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Que savons-nous des mégalithes ?

vendredi 5 mai 2017, par Robert Paris

Que savons-nous de l’homme des mégalithes ?

Tout d’abord, nous savons qu’il n’y a pas un « homme des mégalithes », ni à proprement parler une seule « époque des mégalithes » (cela s’étale du mésolithique à l’âge de bronze !), ni même une seule société des mégalithes et encore moins un Etat de l’époque des mégalithes. Mégalithes n’est pas le nom d’un peuple, ni celui d’une société donnée mais il signifie seulement « grandes pierres » car ces édifices monumentaux sont tous construits à l’aide de blocs de pierre impressionnants. L’existence, dans de nombreuses régions du monde de mégalithes et à une même époque de l’histoire des hommes, d’édifices du même type ne signifie pas que c’était la même société. Les mégalithes ne sont que le nom des édifices de pierre de grande échelle qu’ont bâti les hommes d’une certaine époque, qu’il s’agisse de menhirs, de dolmens, de cromlechs (cercles de pierres dressées), d’allées couvertes, de grands tumulus de pierre, de cairns, de stèles, de statues, de tertre, d’enceinte mégalithique, d’alignements, de taulas, de galgals, d’hypogées, de chambres funéraires collectives ou encore des vastes nécropoles fondées sur des tas de pierre de grandes dimensions…

Aujourd’hui, la datation au carbone 14 des charbons de bois retrouvés près des dolmens permet de résoudre la question de la datation des alignements de Carnac. Ils auraient été dressés entre le Vème et le IIIème millénaire avant notre ère. Leur construction aurait pris fin au début de l’âge du bronze, vers 2000, 1500 avant notre ère. Par ailleurs, des tessons de poteries datés par thermoluminescence (cette technique date la luminescence des cristaux d’une roche ou d’une céramique lorsqu’ils ont été chauffés) ont permis de dater les dolmens et les menhirs à environ 4000 avant J.C.

Le fait qu’il y ait eu des sociétés mégalithiques à diverses époques, dans divers coins de la planète, ne signifie pas que ce soient des types différents de société. Il en va de même de la société marchande qui est apparue en différents endroits à des époques diverses mais représente un stade donné de l’évolution humaine et sociale. Il est probable que les mégalithes soient également la marque d’un stade donné de l’époque de l’apparition de la production agricole qui a entraîné, pour la première fois, l’apparition d’un surplus et de l’accumulation de richesses, époque aussi de la formation de familles riches puis de classes sociales. Plutôt qu’un « peuple des mégalithes », plutôt qu’un simple « art des mégalithes », nous avons sans doute affaire à une époque des mégalithes, un stade donné de l’évolution économique, sociale et organisationnelle. Ce stade de l’évolution est sans doute lié au passage de la société des chasseurs-cueilleurs à celle des agriculteurs. La production d’un surproduit – chaque être humain devenant capable de produire en une journée plus de richesses que ce qui était nécessaire pour vivre et faire vivre une famille -, amenait un basculement complet de la société, passant du communisme primitif à la société de classes, avec une division du travail et la formation de classes riches et dominantes.

Tous ces édifices sont faits d’immenses blocs, si grands et si lourds qu’aucune des sociétés qui ont suivi n’auraient été capables de les détacher, de les déplacer, de les dresser, ni de les soulever pour construire ces grands édifices mégalithiques. Cela signifie que les peuples concernés disposaient de connaissances, de moyens techniques et intellectuels mais aussi sociaux et économiques bien particuliers. Il faut en effet, sans disposer d’engins d’extraction, d’engins de transport et d’engins de levage, des moyens techniques très spécifiques, d’une compétence très développée ainsi que de moyens humains et sociaux, eux aussi bien spécifiques. Cela suppose déjà de grandes masses d’hommes que l’on puisse retirer de l’activité immédiate en vue de se nourrir et de subvenir à ses besoins. Cela suppose également que ces moyens humains puissent être regroupés pour une tâche collective et dirigés ensemble dans une activité commune non directement utile à la nourriture, au logement et non destinée à la satisfaction de leurs besoins immédiats. En somme, cela nécessite une certaine organisation sociale et un niveau de civilisation important. Cela a étonné de nombreux auteurs, étant donné que ces monuments ont été construits par des sociétés bien plus anciennes que les plus anciennes populations celtes et qu’aucune population celte n’était même capable de comprendre d’où venaient ces mégalithes, les prenant pour des édifices construits par les dieux et les adorant comme tels !

