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La Guyane au bord de la révolution sociale…

dimanche 2 avril 2017, par Robert Paris

La manifestation du mardi 4 avril à Kourou

Quelques images précédentes de la mobilisation du peuple de Guyane

La Guyane au bord de la révolution sociale…

Toute la population mobilisée, la grève générale avec blocage complet de toute activité, des comités dans toutes les entreprises, le contrôle de la lutte et des négociations, une liaison de toutes les luttes entre elles par des collectifs (de la santé aux chômeurs, en passant par les routiers et les agriculteurs), le lien avec les jeunes organisés et mobilisés, voilà qui distingue la lutte actuelle en Guyane de toutes les habituelles promenades syndicales et autres journées d’actions que l’on a connues en France. Cela ne veut pas dire que la bourgeoisie et l’Etat français aient dit leur dernier mot et toutes les tromperies du réformisme et de la répression sont encore possibles !

Il convient de remarquer tout d’abord le caractère spontané du déclenchement de cette révolte. Même s’ils présentent les choses autrement, les syndicats de Guyane n’étaient pas à l’initiative du mouvement et ne l’ont rejoint qu’au bout d’une semaine cruciale dans laquelle la lutte avait déjà manifesté son caractère de masse, de blocage de toute la Guyane, de liaison entre toutes les catégories sociales de travailleurs et avec les comité de jeunes encagoulés qui étaient un point important de liaison et d’action.

Les syndicats guyanais n’ont pu jouer un rôle déterminant dans la lutte qu’en appelant à la grève générale. On remarquera là aussi une grande différence avec les mouvements de ces dernières années en France métropolitaine puisque les divers mouvements sociaux qui y ont eu lieu, lorsqu’ils concernaient l’ensemble des travailleurs ou un secteur tout entier comme l’hôpital public ou la SNCF, n’étaient faits que de journées d’action, sinon de mouvements localisés mais jamais de grève générale. On remarquera aussi que les dirigeants des syndicats guyanais n’ont aucun geste d’appel à l’égard des travailleurs des Antilles ou de la métropole.

En tout cas, le mouvement en Guyane a eu un caractère suffisamment inquiétant aux yeux des classes dirigeantes françaises et du gouvernement que ces derniers ont estimé qu’ « il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu », qu’ « il faut montrer de la patience et de la compréhension », qu’ « il ne faut pas montrer trop de fermeté au risque de durcir le mouvement ».

Les média ont particulièrement relevé le geste de la ministre de l’Outremer prenant sur elle de s’excuser auprès du peuple guyanais pour avoir d’abord négligé, et même méprisé, le mouvement de lutte et le peuple lui-même en ne négociant pas immédiatement et en prétendant d’abord seulement menacer et réprimer.

Là aussi, cela montre que les classes dirigeantes françaises ont pris la mesure des risques que représentaient une telle révolte sociale, unissant toutes les catégories du peuple travailleur et jusqu’à la jeunesse, des ouvriers aux employés, des routiers aux agriculteurs, des travailleurs de la santé aux chômeurs, etc. Le fait d’entrer en grève générale, de tout bloquer, entreprises comme routes, aéroport comme arianespace, a aussi montré la « détermination du peuple guyanais », un slogan sans cesse repris dans les manifestations diverses et rassemblements.

C’est tout cela qui a manqué pendant des années dans les manifestations, rassemblements, grèves et journées d’action programmées par les syndicats, d’une manière pas du tout affolante pour les classes dirigeantes. On remarquera que la Guyane est un tout petit petit, un gros département en étendue mais pas énorme en population, et il a réussi à davantage se faire craindre que d’énormes mouvements nationaux comme ceux des retraites, des cheminots, des hospitaliers, de la loi El Khomri, etc.

Que la ministre de l’outremer se soit excusée, que le gouvernement annonce une enveloppe de un milliard, qu’il recule sur certaines revendications ne signifient nullement que le mouvement soit déjà victorieux mais que les classes dirigeantes ont eu peur, qu’elles ont voulu reculer pour en finir avec une lutte qui pourrait donner des idées non seulement dans les autres Dom-Tom mais aussi en métropole.

A-t-on vu un ministre s’excuser ou un gouvernement reculer face aux mobilisations organisées par les intersyndicales depuis la lutte des retraites, les luttes des cheminots, des hospitaliers, de la loi El Khomri, les a-t-on vus ne pas vouloir jeter de l’huile sur le feu, vouloir avoir l’air compréhensifs, c’est-à-dire avoir peur de la montée de la mobilisation sociale ? Pas du tout ! On a vu exactement l’inverse… On les a vu provoquer les grévistes, les insulter, les dégrader dans l’opinion, les discréditer publiquement et démontrer ainsi que les appareils syndicaux ne leur faisaient pas peur. L’absence de mobilisation spontanée, l’absence de caractère explosif de la lutte, l’absence de liaison inter-entreprises, l’absence de liaison avec les jeunes, l’absence de liaison avec les chômeurs, l’absence de liaison avec les banlieues, l’absence de liaison avec les paysans, avec les routiers et on en passe, voilà qui caractérisait à chaque fois les stratégies syndicales.

