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Un concept abandonné par des "trotskistes" (LO, NPA-convergences, GMI) : l’impérialisme décrit par Lénine (2)

lundi 3 août 2015, par Alex

Cet article est la suite de la partie (1).

La nécessité d’une telle discussion est confirmée par un récent éditorial de LO intitulé Grèce, Espagne, Portugal, Allemagne, France... une même classe ouvrière.

Ce titre prône à juste titre l’union des travailleurs dépassant les clivages nationaux. C’est juste et c’est beau, « Kalos kagathos » comme diraient les camarades grecs. Il est vrai que les objectifs à long terme des prolétariats de France, Grèce et même Chine, Mali sont les mêmes : l’abolition du salariat, des classes sociales sur notre globe.

Mais le prolétariat de France est celui d’un pays impérialiste, sa place politique et économique actuelle est donc différente de celui de la Grèce, du Mali. Un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre. La France opprime la Grèce, et pas l’inverse ! Le titre et le contenu de l’article de LO occultent ce fait, que nous devons imprimer dans le cerveau des travailleurs d’ici.

L’article de LO tient donc plus de l’humanisme chrétien ouvriériste (nous sommes tous des frères de classe) que du Marxisme à l’ère de l’impérialisme : ouvriers riches ou pauvres, de Paris ou de Bamako, nous serions déjà tous des frères de classe dans la même situation. C’est une théorie de camarades marxistes de la Gauche communiste, pas celle de Lénine ou Trotski

La partie (1) de notre article a souligné comment cette déformation de la réalité, qui découle de l’oubli du concept d’impérialisme, se retrouve dans les textes des groupes comme NPA-convergence ou GMI.

Lénine décrit dans son chapitre 10 LA PLACE DE L’IMPERIALISME DANS L’HISTOIRE la base sociale du réformisme spécifique aux pays impérialistes comme la France :

Les profits élevés que tirent du monopole les capitalistes d’une branche d’industrie parmi beaucoup d’autres, d’un pays parmi beaucoup d’autres, etc., leur donnent la possibilité économique de corrompre certaines couches d’ouvriers, et même momentanément une minorité ouvrière assez importante, en les gagnant à la cause de la bourgeoisie de la branche d’industrie ou de la nation considérées et en les dressant contre toutes les autres. Et l’antagonisme accru des nations impérialistes aux prises pour le partage du monde renforce cette tendance. Ainsi se crée la liaison de l’impérialisme avec l’opportunisme, liaison qui s’est manifestée en Angleterre plus tôt et avec plus de relief que partout ailleurs du fait que certains traits impérialistes de développement y sont apparus beaucoup plus tôt que dans les autres pays

formalisant ce qu’Engels avait constaté dans une lettre à Kautsky :

Vous me demandez ce que pensent les ouvriers anglais de la politique coloniale. La même chose que ce qu’ils pensent de la politique en général. Ici, point de parti ouvrier, il n’y a que des radicaux conservateurs et libéraux ; quant aux ouvriers, ils jouissent en toute tranquillité avec eux du monopole colonial de l’Angleterre et de son monopole sur le marché mondial (Engels, 1882)

Essayons de montrer comment le concept d’impérialisme décrit par Lénine donne la trame du point de vue duquel la question grecque devrait être envisagée par des marxistes au niveau de la propagande.

L’impérialisme caractérisé en 5 points par Lénine

Dans son ouvrage L’impérialisme, stade suprême du capitalisme au chapitre L’IMPERIALISME, STADE PARTICULIER DU CAPITALISME Lénine décrit l’impérialisme en 5 points :

1) concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique ;

2) fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce "capital financier", d’une oligarchie financière ;

3) l’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une importance toute particulière ;

4) formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde, et

5) fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.

Cet article ne prétend pas donner une description complète de la crise grecque à partir de ces 5 points, mais toute analyse de fond qui se veut marxiste doit à mon avis prendre ces 5 points comme base de départ, éventuellement dans le but de les actualiser.

Le point 4) éclaire déjà un aspect fondamental de la crise grecque. Le partage du monde entre monopoles est illustré par le Financial Times, organe de presse du capital, dont l’une des rubriques quotidiennes est la liste FT500. C’est la liste des 500 plus grands groupes mondiaux. Ces groupes sont classés par pays ce qui illustre en partie le point 5) : le partage du monde entre grandes puissances.
Dans cette liste (juillet 2015) un peu plus de 30 pays ont des groupes parmi les 500 plus gros.

