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Qui était Jean-Paul Sartre ? Un écrivain engagé ?

dimanche 6 février 2011, par Robert Paris

Jean-Paul Sartre n’était pas l’écrivain et le philosophe engagé qu’il prétendait être

Que penser de Jean-Paul Sartre ?

Sartre a la réputation d’être le symbole du philosophe engagé. Nous pensons le contraire.

Il a conseillé à sa compagne de se lancer comme intellectuelle en mettant en avant la liberté de la femme - l’existentialisme des femmes - tout en lui demandait de le fournir tous les soirs en chair fraîche…
Sans illusions sur ce qui se passe en Russie, il sert de caution du stalinisme, ce courant contre-révolutionnaire, de façon claire et ouverte de 1950 à 1956. Tant que cela lui sert, mais pas plus.... Il affirme que croire à la mission révolutionnaire du prolétariat équivaut à soutenir l’Etat russe et sa bureaucratie !

Pendant les années soixante, même sans illusions, il poursuit les liens avec l’Etat russe qu’il visite régulièrement. Le premier voyage de Sartre le conduisit à Moscou, à Léningrad et en Ouzbékistan. En rentrant en France, Sartre fut assailli par les journalistes. Le retour d’Union soviétique était entouré d’un rituel qui devait être respecté. Les commentaires de Sartre surprirent tout le monde : les cinq longs entretiens parus du 15 au 20 juillet dans le quotidien Libération se présentaient comme un grandiose panégyrique à l’adresse de ses hôtes ; le titre du premier entretien en résume bien tout le pathos : "La liberté de critique est pleine et entière en URSS. "

Ce premier voyage ne fut pas sans suite. La plupart du temps avec Simone de Beauvoir, Sartre visita l’Union soviétique neuf fois entre juin 1962 et septembre 1966. Chaque été, ils entreprenaient un voyage de plusieurs semaines, visitant Moscou, Léningrad, l’Ukraine, la Géorgie, l’Estonie, la Lituanie.. ., rencontrant les écrivains soviétiques les plus importants. On leur faisait voir nombre de films, de pièces de théâtre, des curiosités en tout genre ; ils furent invités dans la villa d’été de Krouchtchev.

Pour exister autrement que comme intellectuel de l’institution, Sartre a choisi, consciemment, de s’attacher à la galère du stalinisme. Lors de discussions avec Camus, Monatte avait caractérisé les adeptes de Sartre de « papillons qui sont attirés par la lampe russe ». La rupture entre Sartre et Camus se fera justement parce que Camus dénonçait les goulags staliniens. Sartre détournera le coup en dénonçant les idées de Camus et le faisant passer pour un faux philosophe et un intellectuel pas engagé. Ce qui est très exactement une description de Sartre lui-même.

Dans "Qu’est-ce que la Littérature", Sartre écrit : « On regrette l’indifférence de Balzac devant les journées de 1848, l’incompréhension apeurée de Flaubert en face de la Commune ; on les regrette pour eux : il y a là quelque chose qu’ils ont manqué pour toujours. Nous ne voulons rien manquer de notre temps… L’écrivain “engagé”sait que la parole est action : il sait que dévoiler c’est changer et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer. […] Il sait que les mots […] sont des “pistolets chargés”. »

Mais ce n’est là qu’une façade...

Il a choisi de se dire communiste mais ne l’était pas, révolutionnaire mais ne l’était pas, iconoclaste mais ne l’était pas…
La guerre, il ne s’y est pas opposée, même en écrits, ni le vichysme, ni l’occupation, ni le nazisme, ni le stalinisme, ni le capitalisme...