Qu’il suffise de rappeler les déclarations de 2010, lors du mouvement des retraites, qui a mené dans le mur, celles du dirigeant CGT Bernard Thibaut qui affirmait qu’un appel à la grève générale n’était pas possible, n’était pas souhaitable ou encore qu’il serait absurde et que les autres dirigeants syndicaux disaient des choses pires encore…

Le 5 octobre 2010, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibaut déclare à l’AFP : « Personne ne peut prétendre faire participer sous la même forme plusieurs dizaines de millions de personnes, de la signature d’une pétition à la participation à une multitude d’initiatives locales, voire aux manifestations lors des journées interprofessionnelles. Qui dit mouvement social dit de multiples formes pour y participer ».

Bernard Thibaut le 7 octobre 2010 sur RTL : ’« Cela ( la grève générale) n’a jamais été pratiqué dans l’histoire sociale de notre pays (...) C’est un slogan pour moi tout à fait abstrait, abscons. Cela ne correspond pas aux pratiques par lesquelles on parvient à élever le niveau du rapport de forces. »

Eh bien, les travailleurs et le peuple guyanais viennent de montrer que la grève générale n’a rien d’irréaliste, rien d’absurde, rien d’abstrait, que ce n’est pas un slogan creux, abscons, et autres idioties bureaucratiques.

Ce mouvement social qui allait exploser avec la remise en cause des retraites, toute la classe dirigeante le craignait, mais les dirigeants syndicaux autant que les autres. Le journal « Le Monde » écrivait en janvier 2009 : « A l’Elysée comme au Parti socialiste, dans les syndicats comme dans les milieux patronaux, tout le monde redoute une explosion du chaudron social. »

Bien sûr, c’est le caractère social explosif de la situation de la Guyane qui a poussé à une telle révolte massive et presque unanime. Bien sûr, cette situation est plus catastrophique qu’en métropole. Bernard Lama peut ainsi déclarer : « À Kourou on envoie des satellites. Mais nous sommes les derniers à avoir Internet ! »

La situation explosive est marquée non seulement par la grève générale, par le blocage des entreprises et des routes mais aussi par une manifestation monstre de mardi dernier qui a été déclaré par les autorités locales comme « la plus grosse manifestation de son histoire » et où environ une personne sur dix habitants était dans la rue.

Un autre point mis à part le caractère massif, le caractère interprofessionnel, le caractère radical, le caractère spontané, mérite d’être souligné : c’est l’auto-organisation.

De nombreux groupes, comités, collectifs, mouvements, piquets de barrage se sont constitués et ils dépassaient largement les organisations déjà constituées, syndicats ou autres. L’exemple du groupe des « 500 frères » et de celui des « Toukans », groupes de personnes encagoulées tenant les rues et mobilisées au départ contre l’insécurité est remarquable. Sa liaison très rapide avec le mouvement ouvrier, avec le mouvement des agriculteurs, avec celui des amérindiens, avec celui des routiers, l’est aussi. Et il y a eu bien d’autres organisations spontanées de jeunes, de travailleurs et d’autres, de nombreux collectifs comme « Mayouri pou sové la Gwiyann », comme le « Collectif pour un recteur guyanais », etc.

Il est très significatif que les ministres aient voulu imposer des négociations secrètes alors que les collectifs ont imposé la transparence et l’ouverture des négociations aux média. On se souvient que dans les mouvements en France, les appareils syndicaux français ont toujours mené des négociations secrètes, y compris quand ils étaient conspués lors de celles-ci par les personnels en grève comme dans le mouvement des hôpitaux.

Au départ la situation de la Guyane était très inquiétante, avec des mouvements de colère des communautés les unes contre les autres, dans une région où les milieux populaires sont divisés en un très grand nombre de communautés différentes, non seulement par la couleur mais par l’origine, des Amérindiens aux Laotiens, etc. Le mouvement a déjà eu un succès : il a unifié ces populations, qui se retrouvent ensemble sur les barrages, mangent et boivent ensemble, ont appris à se connaître et à s’apprécier, et sont unifiés par leur lutte commune contre le pouvoir d’Etat français.

Ce dernier a prétendu avoir proposé un programme ambitieux pour la Guyane mais, en fait, seul le MEDEF guyanais s’est déclaré satisfait, ce qui en dit long sur ceux qui vont bénéficier du milliard d’euros proposé. A part les entreprises, cet argent ira surtout à la répression : prison, police, justice, répression de toutes sortes, sans améliorer fondamentalement santé, enseignement, emploi, etc…

Ce n’est pas un hasard si l’ensemble du collectif a rejeté le prétendu « plan ambitieux pour la Guyane ». Ce plan avait surtout pour but de diviser les collectifs du mouvement en satisfaisant les uns et pas les autres. Si le MEDEF a déclaré que ses revendications avaient été satisfaites pour l’essentiel, il a aussi affirmé ne pas vouloir se désolidariser du mouvement d’ensemble. Il va de soi que le simple fait de déclarer que lui était satisfait, c’est déjà une manière de dire au pouvoir français qu’il se désolidarise en fait même s’il ne peut pas le faire trop ouvertement. La suite de la lutte ne peut que distinguer ainsi les faux amis et les ennemis.

