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Pourquoi nous n’avons pas aimé les mathématiques ?

lundi 28 décembre 2015, par Robert Paris

Albert Einstein :

"Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide."

Victor Hugo :

« J’étais alors en proie à la mathématique.

Temps sombre ! enfant ému du frisson poétique

On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux

On me faisait de force ingurgiter l’algèbre

On me tordait depuis les ailes jusqu’au bec

Sur l’affreux chevalet des x et des y

Hélas, on me fourrait sous les os maxillaires

Le théorème orné de tous ses corollaires.

Pourtant, on peut être poète et mathématicien. »

Isocrate :

« Les mathématiques sont une gymnastique de l’esprit et une préparation à la philosophie. »

« Jeux avec l’infini, Voyage à travers les mathématiques » du mathématicien Rozsa Péter :

« Aucun fossé ne sépare l’ « esprit de finesse » et l’ « esprit de géométrie » et, pour ma part, la beauté intrinsèque des mathématiques me séduit plus que leurs applications pratiques. Reflet de l’esprit ludique de l’homme, les mathématiques lui ouvrent en même temps les perspectives de l’infini – tout en restant, sur leur caractère inachevé, « humaines, trop humaines »… Je cherche à remonter aux sources affectives qui sont communes à l’écrivain et au mathématicien… Je pense d’ailleurs que l’une des sources des mathématiques est l’esprit ludique de l’homme, de sorte que les mathématiques ne sont pas uniquement une science, mais aussi un art… C’est que l’homme ne se contente pas de compter ce qu’il voit ; le plaisir que lui procure la répétition l’incite à aller plus loin. Les poètes connaissent bien ce phénomène : la joie de reproduire un même rythme, une même consonance… Tout mon livre tend à démontrer qu’il n’y a point de coupure entre ce que l’on appelle généralement « la culture mathématique » et la « culture littéraire ». La linguistique mathématique, en particulier, représente un amalgame indissociable de ces deux cultures… Les investigations mathématiques, qui constituent ma passion et embellissent mon existence, ont souvent pour origine une certaine disposition d’esprit, le surgissement d’une image, les pulsations perçues dans certaines sonorités, une certaine prédilection pour le jeu. »

Le mathématicien Georg Cantor :

« L’essence des mathématiques, c’est la liberté. »

Leibniz :

"Les mathématiciens ont autant besoin d’être philosophes que les philosophes, mathématiciens."

Einstein :

"L’imagination est bien plus importante que la connaissance."

Albert Connes :

"J’ai autant de plaisir à déchiffrer des partitions de Chopin que des livres d’équations."

Pourquoi nous n’avons pas aimé les mathématiques ?

Nombre d’entre nous n’ont pas aimé les mathématiques en les apprenant à l’école et même certains les ont carrément détestées. De ce point de vue, les mathématiques ne sont jamais considérées comme une matière d’étude comme une autre. On peut aimer ou ne pas aimer la géographie ou l’histoire, les sciences naturelles ou les sciences physiques mais ces matières ne suscitent pas une telle haine chez ceux qui n’ont pas accroché. Et ce n’est pas un hasard, comme on va le voir…

Il suffit d’interroger ceux qui ont pris cette matière en grippe pour apprendre qu’elle les a discrédités, terrorisés, démoralisés : malgré des efforts importants, ils ont le sentiment de nager éperdument mais de recevoir sans cesse de nouvelles vagues dans la figure et de perdre de plus en plus pied, au point de renoncer à tout espoir de surnager. Par la suite, ils se sont demandés à quoi toutes ces difficultés particulièrement abstraites pouvaient bien servir, à part juger les élèves, les hiérarchiser les uns par rapport aux autres, et dévaloriser ceux qui ne parvenaient pas à suivre une telle démarche particulièrement bizarre. Ils se sont également demandés en quel endroit de leur cerveau il aurait fallu qu’ils aillent chercher les moyens de répondre à ce type de questions oiseuses concernant des objets qui ne font pas partie de la vie courante.