Cette activité nécessitait une importante coopération collective dans le travail et déjà le regroupement d’un grand nombre d’hommes sur un même site pour une tâche durant sur des périodes de temps importantes donc une organisation sociale développée et capable aussi de faire appel à des compétences spécialisées, donc une certaine division du travail.

Une autre indication sur le niveau des sociétés en question, c’est qu’on ne trouve à la même époque aucun autre édifice en pierre, que ce soit des édifices civils ou religieux, aucune ruine de palais ni de temple, aucun témoignage d’un pouvoir politique ou religieux central capable d’imposer des travaux forcés à grande échelle à des travailleurs, qu’ils soient serfs ou esclaves ou même travailleurs libres réquisitionnés pour ces tâches. On n’a trouvé aucun témoignage de l’époque mégalithique autre que ces édifices mégalithiques ! Et ce dans toutes les régions, très diverses, où on trouve ces mégalithes !

Le caractère étonnant des mégalithes tient essentiellement au fait que la plupart des peuples auraient, jusqu’au capitalisme, été incapables de dresser ces grands blocs de pierre sans disposer de grues et autres matériels de levage sans parler des matériels d’extraction de ces grandes pierres. Cela ne signifie pas qu’il faille faire appel aux extraterrestres ni au surnaturel pour expliquer les moyens techniques adoptés pour extraire la roche (utilisant le chaud-froid, l’expansion de la glace et les coins en bois que l’on trempe) ou le déplacement des blocs sur troncs d’arbre roulants, etc, les méthodes de redressement sur des pierres de calage et autre systèmes de fondations par des blocs de pierre en dessous de l’édifice). Cela signifie seulement qu’il n’est pas bon de supposer que les peuples anciens étaient plus bêtes que nous ! Ni que leur système économique et social était aussi rudimentaire que cela ! Ni encore qu’ils étaient moins intelligents ou moins organisés que nous ! Ce sont nos préjugés qui nous présentent l’existence des mégalithes comme étranges…

Une autre cause d’étonnement est le fait que la société, ou plutôt les sociétés, des mégalithes ait disparu sans laisser d’autre trace que ces monuments de pierre qui semblent tous liés à des cultes des morts, qu’on trouve ou pas des restes humains, des offrandes ou des gravures représentant des humains sur ou sous, ou encore à proximité de ces mégalithes.

Les squelettes trouvés étaient parfois accompagnés dde bijoux, d’objets de luxe, d’offrandes, de parures montrant que les personnes enterrées n’étaient pas le commun des hommes mais les grandes familles, les chefs, les personnalités, les rois ou les membres de la classe dirigeante. C’était une société avec des divisions sociales et donc aussi des luttes de classes…

Les gravures trouvées sur certains mégalithes montraient que ces classes dirigeantes avaient parfois des hommes en armes à leur service pour se protéger. Pourtant, là où les mégalithes étonnent aussi, c’est qu’ils étaient disposés le plus souvent sur des points hauts, visibles de loin, sans crainte que cela attire l’attention de peuples en armes se déplaçant dans la région ! Il y a donc une contradiction entre ces hommes en armes pour protéger une société et l’absence de crainte apparente d’agresseurs extérieurs alors que ces peuples n’étaient apparemment pas protégés derrière des murailles de chateaux ou autres protections militaires. On n’a retrouvé aucun reste de pareilles murailles ni d’édifices autres que les monuments mortuaires mégalithiques.

Si les édifices mégalithiques sont aussi imposants, aussi visibles de loin, ils semblent clairement indiquer à toute la population par qui elle est dirigée et à qui elle doit obéir, avec respect. En somme, la classe dirigeante liée au pouvoir religieux semble se protéger d’abord et avant tout contre sa propre population, contre ses exploités.

Le fait que cette société soit partout diparue sans laisser de traces, sans donner naissance à une continuité sociale ou politique vers un autre type de société, vers un autre pouvoir, qu’elle n’appartienne pas à une continuité historique mais donne lieu, au contraire, à une véritable discontinuité du cours des sociétés humaines, est l’un des faits étranges qui nécessite d’être étudiés.

Pourtant, aucun de ces sites mégalithiques n’indique des traces de guerre, d’invasion, de mouvements de peuples, d’affrontement militaire laissant des restes remarquables. On ne retrouve pas d’armée ayant pu agir ainsi pour détruire ces sociétés mégalithiques.

Il n’y a plus aujourd’hui de mystère technique sur la manière dont ces sociétés ont produit les mégalithes mais il reste un grand mystère historique sur les révolutions qui ont amené ces sociétés à s’effondrer, sur les limites que ces sociétés avaient atteintes et sur les causes de leur chute. Mais il est plus que probable que ces discontinuités historiques ont pour nom : la révolution sociale !!!