Mais le mouvement de la Guyane n’a pas posé que des questions sociales multiples n’a pas fait que souligner une véritable révolte sociale générale : il a également montré une révolte anticoloniale. Si les Guyanais se sont estimés insultés, méprisés par le pouvoir de Paris, c’est pour cette raison. S’ils ont été délaissés, oubliés, mis à l’écart, c’est pour cette raison. Il y a une dimension anticoloniale dans le mouvement actuel, dimension que les média continentaux se gardent de rendre compte ! Et ne parlons pas des hommes politiques français qui sont tous fiers de dire que la Guyane, c’est la France alors qu’il est évident qu’aucune loi sociale, qu’aucun droit, qu’aucun avantage social ne s’applique à l’identique en Guyane et en France continentale ! Les Guyanais sont encore aujourd’hui traités en colonisés et il ne faut pas le cacher !

Cela ne signifie pas que la lutte en Guyane doive être dirigée par des nationalistes petits-bourgeois comme l’ont été toutes les luttes de la décolonisation dans le monde. Cela ne signifie pas que la lutte doive être d’abord nationale avant d’être sociale. Cela ne signifie pas que la lutte soit une lutte de race, une lutte de couleur de peau, ni une lutte nationaliste et pas une lutte sociale ! Non ! Cela signifie que les travailleurs doivent non seulement avoir à leur programme de profondes transformations sociales de la société mais aussi une transformation profonde, un changement radical, par rapport aux mentalités colonialistes, racistes, méprisantes vis-à-vis du peuple guyanais.

Il faut en finir avec tous les travers coloniaux de la domination de la Guyane, comme des autres DOM et TOM, avec toutes les formes d’oppression nationale et raciale qui subsistent avec le néo-colonialisme actuel. Il ne suffit pas que la ministre de l’outremer soit d’origine ultramarine pour que cela prouve que le colonialisme n’existe plus. A la grande époque coloniale, l’Ivoirien Houphouët-Boigny pouvait être ministre d’Etat mais le peuple ivoirien était bel bien sous l’esclavage colonial et traité pire que des chiens !

On ne pourra pas réformer la situation de la Guyane par rapport à la France, pas plus qu’on ne pourra réformer la situation économique et sociale en pleine crise mondiale du capitalisme.

Le gouvernement français peut parvenir à calmer une partie de la population guyanaise en cédant un peu ou en faisant semblant de le faire, mais il faut avoir conscience que, dans les DOM-TOM ou en métropole, les questions qui se posent, qu’elles soient économiques, sociales ou politiques, nécessitent bien autre chose que de gentilles négociations réformistes.

Elles nécessitent d’employer à grande échelle les méthodes qui viennent d’être mises en route en Guyane, celles de l’insurrection des masses populaires.

Elles nécessitent que les masses exploitées et opprimées s’auto-organisent et ne craignent pas de déborder les appareils réformistes politiques et syndicaux. Elles nécessitent que les masses travailleuses prennent la tête des luttes, se lient aux agriculteurs, aux jeunes, aux banlieues, aux chômeurs, à tous ceux qui sont révoltés contre les politiques des gouvernants, des trusts, des banques et de toutes les classes dirigeantes.

La Guyane va-t-elle aller plus loin dans sa lutte, on ne peut encore le dire mais la lutte sociale, en Guyane et ailleurs, devra aller plus loin, devra remettre en question la domination des exploiteurs et de leurs Etats. Elle a montré en Guyane qu’elle en a la force, qu’elle peut en prendre l’initiative et qu’elle a les moyens de se faire craindre des classes dirigeantes.

La suite

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Messages

  • près de 30 pour cent de la population n’a pas accès à l’eau potable ni à l’énergie électrique, alors que l’on a une base spatiale

  • la misère et le chômage sont si grands qu’on tue quelqu’un en Guyane pour 20 euros, pour un bijou ou un portable

  • En Guyane, le collectif qui dirige la lutte rejette la proposition du gouvernement, "tous les barrages seront fermés" lundi....

  • "La fusée restera au sol tant que la Guyane ne décollera pas", a ajouté un porte-parole des "500 Frères"...

  • D’après le plan d’urgence, 400 millions d’euros ont été alloués à l’éducation et 85 millions d’euros à la sécurité. Mais « la santé, l’éducation, l’énergie, la culture, le social sont lésés, trop de choses ne vont pas, ce n’est pas possible », estimait Davy Rimane, un membre du collectif Pou la Gwiyann dékolé, dimanche soir sur Outre-mer 1ère.

    Il détaille « un exemple tout simple », au sujet de l’hôpital de Cayenne. « La dette fournisseur de l’hôpital de Cayenne est de 39 millions d’euros mais l’Etat met 20 millions sur la table », a-t-il assuré. Même constat pour l’éducation : le plan prévu pour la rentrée 2018 dans les collèges et lycée n’est, selon lui, pas financé.

