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Les révoltes des esclaves et des opprimés de la Jamaïque

vendredi 20 mai 2016, par Robert Paris

Les révoltes des esclaves et des opprimés de la Jamaïque

En mémoire de Tacky, de Burchell, de Sharpe, de Nanny et de leurs camarades esclaves révolutionnaires de la Jamaïque

« Je préfère mourir sur cette potence-là, plutôt que vivre en esclavage. »

“I would rather die upon yonder gallows than live in slavery.”

Sam Sharpe, leader des esclaves noirs révoltés de Jamaïque en 1832

« En 1831, il y avait en Jamaïque une grande révolte d’esclaves, qui fut l’une des raisons qui amenèrent l’Angleterre à décider d’abandonner l’esclavage dans ses colonies : après plusieurs révoltes d’esclaves, ils ont dit en somme « cela ne rapporte plus ». De sorte qu’après quelques années, les Anglais voulaient changer, de passer d’une économie esclavagiste vers une économie appelée « libre », mais ils voulaient toujours que la structure de base reste exactement la même – et si vous jetez un regard en arrière sur les débats parlementaires de l’époque en Angleterre, ils étaient parfaitement conscient de tout cela. Ils disaient : si nous voulons que tout reste pareil, il faut tout changer : que les maïtres d’eclaves deviennent les propriétaires des terres et les esclaves deviennent les heureux travailleurs - en quelque sorte que nous avons à travailler tout ça. »

“In 1831 there was a big slave revolt in Jamaica- which was one of the things that led the British to decide to give up slavery in their colonies : after some slave revolts, they basically said, “It’s not paying anymore.” So within a couple years the British wanted to move from a slave economy to a so-called “free” economy, but they still wanted the basic structure to remain exactly the same -and if you take a look back at the parliamentary debates in England at the time, they were talking very consciously about all this. They were saying : look, we’ve got to keep it the way it is, the masters have to become the owners, the slaves have to become the
happy workers-somehow we’ve got to work it all out."

Noam Chomsky - Understanding Power

Alejo Carpentier écrit dans « Le siècle des lumières » :

« Les nègres marrons de la Jamaïque fuyaient dans la brousse, et créaient un Etat libre qui devait durer presque un siècle. Il fallut que la couronne britannique fit des avances aux sauvages, pour traiter avec eux de gouvernement à gouvernement, promettant à leur chef, un robuste bossu appelé Old Cudjoe, la libération de tous ses gens, et la cession de mille cinq cents acres de terre… Quand le nègre mahométan Bouckman, s’était révolté dans le bois Caïman de Saint-Domingue, brûlant les maisons et ravageant les campagnes, il n’y avait pas trois ans que les nègres de la Jamaïque s’étaient soulevés à nouveau pour venger la condamnation de deux voleurs suppliciés à Trelawney-Town. Il avait fallu mobiliser les troupes de Fort-Royal et amener des meutes dressées à chasser l’homme, de Cuba à Montejo-Bay, pour étouffer cette révolte récente.. Au Nord-Ouest de la Jamaïque, dans la région inaccessible de "Cockpit Country", ainsi qu’à l’est dans la région des "blue montains", se trouvent d’importants camps de marrons. Parmi leur leader Grandy Nanny est considérée comme la "mère des marrons" et fait aujourd’hui figure d’héroïne nationale en Jamaïque. Les marrons de Cockpit Country organisent une guérilla afin d’obtenir leur autonomie. Ils signent en 1738 un traité de paix avec les autorités britanniques, en contre-partie duquel ils s’engagent à leur livrer tout nouvel esclave fugitif et à les aider à mater les révoltes. Une autre forme de résistance, hantise des planteurs, est en effet la révolte des esclaves. Elles ont eu lieu dès le début du 16ème siècle dans toutes les colonies d’Amérique. Parmi les insurrections d’esclaves, certaines se sont démarquées par leur ampleur et leurs conséquences. En mai 1760, sous les ordres de Tacky, chef de tribu de Guinée, des centaines d’esclaves jamaïcains attaquent plusieurs habitations en tuant les colons. La révolte prenant de l’ampleur, les autorités britanniques demandent l’aide des marrons selon le traité de 1738. Tacky est tué, et des centaines d’esclaves préfèrent se suicider plutôt que de rejoindre les habitations. »

La révolte de Tacky

La révolte de Nanny

La révolte de Sam Sharpe

Slave revolt in Jamaica

Films sur les nègres marrons de la Jamaïque :

Jamaica maroons

Punition des esclaves pour la révolte de Sam Sharpe

La révolte de Grandy Nanny

Encore sur Nanny

Toujours sur Nanny

La révolte de Tacky

La révolte de Paul Bogle

Chronologie :

Début du XVIIe siècle - Edification des premiers grands camps de nègres marrons (en fuite contre l’esclavage) en Jamaïque

1673 - Première grande insurrection d’esclaves en Jamaïque. Ils forment la première « bande » de « marrons » reconnue.