La répartition par continents de près de 500 de ces grands groupes est

  1. ) 232 en Amerique (USA 203, Canda 19, Brésil 6, Mexique 3)
  2. ) 127 en Europe (Royaume-Uni 37, France 25, Allemagne 18, Suisse 11, Suède 10, Espagne 7, Italie 6, Pays-Bas 6, Russie 5, Danemark 3, Norvège 3, Belgique 2, Finlande 2)
  3. ) 124 en Asie (Chine 38, Japon 34, Hong Kong 15, Inde 14, Singapour 6, Arabie Séoudite 4, Corée du sud 4, Indonésie 3, Taiwan 2, Emirats Arabes Unis 1, Israel 1, Qatar 1, Thailande 1)
  4. ) 9 en Oceanie (Australie 9)
  5. ) 3 en Afrique (Afrique du Sud 3)

Ces chiffres montrent d’abord bien que le monopole de l’Angleterre sur le marché mondial à l’époque de Lénine a été remplacé par l’hégémonie des USA :

L’ère de la domination européenne sur les relations internationales prend fin avec le premier conflit réellement planétaire, la seconde guerre mondiale.

Ils montrent aussi que, bien que l’Allemagne soit plus puissante industriellement que la France, la France compte plus de grands groupes. Or ceux-ci sont des acteurs fondamentaux du capital financier.

Concernant le point 5) de Lénine voici les rangs d’Etats classés par la surface qu’ils contrôlent (terre+mer d’où la place de la France dont le territoire maritime est le 2ème après celui des USA)

1er Russie 24.6, 2ème USA 21.7, 5ème Chine 13.5, 7ème France 11.7, 11ème Inde 5.6, 75 ème Grèce 0.6, 93 ème Allemagne 0.4.

Ces chiffres montrent l’importance de la Grèce en matière de territoire maritime. L’allemagne est plus petite de ce point de vue, c’est un nain par rapport à la France. La France est la première puissance territoriale en Europe. Sa place dans le partage du monde est majeure, bien devant l’Allemagne.

Les 3 groupes dont nous critiquons les textes ne cherchent certes pas à nier ces inégalités, qui illustrent une des contradictions du capitalisme à l’ère de l’impérialisme. Dans un vieux manuel soviétique on lit cependant

Mais l’impérialisme pousse a l’extrême toutes les contradctions du capitalisme, en particulier

  1. contradictions entre le capital et le travail
  2. contradictions entre les puissances impérialistes
  3. contradictions entre les métropoles et les colonies, semi-colonies, protectorats etc.

(Aperçu d’histoire et d’économie - II La société capitaliste, Editions de Moscou)

Or dans les articles de ces groupes, c’est la contradiction 1) qui est exaltée sur un ton moral. Mais la contradiction entre le capital et le travail ne date pas de l’impérialisme. Par contre les contradictions 2) et 3) sont éludées. On vient de le voir la contradiction 3) est en partie niée par ces groupes "trotskistes" qui mettent les classes ouvrières de tous les pays au même niveau (bien qu’ils admettent que les bourgeoisie sont différentes car plus ou mons riches et puissantes !).

Mais c’est surtout la contradiction 2) qui disparait de leur texte : or la crise de 2008 accroit les tensions guerrières.

Ces groupes ne mentionnent absolument pas ces perspectives de guerres entre les puissantes nations. En ce sens ils reprennent sans le dire le point de vue du centriste Kautsky, sa théorie du « super-impérialisme ». Certes ces groupes dénoncent haut et fort ce super-impérialisme, car il est injuste. Mais ils le font en termes proudhoniens car ce sont les inégalités riches-pauvres qu’ils dénoncent. Les rivalités France-Allemagne peuvent-elles mener à des affrontements violents en Europe ? Pas seulement entre la population grecque et ses « créditeurs », mais entre la France, l’Allemagne, les USA, la Russie, la Chine ? Lorsque LO qualifie le couple Hollande-Merkel de « fine équipe », un travailleur n’est pas amené à penser à la guerre.

On peut certes dénoncer comme injustes les « Plans de soutien à la Grèce » mis au point par la France et l’Allemagne. Mais il est à mon avis vital de souligner que ces accords sont des compromis entre les impérialismes américains, français, allemand, russe etc et qu’ils ne sont que la préparation du terrain ... pour des affrontements plus violents entre les impérialismes, à cause de la situation nouvelle crée par la crise en 2008.

