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Tutti Quantiques !

samedi 28 juillet 2018, par Robert Paris

Oui ! L’Univers tout entier est sans doute quantique ! Qu’il s’agisse de la matière, de la lumière et du vide ! Et cela à toutes les échelles !

Pourquoi matière et lumière nécessitent la physique quantique et ne peuvent se contenter de la physique classique

Pour la physique classique, la matière est corpusculaire et la lumière ondulatoire, ce qui repose sur des propriétés diamétralement opposées et les particules suivent des trajectoires continues et définies en tout point alors que les ondes subissent des interférences. Leur énergie peut prendre toutes les valeurs et pas seulement les multiples entiers d’une même quantité, un quanta. Pour la physique quantique, au contraire, matière et lumière sont unifiées, tous deux subissant des interférences, tous deux particulaires, tous deux quantifiés (pas de quantité intermédiaire entre les paquets de quanta en nombre entiers), tous deux impossibles à suivre en continu sur une trajectoire et reposant sur des propriétés semblables (discontinu, discret, élément de base le quanta d’action, à la fois ponctuel et étendu, probabiliste, sans trajectoire, superposition d’états potentiels et passant d’une superposition à une autre et pas d’un état à un autre, sujet à la réduction du paquet d’onde, sans individualité, apparaissant et disparaissant dans le vide quantique, existant dans le vide en l’état virtuel, sans cesse entouré de particules et antiparticules virtuelles, échangeant sans cesse avec elles, sans histoire de la particule, avec des propriétés électriques et magnétiques, l’onde disparaissant dès que la particule est détectée, capable de réaliser des sauts quantiques, de passer des barrières de potentiel, capables de réaliser des effets tunnel, suivant des trajectoires multiples en même temps, non localité, commutabilité des particules, inséparabilité, interférences avec des particules en même temps que détection ponctuelle avec des ondes, paramètres corrélés impossibles à connaître précisément et obéissant au principe d’incertitude, et on en passe des étrangetés quantiques).

Tous les phénomènes qui concernent un corpuscule ou quelques corpuscules de matière et de lumière (aussi bien protons, neutrons, neutrinos, électrons, photons et autres) sont concernés par cette modification complète, appelée quantique, des lois de la physique, s’opposant à l’ancienne physique, appelée « classique ». Cela signifie que, dès qu’on étudie un petit nombre quanta, le phénomène est nécessairement quantique. Et cela ne signifie nullement que tous les phénomènes à grande échelle soient classiques. Il existe nombre de phénomènes réalisables à notre échelle qui ne sont pas explicables autrement que de manière quantique. Il paraît même que les phénomènes d’astrophysique, à très grande échelle, nécessitent eux aussi la physique quantique des particules, comme c’est le cas de l’étoile à neutrons ! En tout cas, qu’on s’en convainque, désormais une particule quantique capable de contourner un mur, de passer un puits de potentiel, de causer des interférences, d’apparaître et de disparaître, de se confondre avec une autre particule, de s’annihiler avec son anti-particule n’est plus interprétable en termes classiques, pas plus qu’une onde quantique qui peut disparaître d’un seul coup quand on capte sa particule n’est plus interprétable en termes classiques.

Par exemple, l’effet photoélectique (arrache d’électrons à la matière par la lumière) empêche toute interprétation ondulatoire classique de la lumière et l’effet tunnel (passage par des électrons de barrières de potentiel) empêche toute interprétation corpusculaire classique de la matière.