  • Bernard Cazeneuve a rejeté, lundi 3 avril, la demande, jugée « irréaliste », des meneurs du mouvement social en Guyane de porter à 2,5 milliards d’euros le plan d’urgence du gouvernement. Il compte sur la division, sur la répression et sur le pourrissement. On verra si ce calcul ne s’avèrera pas une grosse faute... du point de vue des intérêts de la bourgeoisie métropolitaine !

  • Le Monde relève « un véritable fossé d’incompréhension entre, d’un côté, un mouvement qui, aussi pacifique soit-il, se sent porteur d’une ambition historique et un gouvernement dont les jours sont comptés ». En même temps, le journal, politiquement proche du gouvernement PS, prétend que ce dernier « ne peut aller au-delà du possible ».

    En revanche, ce qui est acté par le gouvernement, comme le souligne le préfet Martin Jaeger, est l’envoi de « 25 policiers et 23 gendarmes [qui] vont renforcer les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie. À cela s’ajoute la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne ».

    Paris veut rapidement mettre fin la grève guyanaise, avant qu’elle ne provoque des luttes par solidarité plus larges en métropole. Le PS a instauré un état d’urgence qui donne des pouvoirs illimités à la police en métropole, ont servi à réprimer les jeunes et les travailleurs en particulier pendant les manifestations contre la loi travail. Toutefois, la première manifestation de soutien aux grévistes guyanais a réuni hier une centaine de personnes sur Paris.

    Le bilan de la lutte contre la loi travail souligne que les travailleurs en Guyane doivent prendre le contrôle de leur lutte et la développer en une lutte politique plus large de la classe ouvrière, en métropole et dans l’outre-mer, contre le PS et toute la classe dirigeante française.

  • Mardi 28 mars, lors de la grande marche organisée à Cayenne qui a réuni plus de 10 000 personnes – sur une population officielle du département, grand comme le Portugal, de 252 000 habitants –, les Amérindiens ont été acclamés et ont eu l’honneur d’ouvrir la marche, lorsqu’ils se sont joints au cortège. Du jamais-vu !

    « Nou bon ké sa ! » (« On en a marre ! »), scandent-ils tous en chœur, et innombrables sont les motifs, dans tous les domaines, qui leur donnent raison : l’état de délabrement des équipements sanitaires, le manque criant d’écoles, de collèges et de lycées, l’absence de transports en commun, une insécurité chronique, une immigration insoutenable, compte tenu des carences et des fragilités du département : 8 000 demandes d’asile en 2016, rapportées à l’échelle de la France, cela représente plus de 2 millions. Oui, la Guyane, ex colonial et ex département français depuis 1946 jouxtant le Brésil et le Suriname, s’est soulevée, avec une force sans précédent et ce n’est pas l’apparence de dureté d’un Cazeneuve qui va la ramenr dans le rang !!!

  • La fusée Ariane 5 « restera au sol tant que la Guyane ne décollera pas », a affirmé Mickaël Mansé, porte-parole des « 500 frères ». Une manifestation massive a été annoncée pour ce mardi à partir de 9 heures (14 heures à Paris) à Kourou, près du site de lancement des fusées. Symbole d’une situation qui ne s’améliore pas, l’annulation du vol direct, Air France, de lundi de Paris pour la Guyane et de celui de ce mardi. Des problèmes d’avitaillement en carburant à Cayenne empêchent la compagnie d’assurer ces vols.

    À l’origine de ce mouvement social d’une ampleur inédite, l’exaspération de toute une population face au désengagement de l’État, à la casse des services publics, à la montée de la violence et de l’insécurité. « Les conditions sanitaires en Guyane sont terribles, la pauvreté explose, l’insécurité, les meurtres gangrènent la vie quotidienne », témoigne un agent hospitalier. Face à la surdité des pouvoirs publics, des collectifs de citoyens se sont créés sur tout le territoire, s’agrégeant au mouvement syndical traditionnel. Tous exigent de l’État qu’il respecte ses missions régaliennes, en garantissant l’accès aux soins, à l’éducation, à la justice et surtout à la sécurité. « La Guyane est un territoire ultra militarisé. La Légion étrangère et la gendarmerie surveillent en permanence les installations spatiales de Kourou. La Guyane compte 3 000 forces de l’ordre pour 250 000 habitants et pourtant, l’insécurité est partout », explique un habitant.

  • La manifestation de toute la Guyane, avec une foule incroyable et encore plus de gens qui ne sont pas parvenus à se rendre sur place tant les routes sont bloquées par la manifestation, a lieu à proximité du centre de Kourou et elle bloque le centre. Une délégation est en sit in permanent dans le centre.

  • La situation explosive provient de sources multiples : santé et enseignement complètement dégradés et à l’abandon, salaires très bas, chômage des jeunes au niveau de 40%, produits alimentaires trop chers (40% de plus qu’en métropole), délinquance très importante et violente, suicides de nombreux jeunes amérindiens, présence massive des forces de répressions sans qu’elles interviennent du tout pour une autre sécurité que celle de la base de Kourou et du maintien de l’ordre colonial qui existe toujours et rend la Guyane dépendante de la métropole française.

