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Les Amazones, un mythe ou une réalité mal acceptée

lundi 22 avril 2019, par Robert Paris

Hérodote, « Histoires » :

« Les femmes des Sauromates mènent le genre de vie de leurs antiques aïeules : elles vont à la chasse à cheval, et avec leurs maris et sans eux  ; elles vont à la guerre. Elles portent le même accoutrement que les hommes. »

Jeannine Davis-Kimball, « Warrior Women » :

« Ce qui est sûr, c’est que des guerrières ont existé. Mais les Grecs en ont fait une légende en renforçant l’aspect guerrier et agressif de ces femmes qui se seraient battues exclusivement contre les hommes, allant même jusqu’à noyer leurs bébés mâles. Selon moi, ils ont inventé cela pour impressionner leurs épouses et les garder tranquilles à la maison ! »

Adrienne Mayor, « Les Amazones » :

« Les découvertes archéologiques prouvent sans l’ombre d’un doute que des cavalières, guerrières et chasseuses, ont été une réalité historique pendant plus de mille ans sur un vaste territoire qui s’étend de l’ouest de la mer Noire au nord de la Chine. »

Iaroslav Lebedynsky, « Les Amazones : Mythe et réalité des femmes guerrières chez les anciens nomades de la steppe » :

« Les Amazones sont en fait présentées par les Grecs comme les filles du dieu Arès et de la nymphe Harmonia, une filiation qui les ancre à la fois dans la guerre et dans la féminité… Les nomades ne bénéficient ni de cités ni de murailles, ils vivent sur un territoire aux contours flous et particulièrement vulnérable. Le renfort physique des femmes pour le protéger est d’une importance considérable. »

Les Amazones ne sont-elles qu’un mythe ? Les femmes se sont-elles battues dans des armées de femmes ? Ont-elles gagné des guerres ?

Pourquoi un tel renouveau de l’intérêt actuel pour les Amazones ? L’humanité est-elle à nouveau en train de remettre en question le patriarcat. La Grèce antique en débattait parce qu’elle basculait du matriarcat à un patriarcat très machiste. Le monde actuel est-il en train de faire machine arrière ? En tout cas, de plus en plus de voix s’élèvent pour remettre en cause le lien entre le système d’exploitation et l’oppression sexuelle et sociale que recouvre le maintien de l’ancien patriarcat, hérité des sociétés agraires antiques.

Bien sûr, dans le monde patriarcal où nous vivons encore, même si nous n’en avons pas toujours conscience, celui-ci est désormais contesté. Cependant, les autorités intellectuelles continuent souvent à considérer comme invraisemblable que les femmes aient gouverné, aient dirigé une société, aient eu un rôle militaire autrement que par un seul individu exceptionnel, comme une reine. Que la collectivité des femmes ait pu être dirigeante semble impossible à nos esprits étroits, même si on nous a dit que le matriarcat a précédé le patriarcat (ce que la société patriarcale capitaliste, et ses anthropologues et sociologues, essaie péniblement de contester).

L’idée d’une armée de femmes a été immortalisée sous l’expression « amazones » et les historiens se sont souvent empressés de prétendre que ce n’était qu’un mythe. Pas étonnant : le matriarcat étant beaucoup plus ancien que le patriarcat, il n’est pas resté de témoignages écrits en grand nombre. Le patriarcat qui a suivi s’est bien gardé de rapporter les difficultés qu’il a eues pour prendre le pouvoir et réprimer les femmes ! Cependant, les textes des civilisations agraires patriarcales témoignent, indirectement, de ces difficultés, ne serait-ce que par tous les propos pour dire qu’il faut empêcher les femmes de diriger, de décider, de participer au pouvoir et à l’armée. En particulier, les grandes religions nées avec l’agriculture en témoignent. Elles ne cessent d’assigner aux femmes un rôle soumis, second, dominé.

Cependant, traiter les amazones de mythe est un point de vue idéologique, pas une réalité historique. Il y a des exemples certains d’armées de femmes tout comme il est certain que toute la planète a connu sous des formes diverses un matriarcat, sans que celui-ci soit le symétrique du patriarcat, sans oppression des hommes par les femmes.

Dans bien des sociétés matriarcales cependant, s’il n’y a pas eu d’armée de femmes, c’est parce que la société ne connaissait ni armée, ni force permanente dirigée par la société, ni Etat. L’Etat étant souvent apparu avec l’agriculture et le patriarcat aussi, c’est là que se trouve la raison du peu d’armées de femmes dans l’Histoire. Rajoutez le manque de documents de cette antiquité ancienne et l’effacement des traces des vieilles sociétés matriarcales par les nouvelles, patriarcales et on comprend que les traces des Amazones soient faibles,

Cependant, cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas, ou que les femmes soient incapables de se battre militairement et même d’être meilleures que les hommes en la matière, les révolutions en témoignent amplement !

Il y a des exemples historiques d’armées de femmes ou de participation massives des femmes dans les corps d’armée qui nous sont parvenues, issues d’une antiquité très ancienne et qui sont scientifiquement prouvées. Ces exemples historiques sont très loin de cultiver un mythe, ou d’être tirés par les cheveux, contrairement à ce dont les accusent leurs adversaires… En fait, ce sont plutôt les préjugés anti-femmes de la société actuelle qui se traduisent dans les études historiques, anthropologiques et sociologiques de ces gens-là !

Sans conteste premières féministes de l’Histoire, les Amazones, étaient probablement Scythes. Nomades et sans peur, elles sillonnaient un territoire que l’on situe au nord de la Mer Noire, entre la Russie actuelle et le Kazakhstan. La part de légende qui entre dans leur façon de traiter les hommes est difficilement vérifiable. On sait peu de choses sur l’organisation de leur société si ce n’est qu’elles préféraient la guerre et l’aventure aux joies de la maternité. Il semble qu’elles désignaient plutôt certains hommes, destinés à cette tâche, pour tenir maison et éduquer les enfants. Confirmer leur haine viscérale du mâle ou encore le fait qu’elles tuaient systématiquement les garçons relève du domaine de l’impossible pour les spécialistes. On sait cependant que déjà à l’époque d’Alexandre le Grand, des tribus amazoniennes combattaient contre des guerriers renommés, qu’elles étaient redoutables à la guerre, habiles cavaliers et que les enfants ne faisaient pas partie de leurs préoccupations. Certaines sources avancent qu’elles seraient à l’origine des victoires contre les armées de Darius, quelques 500 ans av. J.-C. C’est en Ukraine, dans la ville d’Akkerman, que l’on a retrouvé des sépultures datant d’environ trois siècles av. J.-C., dans lesquelles gisaient des squelettes de sexe féminin, enterrés avec bijoux, cuirasse, armes, pointes de flèches, lance, hache, etc.

En plus des femmes guerrières sarmates-scythes très connues maintenant, on peut citer parmi les Amazones, les guerrières éthiopiennes, celles du Monomatopa, les Icamiabas amérindiennes guerrières, des guerrières de quelques tribus gauloises, des guerrières du Dahomey (ancien nom du Bénin), les Mamazones berbères, celles de la forêt vierge d’Amérique du sud, etc.

Les femmes sarmates ont battu les grands guerriers Scythes et se sont aussi alliées à eux pour vaincre de nombreux peuples guerriers dont les Grecs, les Parthes et les Cimmériens

De nombreux mythes courent sur les Scythes et la découverte de leurs tombeaux, contenant d’incroyables richesses en or, a donné matière à de nombreuses découvertes et interprétations sur cette civilisation.

En effet, si les Scythes n’ont laissé sur Terre aucun monument, aucun temple, aucun palais, c’est l’un des peuples qui a légué le plus riche des trésors sous terre, dans leurs tombeaux !