Les apparentes difficultés posées par la physique quantique proviennent du fait qu’on a du mal à admettre que la réalité des photons et des particules de matière n’est pas fondamentale, le fondement étant dans le vide quantique. Photon, proton et électron, pas plus que neutron, gluon, ou neutrino, ainsi que les autres bosons ou fermions, ne sont pas des objets donnés mais sont des phénomènes dynamiques se propageant dans le vide quantique et qui ne sont que des déformations de ce vide. C’est cela qui permet d’interpréter toutes ces « bizarreries » quantiques. Ainsi, le nuage de particules et d’antiparticules virtuelles du vide qui entoure la particule dite réelle de matière explique les fentes de Young puisque, si la particule ne passe que par un seul trou, le nuage, lui, passe par les deux et que la propriété « particule réelle » va sauter à nouveau, via un boson de Higgs, sur une particule virtuelle du nuage, après les trous. En somme, le nuage sert en quelque sorte de « guide » du mouvement apparent de la particule est l’onde réelle. Mais on ne peut pas séparer l’onde et la particule puisqu’ils échangent sans cesse de rôle. Cela explique le résultat des fentes de Young mais aussi le phénomène d’effet tunnel. On ne comprend pas comment la particule peut « tunneliser » puisqu’il faudrait franchir une barrière de potentiel, ce qui classiquement semblerait impossible. Cependant, le boson de Higgs peut parfaitement le franchir ainsi que le nuage de la particule. Du coup, la particule réelle peut parfaitement se reconstituer derrière la barrière sans que la particule réelle ait réellement franchi l’obstacle en s’y déplaçant au sens habituel. Tous les phénomènes quantiques nécessitent, pour être interprétés et décrits, de faire appel aux particules et antiparticules virtuelles du vide quantique. Cela n’a rien de particulièrement étrange : les particules de matière comme de lumière ne sont pas indépendantes du « fond » mais, au contraire, sans cesse échangent avec lui. Le principe d’incertitude d’Heisenberg, lui-même, est fondé sur les sauts de la propriété « particule réelle » d’une particule virtuelle du vide à une autre. On ne peut pas dire exactement où se trouve une particule parce qu’elle peut sauter en un temps trop court pour être perçu à notre échelle. Plus on réduit l’espace dans lequel on demande que la particule soit cantonnée, plus elle peut sauter rapidement à une autre position. C’est la source de toutes les corrélations entre paramètres qui sont liées à une inégalité d’Heisenberg et qui ne peuvent gagner en précision de mesure qu’aux dépens l’une de l’autre, du fait des sauts des particules réelles entre particules virtuelles de leur entourage au sein du vide quantique modifié dans une zone très rapprochée de la particule.

L’apparente indépendance des matières à grande échelle par rapport au vide est un résultat moyen issu de probabilités, une illusion d’échelle. C’est aussi illusoire que le fait que de l’eau qui coule semble, à notre échelle, un jus continu ou que la matière à notre échelle semble compacte, pleine, sans trous ou encore que la lumière semble se propager sous forme de rayons en ligne droite. Nous ne vivons pas à l’échelle du vide quantique et nous ne pouvons pas percevoir directement les lois du vide quantique. De plus, ses lois sont très peu propagées et popularisées dans le grand public, et même chez les scientifiques, si bien que certains exploitent les idées sur le vide quantique comme une thèse métaphysique. Loin de faire appel à des conceptions ascientifiques, le vide quantique c’est une thèse scientifique développée notamment par le grand physicien Feynman et qui a permis des vérifications d’une précision extraordinaire, reposant sur les diagrammes de Feynman qui intègrent les particules et antiparticules du vide pour interpréter les interactions physiques, matière comme lumière. Cela n’empêchera jamais les mystiques de se saisir du sujet pour broder sur des prétendus mystères et des magies de toutes sortes, qu’il s’agisse d’action de la conscience humaine sur les phénomènes ou d’aura de la matière et autres balivernes mystiques. Il faut reconnaître que les scientifiques eux-mêmes, face au vide… des interprétations scientifiques des phénomènes quantiques, avaient dans le passé eu tendance à broder de manière antiscientifique, idéaliste, relativiste, positiviste et autres…
Il n’y a pas besoin de toutes ces philosophies surnaturelles pour interpréter les phénomènes naturels, qu’ils soient à l’échelle microscopique ou macroscopique ou de l’astrophysique. La nature existe à diverses échelles, avec des lois différentes aux différentes échelle, sans qu’il n’y ait rien de surnaturel là-dedans. Par exemple, une molécule n’a pas de température mais celle-ci « émerge » au niveau d’un très grand nombre de molécules. Le macroscopique (notre échelle) fait également « émerger » des lois qui n’existent pas au niveau quantique. Ainsi, la « flèche du temps » qui n’existe pas au niveau du vide quantique et émerge d’un grand nombre d’interactions. C’est là que réside le « mystère » du passage quantique-classique.

