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La commune, cellule de base de la démocratie bourgeoise, est à l’agonie

vendredi 15 décembre 2017, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

La commune, cellule de base de la démocratie bourgeoise, est à l’agonie

C’est le poids de plus en plus important des dettes qui accule les communes au suicide. Elles sont étranglées par le poids des remboursements alors que le remboursement des capitaux prêtés, pour un grand nombre de communes, est absolument impossible même sur un grand nombre d’années. Elles deviennent dès lors une proie facile des organismes financiers prêteurs, les seuls capables de les maintenir la tête hors de l’eau pour un petit moment supplémentaire, au prix d’un étranglement encore plus important et plus durable.

Un grand nombre de communes sont endettées à tel point que pour elles tout avenir est bouché, même si elles ont une politique d’économies, même si elles étalent leurs paiements sur un grand nombre d’années, même si elles augmentent leurs rentrées d’argent en faisant payer plus de taxes, même si elles cèdent davantage de terrains aux trusts immobiliers, même si elles se mettent entièrement sous la coupe d’organismes financiers publics, privés ou semi-publics. Dans tous les cas, leurs dettes sont telles qu’elles ne peuvent plus qu’augmenter et la faillite n’est que retardée…

Les grands investisseurs s’en donnent donc à cœur joie avec ces communes sinistrées financièrement car elles n’ont plus les moyens de refuser leurs propositions.

Cette crise des communes n’est pas une situation à part de la crise générale, celle de 2007-2008, dont elle fait partie. La crise de la banque Dexia a notamment joué un rôle central dans la crise des finances des communes car nombre d’entre elles avaient accepté des « crédits pourris » de la Dexia.

Si les communes avaient des illusions sur la manière dont Macron allait gérer leur situation, cela n’a pas duré : il leur enlève les moyens financiers dont elles disposaient précédemment, accélérant encore leur étouffement financier. Cela explique que, lors des élections sénatoriales, les élus de communes aient choisi de placer, en face de Macron, un sénat de droite.

Le gouvernement a fait le choix de ponctionner tous les fonds disponibles pour aider massivement les grandes entreprises, quitte à étrangler encore plus les communes. C’est ce qui explique qu’il dispose de 57 milliards d’euros pour un grand plan d’aide au grand capital, en plus des sommes offertes comme crédit d’impôts et autres « soutiens à l’économie » divers. L’argent est pris non seulement aux communes mais aussi aux ministères, à la santé, à l’éducation, aux transports, à tous les services publics, aux emplois publics, aux aides sociales, etc.

Même en augmentant les taxes des communes, l’endettement par habitant de nombre de communes est tellement élevé qu’elles ne peuvent plus refuser aucun projet immobilier, aucune proposition de nouveaux prêts, fût-ce avec des contrats usuraires…

L’Etat a sauvé la banque Dexia à coups de milliards, mais il n’a pas sauvé les communes que la banque avait escroquées. Il a fait reprendre les dettes par le nouvel organisme financier qui remplace Dexia. C’est lui qui désormais étrangle les communes.
L’endettement des villes françaises n’en finit pas de progresser. L’encours total de la dette des 36 600 communes de France (Dom inclus) augmente pour la 12e année consécutive, pour s’élever à 64,2 milliards d’euros en 2015, soit une hausse de 1,2% par rapport à 2014. Un rythme plus soutenu qu’entre 2013 et 2014 (+1,1%) mais nettement moins élevé qu’entre 2012 et 2013 (+2,3%) et 2011 et 2012 (+2,5%). Reste qu’en dix ans, l’endettement des villes tricolores a grimpé de 23% (+26% depuis 2000).

L’endettement par habitant enregistre lui aussi une hausse de 1,2% en 2015, avec une dette moyenne (pondérée par le poids de la population des villes) de 958,59 euros par tête (+13% sur dix ans).

Un chiffre qui masque les disparités entre villes, comme le donne à voir ci-dessous la carte de l’endettement par habitant des communes de plus de 20 000 administrés. Pour connaître l’endettement de votre ville, consultez notre encyclopédie du budget des villes de France.

On trouve principalement les grandes villes au fort endettement par personne sur le littoral méditerranéen et en Ile-de-France.

Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson, et Sceaux dans les Hauts-de-Seine, Bagnolet et Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis, Saint-Maur-des-Fossés dans le Val-de-Marne ainsi qu’Argenteuil dans le Val-d’Oise affichent une dette par habitant supérieure à 2 500 euros. Mais ce n’est rien comparé à Levallois-Perret qui arrive une nouvelle fois en tête du classement des grandes villes de France les plus endettées par habitant, avec 7 406 euros en 2015.

Entre 2000 et 2012, les dettes cumulées des 36.700 communes ont augmenté de 10 milliards d’euros, pour atteindre 60,7 milliards en 2012. En 2016, l’endettement des communes françaises atteint 63,4 milliards d’euros. Le taux d’endettement en 2016 est… 83% , en augmentation de 1,3% par rapport à 2012 !!!

L’obligation, pour des collectivités locales, d’emprunter sur les marchés financiers est d’abord le résultat de politiques fiscales aberrantes : la suppression de la taxe professionnelle (TP), de l’impôt forfaitaire annuel (IFA) et la baisse des droits de mutation ont réduit leurs recettes.