Les Scythes étaient nomades et guerriers. Pour la plupart, ils ne semaient pas, ne labouraient pas, ne construisaient pas de maisons. Ils se promenaient avec des roulottes traînées par des chevaux. Ces roulottes se composaient d’une sorte de panier carré en osier. On comprend qu’après leur disparition on s’était attendus à ce qu’ils laissent peu de choses derrière eux. Mais c’était sans compter sur le fait que les Scythes travaillaient en vue de l’au-delà…

On a longtemps oublié les Scythes puisque ces derniers avaient laissé peu de choses de leur passage dans des monuments et objets sur terre et qu’ils n’avaient par l’écriture. Pourtant, Hérodote écrivait :

« Quand on songe aux qualités humaines, les Scythes n’occupent la première place que sous un seul rapport. Hormis cela, je n’admire rien en eux. Mais ils dépassent tous les autres peuples par un fait : aucun de ceux qui les attaque ne leur échappe. S’ils ne désirent pas qu’on les trouve, personne ne peut s’emparer d’eux. »

Hérodote ne parlait pas par ouï-dire. Il avait voyagé dans la région des Scythes et avait examiné leur société par lui-même.

On a longtemps ignoré ses propos mais c’est la découverte des tombeaux scythes qui a confirmé tous les dires d’Hérodote sur les Scythes.

Il avait notamment affirmé que les chefs Scythes considéraient la mort comme plus importante que la vie et qu’ils enterraient en même temps que leurs chefs, leur femme, leurs serviteurs, leurs chevaux et toutes leurs richesses, en particulier en or. Et, effectivement, tout cela a été retrouvé récemment dans les tombeaux scythes !!!

Hérodote avait visité l’ancienne fondation grecque d’Olbia – aujourd’hui Nicolaïev, à l’embouchure du Boug, dans la mer Noire -, il avait même entrepris un voyage sur le Borysthène, c’est-à-dire le Dniepr, fleuve qui conduisait au pays des Scythes…

Les mœurs des Scythes étaient cruelles. Quand un Scythe avait tué un ennemi il se mettait à en boire le sang. Il rapportait les têtes de ses victimes à son roi… Celui qui rapportait le plus de scalps récoltait le plus d’honneurs…

Les Scythes sont surtout connus pour être un peuple nomade et guerrier, bon cavalier et habile tireur, qui avait gagné de nombreuses guerres. Les hordes scythes fonçaient à cheval sur leurs ennemis, les écrasaient, puis se retiraient également à grande vitesse. Ils battirent les Cimmériens vers 700 avant J.-C., puis les Perses de Darius en 512 avant J.-C., puis en 325 avant J.-C., mais ils furent chassés des Balkans et de l’Est de l’Europe centrale par les Celtes en 300 avant J.-C. puis écrasés par les Sarmates. Et cette dernière défaite des guerriers Scythes, pourtant féroces et redoutables, provient en bonne partie du fait que les femmes sarmates étaient engagées dans la guerre alors que les Scythes, spécialistes d’enlèvements de femmes des peuples ennemis transformées en esclaves, avaient l’habitude de considérer toutes les femmes, même les femmes scythes, comme des esclaves, et certainement pas de leur demander de participer aux guerres ! »

Ivar Lissner, dans « Civilisations mystérieuses » :

« Nos premières connaissances en matière de Scythes remontent à l’époque où le général russe Melgounov découvrit, en 1763, les premiers tombeaux scythes, où Clarke, Peter Simon Pallas, Dubois de Montpéreux, Soumarokov et beaucoup d’autres, mirent la main sur les tertres mortuaires qui dataient de 2500 ans…

On peut s’imaginer que les grandes conquêtes des Scythes, les énormes butins en or et en esclaves ont transformé un peuple guerrier en sybarites. Mais il est concevable aussi que ce sont les femmes qui ont causé leur perte. Les femmes scythes étaient les esclaves des hommes. Au cours d’interminables migrations, on n’avait – paraît-il – pas le temps de traiter ses propres femmes autrement que les milliers d’esclaves féminines qu’on traînait de place en place. C’est ainsi qu’on enfermait les femmes scythes – de même que les esclaves étrangères – à l’intérieur de chariots, ce qui entamait à la longue leur santé – comme nous le rapporte le médecin Hippocrate. Les vainqueurs des Scythes, les Sarmates, avaient des femmes d’une autre trempe. Elles prenaient part aux expéditions guerrières, se déplaçaient librement à cheval et fournissaient ainsi la base de la tradition antique des Amazones. D’après la légende, les Amazones étaient des femmes guerrières. Leur nom dérive du grec et veut dire « sans mamelles », car d’après Hippocrate elles avaient le sein droit mutilé pour mieux pouvoir tendre la corde de l’arc. Cette explication relève probablement de la plus haute fantaisie. Il est bien plus probable que leur nom s’apparente au terme « maza », qui, en langue tcherkesse, veut dire « lune », ce qui indiquerait quelque culte lunaire. Les Scythes appelaient les amazones sarmates : « oiorpata », de « oior » = homme et « pata » = tuer. On sait que les Amazones vivaient sur les rives orientale et méridionale de la mer Noire, et dans le Caucase, surtout dans la région de Trapézus, aujourd’hui Trébizonde, port sur la mer Noire, au nord-est de l’Anatolie. »

« Les Amazones » de Adrienne Mayor :

« Un millénaire de descriptions détaillées des Amazones, présentées comme de l’Histoire, commence avec Hérodote (Ve siècle av. J.-C.) et se poursuit avec des auteurs de l’Antiquité tardive comme Orose et Jordanès (Ve-Vie siècles apr. J.-C.). Durant les siècles qui séparent ces auteurs, de nombreux autres historiens grecs et romains ont à leur tour fait la chronique des origines, de l’essor et de la chute du légendaire « empire » amazone. Chacun de ces auteurs a eu accès à des textes et des traditions orales aujourd’hui disparues. Leurs récits mélangent les faits et l’imaginaire, les légendes et l’Histoire, mais tous considèrent que les femmes appelées Amazones sont scythes.

Hérodote, l’historien grec d’Halicarnasse (en Carie, au sein de l’Empire perse), dont on connaît la curiosité, a sauvegardé un trésor d’informations à propos de nombreuses tribus de la Scythie proche et lointaine, sur la base d’observations personnelles, d’histoires et de légendes locales, mais aussi d’entretiens. L’admiration qu’Hérodote ressent pour ces Amazones indépendantes et pleines de ressources est évidente dans le récit « historique » qu’il fait des origines des Sarmates. Ce récit raconte comment un groupe d’Amazones du Pont s’était joint à une bande de jeunes hommes scythes venus du nord de la mer Noire, pour s’installer et former un nouveau groupe ethnolinguistique. Une possibilité très crédible dans le contexte des alliances, de la fluidité et des mouvements permanents de populations entre la mer Noire et les steppes.

Environ un siècle après Hérodote, en 380 av. J.-C., l’orateur athénien Isocrate désignait les trois ennemis les plus dangereux d’Athènes : les Thraces, « les Scythes conduits par les Amazones » et les Perses… Il rappelait à son public que les premiers Athéniens avaient repoussé « une invasion des Scythes conduits par les Amazones ». Isocrate faisait ainsi allusion à la mythique bataille d’Athènes que les habitants considéraient, eux, comme un fait historique. Après leur défaite, rappelle Isocrate, les armées de femmes ne retournèrent pas au Pont, mais allèrent vivre avec leurs alliés scythes dans le nord.