  • En Guyane, plusieurs milliers d’Amérindiens, de sept peuples différents (les Kalinas, les Lokonos, les Palikurs, les Wayana, les Wayampi, les Tekos, les Apalai) vivent sur l’ensemble du territoire, du littoral aux fleuves frontières que sont le Maroni et l’Oyapock. Les problèmes auxquels ils font face ne sont pas nouveaux et leurs souffrances sont connues des autorités. En novembre 2015, un rapport des sénatrices Aline Archimbaud et Marie-Anne Chapdelaine s’inquiétait des suicides amérindiens en Guyane. Un an plus tard, un séminaire se tenait au Sénat et constatait que les propositions du rapport tendaient à rester lettre morte.

    La mobilisation guyanaise actuelle est l’occasion pour les organisations autochtones de porter leurs revendications, dont certaines ont plus de trente ans. "Nous nous sommes rapidement greffés sur cette mobilisation, dans laquelle nous avons su montrer que nous sommes présents" explique Jean-Philippe Chambrier, coordinateur de la FOAG (Fédération des organisations autochtones de Guyane). "Nous n’avons rien à perdre car l’Etat ne nous a pas donné grand chose jusqu’à présent."

  • Le collectif Pou La Gwiyann Dekolé, qui réunit les revendications guyanaises, a intégré la reconnaissance des droits des peuples autochtones parmi la liste des "revendications concernant des problèmes dont l’urgence ne souffre pas de délais quant à leur résolution". Vendredi 31 mars, des représentants des peuples autochtones de Guyane rencontraient à Cayenne la ministre des Outre-mer, Ericka Bareights, pour exposer leurs revendications. Samedi 1er avril, suite à l’insatisfaction du collectif Pou La Gwiyann Dekolé face aux propositions gouvernementales, des ateliers thématiques étaient mis en place pour travailler sur les différents points de blocage. L’atelier Peuples autochtones faisait partie des groupes de travail où les points d’achoppement peinaient plus qu’ailleurs à être résolus.

    La première revendication amérindienne est que la France ratifie la Convention « relative aux peuples indigènes et tribaux » de l’Organisation internationale du travail. La ministre des Outre-mer se serait engagée à adresser une lettre au Conseil d’Etat à ce propos.

    Parmi les autres demandes qui pourraient recevoir une réponse positive à l’issue des négociations se trouve une revendication foncière. Tout comme la Collectivité territoriale de la Guyane, les communes et des représentants du monde agricole, les peuples autochtones de Guyane demandent de la terre : "La rétrocession immédiate de 400.000 hectares de terres du domaine privé de l’Etat", précisent-ils dans leur liste de revendications. "Il s’agit de garantir un espace de vie suffisant dans les villages pour la génération future. Mais aussi de protéger cet espace de vie des spéculations foncières, des occupations illégales, de la déforestation, de l’agriculture intensive, des projets d’exploitation aurifères et de biomasse" explique le document des doléances amérindiennes.

    Le souhait d’une plus grande association des Amérindiens à la gestion foncière de la Guyane s’accompagne de revendications environnementales. Les organisations autochtones se sont ainsi positionnées contre les activités minières en demandant "l’arrêt immédiat du projet d’exploitation aurifère par les sociétés Colombus Gold et Northgold sur le site Montagne d’Or, ainsi que l’arrêt de tout projet d’exploitation de ce type dès lors qu’il est porté par des multinationales étrangères". Cette demande est étayée par l’affirmation que la méga-industrie minière "n’est pas solidaire ni équitable en terme de retombées économiques. Elle ne développera donc pas notre pays mais, bien au contraire, minera les bases même de notre patrimoine naturel, à savoir ses ressources énergétiques et hydriques, son attractivité touristique potentielle et sa biodiversité."

  • Les représentants des peuples autochtones demandent aussi à être représentés à la Commission départementale des mines pour avoir leur mot à dire sur les choix de développement. Enfin, ils militent pour "l’éradication de l’orpaillage illégal“, dont certain Amérindiens sont les premières victimes. De par leur alimentation principalement constituée de poissons, les habitants des hauts fleuves présentent les taux d’imprégnation au mercure les plus forts de Guyane, qui dépassent souvent la limite maximale retenue par l’OMS.

    Les Amérindiens demandent également comme l’ensemble des Guyanais un meilleur accès à la santé et à l’éducation. La création de centres délocalisés de soins et de prévention dans chaque village du Haut-Maroni est souhaitée. A l’heure actuelle, seuls deux villages comptent un centre de ce type. Dans les autres, les consultations effectuées lors de tournées médicales en pirogue se font sous des carbets communautaires, au su et au vu de tous.

  • Le mouvement de blocage du pays s’est poursuivi, mardi 4 avril, avec un grand rassemblement à Kourou, au lendemain d’une journée "ville morte" à Cayenne. Le collectif Pou Lagwiyann dékolé, qui regroupe l’ensemble des différents mouvements contestataires, est décidé à installer un rapport de force. Rejetant le plan proposé par le gouvernement, ils ont exigé, dimanche, le déblocage immédiat de 2,5 milliards d’euros. Mais une autre revendication a fait son apparition : un changement de statut de la Guyane, aujourd’hui à la fois département et région d’outre-mer, vers celui de collectivité d’outre-mer, qui lui octroierait plus d’autonomie.