Surtout, depuis la décentralisation, l’Etat ne compense pas dûment les transferts de compétences qu’il ne cesse de leur confier. Fin 2009, Arnaud Montebourg avait signalé que 25 départements étaient en cessation de paiement et attaqué l’Etat pour non respect de ses engagements : il a obtenu gain de cause. Tant pis pour ceux qui n’ont pas osé s’engouffrer dans la brèche ouverte par le président du Conseil général de Saône-et-Loire. Car pour emprunter sur les marchés financiers à un taux raisonnable, il faut être bien noté, et pour être bien noté, il faut respecter les critères de rentabilité fixés par les agences, c’est-à-dire afficher une gestion rigoureuse de son budget, quitte à tailler dans ses investissements et s’adonner au moins-disant social...

Pourquoi l’Etat est-il à ce point défaillant ? On pourrait y voir une manœuvre visant à reporter la charge sur les contribuables locaux, les caisses de l’Etat étant de plus en plus vides, et pour cause : les politiques fiscales menées depuis des décennies en faveur des plus fortunés — entreprises comme particuliers — grèvent considérablement ses recettes. Entre 1981 et 2011, la dette publique est passée de 21% à 82% du PIB, et 75% de sa hausse s’est creusée sous une gouvernance de droite (Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy en tête). On peut donc y voir aussi une volonté de fragiliser la puissance publique.

Et ce n’est pas prêt de s’arranger !!! Les analyste des Moody’s anticipent un accroissement des besoins de financement des communes et collectivités locales françaises pour atteindre 17 milliards d’euros… Ce niveau était de 15,2 milliards en 2016 ! Ces montants plus faibles que ceux évoqués par la Banque Postale (17,2 milliards d’euros en 2016) et ceux fondés sur l’Observatoire de la dette de Finance Active (autour de 18 milliards d’euros en 2016) s’expliquent par une différence de périmètre. Moody’s ne prend en compte que les collectivités et les EPCI à fiscalité propre.

Dexia, le vampire financier des communes

Auprès de Dexia, 1595 communes de moins de 10 000 habitants ont souscrit 2,18 milliards d’euros d’emprunts structurés, dont 1,44 milliards d’euros à risque. Le rapporteur observe que, « contrairement à ce qu’ont avancé les anciens responsables de Dexia, ces petits communes ont fait l’objet d’un démarchage intensif. »

Dexia ne lâche pas les communes endettées alors que la banque a été renflouée de multiples fois par les trois Etats européens concernés !!! Par exemple, l’Etat français a déjà déboursé entre 6 et 7 milliards d’euros pour renflouer Dexia mais celle-ci n’a pas dépensé un centime pour renflouer les communes qu’elle a coulées !!

Les dettes des communes qui ont été grugées par la banque Dexia

L’après Dexia n’est pas plus rassurant…

L’encours de dette progresse toujours dans un marché hyperconcurrentiel, dont le leader, BPCE, est de plus en plus menacé par le couple La Banque postale - Sfil.

Si, en 2015, le duo Banque postale-Sfil était déjà la première banque du monde local, le couple pèse désormais 23 % dans le marché global du financement public local, tous opérateurs confondus, selon l’observatoire de la dette Finance active 2017.

Après être devenue d’une courte tête le premier banquier des collectivités locales en 2015, la Banque postale s’est hissée en 2016, au rang de premier financeur, tous prêteurs confondus.

La Cour des comptes vient d’écrire noir sur blanc ce que nombre d’observateurs, professionnels ou experts constatent tout bas : l’entité formée par la Banque postale-SFIL-CAFFIL devenu depuis 2015 le nouveau leader du prêt aux collectivités françaises inquiète sur sa capacité à dégager un modèle et une stratégie soutenables.

La banque créée en 2013 sur les cendres de Dexia devait pallier la défaillance du marché lors du crédit crunch de 2011, participer à la désensibilisation des emprunts toxiques contractés par les collectivités et assurer la pérennité du modèle français de société de crédit foncier.
Sur ces trois objectifs assignés par l’Etat, qui détient 75 % de l’entité, aux côtés de la Caisse des dépôts et consignations (CDC, 20 %) et de la Banque Postale (5 %), la Cour des comptes dresse un bilan « nuancé ».

Sa mission de refinancement du secteur public local a été bien menée, mais avec une « montée en puissance plus lente que prévue », estime la Cour. Le leader des nouveaux prêts contractés auprès des collectivités depuis 2015 et probablement celui des stocks d’encours à partir de l’an prochain, affiche de vraies faiblesses de viabilité de son modèle économique.

Alors qu’elle devait présenter des résultats positifs dès 2015, la banque a accumulé des pertes durant ses trois premiers exercices : -69 millions d’euros en 2013, -34 millions d’euros en 2014 et -59 millions d’euros en 2015. Elle espère assurer sa première année profitable en 2016 avec un « résultat positif de 19 millions d’euros », veulent croire les magistrats.

Les emprunts toxiques des établissements publics ne concernent pas que les communes… Un total de 18,7 milliards d’euros. C’est le montant des emprunts dits « toxiques » contractés auprès des établissements de crédit par les collectivités territoriales, les établissements publics locaux, les hôpitaux et les sociétés d’HLM.

Quelques collectivités ont engagé une procédure judiciaire obtenant un aménagement favorable de leurs taux ; d’autres ont accepté les termes de l’arrangement qui leur était proposé. Mais la grande majorité des débiteurs risquait de se retrouver avec son fardeau lorsque la loi de sécurisation des prêts structurés a exonéré les prêteurs de toute nouvelle procédure, l’Etat se trouvant, lui aussi, dispensé de tout recours pour la part des emprunts consentis par Dexia.

Les maires de droite clament dans une affiche : « L’Etat étrangle nos communes » parce qu’ils sont incapables de dire la vérité : « Le capital financier étrangle nos communes !!! »

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