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Eugène Varlin, militant ouvrier et révolutionnaire

jeudi 11 juin 2015, par Robert Paris

Eugène Varlin :

« Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines ».

Varlin avait dit, le 29 avril 1870, salle de la Marseillaise :

« Déjà l’Internationale a vaincu les préjugés de peuple à peuple. Nous savons à quoi nous en tenir sur la Providence qui a toujours penché du côté des millions. Le bon Dieu a fait son temps, en voilà assez ; nous faisons appel à tous ceux qui souffrent et qui luttent ; nous sommes la force et le droit ; nous devons nous suffire à nous-mêmes.
C’est contre l’ordre juridique, économique et religieux que doivent tendre nos efforts. »

Défense assumée par Eugène Varlin, ouvrier relieur, pour lui et ses camarades, lors du procès de l’Association Internationale de Travail (A.I.T.), le 22 mai 1868 :

« Consultez l’histoire et vous verrez que tout peuple comme toute organisation sociale qui se sont prévalus d’une injustice et n’ont pas voulu entendre la voix de l’austère équité sont entrés en décomposition ; c’est là ce qui nous console, dans notre temps de luxe et de misère, d’autorité et d’esclavage, d’ignorance et d’abaissement des caractères, de pervertissement du sens moral et de marasme, de pouvoir déduire des enseignements du passé que tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines. Mettez le doigt sur l’époque actuelle, vous y verrez la haine sourde entre la classe qui veut conserver et la classe qui veut conquérir ; vous y verrez une recrudescence des superstitions que l’on croyait détruites par le XVIII° siècle ; vous y verrez l’égoïsme effréné et l’immoralité partout ; ce sont là des signes de la décadence ; le sol s’effondre sous vos pas ; prenez-y garde ! »

19 mars 1871.

AU PEUPLE,

Citoyens, le peuple de Paris a secoué le joug qu’on voulait lui imposer.
Calme, impassible dans sa force, il a attendu sans crainte comme sans provocation les fous éhontés qui voulaient toucher à la République.
Cette fois nos frères de l’armée n’ont pas voulu porter la main sur l’arche sainte de la liberté ; merci à tous, et que tous et la France jettent ensemble la base d’une République acclamée avec toutes ses conséquences, le seul gouvernement qui fermera pour toujours l’ère des invasions et des guerres civiles.

L’état de siège est levé, le peuple de Paris est convoqué dans ses sections pour faire les élections communales ; la sûreté de tous les citoyens est assurée par le concours de la garde nationale.

Le comité central.

ASSI, BILLIORAY, FERRAT, BABIEK, Ed. MOREAU, Ch. DUPONT, VARLIN, BOURSIER, MORTIER, GOUHIER, LAVALETTE, JOURDE, ROUSSEAU, Ch. LULLIER, BLANCHET, GROLLARD, BARROUD, H. DERESME, FABRE, FOUGERET.

Histoire de la Commune de Paris en 1871 (1876), Lissagaray :

« Place Cadet, il fut reconnu par un prêtre qui courut chercher un officier. Le lieutenant Sicre saisit Varlin, lui lia les mains derrière le dos et l’achemina vers les Buttes où se tenait le général de Laveaucoupet. Par les rues escarpées de Montmartre, ce Varlin, qui avait risqué sa vie pour sauver les otages de la rue Haxo, fut traîné une grande heure. Sous la grêle des coups sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles, devint un hachis de chairs, l’œil pendant hors de l’orbite. Quand il arriva rue des Rosiers, à l’état-major, il ne marchait plus on le portait. On l’assit pour le fusiller. Les soldats crevèrent son cadavre à coup de crosse. Sicre vola sa montre et s’en fit une parure. .. Par les rues escarpées de Montmartre, lui qui avait risqué sa vie pour sauver les otages de la rue Haxo, fut traîné une grande heure. Sous la grêle des coups, sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles devint un hachis de chair, l’œil pendant hors de l’orbite. »

On a bien fusillé Varlin,

Flourens, Duval, Millière,

Ferré, Rigault, Tony Moilin,

Gavé le cimetière.

On croyait lui couper les bras

Et lui vider l’aorte.

Tout ça n’empêche pas Nicolas

Qu’ la Commune n’est pas morte.