Que sont les mégalithes ?

Le mégalithisme

Les civilisations mégalithiques

La disparition de la civilisation mégalithique

Des mégalithes jusqu’en Micronésie…

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Messages

  • Vous semble-t-il que le menhir et le dolmen seraient l’homme (pénis) et la femme (corps allongé) ?

  • C’est fort possible en effet. Mais on ne le sait pas ! Les deux monuments s’opposent et se composent comme homme et femme mais aussi comme vie et mort.

    Ce qu’on sait, c’est qu’un menhir peut être vu de loin et marque une occupation humaine et que le dolmen marque une tombe individuelle ou plus souvent collective.

    Les deux indiquent une collectivité importante, disposant de moyens techniques, économiques et sociaux importants et qui ne se cache pas.

  • Gunung Padang, un des plus vastes sites mégalithiques d’Asie…

    Un ancien temple d’une vieille civilisation indonésienne lire ici

    La première couche est un amas de pierres de basalte qui auraient été utilisées pour construire des terrasses – des levées de terre maintenues par un mur – et des colonnes de pierres arrangées de telle sorte qu’elles « formaient des murs, de chemins et des espaces ». Les scientifiques estiment que cette couche date de 3000 à 3500 ans avant J.-C.
    La deuxième couche, celle qui se trouve entre un et trois mètres sous la surface de la terre, n’est pas une formation naturelle, comme les scientifiques le pensaient jusque-là. Elle est composée de pierres mélangées à un matériau de grain fin. Elle aurait été fabriquée entre 7 500 et 8 300 ans avant J.-C.
    La troisième couche est également un mélange artificiel de fragments de pierres et descend à 15 mètres de profondeur. Son origine remonte entre 9 500 et 28 000 ans avant J.-C.

  • Y a-t-il des preuves de conflis sociaux et politiques à l’époque des mégalithes ?

  • Jean-Paul Demoule, dans « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire » :

    « C’est au cours du Néolithique que les tombes nous révèlent, soit par les objets qu’emporte le défunt, soit par l’architecture funéraire elle-même, l’accroissement des inégalités sociales. Les monuments mégalithiques sont la forme la plus spectaculaire de l’exaltation de la puissance des chefs, protégeant leur corps et leurs richesses à jamais enfouies, et ancrant leurs sujets dans le territoire… Ces dalles étaient tirées à l’aide de cordes et roulées sur de rondins, comme cela a pu être reproduit de manière expérimentale… La chambre funéraire du dolmen de Gavrinis dans le golfe du Morbihan est recouverte de l’un des trois morceaux d’un grand menhir, qui mesurait à l’origine quatorze mètres de haut, et dont un autre fragment recouvre, non loin de là, un autre dolmen célèbre, la table des Marchands de Locqmariaquer. Ces bris volontaires sont aussi l’indice de probables tensions sociales, sinon idéologiques, et l’on connaît même, non loin de là, à Beltz, toujours dans le Morbihan, tout un groupe de menhirs volontairement abattus et enterrés, dès la période néolithique… De tels monuments sont évidemment réservés aux dominants, et les morts étaient accompagnés de biens précieux, par exemple des haches polies en jadéite provenant des Alpes ou des perles en variscite venues de Catalogne…

    A ces monuments démesurés, qui s’imposaient pendant plusieurs siècles sur les bords de l’Atlantique, du Portugal au Danemark, mais particulièrement sur la côte bretonne, succèdent à partir de 3500 environ avant notre ère des monuments beaucoup plus modestes et collectifs. Il s’agit des coffres en pierre, plus rarement en bois, appelés par les archéologues allées couvertes, d’environ deux mètres de large et d’une vingtaine, en moyenne, de longueur, où l’on accédait par une dalle percée d’un orifice circulaire, et qui n’étaient souvent plus recouvertes par un tertre de pierre ou de terre. Au lieu de quelques individus hors du commun accompagnés d’objets de luxe, ce sont plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de corps qui y étaient déposés, au fur et à mesure des décès, et presque sans objets d’accompagnement… Il semble donc qu’avec ces allées couvertes la pyramide sociale se sont nettement abaissée et que les rituels funéraires, visiblement minimalistes, soient maintenant accessibles, sinon à toute la communauté, du moins à des clans familiaux, dont on peut supposer qu’ils ont été le lieu de résistance à des pouvoirs personnels excessifs. »

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