L’historien grec, Diodore de Sicile (65-50 av. J.-C.), a également écrit sur les Amazones, les associant avec les femmes saces-scythes, qui dans les batailles étaient aussi courageuses que les hommes. Il prend l’exemple historique de Zarine qui a dirigé une alliance sace-parthe et remporté la victoire sur les tribus qui voulaient les réduire en esclavage. Dans ses recherches sur les Amazones, Diodore a pu consulter les travaux de Crésias (un médecin grec installé en Perse vers 400 av. J.-C.) et Mégasthène (un ethnographe grec qui a voyagé en Inde vers 350-290 av. J.-C.). Selon les sources de Diodore, après une série de « révolutions » en Scythie, ses habitants ont fréquemment porté à leur tête des puissantes femmes « d’une valeur exceptionnelle » elles « s’entraînaient à la guerre exactement comme les hommes et par leurs actes de grand courage elles ne sont en rien inférieures aux hommes ». Nombreuses sont celles qui ont accompli « de grandes prouesses pas seulement en Scythie mais dans les territoires avoisinants ».

Il y eut un moment, dans le passé, où le Pont a abrité un groupe scythe gouverné par les femmes qui allaient à la guerre avec les hommes… Une femme fonda Thémiscyre à l’embouchure du Thermodon sur le Pont… Sur de nombreuses générations, les descendantes des reines renforcèrent le pouvoir et la célébrité de la nation amazone. Leur déclin a commencé quand le héros grec Héraclès tua leur reine Hippolyte. Puis, Thésée enleva Antiope pour en faire son épouse à Athènes. Pour se venger, les Amazones, épaulées par d’autres Scythes, envahirent la Grèce et mirent le siège devant l’Acropole. Pendant ce temps, les indigènes anatoliens qu’elles avaient soumis mirent à profit leur absence. Ils s’unirent pour faire la guerre contre les quelques Amazones qui gardaient le Pont. Ces guerres ont été si meurtrières, dit Diodore, que la grande race des Amazones a été pour l’essentiel effacée de l’histoire. Bientôt, les Amazones furent si affaiblies que seules quelques bandes dispersées survécurent. C’est un de ces petits groupes vestiges, sous la direction de Penthésilée, qui se porta à la défense de Troie au cours de la guerre légendaire…

Strabon, un géographe natif du Pont qui a beaucoup voyagé, parle aussi des Amazones comme d’un groupe ethnique composé à la fois de femmes et d’hommes. Ce peuple avait été chassé de la côte du Pont, « la plaine des Amazones », où il avait autrefois vécu… Le récit de Strabon est une autre description réaliste d’un mode de vie typiquement pastoral et semi-nomade dans lequel les hommes et les femmes pouvaient choisir de chasser et de faire campagne ensemble, ou dans des groupes séparés.

Les Scythes et les Amazones ont tout particulièrement attiré l’attention de Trogue Pompée, un historien des origines celtes dont les écrits datent du 1er siècle avant J.-C., qui possédait une connaissance encyclopédique… Trogue et Justin disent clairement que les Amazones étaient des femmes Scythes, capables de faire la guerre quand elles en avaient décidé…

Le géographe Pomponius Meda, qui écrivait en 43 ap. J.-C. environ, a situé les Amazones dans les steppes autour du Don, de la mer d’Azov et de la mer Caspienne, mais aussi dans les vastes étendues vers l’est jusqu’à la terre des Sères (le « peuple de la soie » en Chine). Au Pont, dans la plaine de Thermodon, un endroit appelé « Amazonius », avait été pendant longtemps un campement des Amazones, à l’époque où elles dominaient l’Anatolie…

Pline l’Ancien, le Romain spécialiste d’histoire naturelle qui écrit en 70 apr. J.-C. environ, reprend les mots employés par Skymnos et Pomponius Mela. Il appelle également les Sarmates, « Gynaecocraturnoe » et fait aussi référence aux « Amazones et leurs maris ». Un siècle plus tard, au moment où ils écrasent les Goths de Thrace (270-275 apr. J.-C.), les Romains parlent des femmes goths faites prisonnières comme des « Amazones »…

Ossements : archéologie des Amazones

Avec ses blessures crâniennes dues à une hache de combat et la pointe déformée d’une flèche en bronze dans le genou, ce guerrier a, sans le moindre doute, été tué sur le champ de bataille. Deux lances en fer ont été plantées dans le sol à l’entrée de la tombe et deux autres reposent à l’intérieur, à côté du squelette. Une épaisse ceinture de cuir avec des plaques en fer a été placée à côté d’un carquois et de vingt flèches décorées de bandes rouges avec des pointes en bronze… Voici la tombe typique d’un guerrier scythe du IVe siècle av. J.-C. Sauf que ce guerrier-là était une jeune femme. Elle a été enterrée dans un kourgane (tumulus) au nord de la mer Noire, près de l’ancienne Tyras sur le fleuve Dniestr…

Cette tombe remarquable d’une femme qui chassait et se battait comme un homme – une vraie Amazone – n’est pas une anomalie ou une exception en ce temps et en ce lieu. Plus de mille tombes de Scythes et de tribus apparentées ont été fouillées dans les steppes eurasiennes de la Bulgarie à la Mongolie. Les méthodes modernes de bioarchéologie permettent désormais de déterminer le sexe des squelettes, et l’on sait que dans certaines nécropoles les femmes armées occupent près de 37% du total des tombes. (Murphy 2003 et 2004, Hanks 2008). A partir de 1991, 112 tombes de femmes armées ont été identifiées (Guliaev 2013, Rolle 1989, Anthony 2007, Davis-Kimball 2002, Wilde 1999). Au cimetière Mamaj Gora, 12 des 135 tombes de femmes étaient celles des « Amazones » enterrées avec leurs armes, des guerrières de statut ordinaire qui formaient une cavalerie légère. Nous en avons conclu qu’un guerrier sur dix était une femme. (Fialko 2010)

C’est dans le nord de la mer Noire, la région la plus proche de la Grèce et la plus associée aux Amazones, que l’on trouve les plus grand nombre de tombes de guerrières. Les découvertes archéologiques faites en ces lieux mais aussi plus à l’est sont en train de changer en profondeur le regard porté par les chercheurs sur les récits d’Hérodote et d’autres auteurs classiques. Les anciennes descriptions des Amazones en tant que cavalières combattantes scythes sont « désormais vérifiées par l’existence de riches tombes de femmes contenant tout un ensemble d’armes et d’objets en relations avec les chevaux », inhumées dans de magnifiques tombeaux… Sur les statistiques, voir Berseneva 2008. Sur les femmes archères Sargat, voir Ivantchik 2011 et Starl et al. 2012. »

« Les Amazones », dans « Histoire générale du féminisme », Léon Abensour :

La légende hellénique. — Son universalité. — Amazones slaves, ibères, hétéennes et chinoises. — Le royaume des femmes.

« Les Amazones de la légende. — Lorsque, quelques siècles avant l’ère chrétienne, le droit de l’homme triompha, rejetant les femmes parmi tous les autres outlaws de la société, le souvenir persista cependant de l’époque où la femme avait été égale ou dominatrice ; et en même temps l’obscur sentiment de l’injustice commise à l’égard du sexe faible par le sexe fort ; la prescience qu’un jour les compagnes injustement enchaînées réclameraient la révision de leur procès. De ce souvenir, de ce sentiment, de cette prescience et, comme nous le verrons, de la connaissance de faits réels, est née cette légende des Amazones dont s’est éblouie à tel point l’antiquité classique que ses poètes, ses artistes tinrent presque tous à honneur d’y trouver une source à la fois gracieuse et héroïque d’inspiration.