  • Aujourd’hui, les Guyanais se sentent isolés de leurs voisins brésiliens et surinamais, parce qu’ils ne peuvent pas échanger directement avec eux. Les normes européennes font que tout est extrêmement cher, bien plus que de l’autre côté de la frontière. Ce qui est un problème si l’on veut assainir le contexte économique guyanais, éviter la contrebande et l’embauche de clandestins.

    Les Guyanais ne peuvent pas faire leur plein au Suriname, alors que le carburant y est bien moins cher. Pour des universitaires comme nous, inviter des collègues brésiliens est très compliqué : il doivent passer par une longue procédure pour obtenir un visa, simplement pour venir tenir une conférence. Alors que seul un fleuve nous sépare.

    Depuis le début de ce mouvement, on sent que la population guyanaise a envie d’appartenir à sa région sudaméricaine. Elle se dit : "On leur ressemble, on veut échanger avec eux." C’est une identité que la Guyane a mise de côté pendant trop longtemps. Elle ne peut plus tourner le dos à ses voisins pour regarder vers l’Europe.

  • La bourgeoisie guyanaise lâche le mouvement. Elle s’était déjà die satisfaite par les propositions gouvernementales. Elle renonce maintenant aux barrages ! Le Medef local, en la personne de Stéphane Lambert, demande à présent la levée des blocages et notamment des barrages routiers, « prélable à la voie d’un dialogue constructif ».

  • Le mouvement continue. Les barrages sont maintenus. La fraction la plus légaliste, modérée et bourgeoise ainsi que pro-gouvernementale abandonne le mouvement.

  • De plus en plus, apparaît clairement qu’en Guyane la division entre pro et anti blocages reflète une division de classe : le patronat et certains élus qui leur sont liés et le reste de la population.

    Le 6 avril, plusieurs voix s’élèvent parmi les élus et les patrons pour appeler à la fin des barrages et celle du Medef qui appelle à la sauvegarde de l’économie, durement affectée par la grève. La maire de Cayenne Marie-Laure Phinéra-Horth appelle à son tour à « arrêter la crise » alors que certains membres appellent à « durcir » le mouvement et demandent 2,1 milliards d’euros en plus de ceux promis par le gouvernement Cazeneuve.

    Dès le 7 avril, de nombreuses entreprises ont recours au chômage partiel de leurs employés. Le jour même, des membres du collectif Pou Lagwiyann dékolé se regroupent devant la Préfecture et tentent de forcer la porte du bâtiment, en présence du collectif des 500 Frères. Les policiers ont fait usage de bombes lacrymogènes. Le commissaire Terry, numéro 2 du commissariat de Cayenne, est violemment agressé par des manifestants. Il perd connaissance pendant un quart d’heure et est transporté en urgence vers l’hôpital de Cayenne. Le lendemain, le commissaire Joël Terry recevait sur le seuil de sa chambre d’hôpital la visite de représentants du mouvement des 500 frères.

    Le 14 avril, le collectif ouvre les barrages « jusqu’à nouvel ordre » ceci, pour permettre la circulation lors du week-end pascal. Il précise que les barrages sont seulement ouverts, et non levés, la mobilisation continuant par conséquent. Quelques-uns cependant, comme celui du centre spatial guyanais à Kourou, restent fermés, car jugés stratégiques. Le collectif a également rejeté l’idée d’envoyer une délégation rencontrer le président François Hollande, estimant que ce dernier ne s’est pas intéressé à eux depuis le début du mouvement.

  • Après un mois de conflit social en Guyane, le collectif "Pou la Gwiyann dékolé" a décidé, lundi 17 avril, de poursuivre la mobilisation en refermant les barrages qui avaient été levés pour le week-end de Pâques, jusqu’à la signature d’un protocole d’accord avec le gouvernement. Ce document existe déjà. Sur sept pages, le collectif qui coordonne le mouvement social y liste les décisions nécessaires "pour suspendre le mouvement sous sa forme actuelle". Il a été envoyé dimanche au gouvernement, qui en a accusé réception.

    "Pour avoir une signature rapide, nous avons obligation de durcir le mouvement. Les barrages seront fermés dès ce soir 22 heures", a déclaré Valérie Vanoukia, représentante des très petites entreprises de Guyane, à l’issue d’une assemblée générale, invitant la population à se remobiliser.

  • Colonisée au XVIIe siècle, ayant connu l’esclavage, les bagnes et la départementalisation, la Guyane est aujourd’hui le plus grand département français. Ses richesses sont connues. Pourtant le peuple guyanais fait face à une situation sociale catastrophique, avec un taux de chômage « officiel » de 22%, largement sous-estimé selon l’UTG (Union des travailleurs guyanais, regroupant 37 organisations syndicales), et 44% des personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté ; le manque d’infrastructures, les systèmes de santé et de transports défaillants, etc. pèsent aussi sur la vie quotidienne des habitant-.e-s de Guyane.