Un des aspects qui a le plus choqué les découvreurs de la physique quantique, comme les autres par la suite, c’est le fait que, dans cette nouvelle physique, on ne peut pas prédire ce qui va advenir à une particule individuelle mais seulement donner une probabilité de ce qui peut lui arriver. Ce qui signifie que l’on ne décrit pas une histoire individuelle mais une histoire qui concerne une grande population. La raison n’en est pas une limitation due à nos raisonnements ou aux limites de nos capacités expérimentales mais à la nature même de la matière que nous étudions, en l’occurrence à la nature des photons (ou bosons) et des électrons (ou fermions). Leur nature est de ne pas être des objets fixes mais des processus de changement dynamique très rapide dans lesquels l’identité de la particule change sans cesse, en sautant d’une particule virtuelle du vide à une autre. Et les particules virtuelles, elles-mêmes, sont des processus de changements dynamiques extraordinairement rapides puisque ces particules sont éphémères et disparaissent en un temps très court, en s’annihilant avec leur antiparticule, elle aussi virtuelle pour redonner de l’énergie. Les durées d’existence de ces particules (et antiparticules) étant aléatoires, les sauts quantiques le sont également et il n’est pas possible de s’assurer d’autre chose que d’une probabilité de diverses hypothèses possibles. Ainsi, personne ne peut dire d’avance si un électron émis par un canon à électron (ou le photon émis par une source de lumière) va heurter l’écran d’une expérience de Young en un point ou en un autre mais seulement la probabilité qu’il le fasse en tel ou tel point. En effet, une fois que l’électron (ou le photon) passe par un trou, il est diffusé car la particule peut sauter dans diverses directions en s’incarnant dans n’importe quelle particule virtuelle proche de son nuage jusqu’à aller heurter l’écran. C’est l’agitation sous-jacente du vide autour de la particule qui en décide et la connaissance du mouvement précédent de la particule ne peut donc pas nous dire où il va aller précisément et individuellement, mais seulement où il a le plus de chance d’aller ou un peu moins de chance d’aller.

Ce caractère probabiliste de la réponse de la physique quantique provient du fait que le monde réel (matière-lumière) est fondé sur un monde sous-jacent très agité (le vide quantique) et qu’on ne peut se passer de ce vide quantique pour décrire les processus de la matière-lumière. Comme nous l’avons dit précédemment, cela signifie, par exemple, que nous ne pouvons pas connaître en même temps avec une précision arbitraire la quantité de mouvement d’une particule et sa position au même moment. Si on découvre une expérience qui permet de réduire l’agitation du vide qui amène la particule à pouvoir sauter sur une particule virtuelle dans un espace large, cela a un coût en termes d’énergie fournie à la particule et alors on va devoir augmenter en proportion sa quantité de mouvement, et donc changer la précision de sa mesure.

Feynman dans son « Cours de Physique » (Mécanique 2) :

« La « mécanique quantique » est la description du comportement de la matière dans tous ses détails et en particulier des événements à l’échelle atomique. Les objets à une très petite échelle se comportent comme rien de ce dont nous avons une expérience directe. Ils ne se comportent pas comme des ondes, ils ne se comportent pas comme des particules, ils ne se comportent pas comme des nuages, ou des boules de billard, ou des poids sur des ressorts ou quoi que ce soit que vous puissiez avoir déjà vu.

Newton pensait que la lumière était constituée de particules, puis on découvrit qu’elle se comportait comme une onde. Plus tard, cependant (au début du vingtième siècle), on réalisa que la lumière se comportait bien quelque fois comme une particule. On considérait dans le passé que l’électron, par exemple, se comportait comme une particule et puis on découvrit qu’à plus d’un égard il se comporte comme une onde. Ainsi en réalité il ne se comporte ni comme l’un ni comme l’autre… Nous disons, « Ce n’est ni l’un ni l’autre. »

Il y a cependant un coup de chance : les électrons se comportent exactement comme la lumière. Le comportement quantique des objets atomiques (électrons, protons, neutrons, photons, etc.) est le même pour tous, ce sont des « ondes particulaires » ou tout autre nom que vous voudrez leur donner. Ainsi ce que nous apprenons sur les propriétés des électrons doit également s’appliquer à toutes les « particules », y compris les photons de lumière…

Parce que le comportement atomique est si peu semblable à l’expérience courante, il est très difficile de s’y habituer et il apparaît bizarre et mystérieux à tour un chacun, au débutant comme au physicien expérimenté. Même les experts ne le comprennent pas de la manière dont ils le souhaiteraient, et il est parfaitement raisonnable que cela soit ainsi, parce que toute l’expérience et l’intuition humaines directes concernent les grands objets. Nous savons comment agissent les grands objets, mais les objets à petites échelles n’agissent pas du tout de cette manière. Nous devons ainsi apprendre leurs propriétés d’une manière assez abstraite et imaginative et non en relation avec notre expérience directe…