Dans les plaines glacées de la Sarmatie, au pied du brumeux Caucase, vit un peuple scythe qui, vaincu par ses voisins, voit périr la population mâle tout entière. Les femmes restent et, plutôt que de subir l’esclavage, elles décident de maintenir seules la nation. Rompues déjà, comme toutes les femmes de Scythie, aux exercices militaires, endurcies par la rigueur du climat, elles pratiquent, sous la conduite de leur reine, un rigoureux entraînement. Bientôt elles sont des soldats accomplis, des guerriers farouches, qui mieux que personne manient la lance, l’arc et la flèche, et dirigent les plus impétueux coursiers. Lorsqu’elles se sentent sûres de la victoire, elles attaquent et taillent en pièces les peuples qui jadis accomplirent sur leurs maris le grand massacre. Mais, la vengeance accomplie, subsistent chez elles l’amour de la guerre, la passion de la gloire et la haine du sexe fort.
Et elles décident — ainsi parle un vieil auteur français qu’intéressèrent leurs exploits fabuleux — de fonder une monarchie, qui établit la gloire de leur sexe en faisant voir que des femmes étaient capables d’honorer le sceptre et la couronne par la manière dont elles sauraient les porter. De fait, elles subjuguent les tribus belliqueuses où l’épée est dieu : Sauromates tatoués, Gelons buveurs de sang, Ibères et Albanes du Caucase, qui par la suite briseront les armes de tous les conquérants. La barrière montagneuse forcée, l’Asie Mineure est à leur merci. Leur flot déferle jusqu’aux trois mers. Et, sans cesser d’être guerrières, les voici civilisatrices : du plateau de Cappadoce, elles font un prospère royaume ; au fond des golfes bleus qui, de leurs riches découpures, brodent la côte de l’Egée, elles asseyent toutes les blanches villes qui plus tard tiendront à honneur de les avoir pour héroïnes éponymes : Smyrne, Éphèse, Myrina, à l’époque classique, frappent encore leurs monnaies à l’effigie de la vierge casquée. Le royaume, elles l’organisent sagement ; dans leur capitale, Thémiscyre, située à l’embouchure du fleuve Thermodon, réside la reine. Elle l’administre et confie à des vice-reines le soin d’administrer les provinces de l’empire et de le défendre.

La renommée des vierges fortes arrive bientôt jusqu’aux héros grecs. Ils voudront se mesurer avec ces femmes qui font mentir la réputation de faiblesse de leur sexe, et tiendront leurs guerres amazoniques pour leurs plus glorieux exploits. C’est ainsi qu’avec une expédition où il réunit la fleur des guerriers hellènes, Héraclès débarque devant Thémiscyre où règne la valeureuse Antiope. Il assiège la place ; les Amazones sortent en foule, et les Grecs considèrent avec étonnement leurs costumes taillés à la mode barbare : un vêtement collant de peaux de bêtes sur le pantalon serré, de hautes bottines à la pointe recourbée ; sur la tête, la mitre ou le bonnet phrygien. La plupart d’entre elles sont à cheval et tirent sans arrêt, même lorsqu’elles refluent vers les remparts, des flèches infaillibles ; celles-là, à pied, brandissent d’une main la lance, de l’autre la double hache, ou, mettant cette arme à la ceinture, se protègent d’un petit bouclier en croissant de lune.

Le combat s’engage : la peau du lion de Némée, impénétrable aux traits, l’invincible massue assurent la victoire au fils de Jupiter. Antiope, prisonnière, dénoue sa ceinture et la donne au vainqueur. Hippolyte suit à Athènes le roi Thésée, dont l’amour, plus sûrement encore, l’a vaincue.

Double humiliation pour le peuple des vierges guerrières, qui bientôt veulent se venger. Les héros grecs partis, elles réunissent une puissante armée, passent sur la glace le Bosphore cimmérien, s’avancent, comme plus tard les Mèdes, à travers la Grèce du Nord, battent les Grecs et arrivent jusque dans Athènes. Vaincu d’abord, Thésée se ressaisit lorsqu’il voit sa capitale au pouvoir de l’ennemi. « Après avoir sacrifié à la Peur », il engage la bataille. Bataille de quatre mois, gagnée grâce à la valeur de Thésée et d’Hippolyte, et qui se termine par un traité d’alliance, commémoré encore dix siècles plus tard par les Athéniens.

… L’écho des mêlées d’Ilion parvient jusqu’aux Amazones ; elles décident de secourir le vieux Priam que cependant naguère elles ont combattu. Brûlante du désir de se mesurer avec les héros hellènes, la belle reine Penthésilée accourt dans Troie avec douze de ses plus vaillantes compagnes. Parfaitement belle, elle est sous ses armes d’or et d’argent l’image d’Aphrodite autant que de Minerve. De la lance, de l’arc, de la double hache, elles s’escriment si bien qu’elles font de la fleur des vaillants Hellènes un monceau de cadavres. Achille et Ajax accourent et, sur les cuirasses magiques forgées par Vulcain, s’émoussent les traits des filles de Mars. Face à face, le fils de Pelée et la gracieuse guerrière s’apostrophent en paroles enflammées. Puis c’est le duel inégal : bien vite l’épée d’Achille, instrument de la Parque implacable, tranche la vie de Penthésilée, dont le sang rouge fleurit la gorge ivoirine.

Tout à l’heure Achille s’indignait qu’une femme osât se mêler aux guerriers, et dans son ardeur belliqueux entrait le ressentiment du sexe fort bravé. Maintenant la beauté de la fleur humaine devant lui étendue touche le dur vainqueur. Dans cette simple scène quelle source intarissable de poésie pour tous les âges de l’humanité !

Vaincues ainsi par les héros grecs, les Amazones ne restent pas moins une grande puissance militaire. Elles battent les Assyriens, pénètrent jusqu’en Syrie, jusqu’aux confins de l’Inde, jusqu’en Afrique, où, sur les bords du lac Triton, elles établissent une colonie. Puis un jour elles refluent en Asie, où, au bout de longs siècles, Alexandre les retrouve. Comme la reine de Saba à Salomon, leur reine Thalestris vient porter son hommage au conquérant.

Les interprétations modernes. — Les Amazones, dont les corps harmonieux ornent les murailles du Pœcile et le fronton du Parthénon, dont les statues se dressent à Olympie, à Éphèse, dont les figures ornent si souvent les sarcophages, sont-elles une simple invention du fécond génie grec ? On l’a cru longtemps, et lorsque, voici un demi-siècle environ, on s’est préoccupé d’expliquer les mythes, on a vu dans les Amazones la personnification de l’une des grandes variétés parmi les cultes antiques : les cultes lunaires. Pour ces cultes, venus d’Asie, le principe essentiel de la nature, donc le plus vénéré, est le principe féminin. Mais en face de celui-ci apparaît un autre principe rapidement dominateur, le principe masculin. Il triomphe dans les cultes solaires. Or, Bellérophon, Hercule, Thésée, tous les adversaires heureux des Amazones sont des divinités solaires. La légende des Amazones est donc un épisode de la lutte des cultes solaires contre les cultes lunaires ; leur disparition, l’image de l’effacement, dans les religions antiques, du principe féminin devant le principe masculin.

Il n’empêche d’ailleurs, ont dit plusieurs auteurs, que les Amazones n’aient existé : guerrières non, mais prêtresses.

Chez tous les primitifs vécurent des castes de prêtresses, chargées de faire aux divinités infernales ou aux dieux de la guerre de sanglants sacrifices. Les Amazones sont les prêtresses de la déesse Ma-Bellone qui, comme la déesse indoue Kali, comme la rouge Artémis de Tauride, exige qu’on répande devant elle du sang masculin. De même agirent les Druidesses bretonnes. Et l’imagination antique, voyant dans toutes ces prêtresses des « tueuses d’hommes », les transforma en une nation féminine révoltée contre le sexe fort.