    Des combats sont engagés par les citoyen-ne-s depuis plusieurs mois pour la résolution de ces problèmes fondamentaux. Le 16 mars une mobilisation d’ampleur a débuté : l’UTG participe à ce mouvement large de contestation et de revendication et a appelé à la grève générale. La CGT soutient cette lutte.

    Dans le cadre de cette mobilisation populaire une plate-forme revendicative a été établie par le collectif « Pou dékolé la GWIYANN » pour faire face à l’urgence de la situation. Pour l’éducation, l’enseignement, la recherche et la formation le collectif revendique :

    Le versement automatique de la taxe professionnelle de toutes les entreprises installées en Guyane, notamment le Centre Spatial Guyanais (CSG) pour le développement de la formation continue.

    La mise en place d’une politique académique adaptée avec introduction officielle dès la rentrée prochaine de l’étude : des langues maternelles, de l’histoire-géographie du territoire, des sciences en s’appuyant sur les structures technologiques (ex : CSG), de recherche (ex : CIRAD) et de l’environnement naturel guyanais.

    La construction de 5 lycées (Maripasoula, Saint Georges, Macouria, Saint Laurent, Matoury), 10 collèges et 500 classes primaires en utilisant les ressources locales (y compris cantines, internats, logements du personnel et des enseignant.e-s hors île de Cayenne) et d’un pôle universitaire pour l’Ouest à Saint Laurent du Maroni.

    La gratuité des transports scolaires routiers et fluviaux, de la restauration de la maternelle au lycée (avec utilisation des produits locaux) et du matériel pédagogique (manuels et matériel numérique) principalement pour les communes de l’Est (Vallée de l’Oyapock) et l’Ouest (Vallée du Maroni).

    La création immédiate à l’Université de Guyane de 20 postes, personnels enseignants et administratifs et dans le secondaire la CDIsation des contractuel.les et embauche de 400 ILM (Intervenants en Langue Maternelle).

    Un accord de principe sur la définition et mise en place d’un véritable projet académique sur 5 ans en stabilisant une gouvernance au fait de la réalité guyanaise.

  • La Guyane a obtenu un engagement de 3 milliards d’euros du gouvernement. Les dirigeants du mouvement ont estimé que c’était déjà quelque chose et on arrêté la lutte. A comparer aux 2 milliards du budget d’Arianespace, aux 1,5 milliards du chiffre d’affaire et aux 5,2 milliards d’euros du carnet de commandes du centre spatial de Kourou !!! Le principal succès de cette lutte est d’avoir uni la population travailleuse de la Guyane. C’est le principal gage d’avenir même si les problèmes de fond restent… La Guyane a démontré, après plusieurs années d’échecs des luttes sociales, que le peuple travailleur a toujours la force de faire reculer un gouvernement en France, à condition de ne pas s’en tenir aux sempiternelles journées d’action, aux luttes isolées ou corporatives, à la division des mouvements. A condition aussi de ne pas attendre des changements des élections bourgeoises !

  • Une fois de plus, des réformistes en particulier des leaders syndicaux sont parvenus à arrêter un mouvement social d’ampleur, en cédant aux pressions patronales et étatiques, et sans que l’essentiel des revendications aient été satisfaites !!!

  • 36% de votants (exprimés) en Guyane : 1 écrasante majorité du prolétariat a rejeté l’élection présidentielle au 1er comme au second tour. Pourtant 1 autre démocratie a émergé en Guyane, celle issue du soulèvement et de la grève avec des piquets , car le peuple a montré qu’il est possible de faire ce que les syndicats refusent : la lutte auto-organisée dans des comités de quartiers, de grève, dans la rue et dans les entreprises : une lutte de classe, contre l’impérialisme français.

  • Les salariés d’EDF et du Centre hospitalier de Cayenne n’ont rien obtenu et les syndicats poursuivent des discours sur une lutte isolée après avoir abandonné le mouvement d’ensemble qu’ils avaient mis du temps (une pleine semaine) à rejoindre !!!

  • Les embauches demandées à EDF ne sont même pas promises par la direction et l’hôpital propose 36 postes sur les 237 demandés !!!

  • Cette terre colonisée a un fort lien de dépendance avec la métropole, car la plupart des produits sont importés et vendus très cher, pour le plus grand profit des groupes industriels. La production locale est ainsi tuée dans l’œuf, comme aux Antilles. Les constructions de logements, à côté de bidonvilles, sont en majorité des placements défiscalisants. Les multinationales pillent les richesses du sous- sol, or et diamants, sans aucun bénéfice pour les populations. Conséquences : un taux de chômage à 22 %, des salaires très bas, un taux de pauvreté de 44 %, des enfants déscolarisés faute de places dans les écoles, des hôpitaux surendettés et en sous-effectif, un coût de la vie nettement plus élevé qu’en métropole.

    Et là-dessus, l’existence de Kourou, vitrine mondiale de la fusée Ariane, une espèce d’enclave avec des salariés bien payés, mais qui ne s’acquitte pas de la taxe la plus importante, l’octroi de mer, qui sert à financer le territoire ! Tant que la fusée décolle, tout va bien, mais c’est maintenant la Guyane qui doit décoller, expliquent les manifestants. Ces prouesses technologiques dans une région à peine desservie par des routes, où beaucoup n’ont pas l’électricité ou d’accès à Internet, montrent bien la façon dont ce territoire et ses habitants sont considérés.