Quelques rares heureux élus ont semblé passer au travers de toutes ces difficultés et baigner sans difficulté dans l’abstraction mathématique et est souvent parvenu d’en tirer un sérieux avantage social et professionnel ainsi qu’une certaine assurance intellectuelle.

A quoi tiennent ces différences ? Différence de goût, de caractère, de particularités du cerveau, de particularités de l’éducation familiale, de culture familiale, de type de formation scolaire ou tout cela à la fois. On ne peut que constater que différents individus d’une même famille, d’un même milieu social, d’une même école, passant par les mêmes maîtres d’école et les mêmes professeurs ont eu des résultats différents. On peut même rajouter que deux vrais jumeaux faisant leurs études dans les mêmes classes ont des résultats différents !!!

La question est donc loin d’être simple.

Pour approfondir cette question, il faudrait répondre à cette autre : quel est le but des mathématiques ?

Certains répondront compter et mesurer, résoudre des problèmes physiques, économiques ou scientifiques. Ceux-là confondent le but et l’utilité, ce qui n’est nullement identique.

Les mathématiques sont une activité du cerveau et on se demande pourquoi il trouve la voie de cette activité, exactement comme il est capable d’écouter la musique, de sentir les rythmes, d’apprécier les couleurs, de comprendre le mouvement.

En effet, les mathématiques se sont développées de longues années avant d’avoir une utilité scientifique avérée, bien avant Newton ou Maxwell, sans parler d’Einstein.

Pourquoi le cerveau humain a-t-il la capacité de faire des mathématiques, voilà la question que nous posons et pourquoi il y trouve même un certain type de satisfaction, de bien-être, de plaisir, que les aficionados de la matière estiment aussi fort que le goût de la musique, le goût du sport, le goût de la peinture ou d’autres activités qui plaisent à notre cerveau.

Cela n’empêche pas, diront les terre-à-terre qui prônent le pragmatisme, que, si on fait faire autant de mathématiques aux élèves, c’est à cause de leur utilité en sciences ou en économie.

J’estime, pour ma part, que ceux qui font des mathématiques un simple outil des sciences passent à côté de l’essentiel, de sa véritable histoire, des vrais buts des études mathématiques, de leur vrai fonctionnement, de leur véritable importance pour l’humanité. Un peu comme si on disait que la musique est là pour servir à faire marcher au pas les soclats et la peinture pour réaliser des affiches publicitaires…

D’ailleurs, si le développement des mathématiques avait dû attendre que des besoins des sciences et de l’économie y fassent appel, les physiciens comme Newton et Leibniz n’auraient pas disposé des outils mathématiques leur permettant de développer leurs découvertes. Et de même pour Maxwell ou Einstein. Qu’ils aient pioché dans l’arsenal mathématique et qu’ils l’aient même modifié selon leurs besoin, certes, mais des générations de mathématiciens qui avaient précédé leur époque avaient donné une base aux mathématiques sans laquelle ils n’auraient pas pu accomplir leur tâche. Et, le plus souvent, les mathématiciens ont développé des études et construit des notions sans savoir du tout à quoi elles allaient servir. De même que la plupart des compositeurs de musique ou des peintres ont développé leur œuvre sans savoir pourquoi les générations suivantes allaient trouver plaisir à les écouter ou à les regarder.

Alors quels autres buts verrions-nous aux mathématiques ? Des buts internes au cerveau lui-même, le besoin de faire jouer les interactions neuronales par des liaisons logiques, le but de fabriquer des philosophies, le but de pratiquer une activité qui met en mouvement notre cerveau et lui donne des satisfactions intellectuelles, celles d’avoir su résoudre des problèmes et d’en construire d’autres.