Explications enfantines ! s’écria voici quelques années un érudit allemand ; les Amazones ! mais ce sont tout simplement des hommes habillés en femmes. Et, s’appuyant sur une phrase assez obscure d’un auteur grec de la décadence, un historien de Leipzig, de le démontrer en mobilisant pour ce faire histoire, archéologie, numismatique, linguistique : les Amazones ne sont autres que les Hittites ou Hétéens, qui effectivement dominèrent en ce pays d’Asie Mineure où les légendes placent l’empire des Amazones. Leurs longs vêtements flottants et ornés à la mode barbare de broderies, leurs longs cheveux, la mollesse de leur allure les ont fait prendre pour des femmes. Effectivement, ils tenaient à se rapprocher le plus possible par leur aspect des femmes qui, chez eux, étaient reines et grandes prêtresses, et, au nom des grandes divinités féminines terrestres ou lunaires, commandaient à leur nation. Les Amazones ne sont donc pas des femmes qui veulent ressembler aux hommes, mais des hommes qui veulent ressembler aux femmes.

Universalité de la légende. — Il y a dans cette thèse paradoxale une lueur de vérité. Les Amazones ne sont pas une pure fiction des poètes. Ceux-ci ont amplifié, embelli la réalité. Sans doute la lutte des cultes solaires contre les cultes lunaires, les prêtresses de la sanglante Artémis Taurique, l’allure efféminée de guerriers orientaux sont autant d’éléments qui ont contribué à prêter au mythe des Amazones de riches développements. Ce mythe néanmoins repose sur une réalité. Car la légende des Amazones n’est pas hellénique seulement, mais universelle : les traditions slaves, germaniques, celtiques ; les récits des chroniqueurs indous, des annalistes chinois célèbrent, comme l’épopée grecque et romaine, les exploits d’invincibles guerrières. Et en fait, nombre de peuples ont admis pendant longtemps, comme l’avaient fait leurs ancêtres, la participation des femmes aux combats. Nombre de peuples ont accepté que chez eux les femmes commandent, à la guerre comme dans les temples des dieux. Chose remarquable, pour les Grecs, les Romains, les Indous, les Chinois, ces peuples sont tous « des barbares », ceux qui ne connaissent ni les lois de Solon, ni la loi de Manou, ni la loi de Numa, ni la loi de Confucius, les peuples en un mot chez qui nul réformateur n’a aboli l’ancien droit de la mère.

Voici, en effet, autour du monde gréco-romain, toute une ceinture de peuples féministes. En Asie Mineure s’est conservé le souvenir de ces Hittites qui, s’ils ne sont pas, comme le veut le savant allemand, des Amazones travesties, ont du moins connu de véritables Amazones. Prêtresse et reine, la femme, nous l’avons vu, gouverne même du vivant du roi. Pourquoi ne serait-elle pas, comme tout souverain, un chef de guerre ? Voici en effet, surgissant des ruines de Bogbaz Keui, le portrait d’une Amazone authentique. Certes, pour qui se représente Camille ou Penthésilée avec leur taille élancée, leur port de déesse et la grâce fière de leur adorable visage, la désillusion est cruelle. Trapue, mamelue, les traits durs, la chevelure pendant disgracieusement sur les épaules, l’œil cruel et le nez busqué d’un roi d’Assur, déjà d’un âge trop certain, la farouche virago, dont la cotte de mailles sangle la forte corpulence et qui brandit la double hache, n’a rien d’une héroïne de galante épopée. Elle est d’autant plus véridique et le témoignage peu flatteur de la pierre ne permet pas de mettre en doute qu’il y eut chez les Hittites des femmes guerrières, voire généraux. Eût-on songé à transmettre à la postérité les traits d’un simple soldat ?

Chez les peuples du brumeux septentrion, Scythes, Cimmériens, les femmes aussi montent à cheval, accompagnent les hommes dans leurs expéditions, souvent les commandent. N’est-ce pas contre les invincibles escadrons de la reine des Massagètes, Thomyris, que la fortune du grand Cyrus vint se briser ? Chez tous les peuples qui habitent au nord du Caucase, au delà du Danube, et dans les steppes du Touran, le commandement féminin est d’usage. Les Saces, voisins de la Caspienne, sont, dans la langue sanscrite, « les peuples qui obéissent à une femme-roi ».

C’est en effet conduits par leur reine Sparethra, Sémiramis barbare, qu’ils marchent au combat contre les Grecs. Le Caucase qui, dit la légende, fut le théâtre des luttes héroïques des Amazones — et de leurs brèves amours — resta en effet de longs siècles un pays de farouches guerrières. Fut-ce pour imiter Alexandre et Achille ? le grand Pompée trouva en face de lui des Amazones dans l’armée des peuples caucasiens. Les Celtes aussi eurent leurs héroïnes : reines bretonnes qui, telle la Boadicée de Tacite, furent contre les légions romaines les derniers champions de la liberté nationale, princesses des Pictes tatoués. Aux confins de la Germanie et de la Scythie, dans les profondes forêts de pins du rivage baltique, les ancêtres des Lituaniens obéirent à des femmes, reines et grandes-prêtresses. C’est encore une femme, belle, brave et habitant de merveilleux palais, la Candace, descendante de la reine de Saba, qui commanda aux noirs Éthiopiens.

Le royaume des femmes. — Enfin, à côté de ces pays où les femmes sont guerrières, prêtresses et reines, voici celui où, sans cependant vivre seules comme le veulent les poètes grecs, elles sont, comme le furent souvent les hommes dans nos sociétés modernes, la seule partie de la population qui compte dans l’État. Il s’agit du Su-Fa-La-Nin-Ko-Chu-Lo ou pays des Femmes oriental, dont un géographe du Céleste Empire nous laisse l’étonnante description. Dans les montagnes de l’Ouest, entre la frontière du Se-Tchouen et la mer Occidentale (mer Caspienne), se trouve un puissant État protégé par d’infranchissables montagnes. Là, sur dix-neuf riches cités, règne une femme dont le palais, haut de neuf étages, est bâti sur un rocher escarpé. Avec sa jupe verte richement brodée, son long manteau fourré, dont la traîne s’épand à terre, son casque de cheveux noirs, ses boucles d’oreilles en or fin, Tsiéou (celle qui va au-devant, tel est le titre de la souveraine ) a vraiment gracieuse allure. Ses États sont gouvernés à merveille. Une constitution sage les régit. Toutes les femmes du pays, les femmes seulement, car, dit notre Céleste, dans ce pays on fait peu de cas des hommes, se réunissent pour procéder à l’élection de la reine et de la petite reine qui, au cas où la reine mourrait, la remplacerait. (Voilà trouvée par un auteur chinois l’une des dispositions de la constitution des États-Unis, la petite reine rappelant exactement le vice-président.) Un double collège de mandarins administre : les mandarins de l’extérieur, chargés de défendre les frontières ; ce sont des hommes. Mais, comme en tout gouvernement bien organisé, le pouvoir militaire est subordonné au pouvoir civil. Les mandarins de l’extérieur obéissent aux mandarins de l’intérieur, qui sont toujours des femmes. Ce gouvernement assure la tranquillité publique. Au royaume des femmes, vols et rapines sont inconnus (les auteurs grecs nous parlent à peu près dans les mêmes termes des anciennes gynécocraties). Le pays est riche et bien cultivé. Les puissances de l’au-delà même, enchaînées par de subtiles incantations féminines, sont à son service. Mais la subordination des hommes est rigoureuse. Ils ne transmettent pas leur nom de famille à leurs enfants, qui portent celui de leur mère. Ils n’ont aucun droit à l’héritage : « Quand une femme meurt, sa fille ou sa bru entre en possession de ses biens, jamais son fils. » Politiquement inférieurs aux femmes, privés de la plupart de leurs droits civils, inaptes à la propriété, les hommes de cette curieuse république sont exactement dans la situation où furent à l’époque moderne les femmes dans la plupart des pays du monde.