C’est un des traits de l’impérialisme que Lénine met en avant dans sa critique de la théorie de l’ultra-impérialisme (c’est à dire d’un impérialisme injuste mais pacifique) de Kautsky

Aussi, les alliances "inter-impérialistes" ou "ultra-impérialistes" dans la réalité capitaliste, et non dans la mesquine fantaisie petite-bourgeoise des prêtres anglais ou du "marxiste" allemand Kautsky, ne sont inévitablement, quelles que soient les formes de ces alliances, qu’il s’agisse d’une coalition impérialiste dressée contre une autre, ou d’une union générale embrassant toutes les puissances impérialistes, que des "trêves" entre des guerres. Les alliances pacifiques préparent les guerres et, à leur tour, naissent de la guerre ; elles se conditionnent les unes les autres, engendrant des alternatives de lutte pacifique et de lutte non pacifique sur une seule et même base, celle des liens et des rapports impérialistes de l’économie mondiale et de la politique mondiale. Or, l’extra-lucide Kautsky, pour rassurer les ouvriers et les réconcilier avec les social-chauvins passés aux côtés de la bourgeoisie, sépare les deux anneaux de cette seule et même chaîne ; il sépare l’union pacifique (et ultra-impérialiste, voire ultra-ultra-impérialiste) actuelle de toutes les puissances pour "pacifier" la Chine (rappelez-vous la répression de la révolte des Boxers) du conflit non pacifique de demain, lequel préparera pour après-demain une nouvelle alliance universelle "pacifique" en vue du partage, par exemple, de la Turquie, etc., etc. Au lieu de la liaison vivante entre les périodes de paix impérialiste et les périodes de guerres impérialistes, Kautsky offre aux ouvriers une abstraction sophistiquée, afin de les réconcilier avec leurs chefs dégénérés.

Le défaut de paiement : pour les impérialismes une aubaine ... mais qui mène à des affrontements inter-impérialistes

Cette vision pacifiste du capitalisme est contredite par l’histoire. Le défaut de paiement d’un pays dominé est l’autorisation d’en prendre le contrôle. Prenons l’exemple de l’Egypte, écrasée militairement par l’Angleterre en 1882, un épisode décrit par le diplomate et romancier Eça de Queiros (1845-1900, surnommé le Zola portugais) dans son article Les Anglais en Egypte :

En effet vous savez surement que l’Egypte, endettée jusqu’au sommet des pyramides auprès des bourgeoisies financières de Paris et e Londres, et ayant ommis de payer quelques coupons, la France et l’Angleterre avaient résolu de veiller maternellement aux intérêts de leurs agioteurs. Pour ce faire elles avaient installé au Caire deux gentilshommes, MM. Coloin et Blegnières. Ils exerçaient tous deux les fonctions de secrétaire d’Etat aux finances au sein du ministère égyptien et étaient chargés de collecter les recettes, de les gérer et d’en appliquer la part la plus considérable au remboursement du principal et des intérêts de la fameuse dette égyptienne !

Donc France et Allemagne pour la Grèce semblent jouer le rôle que la France et l’Angleterre jouaient pour l’Egypte. Suffisait-il de dire à cette époqe que l’impôt saigne le malheureux ... en Egypte comme en France ? Non car les bateaux de guerre égyptiens ne menaçaient pas de bombarder Marseille, Bordeaux ou Le Havre :

les deux drapeaux, de l’Angleterre et de la France, étaient en réalité deux énormes lettres de crédit, hissés bien haut sur les cuirassés. Avec les amiraux Seymour et Conrad réapparaisssaient en réalité les deux bourgeois Coloin et Blegnières

Si des militants ouvriers avaient dit : “Ce qui arrive en Egypte peut arriver en France !” cela aurait été un non sens. L’Angleterre et la France ont coopéré et la dette égyptienne n’a pas été casus belli. Mais leur “entente cordiale” en 1903 a scellé le destin de l’Europe : la guerre opposerait l’Angleterre et la France d’un côté, à l’Allemagne :

On répartit les derniers teritoires disponibles . A l’Angleterre l’Egypte ; le Maroc à la France, avec engagement d’appui réciproque. Les allemands pourront bien chercher, ils ne trouveront rien.

Alfred Rosmer - Le mouvement ouvrier pendant la première guerre mondiale.