Dans ce chapitre nous nous attaquerons directement à la base de ce comportement mystérieux dans sa forme la plus étrange. Nous choisirons d’examiner un phénomène qu’il est impossible, absolument impossible d’expliquer de manière classique quelconque et qui contient le cœur de la mécanique quantique. En réalité, il contient le « seul » mystère. Nous ne pouvons expliquer ce mystère au sens où nous « expliquerions » comment il fonctionne. Nous vous dirons comment il fonctionne. En vous disant comment il fonctionne, nous vous aurons dit les singularités fondamentales de toute la mécanique quantique.

Pour essayer de comprendre le comportement quantique des électrons, nous comparerons et mettrons en évidence la différence de leurs comportements dans un certain dispositif expérimental, avec le comportement plus usuel des particules telles que des balles de fusil et avec le comportement d’ondes telles que les ondes à la surface de l’eau.

Nous avons une mitrailleuse qui tire des rafales de balles. Ce n’est pas une très bonne mitrailleuse en ce sens qu’elle éparpille les balles (au hasard) dans un assez grand domaine angulaire. Devant la mitrailleuse il y a un mur (constitué de plaques blindées) comportant deux trous juste assez larges pour laisser passer une balle. Au-delà du mur, il y a un écran d’arrêt (disons une épaisse paroi de bois) qui « absorbe » les balles lorsqu’elles le frappent. Juste devant le mur, nous avons un objet que nous appelons un « détecteur » de balles. Cela peut être une boîte contenant du sable. Toute balle qui entre dans le détecteur sera arrêtée et conservée. Lorsque nous le voulons, nous pouvons vider la boîte et compter le nombre de balles qui s’y trouvent. Le détecteur peut être déplacé latéralement (parallèlement au mur d’arrêt).

Avec cet appareil nous pouvons trouver expérimentalement la réponse à la question : « Quelle est la probabilité qu’une balle qui traverse les trous dans le blindage parvienne à l’écran d’arrêt à une distance donnée du centre ? » Premièrement, vous devez vous rendre compte que nous devons parler de probabilité, parce que nous ne pouvons pas dire avec certitude où chaque balle particulière doit se rendre. Une balle qui atteint un des trous peut rebondir sur les bords du trou et peut parvenir n’importe où. Par « probabilité » nous signifions la chance que la balle arrive au détecteur dans un certain temps et en prenant le rapport de ce nombre au nombre « total » qui frappe l’écran d’arrêt pendant ce temps. Ou si nous supposons que la mitrailleuse tire toujours à la même vitesse durant les mesures, la probabilité que nous voulons trouver est simplement proportionnelle au nombre qui atteint le détecteur dans un certain intervalle de temps de référence…

La probabilité pour les balles d’avoir passé dans l’un des trous est la somme des deux probabilités de passer dans chacun d’eux. Mais c’est aussi, et c’est ce qui est remarquable, la somme des deux probabilités obtenues en faisant deux expériences, en fermant successivement chacun des deux trous. Les probabilités s’additionnent. L’effet avec les deux trous ouverts est la somme des effets avec chacun des deux trous ouverts séparément. Nous appellerons ce résultat une observation de « non interférence »…

Nous allons maintenant considérer une expérience avec des ondes à la surface de l’eau. Nous avons un récipient d’eau peu profond. Un petit objet appelé « source des ondes » est agité verticalement par un moteur et crée des ondes circulaires. A la droite de la source nous avons à nouveau une paroi avec deux trous et au-delà il y a un deuxième écran qui, pour maintenir les choses simples, est un « absorbant » de telle sorte qu’il n’y ait pas de réflexion des ondes lorsqu’elles arrivent sur lui. Ceci peut être réalisé en construisant une « plage » de sable en pente douce. Devant cette plage nous plaçons un détecteur qui peut être déplacé vers l’avant ou l’arrière, parallèlement à l’écran. Le détecteur est maintenant un appareil qui mesure « l’intensité » du mouvement des ondes. Vous pouvez imaginer un appareil qui mesure la hauteur du mouvement des ondes mais dont l’échelle est calibrée en proportion du carré des hauteurs réelles, de telle sorte que la lecture soit proportionnelle à l’énergie transportée à l’intensité de l’onde. Notre détecteur indique quelque chose de proportionnel à l’énergie transportée par l’onde – ou plutôt le taux suivant lequel l’énergie est apportée au détecteur.

