacré qui a représenté si longtemps le régime est une folie quand une telle franchise n’est pas rendue possible par une élévation préalable, et considérable, du niveau de vie de la population. [...] Le résultat a été de découvrir la vérité pour des masses qui n’étaient pas prêtes à la recevoir. »

    • Jean-Paul Sartre, après les révélations du rapport Khrouchtchev sur les crimes de Staline

    « Quand les paysans touchent des fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits sont un à un renversés : l’arme d’un combattant, c’est son humanité. Car, en ce premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses pieds. »

    • Jean-Paul Sartre, Préface de Les Damnés de la Terre, Frantz Fanon, Maspero, 1961

     : En 1972, dans une lettre à son ami John Gerassi, Sartre ira jusqu’à écrire :

    « Ce n’était pas un gars qui était fait pour tout ce qu’il a fait. C’était un petit truand d’Alger, très marrant, qui aurait pu écrire quelques livres mais plutôt de truand, au lieu de ça on a l’impression que la civilisation lui a été plaquée dessus et qu’il a fait ce qu’il a fait, c’est-à-dire rien ».

    Chez Sartre, le glauque le dispute au sale et au méprisable....

  • Dans la Cause du peuple, Sartre écrit : « Mao, contrairement à Staline, n’a commis aucune faute ».

  • Sartre : « S’il est nécessaire que je sois sous cette forme d’être-là, il est tout à fait contingent que je sois, car je ne suis pas le fondement de mon être ; d’autre part, s’il est nécessaire que je sois engagé dans tel ou tel point de vue, il est contingent que ce soit précisément dans celui-ci, à l’exclusion de tous les autres. » (« L’Etre et le Néant »)

    Et on continue à nous dire que Sartre était le symbole de l’intellectuel engagé !!!

  • Passons sur les coups d’encensoir en direction de Staline et de Mao ; passons sur le fait que, ayant succédé à son ennemi intime Raymond Aron à l’Institut français de Berlin, en 1933 et 1934, il n’ait pas vu en Allemagne le moindre nazi (pourtant, à cette époque...) et qu’il ait préféré piquer quelques idées au philosophe Husserl pour fabriquer sa philosophie de l’existentialisme ; passons sur le fait que, prisonnier de guerre dans le même pays en 1941, il aurait été libéré grâce à un faux certificat médical, ou que, selon une autre version, il l’aurait été sur l’intervention de Pierre Drieu La Rochelle, écrivain fascisant ; passons sur le fait qu’avant la guerre, il avait, au nom du pacifisme, signé un manifeste d’intellectuels qui refusaient toute préparation à une guerre préventive contre Hitler et le nazisme (« Mieux valait une France nazifiée, qu’une France en guerre ») ; passons sur cet autre fait que, durant l’Occupation de la France par les nazis, Sartre vécut tranquillement à Paris, fit jouer ses pièces Les mouches et Huis clos avec l’autorisation de la censure allemande et devant un parterre d’officiers de la Wehrmarcht, ne se découvrant « résistant » qu’à la Libération ; passons sur cette déclaration selon laquelle il ne fallait pas dire la vérité sur le régime stalinien pour « ne pas désespérer Billancourt », c’est-à-dire les travailleurs français, tous staliniens comme on sait ; passons sur sa conception de la décolonisation (« Dans le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort, et un homme libre » – on reconnaît l’ancien pacifiste) ; passons sur sa déclaration de 1965, « Tout anticommuniste est un chien » ; passons sur ses insultes envers De Gaulle : maquereau réac, merde, crétin pompeux, monstre, foutu salaud, porc (pas rancunier, De Gaulle ! qui refusa toujours qu’on lui fît le moindre ennui) ; passons sur l’élégant dénigrement de sa propre compagne Simone de Beauvoir, qui, selon lui, aurait écrit La Longue Marche, éloge de la Chine de Mao, surtout en bibliothèque, à partir de livres et d’articles ; passons sur son abstention au vote de 1936, quand se présentait le Front Populaire (qui gagna l’élection) ; passons sur son approbation du pacte germano-soviétique ou sur ses dix-huit articles favorables à Fidel Castro ; oublions son opinion sur son ancien camarade Raymond Aron (« De toute évidence, il est totalement, complètement, systématiquement de deuxième ordre, fondamentalement c’est un con et un imbécile ») ; mettons à la poubelle son avis sur le massacre des Jeux olympiques de Munich (« L’acte de terreur commis à Munich, ai-je dit, se justifiait à deux niveaux : d’abord, parce que tous les athlètes israéliens aux Jeux olympiques étaient des soldats, et ensuite, parce qu’il s’agissait d’une action destinée à un échange de prisonniers » – ce qui était complètement faux et ridiculement absurde) ; passons sur sa défense de Kim Il-sung, le dictateur nord-coréen...

    Passons, passons, passons vite sur Sartre, une véritable satire de l’intellectuel, un masque de l’homme engagé, une girouette politique, un faux philosophe, passons....

    Ce n’est pas seulement Sartre qui a fait Sartre. Une époque de menteurs, celle de la guerre et de l’après-guerre, cette bourgeoisie avait besoin de menteurs qui soient à sa hauteur et elle en a eu...