Cette époque est-elle révolue ? L’Union Européenne est-elle un rempart contre les guerres entre impérialismes européens, éventuellement par l’intermédiaire de l’Ukraine ou des petits états balkaniques comme avant 1914 ? Non ! En ne décrivant pas clairement ces pespectives d’affrontements violents entre impérialismes, dont le nôtre, les groupes LO, NPA-Convergences et GMI sont sur les traces du centriste Kautsky et de son « super-impérialisme ».

Messages

  • L’impérialisme est une nécessité pour la bourgeoisie contre la lutte des classes. Ainsi, l’impérialiste anglais Ceci Rhodes déclarait en 1895 (cité par Lénine) :

    « J’étais hier dans l’East End (quartier ouvrier de Londres) et j’ai assisté à une réunion de sans-travail. J’y ai entendu des discours forcenés. Ce n’était qu’un cri : Du pain ! Du pain ! » Revivant toute la scène en rentrant chez moi, je me sentis encore plus convaincu qu’avant de l’importance de l’impérialisme… L’idée qui me tient le plus à cœur, c’est la solution du problème social, à savoir : pour sauver les quarante millions d’habitants du Royaume-Uni d’une guerre civile meurtrière, nous les colonisateurs devons conquérir des terres nouvelles afin d’y installer l’excédent de notre population, d’y trouver de nouveaux débouchés pour les produits de nos fabriques et de nos mines. L’empire, ai-je toujours dit, est une quesiton de ventre. Si vous voulez éviter la guerre civile, il vous faut devenir impérialistes. »

    " Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. (...) Je dis que la France, qui a toujours regorgé de capitaux et en a exporté des quantités considérables à l’étranger – c’est par milliards, en effet, qu’on peut compter les exportations de capitaux faites par ce grand pays qui est si riche – , je dis que la France a intérêt à considérer ce côté de la question coloniale. (…) Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (…) Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation. (...) Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu’un peut nier qu’il y a plus de justice, plus d’ordre matériel et moral, plus d’équité, plus de vertus sociales dans l’Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions œuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? Messieurs, au temps où nous sommes et dans la crise que traversent toutes les industries européennes, la fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché. On a remarqué, en effet, et les exemples abondent dans l’histoire économique des peuples modernes, qu’il suffit que le lien colonial subsiste entre la mère-patrie qui produit et les colonies qu’elle a fondées, pour que la prédominance économique accompagne et subisse, en quelque sorte, la prédominance politique. (…) C’est pour cela qu’il nous fallait la Tunisie ; c’est pour cela qu’il nous fallait Saïgon et la Cochinchine ; c’est pour cela qu’il nous faut Madagascar, et que nous sommes à Diego-Suarès et à Vohémar, et que nous ne les quitterons jamais !... "

    Jules Ferry, Discours, 1885
    « La politique coloniale est fille de la politique industrielle. Pour les Etats riches, où les capitaux abondent et s’accumulent rapidement, où le régime manufacturier est en voie de croissance continue, attirant à lui la partie sinon la plus nombreuse, du moins la plus éveillée et la plus remuante de la population qui vit du travail de ses bras (...) l’exportation est un facteur essentiel de la prospérité publique, et le champ d’emploi des capitaux, comme la demande de travail, se mesure à l’étendue du marché étranger. (...) »

    extraits de Jules FERRY, « La politique coloniale est fille de la politique industrielle » , Préface du Tonkin et la mère patrie, avril 1890

    Victor Hugo, lui-même, avait soutenu que le colonialisme allait résoudre la question sociale et éviter les révolutions !!!

    « Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie, déserte c’est la sauvagerie ! (…) Allez peuples, emparez-vous de cette terre, prenez-la ! À qui ? À personne ! Prenez cette terre à Dieu ; Dieu donne l’Afrique à l’Europe ! Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille mais pour l’industrie (applaudissements prolongés). Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ! Croissez, cultivez, colonisez, multipliez, et que sur cette terre de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté ! »

    (Victor Hugo, Discours sur l’Afrique, 18 mai 1879)

    Quarante ans plus tard, Léon Blum, bien symbolique d’une gauche colonialiste, affirmait pour sa part, devant la Chambre :

    « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture, et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l’industrie. »

  • 1. Le fascisme est la forme la plus sauvage et la plus abominable de l’impérialisme. Mais cela ne signifie pas du tout que la classe ouvrière et les peuples opprimés doivent s’aligner sur l’impérialisme quand il arbore son masque démocratique. Les peuples latino-américains ne veulent pas tomber sous la domination de l’impérialisme japonais, italien ou allemand. Mais cela ne signifie pas du tout que le Mexique puisse tolérer que l’impérialisme britannique ou nord-américain contrôle ses ressources naturelles ou sa politique nationale. Les classes ouvrières et les peuples des pays arriérés ne veulent pas être garrottés par un bourreau, qu’il soit fasciste ou « démocratique ».