Eugène Varlin, militant ouvrier et révolutionnaire

Eugène Varlin naît dans une famille de paysans pauvres. Il est apprenti peintre en 1862, puis devient artisan relieur à Paris. En 1857, il participe à la fondation de la société de secours mutuels des relieurs. En 1864-1865, il anime la grève des ouvriers relieurs parisiens. Il devient président de la société d’épargne de crédit mutuel des relieurs qu’il a aidée à créer (partisan de l’égalité des sexes, il y fait entrer à un poste élevé Nathalie Lemel).

En 1864 est créée l’Association internationale des travailleurs, souvent connue sous l’appellation de « Première Internationale ». Varlin y adhère en 1865 et participe, avec son frère Louis et Nathalie Lemel, à la première grève des relieurs. Il est délégué en 1865 à la conférence de l’AIT à Londres, puis en 1866 au premier congrès de l’AIT à Genève, où il défend contre la majorité des autres délégués le droit au travail des femmes.

À la même époque, il crée la Société de solidarité des ouvriers relieurs de Paris, dont les statuts évoquent la nécessité de « poursuivre l’amélioration constante des conditions d’existence des ouvriers relieurs en particulier, et, en général, des travailleurs de toutes les professions et de tous les pays, et d’amener les travailleurs à la possession de leurs instruments de travail. » Ses efforts contribuent à la création, le 14 novembre 1869, de la Fédération parisienne des sociétés ouvrières, qui plus tard passe à l’échelle nationale et devient ultérieurement la Confédération générale du travail. Varlin participe à la création d’une coopérative, La Ménagère, en 1867, et à l’ouverture, en 1868, d’un restaurant coopératif, La Marmite. Ce dernier compte 8 000 adhérents et ne ferme qu’après la Commune.

En 1868, 1869 et 1870, Varlin est arrêté et emprisonné plusieurs fois en raison des grèves poussées par l’AIT en France. En 1869, il est partisan de la participation aux élections et s’oppose à ce sujet aux proudhoniens. En 1870, la section parisienne de l’AIT publie un manifeste contre la guerre. Eugène Varlin constitue des sections de l’Internationale à Lyon, au Creusot et à Lille.

À la chute de l’Empire, Varlin fait partie, en septembre 1870, du comité central républicain des Vingt arrondissements de Paris et devient membre du comité central de la garde nationale au titre du 193e bataillon, dont il est le commandant. Il est révoqué de son commandement après l’insurrection du 31 octobre contre la politique menée par le gouvernement de la Défense nationale. Pendant l’hiver et le siège de Paris par les Prussiens, il s’occupe de l’alimentation des nécessiteux en fournissant les « marmites de Varlin » avec l’aide, notamment, de Nathalie Lemel et devient secrétaire du conseil de l’AIT pour la France. Le 8 février 1871, il est candidat, sans succès, comme socialiste révolutionnaire aux élections pour l’Assemblée nationale.

Lors du 18 mars 1871, Varlin participe à la prise de la place Vendôme. Le 24 mars, il participe à la rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l’AIT. Il est élu triomphalement le 26 mars au conseil de la Commune par les VIe, XIIe et XVIIe arrondissements, et nommé à la commission des finances. Il assure la liaison entre la Commune et les sociétés ouvrières.

Le 1er mai, Varlin, comme la majorité des internationalistes, s’oppose à la création du comité de salut public et signe le manifeste de la minorité. Pendant la Semaine sanglante, il tente en vain de s’opposer à une exécution d’otages, rue Haxo, et participe aux combats à Belleville.

Le 28 mai, au dernier jour de la Semaine sanglante, terrible répression menée par l’armée des Versaillais, Eugène Varlin, reconnu par un prêtre rue Lafayette, est arrêté et amené à Montmartre où il est lynché, éborgné par la foule et, finalement, fusillé par les « lignards ».

Varlin et la banque de France

Le gouvernement en fuyant à Versailles avait laissé les caisses vides ; les malades dans les hôpitaux, le service des ambulances et des cimetières étaient sans ressources, les services disloqués. Varlin et Jourde obtinrent quatre millions à la banque, mais les clefs étant à Versailles ils ne voulurent point forcer les caisses — ils demandèrent à Rothschild un crédit de un million qui fut alors payé à la banque.

La paye fut distribuée à la garde nationale qui se contentait de ses trente sous, croyant faire un sacrifice utile.