Avec notre appareil à onde, la première chose à remarquer est que l’intensité peut avoir n’importe quelle valeur. Si la source ne se déplace qu’un tout petit peu, il n’y a qu’un tout petit mouvement de l’onde au détecteur. Lorsqu’il y a davantage de mouvement à la source, il y a davantage d’intensité au détecteur. L’intensité de l’onde peut avoir n’importe quelle valeur à volonté. Nous ne dirons pas qu’il y apparition de paquets d’énergie dans l’intensité de l’onde.

Mesurons maintenant l’intensité de l’onde en différents points, parallèlement à l’écran. Nous obtenons une courbe intéressante : avec des ondulations, un maximum au centre, deux autres sommets près des trous, puis d’autres creux et sommets. Ce sont les interférences comme dans le cas des ondes électriques… (Ce qui a été décrit ici est du même type que l’expérience des fentes de Young qui démontrait que la lumière passant par les deux trous interférait ensuite et qu’elle était donc de nature ondulatoire comme les ondes sur la surface de l’eau, avant qu’on découvre qu’en fait la lumière était, aussi, de type corpusculaire ! Et qu’on découvre que les particules de matière, elles aussi, interféraient quand elles passaient dans les fentes de Young alors qu’on pensait savoir qu’elles n’étaient pas des ondes mais des corpuscules !!! – Note de M et R)

Imaginons maintenant une expérience semblable avec les électrons… Nous réalisons un canon à électron qui est formé d’un filament de tungstène chauffé par un courant électrique et entouré d’une boîte métallique comportant un trou. Si le fil est à une tension négative par rapport à la boîte, les électrons émis par le fil seront accélérés vers les parois et certains vont passer au travers du trou. Tous les électrons qui sortent du trou auront (approximativement) la même énergie. Devant le canon, il y a de nouveau une paroi (simplement une fine plaque métallique) avec deux trous. Au-delà de la paroi, il y a une autre plaque qui va servir d’écran arrière. Devant cette plaque, nous plaçons un détecteur mobile. Le détecteur peut être un compteur Geiger ou, peut-être mieux encore, un multiplicateur d’électrons qui est relié à un haut-parleur.

Disons tout de suite que vous ne devez pas monter cette expérience (comme vous auriez pu le faire avec les deux autres que nous avons déjà décrites). Cette expérience n’a jamais été réalisée de cette manière. La difficulté est que l’appareil devrait être réalisé à une échelle impossiblement petite pour mettre en évidence les effets qui nous intéressent. Nous réalisons une « expérience de pensée » que nous avons choisie parce qu’elle est facile à comprendre. Nous connaissons les résultats que nous aurions obtenus, parce qu’il y a de très nombreuses expériences qui ont été réalisées, dans lesquelles les grandeurs et les proportions ont été choisies pour mettre en évidence les effets que nous allons décrire. (Depuis que Feynman écrivait son cours, cette expérience des fentes de Young avec des interférences d’électrons a pu être réalisée par une équipe japonaise et d’autres ensuite et ce n’est plus seulement une expérience de pensée. – Note de M et R)

La première chose que nous remarquons avec notre entendons des « clics » très brefs venant du détecteur (c’est-à-dire du haut-parleur). Et tous les « clics » sont les mêmes. Il n’y a pas de « demi-clics ».

Nous remarquons également que les « clics » arrivent tout à fait au hasard. Quelque chose comme : clic…, clic-clic…, clic…, clic, clic…, clic…, etc, exactement comme vous avez entendu, sans aucun doute, fonctionner un compteur Geiger. Si nous comptons les clics qui arrivent pendant un temps suffisamment long – par exemple pendant plusieurs minutes – et que nous les comptions à nouveau pendant une autre période égale, nous trouvons que les deux nombres sont pratiquement égaux. Ainsi nous pouvons parler de « fréquence moyenne » suivant laquelle les clics sont entendus (tant et tant de clics par minute en moyenne).