  • Sartre et Simone de Beauvoir n’ont pas été plus lucides au sujet de Che Guevara. Ils l’ont rencontré le 5 mars 1960, et, après sa mort, en 1967, Sartre a dit de lui : « Je pense, en effet, que cet homme n’a pas été seulement un intellectuel, mais l’homme le plus complet de son époque. Il a été le combattant, le théoricien qui a su extraire de son combat, de la lutte elle-même, de sa propre expérience, la théorie pour mettre en application cette lutte ».

    Rions : Guevara ne lui portait pas la même estime, il méprisait les intellectuels !

  • A tout ceci, il fallait ajouter l’ordure dans la vie privée. Sartre, le moins que l’on puisse dire, avait une certaine inclinaison pour la domination sexuelle des partenaires multiples, comme sa compagne Beauvoir. Et ils recrutaient parmi les élèves de la professeur Beauvoir, dominés par Sartre puis Beauvoir et parfois abandonnés ensuite au désespoir et contraints au silence... Une de leurs victimes, une petite juive nommée Bianca Lamblin, raconta dans sa biographie « Mémoires d’une jeune fille dérangée » comment elle était tombée dans les filets de ce couple de pervers : Beauvoir attirait de très jeunes lycéennes, ses élèves, qu’elle pressentait vierges. Sartre adorait déflorer les gamines. Une fois ces dernières quasiment violées et traumatisées, Simone de Beauvoir avait beau jeu ensuite de manipuler la gamine pour lui imposer une relation saphique. Notons que les Sartre eurent une attitude courageuse avec Bianca. Quand celle-ci leur demanda de l’aide sous l’Occupation, les deux « belles consciences » lui dirent d’aller se faire déporter ailleurs.

  • « L’homme est une passion inutile », phrase finale de « L’Être et le Néant », en dit long sur l’hypocrisie du prétendu humanisme de Sartre, cet humanisme qu’il avait tourné en dérision dans La Nausée. …

  • Une des critiques à laquelle Sartre répondait était celle qui voulait établir un lien étroit entre l’existentialisme de Sartre et le nazisme à travers l’association de l’existentialisme avec le philosophe allemand Martin Heidegger. Déjà en « À propos de l’existentialisme : Mise au point », publié dans Action en décembre Sartre, tout en regrettant l’adhésion de Heidegger à l’hitlérisme, pensait que cela pourrait s’expliquer « par la peur, l’arrivisme peut-être, sûrement le conformisme » mais il faisait remarquer que « Heidegger était philosophe bien avant d’être nazi. » En plus, il soulignait que

    « Si nous découvrons notre propre pensée à propos de celle d’un autre philosophe, si nous demandons à celui-ci des techniques et des méthodes susceptibles de nous faire accéder à de nouveaux problèmes, cela veut-il dire que nous épousons toutes ses théories ? Marx a emprunté à Hegel sa dialectique. Direz-vous que Le Capital est un ouvrage prussien ? »

    Mais Sartre s’est bien gardé d’écrire en clair ce qu’il avait emprunté à Heidegger et ce qu’il récusait dans sa philosophie, contrairement à Marx relativement à Hegel !!!

  • Ka Naa Subramanyam :

    « Sartre est toujours en train de modifier et réviser sa définition et son concept d’existentialisme. »

  • Dans une réponse à l’article de Sartre, Henri Lefebvre écrivait :

    « Ne reprochons pas à M. Sartre d’avoir été le disciple du nazi Heidegger, et Georges Mounin d’accuser Sartre d’avoir réduit l’engagement nazi de Heidegger à "un manque de caractère" »

  • Dans son livre sur l’existentialisme, Henri Lefebvre :

    « L’existentialisme se donne pour une théorie de la liberté, donc du choix. Le drame de l’existence serait donc celui du choix. La liberté « existerait » comme nécessité du choix, nécessité incessante et perpétuelle. Mais que représenterait un homme qui choisirait tous les matins entre le fascisme et l’antifascisme ? Ce cas serait peut-être très pittoresque et intéressant, mais en quoi cet homme serait-il supérieur à celui qui aurait choisi une fois pour toutes la lutte contre le fascisme, ou qui n’aurait même pas eu à choisir. - Et n’est-ce pas là un exemple typique de faux problème, de problème spéculatif et métaphysique ? »

  • « Nous nous rangeons du côté de ceux qui veulent changer à la fois la condition sociale de l’homme et la conception qu’il a de lui-même. » disait Sartre. Changer mais dans quel sens ? !!!

    Sartre le laisse entendre sans le dire ou le dit, en disant le contraire ensuite. Il se dit pour la révolution communiste mais la révoque aussi…

    Sartre affirmait en novembre 1972 : « je savais bien que mes objectifs n’étaient pas ceux du PC, mais je pensais que nous aurions pu faire un bout de chemin ensemble. »

    Donc il savait depuis le début qu’il n’était pas favorable au PC dès qu’il a commencé à militer avec. C’est bien le problème de la fausseté de l’engagement de Sartre. Il n’est jamais celui qu’il fait croire qu’il est. Il n’est pas plus fasciste que résistant, pas plus communiste qu’anti-communiste, maoïste que pas maoïste, existentialiste ou non, marxiste ou non…

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