Après avoir connu la crise du capitalisme, la grève générale ouvrière de 1936, la révolution espagnole, la montée du fascisme, il écrit le 3 octobre 1939 : " Je n’ai jamais voulu faire de politique", ....
Ses pensées sont fausses, insipides, creuses et parfois carrément nulles. Elles sont le contraire de l’engagement…

Il suffit de le laisser parler :
« L’intellectuel est quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. »
extrait de Plaidoyer pour les intellectuels
« Etre totalement dans le coup et hors du coup, c’est ça un homme ! »

extrait de La Dernière Chance

« Je ne peux pas supporter qu’on attende quelque chose de moi. »

extrait de Huis Clos (1944)

« J’existe parce que je pense.. »

extrait de La nausée (1938)

« L’existence précède l’essence. Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit ensuite. »

« Je construis l’universel en me choisissant ; je le construis en comprenant le projet de tout autre homme, de quelque époque qu’il soit. »

extrait de L’existentialisme est un humanisme (1945)

« Un homme s’engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n’y a rien. »

extrait de L’existentialisme est un humaniste (1945)

« Il est toujours facile d’obéir, si l’on rêve de commander. »

extrait de Situations (1947)

« Il ne faut pas que je pense que je ne veux pas penser. Parce que c’est encore une pensée. »

extrait de La nausée (1938)

« Il suffit qu’un seul homme en haïsse un autre pour que la haine gagne de proche en proche l’humanité entière. »

extrait de Le Diable et le Bon Dieu (1951)

« Il y a deux façons de détruire un peuple : on le condamne en bloc ou bien on le force à renier les chefs qu’il s’est donnés. La seconde est la pire. »

extrait de Les Séquestrés d’Altona (1959)

« L’on aime rien si l’on aime pas tout. »

extrait de Le Diable et le Bon Dieu (1951)

« C’est si commode se donner : ça tient à distance. »

extrait de Les Mains sales (1948)

« J’ai assez d’embêtements dans ma propre vie, je ne veux pas m’appuyer ceux des autres. »

extrait de La Putain respectueuse (1946)

« On ne peut vaincre le mal que par un autre mal »

extrait de Les Mouches (1943)

« A moitié victime, à moitié complice, comme tout le monde. »

extrait de Les Mains sales (1948)

« Autrui, c’est l’autre, c’est-à-dire le moi qui n’est pas moi »

Extrait de L’Etre et le néant

« Inutile de le nier : la femme n’est pas pareille à l’homme. »

« Celui qui n’a rien fait n’est personne. »

extrait de Les Séquestrés d’Altona (1959)

« En effet, il n’est pas un de nos actes qui, en créant l’homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l’homme tel que nous estimons qu’il doit être. »

extrait de L’existentialisme est un humanisme (1945)

« Est-ce donc nuire aux gens que de leur donner la liberté d’esprit ? »

extrait de Les Mouches (1943)

« La littérature dit ce qu’elle a à dire par des signes, sans jamais devenir un ensemble de symboliques non signifiant - ce que peut être la peinture -, et ne s’introduit donc dans l’esthétique que par un de ses côtés. »

extrait de Obliques

« La Nature, comme dit Hegel si profondément, est extériorité. »

extrait de Situations III (1949)

« La violence est injuste d’où qu’elle vienne. »

extrait de Le Diable et le Bon Dieu (1951)

« J’ai connu vers 1924 un jeune homme de bonne famille, entiché de littérature et tout particulièrement des auteurs contemporains. »

extrait de Situations I (1947)

Son histoire

« Il garda toute sa vie le goût du sublime et mit son zèle à fabriquer de grandes circonstances avec de petits événements. Il ne songeait pas, comme on voit, à éluder la vocation familiale : il souhaitait se vouer à une forme atténuée de spiritualité, à un sacerdoce qui lui permît les écuyères. Le professorat fit l’affaire. (…) Mon père n’est pas même une ombre, pas même un regard : nous avons pesé quelque temps, lui et moi, sur la même terre, voilà tout. Plutôt que le fils d’un mort, on m’a fait entendre que j’étais l’enfant du miracle. De là vient, sans aucun doute, mon incroyable légèreté. Je ne suis pas un chef, ni n’aspire à le devenir.