Lorsque nous déplaçons le détecteur, la fréquence suivant laquelle les clics se manifestent est plus rapide ou plus lente, mais la dimension (le bruit) de chacun des clics est toujours la même. Si nous diminuons la température du fil dans le canon, la fréquence des clics diminue, mais chacun des clics reste toujours le même. Vous remarquerez également que si nous plaçons deux détecteurs séparés sur l’écran arrière, l’un « ou » l’autre va émettre un clic, mais jamais les deux à la fois…

Nous concluons de ce fait que, quelle que soit la chose qui arrive à l’arrière, cela arrive par « paquet ». Tous les « paquets » ont la même taille : ce ne sont que des paquets entiers qui arrivent, et ils arrivent l’un après l’autre sur l’écran arrière. Nous dirons : « Les électrons arrivent toujours par paquets identiques ».

Exactement comme dans notre expérience avec des balles, nous pouvons maintenant essayer de trouver expérimentalement la réponse à la question : « Quelle est la probabilité relative qu’un « paquet » électron arrive sur l’écran d’arrêt à différentes distances du centre ? » Comme auparavant, nous obtenons la probabilité relative en observant la fréquence des clics, en maintenant constant le fonctionnement du canon. La probabilité que des paquets arrivent en un point particulier est proportionnelle à la fréquence moyenne du nombre de clics en ce point…

La première chose que nous dirons est que, puisqu’ils arrivent par paquets, chaque unité que nous pouvons appeler aussi bien un électron, est venue soit par le trou 1 soit par le trou 2. Ecrivons ceci sous la forme d’une « proposition », la Proposition A :

« Chaque électron passe soit par le trou 1 soit par le trou 2. »

Si l’on suppose vraie la proposition A, tous les électrons qui arrivent à l’arrière peuvent être divisés en deux classes :

1- ceux qui passent par le trou 1

2- ceux qui passent par le trou 2.

Ainsi notre courbe observée devrait être la somme des effets des électrons qui passent par le trou 1 et des électrons qui passent par le trou 2. Vérifions cette idée par l’expérience. Nous allons faire premièrement une mesure pour les électrons qui passent par le trou 1. Nous fermons le trou 2 et nous comptons les clics du détecteur. Du taux de comptage nous obtenons la probabilité P1… D’une manière semblable, nous mesurons P2, la distribution de probabilité pour les électrons qui passent par le trou 2…

Le résultat de la première expérience avec les deux trous donne une probabilité qui est clairement différente de la somme de P1 et P2, la probabilité de chacun des trous pris isolément. Par analogie avec notre expérience des ondes à la surface de l’eau, nous disons, « Il y a interférence » puisque, pour les électrons les deux probabilités ne s’additionnent pas.

Comment une telle interférence peut-elle se produire ? Nous devons peut-être dire :

« Bien, cela signifie, probablement, qu’il est faux que les « unités » électrons passent soit par le trou 1 soit par le trou 2, parce que s’ils le faisaient, les probabilités devraient s’additionner. Peut-être se déplacent-elles d’une manière plus compliquée. Elles se coupent en deux et… »

Mais non ! Elles ne peuvent pas, elles arrivent toujours d’un seul tenant…

« Bien, peut-être certains d’entre eux passent par le trou 1 et retournent par le trou 2, font quelques tours encore ou par d’autres trajectoires compliquées… et ainsi en fermant le trou 2, nous modifions la chance qu’un électron qui commence par le trou 1 arrive finalement à l’arrière… »

Mais remarquez ! Il y a certains endroits où très peu d’électrons arrivent lorsque les deux trous sont ouverts, mais qui reçoivent beaucoup d’électrons si vous fermez un trou, ainsi en fermant un trou on augmente le nombre venant de l’autre. Remarquez, cependant, qu’au centre, la probabilité est plus de deux fois supérieure à la somme P1 + P2. C’est comme si en fermant un trou on diminuait le nombre des électrons qui passent au travers de l’autre trou. Il semble difficile d’expliquer les deux effets en proposant que les électrons se déplacent selon des trajectoires compliquées…

Nous concluons la chose suivante : les électrons arrivent par paquets comme les particules, et la probabilité d’arrivée de ces paquets est distribuée comme la distribution des intensités d’une onde. C’est en ce sens qu’un électron se comporte « tantôt comme une onde » (même s’il est détecté un par un toujours comme une particule par l’écran arrière – note M et R)…

Nous allons maintenant essayer l’expérience suivante : regarder au trou les électrons qui passent.