Protégée par des montagnes neigeuses et des déserts, la république des femmes maintint de longs siècles son antique constitution. Au septième siècle de notre ère, la souveraine Liou-Pi fut nommée par l’impératrice chinoise Wou-Héou « général de l’extérieur de gauche du fort de Ya-Khian-Wei ». Il est permis de supposer que le récit de l’annaliste chinois contient plus qu’une légende, mais, un peu embellie, une réalité. Ce qu’il dit des sujettes de Celle qui va au-devant, n’est-ce pas à peu de choses près ce que Grecs et Romains ont dit des antiques Crétois, des Cantabres et des Tyrrhéniens ?

L’accumulation et le rapprochement de ces divers témoignages, qui s’élèvent des trois parties du monde et qui, chinois ou hellènes, sémites ou latins, empruntent la voix de la science, celle de la poésie, celle de l’art, doit imposer aujourd’hui cette vérité. Les Amazones ont existé. L’antiquité a connu des femmes guerrières et législatrices, et il est curieux de constater qu’historiens grecs et annalistes chinois s’accordent pour reconnaître que la participation des femmes aux affaires publiques (participation qui va souvent jusqu’à la gynécocratie) eut pour les peuples les meilleurs résultats. Si l’on considère l’œuvre accomplie actuellement dans les pays anglo-saxons et Scandinaves par les femmes qui votent, il est difficile de révoquer en doute ces assertions.

Si, comme semblaient le promettre les lois et les mœurs du très ancien Orient et des premiers groupements méditerranéens, les institutions politiques des peuples civilisés avaient évolué vers l’égalité complète des sexes, qui sait quelle tournure aurait prise l’histoire ? Moins de guerres sans doute et, par le perfectionnement de tous les arts utiles dont à des femmes encore les plus anciennes légendes attribuent l’invention, une marche plus rapide vers le progrès.

Mais, comme fatiguée du pouvoir, la femme abdiqua bientôt entre les mains de l’homme ; la mère se courba devant le père ; la grande prêtresse, magicienne et reine des arts utiles, s’effaça devant le prêtre législateur.

Les législateurs, connus ou inconnus, dont, dans le monde presque entier, les idées triomphent à l’époque historique, apparaissent presque tous comme préoccupés d’établir dans la famille le principe d’unité et d’autorité. Ce principe, le père l’incarne. Et son triomphe doit tenir la femme attachée au foyer, l’exclure de la vie sociale. Que sont d’ailleurs les premières sociétés, les premiers gouvernements, sinon de grandes familles ? Qu’est-ce que le pouvoir du souverain, sinon la puissance paternelle ? La subordination sociale de la femme est l’inévitable conséquence de son assujettissement familial[1].

Lois de Manou, lois de Moïse, lois de Confucius, lois de Solon ou de Numa, telles sont les mailles du filet que l’orgueil masculin jettera sur le monde : bien peu de femmes échapperont. Libres à l’aurore souvent éclatante des civilisations, l’Égyptienne, la Chaldéenne, l’Indoue, l’Européenne, nous apparaissent pendant presque toute leur histoire (et sauf à quelques rares époques où les mœurs commencent de leur rendre ce que leur enlevèrent les lois) comme des mineures et des esclaves. Comme le socialisme, pratiqué lui aussi aux premiers âges de l’humanité et, lui aussi, survivant chez les primitifs à l’heure où l’extrême civilisation le ramène parmi nous, le féminisme s’est si bien éclipsé que l’on oublia même son existence et que la subordination des femmes, comme la propriété individuelle, parut longtemps le fait primitif. D’ailleurs l’homme, comme tous les usurpateurs, prétendit justifier sa conquête par la loi naturelle, la fonder en droit. C’est parce qu’elle est faible de corps et d’esprit que la femme doit obéir au mari, c’est parce qu’elle ne peut supporter les fatigues de la guerre, ni soutenir avec prudence et fermeté les délibérations du conseil qu’elle doit être écartée des affaires publiques, disent les législateurs.

Mais n’est-ce pas plutôt parce que la femme fut forcée d’obéir à l’homme, parce qu’elle fut confinée au foyer qu’elle devint faible de corps et d’esprit ? Partout où on lui a permis de reprendre en la société sa place légitime, la femme s’est montrée, à la guerre et dans le conseil, l’égale de l’homme. L’époque féodale l’a prouvé comme la grande guerre de 1914.

La subordination des femmes est bien l’œuvre des hommes, — de l’homme, — non celle de la nature. Et l’actuel triomphe du féminisme apparaît comme un retour à la loi naturelle longtemps violée. »

1-

Chez certains peuples, la femme, subordonnée dans la famille, continue cependant à jouer un rôle dans la société.

Voltaire, articles « Amazones » dans le « Dictionnaire philosophique » :