Commander, obéir, c’est tout un. Le plus autoritaire commande au nom d’un autre, d’un parasite sacré — son père —, transmet les abstraites violences qu’il subit. De ma vie je n’ai donné d’ordre sans rire, sans faire rire ; c’est que je ne suis pas rongé par le chancre du pouvoir : on ne m’a pas appris l’obéissance. A qui obéirais-je ? On me montre une jeune géante, on me dit que c’est ma mère. De moi-même, je la prendrais plutôt pour une soeur aînée. Cette vierge en résidence surveillée, soumise à tous, je vois bien qu’elle est là pour me servir. Je l’aime : mais comment la respecterais-je, si personne ne la respecte ? (…) Pas un instant les tentations ne furent vertigineuses ; je crains bien trop le scandale ; si je veux étonner, c’est par mes vertus. Ces faciles victoires me persuadent que je possède un bon naturel ; je n’ai qu’à m’y laisser aller pour qu’on m’accable de louanges. Les mauvais désirs et les mauvaises pensées, quand il y en a, viennent du dehors ; à peine en moi, elles languissent et s’étiolent : je suis un mauvais terrain pour le mal. Vertueux par comédie, jamais je ne m’efforce ni ne me contrains : j’invente. J’ai la liberté princière de l’acteur qui tient son public en haleine et raffine sur son rôle. On m’adore, donc je suis adorable. Quoi de plus simple, puisque le monde est bien fait ? On me dit que je suis beau et je le crois. Depuis quelque temps, je porte sur l’oeil droit la taie qui me rendra borgne et louche mais rien n’y paraît encore. On tire de moi cent photos que ma mère retouche avec des crayons de couleur. Sur l’une d’elles, qui est restée, je suis rose et blond, avec des boucles, j’ai la joue ronde et, dans le regard, une déférence affable pour l’ordre établi ; la bouche est gonflée par une hypocrite arrogance : je sais ce que je vaux. (…) Je ne cesse de me créer ; je suis le donateur et la donation. Si mon père vivait, je connaîtrais mes droits et mes devoirs ; il est mort et je les ignore : je n’ai pas de droit puisque l’amour me comble : je n’ai pas de devoir puisque je donne par amour. Un seul mandat : plaire ; tout pour la montre. (…) Ceux qui occupent le sommet de l’échelle donnent tout ce qu’ils possèdent à ceux qui sont au-dessous d’eux. Je n’ai garde, pourtant, de me placer sur le plus haut échelon : je n’ignore pas qu’on le réserve à des personnes sévères et bien intentionnées qui font régner l’ordre. Je me tiens sur un petit perchoir marginal, non loin d’eux, et mon rayonnement s’étend du haut en bas de l’échelle. »
extrait de Les mots

Avant la deuxième guerre mondiale, Sartre n’affiche aucune conscience politique. Né en 1905, il a donc 38 ans au début de la guerre et, enseignant en philo, il n’a jamais exprimé la moindre idée politique « engagée ». Pacifiste mais sans militer pour la paix, l’antimilitariste Sartre assume pourtant la guerre sans hésiter. L’expérience de la guerre et de la vie en communauté va le transformer du tout au tout. Pendant la drôle de guerre, il est engagé comme soldat météorologiste. Sa fonction lui laisse beaucoup de temps libre, qu’il utilise pour écrire énormément (en moyenne douze heures par jour pendant neuf mois, soit 2000 pages, dont une petite partie sera publiée sous le titre de Carnets de la drôle de guerre). Il écrit d’abord pour éviter le contact avec ses compagnons de route car il supporte en effet assez mal les relations sérieuses et hiérarchiques que sont celles de l’armée.

La drôle de guerre prend fin en mai 1940, et le faux conflit devient bien réel. Le 21 juin, Sartre est fait prisonnier à Padoux dans les Vosges, et est transféré dans un camp de détention en Allemagne de 25 000 détenus. Son expérience de prisonnier le marque profondément : elle lui enseigne la solidarité avec les hommes ; loin de se sentir brimé, il participe avec enjouement à la vie communautaire : il raconte histoires et blagues à ses copains de chambrée, participe à des matchs de boxe, écrit et met en scène une pièce pour la veillée de Noël.