En effet, pourquoi ces milliers d’années où l’humanité a fait des mathématiques pour des buts qui allaient bien au-delà de la nécessité de délimiter des champs ou de partager des troupeaux et de compter des marchandises ? Les études antiques des mathématiques n’étaient pas autre chose que de la curiosité intellectuelle pure de tout but pragmatique et même du goût du jeu de l’esprit que les fans des maths reconnaissent tous pratiquer, exactement comme ils peuvent avoir plaisir à jouer aux échecs, au go, ou jouer d’un instrument, ou bien écouter de la musique classique et il semble bien que cela actionne des mécanismes cérébraux très proches. Oui, le cerveau s’amuse à ces jeux et il y trouve un grand plaisir. Du moins pour ceux avec lesquels le processus de plaisir de jouer s’enclenche. Et il faut reconnaitre que les différents cerveaux ont des goûts différents. Mais, pour prendre plaisir, encore faut-il savoir que c’est un jeu.

Là, j’entends déjà les contradicteurs me dire : ridicule, les mathématiques, un jeu alors qu’il s’agit d’un effort pénible où la fantaisie est exclue et qui nécessitent, au contraire, un sérieux et une concentration maximales !

Mais les échecs ou le go aussi, l’interprétation musicale également comme aussi le sport nécessitent des efforts et de la concentration et tout autant d’exercices, de répétitions, d’apprentissage méthodique du cerveau et pourtant qui dénierait que l’on fait (ou que l’on écoute) de la musique pour le plaisir comme on joue aux échecs pour le plaisir.

Eh bien, le cerveau fait des mathématiques pour le plaisir ! Parce que c’est une manière pour lui de jouer…

D’ailleurs justifier l’importance des mathématiques dans les études des jeunes par l’importance des mathématiques dans les sciences et autres activités professionnelles est absurde car la plupart des gens n’utilisent dans leur vie professionnelle que des mathématiques très très rudimentaires. La plupart des sciences (géographie, biologie, études des animaux, géologie, etc.) n’en utilisent pas davantage.

Et, si les maths ne servaient que les futurs scientifiques et quelques spécialistes d’économie, pourquoi devrions-nous les faire étudier à toute la jeune génération ?

La réponse est que les maths sont une activité du cerveau et pas un simple outil ! On n’apprend pas la musique aux seuls futurs musiciens ni la peinture aux peintres, ni l’éciture aux écrivains. Désolé d’avoir à rappeler des banalités pareilles mais on se demande parfois si ces choses sont encore évidentes dans notre société toute préoccupée de rentabilité, de pragmatisme, d’efficacité économique et complètement déshabituée de voir dans l’étude un objectif du développement humain individuel.

Selon moi, il convient de reconnaitre que les mathématiques sont fondées sur la liberté intellectuelle, sur la créativité personnelle, sur l’originalité de la pensée de chaque cerveau, sur le goût des jeux abstraits et intellectuels.

Là encore, les contradicteurs vont s’esclaffer : la liberté, l’originalité, la créativité en mathématiques, quelle contrevérité ! Selon eux, il n’aurait pas matière moins personnelle, laissant moins de place à la liberté personnelle, à la créativité de chacun, il n’y aurait pas de matière plus dictatoriale et qui impose toutes ses règles et toutes ses méthodes. On se souvient de l’adage : qu’on le veuille ou pas un et un feront toujours deux et il ne peut servir à rien d’expérimenter le contraire !

Eh bien, désolé de vous contredire moi aussi : la liberté existe en mathématiques. On peut « librement » inventer des mathématiques dans lesquelles les droites parallèles ne se rencontrent jamais comme des mathématiques dans lesquelles elles se rencontrent toujours. On peut construire des mathématiques dans lesquelles existent seulement des nombres entiers ou fractions d’entiers ou des mathématiques dans lesquelles existent des nombres irrationnels (c’est-à-dire qui ne sont pas comme les précédents). Les mathématiques n’ont même pas besoin de coller au réel pour être exactes ou même pour être utiles. Ainsi, les amthématiques peuvent jongler avec les infiniment petits ou les infiniment grands, même si la réalité physique ne reconnaît pas de telles quantités. Les mathématiques inventent la continuité et ses lois, même si la physique n’accepte pas de continuité de ses paramètres.