« Amazones

On a vu souvent des femmes vigoureuses et hardies combattre comme les hommes ; l’histoire en fait mention, car sans compter une Sémiramis, une Tomyris, une Penthésilée, qui sont peut-être fabuleuses, il est certain qu’il y avait beaucoup de femmes dans les armées des premiers califes.
C’était surtout dans la tribu des Homérites une espèce de loi dictée par l’amour et par le courage que les épouses secourussent et vengeassent leurs maris, et les mères leurs enfants, dans les batailles.
Lorsque le célèbre capitaine Dérar combattait en Syrie contre les généraux de l’empereur Héraclius, du temps du calife Abubéker, successeur de Mahomet, Pierre, qui commandait dans Damas, avait pris dans ses courses plusieurs musulmanes avec quelque butin ; il les conduisait à Damas : parmi ces captives était la sœur de Dérar lui-même. L’histoire arabe d’Alvakedi, traduite par Ockley, dit qu’elle était parfaitement belle, et que Pierre en devint épris ; il la ménageait dans la route, et épargnait de trop longues traites à ses prisonnières. Elles campaient dans une vaste plaine sous des tentes gardées par des troupes un peu éloignées. Caulah (c’était le nom de cette sœur de Dérar) propose à une de ses compagnes, nommée Oserra, de se soustraire à la captivité ; elle lui persuade de mourir plutôt que d’être les victimes de la lubricité des chrétiens ; le même enthousiasme musulman saisit toutes ces femmes : elles s’arment des piquets ferrés de leurs tentes, de leurs couteaux, espèce de poignards qu’elles portent à la ceinture, et forment un cercle, comme les vaches se serrent en rond les unes contre les autres, et présentent leurs cornes aux loups qui les attaquent. Pierre ne fit d’abord qu’en rire ; il avance vers ces femmes : il est reçu à grands coups de bâtons ferrés ; il balance longtemps à user de la force ; enfin il s’y résout, et les sabres étaient déjà tirés, lorsque Dérar arrive, met les Grecs en fuite, délivre sa sœur et toutes les captives.
Rien ne ressemble plus à ces temps qu’on nomme héroïques, chantés par Homère : ce sont les mêmes combats singuliers à la tête des armées, les combattants se parlent souvent assez longtemps avant que d’en venir aux mains ; et c’est ce qui justifie Homère sans doute.
Thomas, gouverneur de Syrie, gendre d’Héraclius, attaque Sergiabil dans une sortie de Damas ; il fait d’abord une prière à Jésus-Christ : « Injuste agresseur, dit-il ensuite à Sergiabil, tu ne résisteras pas à Jésus mon Dieu, qui combattra pour les vengeurs de sa religion. — Tu profères un mensonge impie, lui répond Sergiabil ; Jésus n’est pas plus grand devant Dieu qu’Adam : Dieu l’a tiré de la poussière ; il lui a donné la vie comme à un autre homme, et après l’avoir laissé quelque temps sur la terre, il l’a enlevé au ciel [2]. »
Après de tels discours le combat commence ; Thomas tire une flèche qui va blesser le jeune Aban, fils de Saïb, à côté du vaillant Sergiabil ; Aban tombe et expire : la nouvelle en vole à sa jeune épouse, qui n’était unie à lui que depuis quelques jours. Elle ne pleure point, elle ne jette point de cris ; mais elle court sur le champ de bataille, le carquois sur l’épaule et deux flèches dans les mains : de la première qu’elle tire, elle jette par terre le porte-étendard des chrétiens ; les Arabes s’en saisissent en criant allah achar ; de la seconde, elle perce un œil de Thomas, qui se retire tout sanglant dans la ville.
L’histoire arabe est pleine de ces exemples ; mais elle ne dit point que ces femmes guerrières se brûlassent le téton droit pour mieux tirer de l’arc, encore moins qu’elles vécussent sans hommes ; au contraire, elles s’exposaient dans les combats pour leurs maris ou pour leurs amants, et de cela même on doit conclure que loin de faire des reproches à l’Arioste et au Tasse d’avoir introduit tant d’amantes guerrières dans leurs poëmes, on doit les louer d’avoir peint des mœurs vraies et intéressantes.
Il y eut en effet, du temps de la folie des croisades, des femmes chrétiennes qui partagèrent avec leurs maris les fatigues et les dangers : cet enthousiasme fut porté au point que les Génoises entreprirent de se croiser, et d’aller former en Palestine des bataillons de jupes et de cornettes ; elles en firent un vœu dont elles furent relevées par un pape plus sage qu’elles.
Marguerite d’Anjou, femme de l’infortuné Henri VI, roi d’Angleterre, donna dans une guerre plus juste des marques d’une valeur héroïque ; elle combattit elle-même dans dix batailles pour délivrer son mari. L’histoire n’a point d’exemple avéré d’un courage plus grand ni plus constant dans une femme.
Elle avait été précédée par la célèbre comtesse de Montfort, en Bretagne. « Cette princesse, dit d’Argentré, était vertueuse outre tout naturel de son sexe ; vaillante de sa personne autant que nul homme ; elle montait à cheval, elle le maniait mieux que nul écuyer ; elle combattait à la main ; elle courait, donnait parmi une troupe d’hommes d’armes comme le plus vaillant capitaine ; elle combattait par mer et par terre tout de même assurance, etc. »
On la voyait parcourir, l’épée à la main, ses États envahis par son compétiteur Charles de Blois. Non seulement elle soutint deux assauts sur la brèche d’Hennebon, armée de pied en cap, mais elle fondit sur le camp des ennemis, suivie de cinq cents hommes, y mit le feu, et le réduisit en cendres.
Les exploits de Jeanne d’Arc, si connue sous le nom de la Pucelle d’Orléans, sont moins étonnants que ceux de Marguerite d’Anjou et de la comtesse de Montfort. Ces deux princesses ayant été élevées dans la mollesse des cours, et Jeanne d’Arc dans le rude exercice des travaux de la campagne, il était plus singulier et plus beau de quitter sa cour que sa chaumière pour les combats.
L’héroïne qui défendit Beauvais est peut-être supérieure à celle qui fit lever le siège d’Orléans ; elle combattit tout aussi bien, et ne se vanta ni d’être pucelle ni d’être inspirée. Ce fut en 1472, quand l’armée bourguignonne assiégeait Beauvais, que Jeanne Hachette, à la tête de plusieurs femmes, soutint longtemps un assaut, arracha l’étendard qu’un officier des ennemis allait arborer sur la brèche, jeta le porte-étendard dans le fossé, et donna le temps aux troupes du roi d’arriver pour secourir la ville. Ses descendants ont été exemptés de la taille : faible et honteuse récompense ! Les femmes et les filles de Beauvais sont plus flattées d’avoir le pas sur les hommes à la procession le jour de l’anniversaire. Toute marque publique d’honneur encourage le mérite, et l’exemption de la taille n’est qu’une preuve qu’on doit être assujetti à cette servitude par le malheur de sa naissance.
Mlle de La Charce, de la maison de La Tour du Pin Gouvernet, se mit, en 1692, à la tête des communes en Dauphiné, et repoussa les Barbets, qui faisaient une irruption. Le roi lui donna une pension comme à un brave officier. L’ordre militaire de Saint-Louis n’était pas encore institué [3].
Il n’est presque point de nation qui ne se glorifie d’avoir de pareilles héroïnes ; le nombre n’en est pas grand, la nature semble avoir donné aux femmes une autre destination. On a vu, mais rarement, des femmes s’enrôler parmi les soldats. En un mot, chaque peuple a eu des guerrières ; mais le royaume des Amazones sur les bords du Thermodon n’est qu’une fiction poétique, comme presque tout ce que l’antiquité raconte. »

1.
Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)

2-

C’est la croyance des mahométans. La doctrine des chrétiens basilidiens avait depuis longtemps cours en Arabie. Les basilidiens disaient que Jésus-Christ n’avait pas été crucifié. (Note de Voltaire.)

3-

Il ne le fut que le 10 mai 1603.

Collin de Plancy, « Dictionnaire infernal » :

« Amazones, nation de femmes guerrières, dont Strabon regarde à tort l’existence comme une fable. François de Torre-Blanca dit[1] qu’elles étaient sorcières ; ce qui est plus hasardé. Elles se brûlaient la mamelle droite pour mieux tirer de l’arc ; et le père Ménestrier croit que la Diane d’Éphèse n’était ornée de tant de mamelles qu’à cause que les Amazones lui consacraient celles qu’elles se retranchaient. On dit que cette république sans hommes habitait la Cappadoce et les bords du Thermodon. Les modernes ont cru retrouver des peuplades d’Amazones en voyant des femmes armées sur les bords du Maragnon, qu’on a nommé pour cela le fleuve des Amazones. Des missionnaires en placent une nation dans les Philippines, et Thévenot une autre dans la Mingréдie. Mais, dit-on, une république de femmes ne subsisterait pas six mois, et ces États merveilleux ne sont que des fictions inventées pour récréer l’imagination. Cependant, un curieux passage nous est fourni par les explorations récentes de M. Texier dans l’Asie Mineure : il a découvert une enceinte de rochers naturels, aplanis par Part, et sur les parois de laquelle on a sculpté une scène d’une importance majeure dans l’histoire de ces peuples. Elle se compose de soixante figures, dont quelques-unes sont colossales. On y reconnaît l’entrevue de deux rois qui se font mutuellement des présents.

Dans l’un de ces personnages, qui est barbu ainsi que toute sa suite, et dont l’appareil a quelque chose de rude, le voyageur avait d’abord cru distinguer le roi de Paphlagonie ; et dans l’autre, qui est, imberbe ainsi que les siens, il voyait le roi de Perse, monté sur un lion et entouré de toute la pompe asiatique. Mais en communiquant ses dessins et ses conjectures aux antiquaires de Smyrne, qu’il a trouvés fort instruits, M. Texier s’est arrêté a l’opinion que cette scène remarquable représentait l’entrevue annuelle des Amazones avec le peuple voisin, qui serait les Leuco-Syriens ; et la ville voisine, ou le témoignage des géographes l’avait empêché de reconnaître Tavia, serait Thémiscyre, capitale de ce peuple. »

1.
Epist, delict., sive De magia, lib. I. cap. VIII.

D’Alembert, « L’Encyclopédie » :

« Les Auteurs ne sont pas tous d’accord qu’il y ait eu réellement une nation d’Amazones. Strabon, Paléphate, & plusieurs autres le nient formellement : mais Hérodote, Pausanias, Diodore de Sicile, Trogue Pompée, Justin, Pline, Pomponius Mela, Plutarque, & plusieurs autres, l’assurent positivement. Hippocrate dit qu’il y avoit une loi chez elles, qui condamnoit les filles à demeurer vierges, jusqu’à ce qu’elles eussent tué trois des ennemis de l’Etat. Il ajoûte que la raison pour laquelle elles amputoient la mammelle droite à leurs filles, c’étoit afin que le bras de ce côté-là profitât davantage, & devînt plus fort. »