Cette vie dans le camp de prisonniers est importante, car elle est le tournant de sa vie : dorénavant, il n’est plus l’individualiste des années 1930, mais se fixe un devoir dans la communauté. En mars 1941, Sartre est libéré grâce à un faux certificat médical. Sa nouvelle volonté d’engagement l’amène, dès son retour à Paris, à agir en fondant un mouvement résistant avec certains de ses amis, dont Simone de Beauvoir : le mouvement « Socialisme et liberté ». Il comptera une cinquantaine de membres en juin 1941. Sartre sera un résistant modeste, mais sincère. Vladimir Jankélévitch lui reprochera de s’être occupé davantage de l’avancement de sa carrière que de dénoncer ou contrarier l’occupant. L’impression et la distribution de tracts ne sont cependant pas anodines : Sartre et ses amis manquent plusieurs fois de se faire arrêter. En été 1941, il traverse la province à vélo pour tenter en vain d’étendre le mouvement hors de la capitale et de rallier d’autres intellectuels comme Gide ou Malraux. Après l’arrestation de deux camarades, le groupe « Socialisme et liberté » se dissout vers la fin 1941.

En octobre 1941, Sartre est affecté au lycée Condorcet sur le poste de professeur de khâgne en remplacement de Ferdinand Alquié. Ce poste était initialement occupé par le professeur Henri Dreyfus-Le Foyer (jusqu’en 1940) évincé en raison de sa qualité de juif. Ce fait révélé en octobre 1997 par Jean Daniel dans un éditorial du Nouvel observateur sera reproché à Sartre. Ingrid Galster se pose la question de la qualité de l’engagement de Sartre et remarque « qu’il l’ait voulu ou non voulu : objectivement, il profitait des lois raciales de Vichy. » Il publie à cette époque plusieurs articles pour la revue Comoedia, fondée le 21 juin 1941 par René Delange, et contrôlée par la Propaganda-Staffel.

Malgré la dissolution du groupe « Socialisme et liberté », Sartre ne renonce pas pour autant à la résistance qu’il continue par la plume. Il fait jouer, en 1943, une pièce qu’il a composée, Les Mouches, reprenant le mythe d’Électre et que l’on peut interpréter comme un appel à résister. C’est lors de la Première qu’il fait la connaissance de Camus. En cette période d’occupation, la pièce n’a pas le retentissement escompté : salles vides, représentations interrompues plus tôt que prévu. Pour Jean Amadou, cette représentation est plus ambiguë : « En 1943, dans l’année la plus noire de l’Occupation, il fit jouer à Paris Les Mouches. C’est-à-dire qu’il fit très exactement ce que fit Sacha Guitry, donner ses pièces en représentation devant un parterre d’officiers allemands, à cette différence qu’à la Libération Guitry fut arrêté alors que Sartre fit partie du Comité d’épuration, qui décidait quel écrivain avait encore le droit de publier et quel autre devait être banni. André Malraux qui, lui, avait risqué sa vie dans la Résistance, ne se crut pas autorisé pour autant à faire partie de ce tribunal autoproclamé. » Michel Winock estime que « ce fut la rouerie de Sartre de transformer un échec théâtral en bénéfice politique ». La même année, il publie L’Être et le Néant (influencé par Heidegger), où il fait le point et approfondit les bases théoriques de son système de pensée. Il écrit de même en quelques jours une pièce de théâtre, Les Autres, qui deviendra Huis clos, joué en mai 1944 et qui, elle, rencontre un franc succès.

Vers la fin de la guerre, Sartre est recruté par Camus pour le réseau résistant Combat, il devient reporter dans le journal du même nom, et décrit dans les premières pages, la libération de Paris. Là commence sa renommée mondiale. Il est envoyé en janvier 1945 aux États-Unis pour écrire une série d’articles pour Le Figaro, et y est accueilli comme un héros de la résistance.

