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Echos des Emirats : l’Iran, l’Arabie Saoudite, la base francaise d’Abu Dhabi et la doctrine Nixon de l’impérialisme

lundi 26 octobre 2015, par Alex

Echos des Emirats : l’Iran, l’Arabie Saoudite, la base francaise d’Abu Dhabi et la doctrine Nixon de l’impérialisme

Le 11 octobre dernier le journaliste spécialiste du Moyen-Orient Alain Gresh regrettait sur RFI que la France soutienne la sale guerre menée par l’Arabie Saoudite au Yémen :

On appuie une guerre qui est une guerre de destruction du pays le plus pauvre de la péninsule et un des vingt pays les plus pauvres du monde ; avec des crimes de guerre.

Un des alliés de l’Arabie Saoudite dans cette guerre sont les Emirats Arabes Unis. Les journaux locaux de ce pays qu’on peut lire à la bibliothèque de la Sorbonne d’Abu Dhabi, à proximité de la base militaire française à Abu Dhabi, peignent pourtant cette guerre d’une toute autre manière, célébrant une guerre ’juste’ et ’populaire’ au Yémen comme aux Emirats

Par exemple le National du dimanche 25 octobre contient deux articles typiques sur la guerre au Yémen : enterrement des soldats des EAU tombés en martyrs dans cette guerre Body of ‘devoted’ UAE soldier laid to rest et communiqué triomphant célébrant les opérations militaires : Les combattants de la résistance font reculer les rebelles à Taez

Dans un élan d’union sacrée, la sénatrice ’de gauche’ Nathalie Goulet ( Présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Pays du Golfe au Sénat) appelait en 2011 ses collègues de droite et de gauche à voter en faveur du traité militaire signé par Sarkozy avec les Emirats Arabes Unis en 2009 :

je veux saluer la volonté du Président de la République, Nicolas Sarkozy. Mais oui, une fois n’est pas coutume ! En effet, les négociations avaient commencé longtemps auparavant, mais n’avaient pas été suivies par le président Jacques Chirac. C’est important, c’est l’impulsion donnée par Nicolas Sarkozy qui a permis la signature de cet accord.(...)

Les Émirats arabes unis sont un partenaire incontournable pour l’économie française. Ils ont une économie dynamique, de plus en plus indépendante du pétrole, qui constitue un débouché important pour les intérêts français. De fait, notre part de marché a triplé entre 1998 et 2009, pour atteindre plus de 3 milliards d’euros d’exportations. L’aéronautique, avec EADS, est évidemment le premier secteur concerné, mais il n’est pas le seul : GDF-Suez, Veolia, Alsthom ou encore Thales sont également très présents.(...)

Nos relations dépassent d’ailleurs le strict domaine militaire, comme l’illustrent l’ouverture prochaine du « Louvre Abou Dabi » ou l’implantation, il y a trois ans, d’une antenne de la Sorbonne.(...)

L’objet essentiel de l’accord de défense qui nous est soumis, mes chers collègues, est de donner un cadre juridique durable à l’implantation française aux Émirats arabes unis.

La base militaire d’Abou Dabi est une implantation de premier ordre. Elle constitue la première création d’une implantation militaire durable à l’étranger depuis plus de cinquante ans. Elle illustre ainsi la volonté de la France de s’implanter de façon pérenne aux côtés des Émirats arabes unis.

Cette base militaire comprend trois composantes. La première, qui est aussi la plus importante, est la composante navale, qui permet d’assurer un soutien aux navires de la marine nationale en mission dans les eaux du Golfe et de l’océan Indien. La deuxième est la composante terrestre : un centre d’entraînement au combat en zone urbaine et en milieu désertique a été créé dans l’enceinte de la base. La troisième est la composante aérienne. Au total, ce sont aujourd’hui 620 militaires qui sont installés dans cette implantation, qui accueillera l’ensemble des moyens militaires que la France déploie régulièrement dans le cadre d’exercices interarmées avec les pays du Golfe.

Cette implantation stratégique dans une zone sensible a d’abord une fonction dissuasive à l’égard d’un éventuel agresseur et des Émirats arabes unis. Elle sert également de point d’appui aux forces françaises déployées sur le théâtre nord de l’océan Indien. L’implantation française permet, enfin, des activités d’entraînement et d’aguerrissement des forces françaises, en lien avec nos partenaires locaux.
(...)

Les actions de coopération avec les forces armées émiriennes ont aujourd’hui une réelle valeur ajoutée, du fait de la communauté d’armement – chars Leclerc, les Mirage, etc. – et du très haut niveau technologique des équipements émiriens.(...)

Outre ses fonctions opérationnelles, la base offre également une vitrine de choix pour le matériel d’armement.(...)

Jusqu’à présent, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni ont établi avec les Émirats un accord de défense. Ces accords ne sont pas publics, mais nous avons des raisons de penser qu’ils contiennent également des clauses d’engagement.(...)