C’est là que les mathématiques rejoignent l’art et sa liberté par rapport au réel. Le tableau n’a pas besoin de coller à la réalité, pas plus que la musique ne doit ressembler aux bruits de la nature (bruits de l’eau, bruits des chocs de matière, etc.), ni aux chants de l’oiseau.

Certes, chacun peut considérer que les mathématiques nécessitent de la discipline, de la rigueur, des règles, des apprentissages que l’on ne peut pas négliger ni supprimer. Tout cela est vrai. Mais la pratique d’un instrument de musique ne nécessite-t-elle pas discipline, rigueur, règles, apprentissages et autres difficultés et pourtant chacun ne reconnaît-il pas de liberté en musique, y compris dans le domaine de l’interprétation ?

On ne peut pas inventer la réalité mais le cerveau peut inventer des jeux à partir des concepts qu’il produit. Et il a même un très grand plaisir à jouer à inventer des concepts. C’est de la philosophie. Et les mathématiques, justement, c’est de la philosophie !!!

Bien sûr, ceux qui n’ont pas trouvé goût aux mathématiques n’ont jamais su que c’était une démarche culturelle, intellectuelle, philosophique et par-dessus tout un jeu de l’esprit ! Ils n’ont jamais eu le sentiment de jouer en mathématiques et peut-être qu’on ne leur a jamais dit qu’ils étaient en train d’étudier une catégorie de jeux mais plutôt que leur avenir professionnel et donc social était en balance !

Pour certains, tout doit avoir une utilité matérielle et il y en a même qui confondent cette conception avec le matérialisme marxiste ! Mais regardez les espèces vivantes et vous verrez qu’elles ne vivent pas que pour se nourrir et procréer mais aussi pour s’amuser comme les oiseaux jouent avec le vent et avec leurs ailes ou les poisseaux avec l’eau et leurs nageoires et passent plus de temps à cela qu’à chercher leur nourriture ou construire leurs nids, ou comme les ours sur la banquise qui passent du temps à manger ou à dormir mais aussi à la tendresse, à l’amour et au jeu….

L’homme aussi joue et il joue également avec son cerveau car ce dernier aime actionner ses circuits neuronaux de manière rythmique et l’un des moyens de le faire sest d’actionner des méthodes logiques, des raisonnements, des relations, des règles du jeu, que ce soit celles du jeu de dames, du jeu de l’oie ou du jeu d’échec, comme du jeu mathématiques. On notera que les civilisations les plus mathématiciennes ont en même temps inventé des jeux, comme le tric trac, le rami, le go ou les échecs…

Celui qui a goût aux raisonnements, aux calculs et aux constructions abstraites (algébriques, topologiques, analytiques ou géométriques, etc.) des mathématiques se trouve pris dans le suspense d’un jeu de l’esprit dans lequel ce dernier s’amuse, est plongé, s’abstrait du monde extérieur, reste concentré. Eh oui, notre cerveau aime jouer avec lui-même. Dans ce cas, il oublie tout ce qui se passe en dehors, exactement comme celui qui est plongé dans un rythme musical ou dans une prière religieuse ou dans une course sportive. Et cela seul justifie de faire des maths, pour s’amuser. Et c’est une clef pour trouver le cheminement vers les mathématiques : de trouver le jeu qu’il représente. Celui qui considère que c’est un jeu de massacre où la victime est lui-même ne risque pas d’y parvenir ! Et il ne sert à rien de lui dire qu’il va échouer dans la vie sociale s’il ne réussit pas à pénétrer les mathématiques pour l’aider à y parvenir ! Mieux vaut varier les sortes de jeu mathématiques (et ce n’est pas difficile car il en existe des quantités aussi diverses que possible) et d’en trouver une qui marche pour convaincre le joueur qu’il ne sera pas toujours perdant. Exactement comme un auditeur, qui n’aurait pas aimé le premier morceau de musique classique qu’il a écouté, peut en écouter deux ou trois autres, d’époques et de styles divers, avant de prétendre : « je n’aime pas le classique »… On peut être mauvais en calcul mais bon en géométrie, mauvais en raisonnement mais bon en analyse, etc…Se polariser sur le calcul quand c’est justement le calcul qui ne marche, c’est le bon moyen de dégoûter définitivement des mathématiques et convaincre durablement l’enfant qu’il détestera toujours les maths et que ce n’est qu’une matière pour les dévaloriser, les discréditer et justifier de leurs échecs futurs.