La guerre a donc doublement coupé sa vie en deux : auparavant anarchiste individualiste, peu concerné par les affaires du monde, Sartre se transforme en militant engagé et politiquement suractif. Professeur parisien connu dans le monde intellectuel, il devient après la guerre une sommité internationale.

Après la Libération, Sartre connaît un succès et une notoriété importante ; il va, pendant plus d’une dizaine d’années, régner sur les lettres françaises. Prônant l’engagement comme une fin en soi, la diffusion de ses idées se fera notamment au travers de la revue qu’il a fondée en 1945, Les Temps modernes. Sartre y partage sa plume, avec entre autres, Simone de Beauvoir, Merleau-Ponty et Raymond Aron. Dans le long éditorial du premier numéro, il pose le principe d’une responsabilité de l’intellectuel dans son temps et d’une littérature engagée. Pour lui, l’écrivain est dans le coup « quoi qu’il fasse, marqué, compromis jusque dans sa plus lointaine retraite (…) L’écrivain est en situation dans son époque. » Cette position sartrienne dominera tous les débats intellectuels de la deuxième moitié du XXe siècle. La revue est toujours considérée comme l’une des plus prestigieuses revues françaises au niveau international. Symbole de cette gloire surréaliste et de l’hégémonie intellectuelle de Saint-Germain-des-Prés sur le monde : sa célèbre conférence d’octobre 1945, où une foule immense tente d’entrer dans la petite salle qui a été réservée. Les gens se bousculent, des coups partent, des femmes s’évanouissent ou tombent en syncope. Sartre y présente un condensé de sa philosophie, l’existentialisme, qui sera retranscrite dans L’existentialisme est un humanisme. Sa publication, par l’éditeur Nagel, est faite à l’insu de Sartre qui juge la transcription ex abrupto, nécessairement simplificatrice, peu compatible avec l’écriture et le travail du sens que celle-ci implique. Sartre veut à l’époque se rapprocher des marxistes, qui rejettent une philosophie de la liberté radicale, susceptible d’affaiblir les certitudes indispensables au militant

Tout le beau monde se veut maintenant « être » existentialiste, « vivre » existentialiste. Saint-Germain-des-Prés, lieu où habite Sartre, devient le quartier de l’existentialisme, en même temps qu’un haut lieu de vie culturelle et nocturne : on y fait la fête dans des caves enfumées, en écoutant du jazz, ou encore en allant au café-théâtre.

La philosophie de Sartre

Les années qui ont suivi la Libération ont vu l’existentialisme dominer la pensée française, régner sur le roman et le théâtre, et tendre à jouer un rôle politique, soit en accord, soit en opposition avec le marxisme. L’influence de la philosophie sur la littérature n’est certes pas un fait nouveau mais elle est particulièrement frappante en l’occurrence, car la nature même de l’existentialisme l’amène à s’exprimer par l’œuvre d’art, roman ou drame, autant que par le traité théorique.

L’existentialisme met l’accent sur l’existence, opposée à l’essence qui serait illusoire, problématique, ou du moins aboutissement et non point de départ de la spéculation philosophique. La donnée immédiate, perçue d’ailleurs dans l’angoisse, est l’existence, l’absolu, s’il n’est pas simplement l’irréversible, serait à construire, à construire indéfiniment. Selon Sartre : « l’existence précède l’essence ». Les existentialistes français se recommandent du danois Soeren Kierkegaard (1813-1855) auteur du Concept d’angoisse, de doivent beaucoup aux philosophes allemands Heidegger, Jaspers et Husserl.
La phénoménologie de ce dernier, par un retour au concret, entend « dépasser l’opposition de l’idéalisme et du réalisme, affirmer à la fois la souveraineté de la conscience, et la présence du monde, tel qu’il se donne à nous » (in La Force de l’Age).