Les hôpitaux et autres services reçurent ce dont ils avaient besoin et les assassins et pillards du comité central commencèrent la stricte économie qui devait durer jusqu’à la fin, continuée par les bandits de la Commune.
Il est effrayant de constater combien le respect de ce cœur du vampire capital, qu’on appelle la Banque eût sauvé de victimes humaines : — c’était là l’otage véritable.

Les adversaires de la Commune avouent aujourd’hui que la Commune, osant se servir pour la cause commune de ces trésors qui étaient à tous, eût triomphé.

Il y avait donc à la Banque de France une fortune de trois milliards trois cent vingt-trois millions, plus de la moitié de la rançon de la guerre.
Que serait-il advenu si la Commune eût pu s’emparer de ce trésor, ce qu’elle eût fait très facilement sans aucune opposition si la banque avait été une banque d’Etat comme elle fit de tous les établissements publics ?

Nul doute qu’avec un tel nerf de la guerre elle n’eût été victorieuse.
Certes la Banque fut obligée de verser plusieurs sommes à la Commune. Les comptes de Jourde, délégué au ministère des finances, reconnus exacts, accusent des remises s’élevant à 7.750.000 francs ; mais qu’est-ce que cela à côté des trois milliards 1/2 que contenaient les coffres de la Banque... ?
Déjà l’infanterie de ligne qui avait gardé la Banque avait gagné Versailles. La Banque n’avait plus pour se défendre que 130 hommes environ, ses employés, commandés par un employé, M. Bernard, ancien chef de bataillon ; ils étaient mal armés avec seulement dix mille cartouches. Le 23 mars, par suite du départ de M. Rouland pour Versailles, M. de Pleuc se trouva investi du gouvernement de la Banque etc...

Pour ses débuts, M. de Pleuc reçut une lettre comminatoire de Jourde et de Varlin : il envoya le caissier principal au premier et au deuxième arrondissement et à l’amiral Saisset pour demander s’il pouvait engager la lutte et s’il serait secouru.

L’amiral Saisset n’était pas arrivé de Versailles, il fut introuvable.
L’adjoint du premier arrondissement, Méline, fit dire à M. de Pleuc d’éviter la lutte, d’user de conciliation. Il n’y avait pas d’autre conciliation possible que la remise d’argent, M. de Pleuc après avoir consulté son conseil de régence fit verser 350.000 sur 700.000 francs que réclamait Jourde.
Le même jour il fit un payement de 200.000 à un agent du trésor, envoyé de Versailles, etc...

Le Comité central en eut connaissance ; il fit notifier à M. de Pleuc que tout payement pour le compte de Versailles serait considéré comme un crime de haute trahison.

Le 24 mars, M. de Pleuc vit enfin l’amiral Saisset qui lui déclara devant MM. Tirard et Schoelcher qu’il défendrait la Banque. Mais en le reconduisant il lui avoua qu’il n’était pas en mesure de le faire. On ne pouvait songer à évacuer la Banque, car il eût fallu quatre-vingts voiture et un corps d’armée pour les protéger, etc...

M. de Pleuc profita de ces négociations pour faire sortir de Paris trente-deux clichés, et mettre aussi obstacle à la fabrication de billets, si la Commune venait à s’emparer de la Banque...

Il (M. de Pleuc) insinua à Beslay, délégué auprès de lui, qu’il valait mieux nommer un commissaire délégué, qu’il le recevrait, si c’était lui et s’il consentait à borner son mandat à connaître des rapports de la Banque avec Versailles et la ville de Paris. — Voyons, monsieur Beslay, lui dit-il, le rôle que je vous offre a assez de grandeur, aidez-moi à sauver ceci, c’est la fortune de votre pays, c’est la fortune de la France.
Beslay fut convaincu et la Commune se contenta d’un commissaire délégué, etc.
Le 24 au matin, pour la première fois depuis soixante-sept jours, des soldats apparurent devant la Banque, mais au lieu de s’occuper immédiatement pour la défendre contre une suprême tentative ils passèrent sans s’arrêter. — Un second bataillon passa encore. M. de Pleuc fit alors hisser le drapeau tricolore ; à 8 heures le général l’Héritier entrait à la Banque et y établissait son quartier général, etc.

(Le Matin, 11 juin 1897.)