Pour les autres, les fans de maths, c’est un jeu, un plaisir, un amusement, un art, de même qu’on joue sur une plage à se baigner, à faire des chateaux de sable, à jouer avec les vagues, à jouer avec une planche à voile ou simplement avec ses muscles, à s’éprouver, à se mesurer, à se casser la figure. Personne ne songerait alors à considérer que boire la tasse est une catastrophe prouvant qu’on déteste nager. Sauf celui qui a été conduit à la mer, à qui on a imposé de nager en lui faisant peur, en le ridiculisant parce qu’il n’osait pas plonger ou boire la tasse. C’est un peu semblable : si vous faites de la natation une obligation, un jugement, un échec, une marque de faiblesse, vous trouverez des enfants qui auront pris cette activité ludique en grippe.

Inversement, ceux qui y ont pris goût, sont capables d’exercer de plus en plus ce goût, en faisant des exercices de plus en plus compliqués, de plus en plus acrobatiques sans que cela leur paraisse désagréable, à faire des efforts sans sentir qu’ils se fatiguent.

Dans les mathématiques, il y a de multiples styles, de multiples sortes de jeux qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Un même problème peut être résolu par de multiples cheminements. Je ne me souviens pas du nombre de manières de démotnrer le théoréme de Pythagore mais elles sont diverses. C’est là que l’ingéniosité personnelle peut agir en mathématiques. Il n’existe bien sûr aucune manière de démontrer que ce théoréme serait faux. Ce n’est pas là que réside la liberté personnelle de celui qui joue aux maths mais dans la manière de le démontrer ou aussi de l’utiliser, de le mettre en relation avec d’autres théorèmes ou d’autres propriétés, par exemple avec les fonctions trigonométriques.

Il est frappant de remarquer que ceux qui déclarent « je n’aime pas les mathématiques » croient qu’ils ont affaire à un domaine unique, fondé sur un état d’esprit unique, nécessitant un seul type de capacités ou de goûts, ce qui est tout à fait contraire de la vérité. Ceux qui ont goût aux maths savent parfaitement qu’ils ne sont pas aussi bons dans tous les types de mathématiques. C’est un peu comme si quelqu’un déclarait je n’aime pas la peinture en ayant vu une exposition de peinture abstraite ou de peinture religieuse !

A l’inverse, celui qui a pris goût au jeu aura à cœur de recommencer à en jouer pour se replonger et tenter à nouveau de rendre son cerveau maître du jeu. Comme dans n’importe quel jeu, celui qui est d’avance convaincu de toujours perdre face à un adversaire n’a aucune envie de recommencer puisque cela discrédite ses capacités ! On peut facilement dégouter quelqu’un de jouer d’un instrument de musique et lui prouver que c’est hyper difficile, voir inaccessible. Il en va de même en maths.

Pourquoi ne présente-t-on quasiment jamais les maths comme un jeu dans l’enseignement mais plutôt comme un moyen de réussir aux examens et de trouver une profession intéressante ? Pourquoi a-t-on privilégié les présentations les plus abstraites, comme la rotation définie en tant que classe d’équivalence d’homomorphisme ? Pourquoi définit-on abstraitement la projection plutôt que de montrer comment ce type de transformation est lié à conception des cartes ? Pourquoi les enseignants se refusent-ils aux jeux mathématiques qui peuvent sembler un peu farces et attrappes ou magie ? Pourquoi se refuser à faire jouer les élèves puisqu’ils accrochent si facilement aux jeux ?

Parce qu’on a décidé d’en faire une matière à sélection sociale, ce qui n’a pas de rapport direct avec le caractère de cette matière.