1678 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

1685-1686 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

1690 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

1700 - Soulèvement d’esclaves à la Jamaïque.

1720 - Soulèvement d’esclaves à la Jamaïque.

1725-1740 - Première Guerre des « Maroons » en Jamaïque.

La grande figure révolutionnaire de Nanny des Marrons

Histoire des Marrons et de Nanny

1730-1740 - Rébellions d’esclaves en Jamaïque

Les Marrons de la Jamaïque sont parvenus à repousser toutes les attaques des colons britanniques lancées contre eux, notamment grâce à leurs techniques de camouflages créés par Nanny des Marrons et ses guerriers. Ils ont alors contraint les autorités coloniales à une négociation et un premier traité fut signé en 1738, mettant fin à la Première Guerre des Marrons et accordant l’autonomie aux communautés marrons.

1738 - Signature, en Jamaïque, d’un traité de paix avec les « maroons », à Trelawney Town.

1742 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

1746 - Soulèvements d’esclaves en Jamaïque.

1754 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

1760 - Rébellion des Coromantins en Jamaïque. La révolte dirigée par Tacky

1776 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque

1795-1796 - Deuxième guerre des « maroons » en Jamaïque.

1798 - Insurrection en Jamaïque

1803 - Insurrections d’esclaves en Jamaïque

1807 - Insurrections d’esclaves en Jamaïque

1815 - Insurrection d’esclaves à la Jamaïque.

1831 - Insurrection d’esclaves en Jamaïque (plus de 20 000 insurgés).

Les esclaves jamaïcains, connus sous le nom de Marrons, se révoltèrent plus d’une douzaine de fois entre 1673 et 1832 et établirent des communautés indépendantes d’où il était impossible de les défaire, comme il le fut démontré lors d’importantes expéditions militaires anglaises des années 1730 et 1790. L’une des communautés fut cependant expulsée dans les années 1790 et forma une partie du noyau de la communauté créole du Sierra Leone. Le gouvernement colonial embaucha des "Marrons" pour les capturer. Vers 1800, les anglais se servirent également de 10 000 jamaïquains libres de couleur pour maintenir leur mainmise. À Noël 1831, une révolte de grande ampleur, connue sous le nom de Baptist War, éclata. 60 000 des 300 000 esclaves de l’île se soulevèrent. Il s’agissait à l’origine d’une grève pacifique menée par le baptiste Samuel Sharp. La rébellion fut matée dix jours plus tard, début 1832, par la milice des planteurs et les garnisons britanniques.

La guerre Baptiste, aussi connu comme la Rébellion de Noël, l’Insurrection de Noël et de la Grande révolte des esclaves de la Jamaïque de 1831 à 1832, fut une rébellion de onze jours qui mobilisa entre 60.000 et 300.000 esclaves de la Jamaïque. Elle fut dirigée par un prédicateur baptiste, Samuel Sharpe, et menée en grande partie par ses partisans.

La lutte des Marroons ne doit pas être réduite à une lutte d’esclaves contre la domination britannique. Un réel désir d’indépendance et une revendication certaine du peuple de Jamaïque formaient la cause profonde de ces révoltes. Un exemple célèbre est la "Sam Sharpe Rebellion" en 1831. Cette révolte menée par l’esclave Samuel Sharpe s’inscrit dans un contexte critique pour la population noire. En effet, ceux-ci commençaient à se rendre compte de leur situation socio-économique. Sam Sharpe essaya donc avec son charisme de rameuter des troupes pour vaincre l’esclavage en Jamaïque (à l’époque, l’esclavage venait d’être aboli à Haïti). En 1834, donc, l’abolition de l’esclavage est proclamée en Jamaïque.

Suite aux pertes matérielles et humaines provoquées par cette révolte, le Parlement britannique ouvrit deux enquêtes dont les conclusions allaient grandement contribuer à l’abolition de l’esclavage dans tout l’empire britannique, le 1er août 1834. Les esclaves jamaïcains restèrent liés à leurs anciens propriétaires, mais avec une garantie des droits sous ce qui s’appelait Apprenticeship System. La population libérée dut pourtant toujours faire face à des conditions de vie très difficiles, ce qui provoqua la rébellion de Morant Bay en octobre 1865, menée par George William Gordon et Paul Bogle. Elle fut brutalement réprimée, à la suite de quoi l’Assemblée de l’île renonça à son autorité. Ainsi, la Jamaïque acquit-elle le statut de colonie de la Couronne. La production de sucre diminua en importance à la fin du XIXe siècle pour être concurrencée par celle de la banane.
La révolte de 1831

1833 – 1838 : révolte d’esclave à la Jamaïque

Si officiellement les Noirs de Jamaïque sont libres à partir de 1834, de nombreuses inégalités subsistent. Ainsi d’autres révoltes contre les Britanniques ont lieu (notamment la révolte "Morant Bay Rebellion").