Tel est le contenu de cet accord, qui présente, à mes yeux, un intérêt stratégique majeur : il formalise un partenariat de défense et d’armement essentiel à la place de notre pays dans cette zone stratégique, pour ses intérêts comme pour ceux de l’ensemble de la communauté internationale. La commission des affaires étrangères l’a adopté, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

Rien sur les prétendues guerres entre chiites et sunnites ! C’est les profits au service de l’ordre impérialiste qui motivent la présence française.

Quel est le cadre plus général de cet accord entre la France et les Emirats ? C’est celui de l’impérialisme tel qu’il fut décrit par Lénine, avec des changements dus à la décolonisation d’après 1945.

Concernant le maintien de l’ordre impérialiste, l’année 1968 inaugura en effet une nouvelle période dans la péninsule arabique, période qui dure encore aujourd’hui. Un nouveau pan de l’empire colonial britannique s’effondra. L’impérialisme anglais confirma qu’il était définitivement rétrogradé au deuxième rang derrière l’impérialisme américain.

En janvier 1968 le gouvernement britannique annonça son retrait de la région du Golfe avant 1971.

En février 1968 l’Angleterre proposa donc la création d’une fédération de 9 émirats, dont Qatar, Bahrein et les 7 émirats qui formeront en 1971 les Emirats Arabes Unis (dont Abu Dhabi et Dubai).

Immédiatement après l’annonce du retrait britannique le sous-secrétaire d’état américain E. Rostow annonçait qu’il attendait des puissances régionales comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Pakistan et la Turquie de remplir le vide laissé par le retrait des troupes britanniques.

Le 23 juillet 1969 le président américain Nixon annonça dans un discours à l’île de Guam qu’à l’avenir les USA s’appuieraient sur des Etats locaux, utilisés comme relais de la politique de Washington.

L’esprit de la doctrine Nixonhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Doctr... était expliqué de cette façon lors d’une audition devant une commission des Affaires étrangères :

Dans l’esprit de la doctrine Nixon, nous souhaitons assister les Etats du Golfe, mais nous attendons d’eux qu’ils soient les premiers responsables de leur propre défense et qu’ils coopèrent entre eux pour assurer la paix et la stabilité dans la région. Nous souhaitons particulièrement que les Etats leaders de la région, l’Iran et l’Arabie Saoudite, coopèrent à cette fin.

Cette nouvelle politique dans le Golfe fut aussi appelée celle des « deux piliers » (Iran et Arabie Saoudite). On voit donc qu’il n’y a rien d’exceptionnel au fait que les USA souhaitent réintégrer l’Iran dans le maintien de l’ordre dans cette région. C’est plutôt la rupture des relations avec l’Iran depuis 1980 qui était une anomalie.

La France avec sa base à Abu Dhabi ne fait que s’intégrer dans le cadre posé par les USA en 1968 suite au retrait des anglais.

Rechercher les causes des guerres du Moyen-Orient dans les religions, prétendre soutenir les Palestiniens sans mettre en cause la présence française à Abu Dhabi est illusoire.

Le principe de base de tout soutien au lutte des travailleurs de la péninsule arabe (dont les 15 millions de travailleurs salariés immigrés qui n’ont quasiment aucun droit) est de mettre en avant les slogan :

Fermeture de la base française d’Abu Dhabi, A bas la sale guerre franco-emirato-saoudienne contre la population du Yémen !

Messages

  • Le plus grand banquier du Golfe est peut-être en train de craquer. C’est la conviction de plusieurs analystes, dont ceux de Global Advisors, qui s’inquiètent dans une note de la fragilité de la situation financière de l’Émirat.

    Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette situation alarmante rien à voir avec les cours actuels du pétrole, qui fragilisent, sur le plan budgétaire, d’autres États du Koweït ou en Arabie Saoudite.

    Le Qatar est avant tout producteur et exportateur de gaz, dont les cours sont certes liés à ceux des hydrocarbures, mais avec des problématiques différentes. Et surtout, il n’a pas, contrairement à ses voisins, sur-subventionné son pétrole.

    Selon les analystes de Global Advisors, seuls 0,6% de son PIB annuel. 1,2 milliard de dollars environ sont consacrés aux subventions sur l’essence. De ce point de vue, le riche Émirat apparaît comme le pays plus solide de l’OPEP au regard de sa dépendance budgétaire aux cours du pétrole.

  • Très loin de l’alliance culturelle et anti-terroriste présentée par Emmanuel Macron, le pacte scellé aujourd’hui autour du Louvre Abu Dhabi entre la France et les Emirats Arabes Unis est fondé sur des bases bien moins avouables...

    Abu Dhabi est un centre du camp de la réaction contre les révolutions qui ont agité cette zone du monde depuis 2011, avec notamment son soutien à l’arrivée du général Sissi en Égypte.

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