Ces trente sous dont les familles avaient à peine du pain eurent pendant près de trois mois ces trésors à leur disposition ; ils avaient le même sentiment que le pauvre vieux Beslay, si odieusement trompé, ils croyaient garder la fortune de la France.

Varlin, président de séance au comité central, répondit que le gouvernement avait été l’agresseur, mais que le comité central ni la garde nationale ne désiraient la guerre civile.

Varlin, Jourde et Moreau accompagnèrent les délégués à la mairie de la Banque où ils discutèrent sans pouvoir s’entendre, le comité central ne pouvant déserter son poste.

La mort de Varlin

Ce dimanche-là, du côté de la rue de Lafayette fut arrêté Varlin : on lui lia les mains et son nom ayant attiré l’attention, il se trouva bientôt entouré par la foule étrange des mauvais jours.
On le mit au milieu d’un piquet de soldats pour le conduire à la butte qui était l’abattoir.

La foule grossissait, non pas celle que nous connaissions houleuse, impressionnable, généreuse, mais la foule des défaites qui vient acclamer les vainqueurs et insulter les vaincus, la foule du væ victis éternel.

La Commune était à terre, cette foule, elle, aidait aux égorgements.
On allait d’abord fusiller Varlin près d’un mur, au pied des buttes, mais une voix s’écria : — Il faut le promener encore ; d’autres criaient : — Allons rue des Rosiers.

Les soldats et l’officier obéirent ; Varlin toujours les mains liées, gravit les buttes, sous l’insulte, les cris, les coups ; il y avait environ deux mille de ces misérables ; il marchait sans faiblir, la tête haute, le fusil d’un soldat partit sans commandement et termina son supplice, les autres suivirent. — Les soldats se précipitèrent pour l’achever, il était mort.
Tout le Paris réactionnaire et badaud, celui qui se cache aux heures terribles n’ayant plus rien à craindre vint voir le cadavre de Varlin.

Raconté par Amédée Dunois

Eugène Varlin : Aux origines du mouvement ouvrier et du syndicalisme

Le Paris d’Eugène Varlin

Biographie

Chronique d’un espoir assassiné

Varlin, rapporté par Agnès Pavlowsky

Lire encore sur la Commune de Paris (1871)

Messages

  • En mars 1871, lorsque le peuple parisien déclenche une révolte dont le processus restera unique dans l’histoire de France, Eugène Varlin se retrouve aux premières loges. Plusieurs fois condamné à la prison, contraint à un exil en Belgique, créateur de sections de l’Internationale un peu partout sur le territoire (au Creusot, à Lille, etc.), fondateur du Comité de vigilance du 6e arrondissement, c’est un républicain expérimenté qui participe à la prise de la place Vendôme et est élu triomphalement membre de la Commune. Aux finances, puis aux subsistances, puis à la manutention, l’homme est sur tous les fronts, avec dévouement et probité, modestie et une rigueur digne de l’Incorruptible : il refuse les privilèges et ignore les passe-droits. Intransigeant jusqu’au bout, il vote en mai contre la création du Comité de salut public et signe le manifeste de la minorité, tout en poursuivant son œuvre quotidienne. Il s’oppose même, en vain, à l’exécution de gendarmes et d’ecclésiastiques.

    À l’heure où les troupes versaillaises de Thiers se déchaînent et laissent derrière elles des charniers de milliers de morts, il prévient Jules Vallès que tous les Communards «  seront dépecés vivants et traînés dans la boue  » mais ne perd pas sa lucidité en pleine Semaine sanglante : «  L’histoire finira par voir clair et dire que nous avons sauvé la république.  » Le 28 mai, dernier jour du massacre, alors qu’il se trouve sur l’un des derniers lieux de résistance, épuisé, assis sur un banc près de la rue Cadet, il est reconnu puis dénoncé par un prêtre en civil. Varlin ne se défend pas et se tait. Livré à la foule, lynché, éborgné par cette tourbe bourgeoise revancharde, il est condamné à mort et fusillé. Avant de fléchir sur le côté droit du corps, il hurle : «  Vive la république ! Vive la Commune !  » Le lieutenant Sicre, à l’origine de son arrestation, exhibera durant des semaines, dans ses dîners en ville, la montre en argent de Varlin dont il s’est emparé…

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