Cependant il existe plusieurs formes d’existentialisme. Ainsi, Alphonse Whaehlens en Belgique et, en France Gabriel Marcel ont tenté d’édifier un existentialisme chrétien. Les routes mêmes de Merleau-Ponty et de Sartre ont divergé, sans que cela s’explique seulement par des questions politiques ou des différences de tempérament.
Merleau-Ponty (1908-1961), disciple de Husserl, professa l’existentialisme à la Sorbonne et au Collège de France. Il a publié une Phénoménologie de la Perception (1945) et un « essai sur le problème communiste » Humanisme et terreur (entre autres). Pur philosophe il expose pour un public restreint une doctrine pour sereine que celle de Sartre et montré que l’existentialisme pouvait être le point de convergence de courants apparemment très divers de la pensée contemporaine.

Si ses ouvrages abstraits sont d’un abord difficile, Sartre a pourtant assuré à l’existentialisme une large diffusion grâce à son sens des formules frappantes et à l’illustration de sa philosophie qui passe par ses romans, son théâtre et ses essais.
L’existentialisme de Sartre repose sur un postulat qui lui apparaît comme une évidence : l’existence de l’homme exclut l’existence de Dieu. Il ne saurait être question d’une nature humaine préexistante de l’homme. Ce dernier est donc responsable, « condamné à être libre ».

En fait, le véritable postulat de Sartre est le mépris du lecteur : Sartre pense que celui-ci n’osera pas dire qu’il n’a rien compris et prétendra que "c’est très profond". Mais, en fait dans des œuvres comme "L’être et le néant" ou "La question juive", il n’y a rien à comprendre car le texte est vide de sens...

Cette philosophie annonce qu’hors de l’homme il n’existe rien !
Et l’homme n’existe que si son action le ramène à lui-même…
Pas étonnant qu’il ait eu du succès dans la coterie de Saint-germain des près !

En 1936, il sympathise, certes, avec le Front populaire, mais se contente d’en regarder les
manifestations depuis le trottoir. Sur la capitulation de Munich, il avoue son incertitude : « J’ai
été pris entre munichois et antimunichois et je dois avouer ici que je n’ai jamais eu le courage
intellectuel d’être ni l’un ni l’autre. Les munichois me dégoûtaient parce qu’ils étaient tous
bourgeois et lâches, craignant pour leurs peaux, leurs capitaux ou leur capitalisme. Mais les
antimunichois me paraissaient effrayants parce qu’ils voulaient la guerre. »

Pacifiste, mais sans militer pour la paix, l’antimilitariste Sartre assume alors la guerre sans
hésiter. Par intérêt personnel, écrit-il : obéir à l’ordre de mobilisation servait mieux son « but
individuel » que le risque d’une insoumission. Mais il ajoute, en d’autres pages de ses Carnets,
une explication morale : il doit assumer la guerre, parce qu’il n’a pas « su ou voulu » l’éviter.
Accepter cette contingence arrivée, l’endurer, la comprendre : il fait alors toute une théorie sur
son acceptation stoïque de la guerre.
Mais ce sont des motivations morales qu’il expose, et non politiques. Quand il se demande
contre quoi la France se bat, l’antifascisme, la lutte contre le nazisme, ne l’inspirent guère : les
Soviétiques ne sont-ils pas du côté de l’Axe ? Et si c’est pour défendre la Pologne, pourquoi la
guerre contre l’Allemagne et non contre la Russie qui s’est partagé la Pologne avec le Reich ?
Est-ce alors pour défendre la démocratie ? Mais, « il n’y en a plus », écrit Sartre. Le plus léger
n’est pas arrivé : quand Sartre se demande si c’est pour défendre la France contre l’Allemagne, il
a ce mot qui n’est pas de la plus grande lucidité : « Mais Hitler a dit cent fois qu’il ne voulait pas
attaquer la France » (20 octobre 1939).
Guerrier appliqué (sans excès, il est dans la météo), Sartre accepte la guerre sans savoir à quoi
elle sert, sinon à sa propre édification : « La guerre […] est une ordure qui doit être refusée. Mais
refuser quand on est en paix (tout faire pour l’éviter), non pas quand on est en guerre. Survientelle,
il faut s’y plonger, car elle permet de vivre existentiel. Elle est un mode de réalisation de
l’existentiel. »