    2. Le Japon essaie de coloniser la Chine. L’Italie et l’Allemagne, veulent s’emparer des colonies françaises et britanniques. En ce sens, ils sont les « agresseurs ». Mais cela ne signifie pas du tout que les classes ouvrières et les peuples opprimés aient le devoir de défendre les droits coloniaux de la France, de la Grande-Bretagne, de la Hollande, de la Belgique, et des autres. La tâche des révolutionnaires authentiques est d’en finir avec les régimes coloniaux oppresseurs. Notre mot d’ordre : le droit de toutes les nations à l’autodétermination, non en paroles, mais actes ; la pleine et authentique libération de toutes les colonies !

    3. L’avenir de l’humanité est lié indissolublement au destin de l’Inde, de la Chine, de l’Indochine, de l’Amérique latine et de l’Afrique. La sympathie active, l’amitié et le soutien des authentiques révolutionnaires, socialistes, et des démocrates honnêtes est complètement du côté de ces peuples — qui constituent la majorité de l’humanité — et pas du côté de leurs oppresseurs, quel que soit le masque politique sous lequel ils apparaissent. Ceux qui soutiennent, de façon active ou passive, un régime colonial, sous le prétexte de défendre leur propre « démocratie », sont les pires ennemis des classes ouvrières et des peuples opprimés. Nous et eux voyageons sur des routes très différentes.

    4. Nous sommes de tout cœur avec le peuple espagnol dans sa lutte contre le fascisme. Mais la condition élémentaire pour la victoire de la révolution espagnole est l’exclusion du G.P.U. d’Espagne révolutionnaire et le développement sans obstacle de l’initiative révolutionnaire des ouvriers et des paysans espagnols. C’est seulement ainsi que les masses du peuple espagnol peuvent être de nouveau mobilisées contre les fascistes intérieurs et extérieurs, c’est seulement par ce moyen qu’on pourra dérober le sol social et militaire sous les pieds de Franco.

    5. Pour les pays arriérés, la route pour combattre le fascisme est avant tout celle de la lutte révolutionnaire pour l’indépendance nationale et la transformation radicale des rapports agraires. Sans révolution agraire, il n’y a ni indépendance nationale ni moyen d’échapper au fascisme. Quiconque s’oppose à l’expropriation de la propriété foncière et des ressources nationales au bénéfice des paysans et du peuple dans son ensemble fait le jeu du fascisme. De vagues généralités sur l’amitié et la démocratie ne suffisent pas. On doit avoir une position claire : ou avec les magnats du Capital et leur « démocratie » de façade, ou avec la véritable démocratie des ouvriers, des paysans et des peuples opprimés.

    Le socialiste ou démocrate mexicain, qui croit pouvoir faire confiance au « pacifisme » du bloc entre la bureaucratie stalinienne et la démocratie impérialiste, est, dans le meilleur des cas, remarquable pour sa cécité politique.

    Des gens de l’espèce Lombardo Toledano qui cherchent à subordonner la classe ouvrière du Mexique au bloc entre le G.P.U. et les pacifistes impérialistes sont de véritables traîtres, non seulement aux intérêts du prolétariat mexicain mais aux intérêts nationaux du peuple mexicain.

    Si le Mexique se laisse attirer dans le jeu politique de Lombardo Toledano, c’est-à-dire s’il se laisse volontairement utiliser comme petite monnaie dans les affaires entre le Kremlin et la Maison-Blanche, cela signifierait la destruction, non seulement de la démocratie mexicaine, mais de l’indépendance nationale du pays.

    Le peuple mexicain ne veut et ne peut pas permettre que les méthodes utilisées en Espagne soient transférées sur son sol — ni les méthodes de Franco, ni celles de Staline.

    La main dans la main avec des millions d’opprimés, de races non blanches, la main dans la main avec des centaines de millions d’ouvriers des pays impérialistes, les ouvriers et les paysans du Mexique lutteront pour la paix, la liberté, l’indépendance et le bien-être de leur pays comme le bonheur de l’humanité.

    Léon Trotsky

    Le fascisme et le monde colonial

    août 1938

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