Nous entrons là dans une question qui a plus à voir avec les buts de la société bourgeoise qu’avec les buts de la matière intellectuelle des mathématiques.

En effet, la société est un édifice hiéararchique avec ceux qui ont réussi, ceux qui sont au bas de l’échelle et une classe intermédiaire ou moyenne. Et il faut à la fois donner l’impression que chacun a la possibilité d’accéder aux échelons supérieurs et en même temps justifier que la majorité va échouer. Les études, les examens, les concours sont là pour cela. On n’étudie pas parce que c’est intéressant, pour se cultiver, parce que c’est plaisant, pour s’amuser, parce que c’est beau, parce que c’est gai, etc. C’est du moins comme cela que la société a choisi de présenter les choses. On étudie pour grimper les échelons de la société.

Pendant de longues années, le critère de réussite a été fondé sur la réussite dans l’étude du grec, du latin et dans l’étude des textes religieux. Nous avons certes complètement oublié qu’on empêchait de très bons chirurgiens de devenir médecins sous le prétexte qu’ils ne connaissaient pas le latin, le grec ou les textes religieux mais c’est sur ces bases là que se fondaient la sélection des examens pendant très longtemps. Quand on a changé, on a choisi de les remplacer par les mathématiques et, même si on prétend avoir un peu diminué ce seul critère, il reste dominant.

Un autre critère fondamental a été le choix d’études qui permettent d’accéder à des emplois. Cela signifie que l’on étudierait non pour s’enrichir personnellement mais pour participer au marché de l’emploi, pour devenir salarié, pour se faire exploiter. Bel objectif personnel !

Le but des études n’est pas l’homme, individuel comme social, n’est pas la construction intellectuelle et personnelle que cela permet, mais l’intégration à un système social et qui plus est à un système qui ne profite vraiment qu’à une petite minorité. Le culte de la réussite personnelle amène une majorité à ne réussir qu’à se faire exploiter toute leur vie pour le profit de moins d’un pourcent de la population !

Qu’une majorité de ceux qui ont échoué en accusent les mathématiques ne fait que montrer à quel point cette matière a été détournée de ses buts réels.

On peut se dire que c’est justifié par l’emploi général et dominant des mathématiques dans le monde moderne. Tout serait mathématique nous dit-on.

Cela est faux : les mathématiques ne sont qu’une des philosophies de l’homme pour étudier la nature et non la seule. Et cela pour une simple et bonne raison : la nature n’est nullement calquée sur les mathématiques, ni l’inverse. Nous avons déjà relevé plus haut que les infinis (petit et grand), que la continuité, que « le tout qui est la somme des parties », que les problèmes indécidables qui existent en mathématiques n’existent pas en sciences. Les mathématiques sont donc une pensée humaine et non une copie de la réalité. Le cercle, la droite, le point n’ont jamais existé en réalité. Ce sont de pures abstractions. Aucun objet ne leur ressemble ni n’en est approchant. En mathématiques, on peut construire un paramètre qui parcourt successivement toutes les valeurs réelles. Cela n’est pas possible dans la réalité. Et on peut multiplier les exemples qui montrent que les mathématiques ne sont qu’une manière de philosopher sur la nature. On remarque qu’une grande partie des sciences se passe, pour l’essentiel, des mathématiques. On ne les trouve pas, par exemple, dans la théorie de l’évolution des espèces, dans la théorie du développement des êtres vivants, dans l’embryologie, dans la géologie, etc.

Ce n’est même pas leur utilité sociale qui a amené les classes dirigeantes à en faire un instrument de sélection sociale, en dégoûtant du même coup une grande partie des enfants. C’est plutôt le fait que leur abstraction favorise les enfants des couches sociales aisées et éduquées, vivant dans un monde stable et permettant l’étude et la concentration, qui a amené ce choix. Si c’était l’usage qui avait été déterminant, on aurait plutôt favorisé l’étude de la langue ou des langues qui sont esssentielles pour toutes les communications entre les hommes.