Pour se représenter la position individualiste de Sartre à ce moment-là, il n’est que se reporter à
un autre Journal de guerre, celui de Georges Friedman, de trois ans son aîné, normalien et agrégé
de philosophie comme lui, marxiste et antistalinien, qui écrit : « Comment les communistes
staliniens […] peuvent-ils oublier que l’avenir de la classe ouvrière est lié à la victoire des
démocraties bourgeoises d’Occident sur l’hitlérisme (ce qu’ils nous ont si longtemps répété) ? »
(4 février 1940).
Même décalage si l’on se réfère aux attitudes de son ancien « petit camarade » de la Rue
d’Ulm, Paul Nizan, qui a rompu publiquement avec le PCF après l’invasion de la Pologne par
l’URSS, et qui mourra le 23 mai 1940 près de Dunkerque. Il faut en convenir, la conscience
politique de Sartre n’est pas précoce.

« Me comprendra-t-on si je dis à la fois qu’elle [l’horreur de
l’Occupation] était intolérable et que nous nous en accommodions fort bien. »
« Mais Hitler a dit cent fois qu’il ne voulait pas
attaquer la France » (20 octobre 1939).
« J’ai
été pris entre munichois et antimunichois et je dois avouer ici que je n’ai jamais eu le courage
intellectuel d’être ni l’un ni l’autre. Les munichois me dégoûtaient parce qu’ils étaient tous
bourgeois et lâches, craignant pour leurs peaux, leurs capitaux ou leur capitalisme. Mais les
antimunichois me paraissaient effrayants parce qu’ils voulaient la guerre. »
« La guerre […] est une ordure qui doit être refusée. Mais
refuser quand on est en paix (tout faire pour l’éviter), non pas quand on est en guerre. Survientelle,
il faut s’y plonger, car elle permet de vivre existentiel. Elle est un mode de réalisation de
l’existentiel. »
Voilà tout Sartre