Paléphate (ou Paléphatos), « Histoires incroyables » :

« Hérodote raconte (liv. IV, chap. 110-1 16, tom. 2, p. 484-490, édit. de Baëhr), comment des Amazones apprivoisées par de jeunes Scythes devinrent la souche des Sarmates, et donne de ces femmes guerrières l’idée généralement reçue ; Hippocrates (de articulis, cap. LVIII, tom. 2, p. 814, édit. de Vander Linden) fait mention de l’usage où elles étaient de luxer les membres de leurs enfants mâles pour les empêcher de jamais aspirer aux travaux virils qu’elles se réservaient. Diodore de Sicile (lib. II, chap. 45-46, p. 129-134, tom. 2, édit. de Deux-Ponts) résume toute leur histoire d’un ton de crédulité très-sérieux jusqu’à leur dernière reine Penthésilée qui périt à Troie de la main d’Achille. Le même historien (liv. 3, chap. 51-54, p. 312-322, ibid.) parle d’une autre nation d’Amazones beaucoup plus ancienne, qui habitait la Lybie, et dont l’histoire se mêle à celle des Gorgones, qu’il envisage aussi comme un peuple gouverné par des femmes. Le Scholiaste d’Apollonius de Rhodes, dans plusieurs endroits et particulièrement sur le v. 965 du liv. II, cite Éphore et d’autres anciens historiens comme ayant parlé des Amazones de l’Afrique (p. 514-515). Quant aux Amazones du Thermodon, il en est question dans presque tous les anciens historiens. Le fleuve des Amazones, en Amérique, atteste que le nouveau-monde a aussi des traditions du même genre. »

Wikipedia :

« Hérodote fournit dans une digression une version historicisée de la légende des Amazones. À la suite de violents combats avec les Égyptiens vers -2000, des tribus scythes occupent la Cappadoce. Des guerriers scythes sont exterminés dans une embuscade et les femmes restées seules prennent les armes. Hérodote croit à tort que le nom « amazone » signifie « privée de mamelle », les Grecs pensant que c’est dans le but de tirer plus facilement à l’arc en plaquant la corde contre leur thorax. En langue caucasienne, ce nom signifierait par contre « ceux qui ne mangent pas de pain » (ce qui reporte aux sociétés nomades et donc non agricoles) ou « ceux qui vivent ensemble » ou pourrait faire allusion à une éventuelle « ceinture magique » portée par les Amazones. Le géographe grec Strabon doutait cependant de leur existence.

L’étymologie populaire admise pendant l’Antiquité décompose le mot en un ἀ- / a-, « privatif », et μαζός / mazós, « sein » en ionien : « celles qui n’ont pas de sein ». En effet, la légende dit qu’elles avaient coutume de se couper le sein droit afin de pouvoir tirer à l’arc à flèche. Le terme pourrait venir plutôt du nom d’une tribu iranienne, ha-mazan, « les guerriers », ou encore du persan ha mashyai, « les Peuplades [des steppes] ».

Le cheval est inséparable des populations des steppes, dont font partie Scythes et Sauromates - proto-Sarmates - renommés dans l’Antiquité comme éleveurs de chevaux et excellents archers. On peut supposer, à la suite d’Hérodote, que les Amazones sont les épouses des Scythes, et, fait inconcevable pour un Grec, ont le droit de chevaucher et de guerroyer. De là est né le mythe de farouches guerrières, élevées comme telles. Il a cependant historiquement existé des guerrières, notamment des femmes grecques sollicitées lorsque la patrie est en danger.

En 2012, les fouilles archéologiques, conduites par l’archéologue Jeannine Davis-Kimball à la frontière entre la Russie et le Kazakhstan, ont permis de mettre au jour des tombes de femmes guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 av. J.-C., probablement cavalières comme le révèle l’analyse ostéologique. L’une des tombes était richement garnie de nombreux objets et bijoux féminins et également de 100 pointes de flèches. Une enquête approfondie menée dans la même région a démontré l’existence d’une tradition vivace de la femme archer et cavalière émérite, leur arc étant de forme très caractéristique exactement identique à celui qui est représenté sur les céramiques antiques. Des relations génétiques ont également été prouvées entre les restes humains trouvés dans les tombes et certaines familles mongoles dont des filles naissent parfois blondes, caractéristique particulière des Amazones, ce qui est un fait absolument unique dans ces ethnies à la chevelure uniformément noire et qui tend à prouver un mélange entre des tribus mongoles et les restes de l’ethnie des Amazones dont l’origine exacte reste encore un mystère.

Au Dahomey, Tasi Hangbè (ou Nan Hangbe), sœur jumelle d’Akaba, règne sur le Dahomey de 1708 à 1711 après la mort soudaine d’Akaba en 1708. C’est lors d’une campagne contre les voisins Ouémènou du royaume qu’elle prit la tête de l’armée, travestie — pour galvaniser ses troupes — à l’image de son frère jumeau défunt Akaba. Elle est la créatrice du corps des amazones du Dahomey. Elle a été largement effacée de l’histoire officielle du Dahomey, sous le roi Agadja son successeur, dont les partisans obligèrent la reine à démissionner.

Plus tard, le souverain Ghézo (1818-1858) créa des compagnies féminines de cavalerie et d’infanterie qui seront baptisées les « Amazones vierges du Dahomey » et combattront d’abord dans les nombreuses guerres de sécession ayant opposé le Dahomey aux Yoroubas. Par la suite le roi Béhanzin les utilisa contre les troupes coloniales françaises.

Au Sénégal, le royaume du Cayor envoyait ses « Linguères » qui étaient des sœurs et cousines des souverains dans ses différentes batailles contre les Maures trarzas. L’Empire zoulou avait auparavant constitué des régiments de jeunes filles combattantes ou chargées de la logistique. »

Bibliographie :

La tombe d’une noble guerrière scythe découverte en Ukraine

La princesse des Scythes inhumée au Kazakhstan avec des pointes de flèches

« Les Amazones quittent le mythe et entrent dans l’Histoire », Guillaume Henchoz

« La position de la femme en Asie centrale », Thérèse David

Amazones du Dahomey

4 et 6 octobre 1892 : les guerrières du Dahomey (Bénin) sont écrasées par l’armée française

Amazones de l’Antiquité : une réalité obscurcie par les mythes

Amazones à la bataille de Salamine (29 septembre de l’an -480)

Les Amazones des Sarmates

« Les Amazones » de Adrienne Mayor

Les Amazones amérindiennes

Les guerrières éthiopiennes

Les Amazones du Dahomey

Les amazones libertines à l’origine de Rome

Les amazones du matriarcat indo-européen pré-aryen

Matriarcat en Amérique du Sud : les amazones de la forêt vierge face à l’hispanisation catholique

Ouvrage contre : « L’archémythe des Amazones », de Alain Bertrand

« Dissertation sur les Amazones »

« Histoire militaire des femmes », De la Barre Duparcq

Les Amazones d’Amérique du Sud

Amazones berbères

Un récit de voyage de colon français au Dahomey

Le colonialisme français en Afrique a eu à se battre avec des amazones du Dahomey et le raconte

Récit de voyage colonial au Dahomey

« Mythes, réalités, images »

Guerrières amazones circassiennes

« Histoire des amazones anciennes et modernes

Les guerrières du Kerala (Inde)

« Les Amazones au Sahara », Louis Noir

Ces femmes qui ont commandé à des armées

Adrienne Mayor, Les Amazones

Scythes, Sarmates et Slaves, Iaroslav Lebedynsky

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