Ainsi, les études (et l’échec dans celles-ci) servent à justifier la hiérarchie sociale et la formation (ou la reproduction) des cercles dirigeants de la société. Ce n’est pas la supériorité intellectuelle cependant qui détermine ces couches sociales mais la possession de capitaux, ce qui n’a pas grand-chose à voir, rien n’obligeant même les grands possesseurs de capitaux de les gérer eux-mêmes et rien ne les empêchant d’embaucher des salariés bien payés pour cela.

Même si les mathématiques servent en économie ou en finance, ce n’est pas au point d’utiliser l’essentiel du bagage mathématique qui a été fondé mais seulement une toute petite partie de celui-ci.

Il est impossible de ramener les mathématiques à un outil de l’économie ou des sciences. C’est d’abord un jeu de l’esprit et une manière de développer et de cultiver celui-ci.

Pour ceux qui demandent toujours sur chaque domaine d’étude : « à quoi ça sert ? » Il faut faire comme pour la peinture, pour l’écriture, pour la musique. Il faut répondre que ça sert à devenir des hommes et pas autre chose !!!

Mathématiques et sciences

« Les schémas du mathématiciens, comme ceux du peintre ou du poète, doivent être beaux ; les idées, comme les couleurs ou les mots, doivent s’assembler de façon harmonieuse. La beauté est le premier test : il n’y a pas de place durable dans le monde pour les mathématiques laides. »

Le mathématicien G.H Hardi

« Monsieur Fourier avait l’opinion que le but principal des mathématiques était l’utilité publique et l’explication des phénomènes naturels. Un philosophe tel que lui aurait dû savoir que le but unique de la Science, c’est l’honneur de l’esprit humain et que, sous ce titre, une question de nombres vaut bien une question de système du monde. »

Le mathématicien Gustav Jacobi

« Une bonne partie des mathématiques devenues utiles se sont développées sans aucun désir d’être utiles, dans une situation où personne ne pouvait savoir dans quels domaines elles deviendraient utiles. Il n’y avait aucune indication générale qu’elles deviendraient utiles. C’est vrai de toute la science. »

Le mathématicien John Von Neumann

« Il n’est pas nécessaire qu’un problème de maths ait des applications pratiques pour qu’il soit intéressant et il peut être très agréable pour l’esprit d’essayer de résoudre des questions apparemment futiles. »

Le mathématicien Axel Thue

« Il y a une joie réelle à faire des mathématiques, à apprendre de nouvelles méthodes de pensée qui expliquent, organisent et simplifient. On peut ressentir cette joie en découvrant de nouvelles mathématiques, (…) ou en trouvant une nouvelle façon d’expliquer (…) une structure mathématique ancienne. »

Le mathématicien William P. Thurston

Messages

  • Henkin :

    « L’une des plus grandes méprises à propos des mathématiques, que nous perpétuons dans nos salles de classe, c’est que le professeur semble connaître la réponse de tous les problèmes qui sont traités. Cela donne l’impression à l’élève qu’il y a quelque part un livre contenant toutes les réponses des questions intéressantes et que les professeurs connaissent ces réponses. Et que, si nous pouvions mettre la main sur ce livre, tout serait réglé. C’est totalement contraire à la vraie nature des mathématiques. »

  • « Avec la réforme du baccalauréat, la France renonce définitivement à offrir une culture scientifique à ses élèves. » a déclaré Vincent Parbelle, président de l’Union des professeurs de Physique et de Chimie. Le « socle de culture commune », un bloc de seize heures de cours en première et de quinze heures trente en terminale, ne contient que deux petites heures parlant de sciences et intitulées « humanités scientifiques et numériques » au contenu aussi fumeux que l’intitulé. La recommandation de Villani d’un « module annuel de réconciliation avec les mathématiques » est remisée. En somme, des mathématiques et des sciences pour les meilleurs et plus de mathématiques et de sciences pour « ceux qui ne sont rien » comme Macron les appelle…

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