Donnons un exemple des platitudes, absurdités et inepties prétendument philosophiques de Sartre : son texte « réflexions sur la question juive » datant de 1954 que nous citons ici n’est pas du racisme ni de l’anti-racisme mais de la bêtise :
« Je ne nierai pas qu’il y ait une race juive. (…) Ce que j’appellerai, faute de mieux, caractère ethniques, ce sont certaines conformations physiques héritées qu’on rencontre plus fréquemment chez les Juifs que chez les non-Juifs. (…) Nous envisageons donc les caractères somatiques et héréditaires du Juif comme un facteur parmi d’autres de sa situation, non comme une condition déterminante de sa nature. (…) Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif : voilà la vérité simple d’où il faut partir. (…) Si l’on convient avec nous que l’homme est une liberté en situation, on concevra facilement que cette liberté puisse se définir comme authentique ou comme inauthentique, selon le choix qu’elle fait d’elle-même dans la situation où elle surgit. (…) Le Juif authentique est celui qui se revendique dans et par le mépris qu’on lui porte. (…) Aussi beaucoup de Juifs inauthentiques jouent-ils à n’être pas Juifs. (…) Le Juif, comme le timide, comme le scrupuleux, ne se contente point d’agir ou de penser : il se voit agir, il se voit penser. (…) Seulement, par une dialectique propre à l’inauthenticité juive, ce recours à l’intériorité, cet effort pour constituer une immanence juive, dans laquelle chaque Juif, au lieu d’être le témoin des autres, se fondrait dans une subjectivité collective, et pour éliminer le chrétien comme regard, toutes ces ruses de fuite sont réduites à néant par la présence universelle et constante du non-Juif. (…) Ainsi, quoiqu’il fasse, le Juif inauthentique est habité par la conscience d’être juif. (…) Certes, il faut bien voir que ce masochisme a aussi d’autres causes. Dans un admirable et cruel passage d’Antigone, Sophocle écrit : « Tu as trop de fierté pour quelqu’un qui est dans le malheur. » (…) On rappelle ce portrait du philosophe que Platon trace dans le Phédon : comment le réveil à la raison est chez lui la mort au corps, aux particularités du caractère, comment le philosophe désincarné, pur amant de la vérité abstraite et universelle, perd tous ses traits singuliers pour devenir regard universel. C’est exactement cette désincarnation que recherchent certains Israélites. Le moyen de ne plus se sentir Juif, c’est de raisonner, car le raisonnement est valable pour tous et peut être refait par tous. (…) C’est pourquoi il est à la fois vrai et faux que le Juif soit « plus intelligent que le chrétien ». Il faut plutôt dire qu’il a le goût de l’intelligence pure, qu’il aime l’exercer à propos de tout et de rien. (…) Et c’est bien, en effet, le goût de l’abstraction qui permet de comprendre le rapport spécial du Juif avec l’argent. (…) Souvent l’argent prend pour lui la forme abstraite d’actions, de chèques ou de comptes en banque. Ce n’est donc pas à sa figuration sensible qu’il s’attache mais à sa forme abstraite. (…) Ces indications devraient nous permettre de tracer les traits principaux de la sensibilité juive. Celle-ci, on s’en doute, est profondément marquée par le choix que le Juif fait de lui-même et du sens de sa situation. (…) Les remarques que nous venons de faire ne prétendent pas, bien entendu, conduire à une solution du problème juif. (…) C’est l’antisémite qui crée le Juif. Le phénomène premier est donc l’antisémitisme., structure sociale régressive et conception du monde prélogique. Ceci posé, que veut-on ? (…) Depuis son émancipation, c’est-à-dire depuis un siècle et demi environ, le Juif s’ingénie à se faire accepter par une société qui le repousse. Il serait donc vain d’agir sur lui pour hâter cette intégration qui recule toujours devant lui : tant qu’il y aura un antisémitisme, l’assimilation ne pourra pas être réalisée. (…) C’est une solution paresseuse de se reposer sur la révolution future du soin de liquider la question juive. (…) On m’apprend qu’une ligue juive contre l’antisémitisme vient de renaître. J’en suis enchanté : cela prouve que le sens de l’authenticité se développe chez les Israélites. »
On notera que, mis à part la bêtise des propos, dans ce texte où, par ailleurs, Sartre prétend proclamer à sa manière – toujours aussi fausse - que la révolution seule en finira avec le racisme, il n’imagine pas une minute que le racisme a un rapport avec les classes sociales et leur lutte, pas une seconde que le racisme et la xénophobie ont un rapport notamment avec la crise de la société capitaliste et les intérêts de la classe dirigeante en lutte contre la classe prolétaire. Ensuite, il n’envisage nullement d’étudier la question de manière historique, c’est-à-dire dans une situation donnée avec des combats réels des classes en lutte. D’autre part, Sartre considère que la réalité est dans la tête des hommes. Par conséquent, pour Sartre, ce n’est pas la situation matérielle, économique, sociale et politique qui expliquerait les situations qu’ont connu les Juifs mais leur pensée sur eux-mêmes et la pensée des antisémites sur eux… Conception qui l’amène a des absurdités sans nombre !

"Chaque instant se détache de moi comme une feuille morte"
Sartre dans "Carnets de la drôle de guerre".
Le philosophe Jean Birnbaum commente ainsi ce texte :
"D’où ce paradoxe : dans notre imaginaire collectif, Sartre apparaît comme la figure de l’intellectuel rebelle, du révolté permanent, dont toute l’existence serait tendue au long d’un fil qui s’appelle engagement ; or, au cœur de sa morale, il y a l’obsession de trahir. Tourner le dos au passé changer de peau, se jeter en avant : la liberté qui fait l’homme, disait-il, c’est celle de déserter. Chez le penseur existentialiste, cette obsession est partout. Dans son plus beau texte autobiographique, "Les Mots", il en fait une vocation d’enfance : "Je devins traître et je le suis resté. (...) Je me trahis déjà, en pleine passion, par le pressentiment joyeux de ma trahison future."

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