En 1865, en Jamaïque, l’esclavage était officiellement aboli depuis 27 ans. Cependant, les anciens esclaves se retrouvèrent sans terre et accessoirement sans citoyenneté effective malgré les promesses. Dans ces conditions de survie très difficiles, comment se nourrir sans terre à cultiver ? Certains se regroupèrent et par le biais des Noirs les plus lettrés envoyèrent une demande à la Reine d’Angleterre. Celle-ci leur refusa l’octroi de terre et leur conseilla de « travailler plus dur pour s’en sortir ». Quelques-uns décidèrent donc de prendre de force des plantations abandonnées et d’en faire leur lopin de terre. Dans ce contexte, le 7 octobre, un homme Noir fut condamné et emprisonné pour avoir franchi les limites d’une plantation abandonnée qu’il comptait exploiter. Après quoi le 11 octobre, un groupe se dirigea vers Morant Bay pour manifester, mené par un diacre du nom de Paul Bogle, devenu héros national en Jamaïque. Cependant une milice de volontaires européens ouvrit le feu sur eux, embrasant ainsi l’ile toute entière. 439 Noirs furent tués et 354 capturés pour être jugés puis exécutés, parmi lesquels Paul Bogle. Un soldat dira plus tard : « Nous avons massacré tout ce qui se présentait devant nous : hommes, femmes et enfants. »

Le 7 octobre 1865 se tient à Morant Bay le procès d’un homme noir qui a commis le délit de s’introduire sur les terres d’une plantation depuis longtemps abandonnée. James Geoghegon est originaire du même village que l’accusé, Stony Gut, et assiste aux débats avec d’autres villageois venus en soutien. Pendant la séance, il ne peut contenir sa colère et interrompt l’audience. La police tente de l’expulser du tribunal, mais ses camarades le soutiennent et s’en prennent aux agents qui sont légèrement blessés.

Deux jours plus tard, des mandats d’arrêt sont délivrés à l’endroit de vingt-huit personnes ayant participé aux incidents afin de les appréhender et de les interroger. Lorsque la police arrive à Stony Gut, une foule de plusieurs centaines de Noirs encercle et menotte les agents. Paul Bogle, diacre de l’église baptiste, figure importante de la communauté rurale de Stony Gut, écrit au gouverneur de l’île pour dénoncer « une attaque intolérable commise par la police sur ordre de la justice à laquelle nous avons été contraints de résister ».

Le 11 octobre, une foule de cinq cents Noirs emmenés par Paul Bogle marche sur Morant Bay avec des drapeaux, des cornes de brume et quelques armes rudimentaires. Lorsqu’ils arrivent, le tribunal est défendu par une milice de volontaires censés protéger l’administration coloniale. La situation dégénère rapidement et les insultes et jets de projectiles font perdre leur sang-froid aux miliciens totalement inexpérimentés.

L’ordre est donné de tirer et sept manifestants meurent sous les balles. Les miliciens se barricadent alors à l’intérieur du tribunal avec les magistrats et les édiles locaux. Excédés par la mort de leurs camarades, les manifestants mettent le feu au bâtiment et tuent la plupart de ceux qui tentent de s’en échapper. Dans les jours qui suivent la colère se propage dans les plantations environnantes et une centaine de propriétaires blancs sont tués par des groupes d’esclaves affranchis.

La révolte de Morant Bay

En 1872, la ville portuaire de Kingston étant bien plus grande et plus raffinée que Spanish Town située à l’intérieur des terres, accéda au statut de capitale.

L’établissement du statut de Colonie de la Couronne favorisa, pendant quelques décennies, le développement d’une classe moyenne comprenant des fonctionnaires subalternes et des officiers de police issus du peuple, dont la promotion sociale et politique avait été bloquée jusque là. La Grande Dépression eut un impact significatif sur la classe moyenne émergente et sur la classe ouvrière des années 1930. Au printemps 1938, les travailleurs du sucre et ceux du port se révoltèrent dans toute l’île. Bien que réprimée, la révolte entraîna des changements significatifs, telle que l’émergence du syndicalisme et du pluralisme politique.

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