A notre appareil d’électrons nous ajoutons une source de lumière très intense, placée derrière l’écran percé et entre les deux trous. Nous savons que les charges électriques diffusent de la lumière. Ainsi, lorsqu’un électron passe, quel que soit l’endroit où il passe, il diffuse de la lumière vers notre œil sur son chemin vers le détecteur, et nous pouvons « voir » où va l’électron. Si, par exemple, l’électron emprunte la trajectoire par le trou 2, nous devons voir un éclair de lumière venant du voisinage. Si un électron passe par le trou 1, nous nous attendons à voir un éclair venir du voisinage du trou supérieur. S’il doit se passer que nous obtenions de la lumière venant des deux endroits au même moment, parce que l’électron se divise en deux… Tentons donc l’expérience !

Voilà ce que nous voyons : chaque fois que nous entendons un « clic » venant de notre détecteur à électron (situé à l’arrière), nous voyons également un éclair de lumière, soit près du trou 1, soit près du trou 2, mais jamais près des deux trous en même temps ! Et nous observons le même résultat quel que soit l’endroit où nous plaçons le détecteur. De cette observation, nous concluons que lorsque nous regardons les électrons, nous trouvons que ces électrons passent soit par un trou soit par l’autre. Expérimentalement, la proposition A est nécessairement vraie.

Qu’est-ce qui est faux dans notre raisonnement « contre » la proposition A ? Pourquoi la probabilité de passage par les trous 1 ou deux n’est pas la somme de la probabilité de passage par 1 plus la probabilité de passage par 2 ?

Revenons à l’expérience ! Essayons de suivre les électrons et voyons ce qu’ils font. Pour chaque position du détecteur, nous compterons les électrons qui arrivent et nous nous souviendrons également du trou par lequel ils sont passés, en regardant les éclairs… Nous montrons ainsi qu’il n’y a pas de manèges compliqués tel qu’un passage par les deux trous… Que les trous soient fermés ou ouverts, ceux que nous voyons venant du trou 1 sont distribués de la même manière, que le trou 2 soit ouvert ou fermé.

Mais attendez ! Qu’avons-nous maintenant comme probabilité totale, la probabilité qu’un électron arrive au détecteur par n’importe quel chemin ? Nous avons déjà cette information. Nous prétendons simplement que nous n’avons jamais regardé les éclairs de la lumière, et nous rassemblons les « clics » du détecteur…

Nous devons en conclure que lorsque nous regardons les électrons, leur distribution sur un écran n’est pas la même que lorsque nous ne les regardons pas. Peut-être est-ce notre source de lumière qui les perturbe ? Il peut se faire que les électrons soient très délicats, et que la lumière, lorsqu’elle diffuse sur les électrons, leur donne une impulsion qui change leurs mouvements. Nous savons que le champ électrique de la lumière qui agit sur une charge exerce une force sur elle. Ainsi peut-être devons-nous nous attendre à ce que le mouvement soit changé. De toute manière, la lumière exerce une grande influence sur les électrons. En essayant de « regarder » les électrons nous avons modifié leurs mouvements. C’est-à-dire que le coup donné à l’électron lorsque le photon est diffusé par lui est tel qu’il peut changer le mouvement d’un électron suffisamment pour que, s’il devait se rendre là où la probabilité (avec deux trous ouverts) soit maximale, il se rende au contraire là om cette probabilité est minimale ; c’est pourquoi nous ne voyons plus les effets alternés de l’interférence.

Vous pouvez penser : « N’utilisez pas une source aussi brillante ! Diminuez sa luminosité ! Les ondes de lumière seront plus faibles et ne perturberont pas autant les électrons. Sûrement, en rendant la lumière de plus en plus faible, nous verrons que l’onde sera suffisamment faible pour que l’effet soit négligeable. »

O.K., essayons. La première chose que nous observons est que les éclairs de lumière diffusés par les électrons lorsqu’ils traversent ne deviennent pas plus faibles. Les éclairs ont toujours la même taille. La seule chose qui se passe lorsque la lumière devient plus faible est que parfois nous obtenons un « clic » dans le détecteur, mais nous ne voyons aucun éclair. L’électron est passé sans avoir été « vu ». Ce que nous observons, c’est que la lumière agit également comme tous les électrons. Nous savions qu’elle était « ondulatoire », mais nous trouvons qu’elle est également « corpusculaire ». Elle se déplace toujours – ou bien elle est diffusée – en corpuscules que nous appelons « photons ». Lorsque nous diminuons l’intensité de la source de la lumière, nous ne changeons pas la dimension des photons, mais la fréquence où ils sont émis. Ceci explique pourquoi, lorsque notre source est faible, certains électrons passent sans avoir été vus… »

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