  • En Guyane, l’hôpital est complètement à l’abandon… Insalubrité, manque de personnels, sous-investissement, le CHAR (Centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne) est régulièrement critiqué par la population et les élus locaux. En 2016, cinq grands prématurés y sont décédés des suites d’une infection nosocomiale. Après le conflit social qui a paralysé la Guyane en mars-avril dernier, le gouvernement a débloqué "une provision d’urgence de 20 millions d’euros" pour l’hôpital. Mais les agents ont poursuivi leur mouvement de grève pour réclamer notamment des effectifs supplémentaires, et le 9 juin, après plus de dix semaines de grève, un protocole d’accord a été signé entre la mission envoyée par le gouvernement, des élus guyanais, l’ARS, la direction de l’hôpital et le syndicat UTG de la santé. Mais la réalité de cet hôpital n’a pas changé pour autant. Au lieu de recruter, on envoie les patients aux Antilles !!! Des femmes accouchant avant terme et les nouveau-nés prématurés de Guyane française sont actuellement évacués vers les Antilles car ils ne peuvent pas être pris en charge par l’hôpital de Cayenne, à cause d’un manque de personnel. Cinq femmes enceintes et quatre grands prématurés suivis par le centre hospitalier ont ainsi été évacués depuis la fin juin, vers les Antilles, dont les hôpitaux sont pourtant déjà débordés. En cause le manque d’embauches et le surmenage des agents en Guyane…

  • Accueilli par une manifestation en Guyane, Emmanuel Macron déclare qu’il n’est pas « le père Noël » !!!

  • Jeudi soir, quelques heures après son arrivée, une manifestation organisée par le collectif qui a animé le mouvement social du printemps (Pou Lagwiyann Dekolé, pour que la Guyane décolle en créole) a dégénéré à Cayenne devant les grilles de la préfecture. Quelques centaines de personnes, jeunes et moins jeunes dont beaucoup de femmes, manifestement décidés à en découdre, exigeaient d’être reçues le soir même par le chef de l’Etat. L’entourage de ce dernier, retenu à quelques centaines de mètres de là dans la résidence du préfet pour un dîner républicain, avait fini, sous la pression, par accepter le principe d’une rencontre le lendemain matin.

    « Pas d’accord », avait répondu la foule conduite par quelques dizaines de « grands frères », ceux-là mêmes qui avait lancé en mars la révolte contre l’insécurité et la délinquance. Parce que certains d’entre eux souhaitent protéger leur anonymat, en particulier les fonctionnaires, ces hommes à la carrure souvent impressionnante ont pris l’habitude de porter des cagoules noires qui leur donnent une allure plutôt inquiétante. En raison du très large discrédit des élus locaux, ces grands frères ont quasiment fini par les remplacer comme expression légitime de la volonté populaire.

    Mais jeudi soir, ce fut à leur tour d’être débordés par une base allergique à toute négociation ou compromis. Dans les rues de Cayenne, ils sont tous persuadés que le chef de l’Etat se prépare à ne pas tenir la promesse des « Accords de Guyane ». Ils veulent en engagement ferme sur trois milliards d’euros et ils ont bien noté que le chef de l’Etat, lui, insistait plutôt sur le premier milliard du plan d’urgence investi dans des équipements collectifs. Macron est beaucoup moins précis sur les deux autres milliards demandés, dont il veut lier le déblocage à la définition de projets précis par les Guyanais eux-mêmes.

    C’est donc sur le champ, jeudi soir et non pas vendredi matin, que Macron devait recevoir les Guyanais en colère. Puisque le président ne semblait pas vouloir l’entendre, ils ont renversé une première barrière de sécurité sur la place de la préfecture, puis une seconde jusqu’à ce que quelques dizaines de gendarmes mobiles affectés à la protection de la préfecture se retrouvent littéralement coincé entre la foule et l’entrée du bâtiment. « Dé-ter-mi-nés ! Dé-ter-mi-nés ! » scandaient les manifestants en agitant le drapeau jaune et vert frappé d’une étoile rouge.

  • « Macron vini bwè di lo » (« Macron vient boire de l’eau ») chantaient des femmes hilares en tête du cortège. Allusion à une désormais fameuse note sanitaire diffusée par l’Elysée recommandant aux membres de la délégation de ne pas boire l’eau du robinet.

  • Macron ne rencontrera pas les représentants de Pou Lagwiyann dékolé (Pour que la Guyane décolle). Quand bien même le collectif est signataire des accords de Guyane. Explication fournie : le mouvement social d’aujourd’hui, n’est plus celui d’il y a six mois. « Ils représentent surtout ceux qui ont manifesté hier, des gens qui ont fait des violences inacceptables », balaie encore le chef de l’Etat, samedi, sans distinguo avec les jeunes violents de jeudi soir. Encore une fois, Macron fait dans la provocation et le mépris !

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