Accueil > 11- CONTRE L’OPPRESSION DES FEMMES - AGAINST WOMEN’S OPPRESSION > Le matriarcat chez les Indiens des Amériques

Le matriarcat chez les Indiens des Amériques

mardi 23 avril 2019, par Robert Paris

Le matriarcat chez les Indiens des Amériques

A LIRE :

Le matriarcat ancien en Amérique du nord

Le matriarcat ancien en Amérique du sud

Le matriarcat des Sioux et autres Indiens des Plaines

Le matriarcat des Navajos

Le matriarcat des Gwich’in, Loucheux ou Kutchin et le patriarcat matrilocal Algonquin

Le matriarcat des Zapothèque

Le matriarcat des Mandan et Crow

Le matriarcat des Muscogee

Le matriarcat des Cherokee

Le matriarcat des Hopis

Le matriarcat des Arawak

Le matriarcat des Shipibo

Le matriarcat des Bororo

Le matriarcat des Mapuche

Le matriarcat des Shipibo-Conibo

La matrilignage des Yanomani, Zo’es et Guayaki

Le matriarcat des Kuna Yala

Le matriarcat des Wayuu

Squaws amérindiennes avant-gardistes

Amazones d’Amérique du sud

Le matriarcat, ses causes et sa fin sous les coups de la guerre sociale

Un exemple fameux : le matriarcat iroquois

Howard Zinn, « Une histoire populaire des Etats-Unis » :

« Des monts Adirondacks jusqu’aux Grands Lacs, sur le territoire actuel de la Pennsylvanie et du nord de l’Etat de New York, vivait le plus puissant groupe de population du Nord-Est américain : la confédération iroquoise, qui réunissait les Mohawks, les Oneidas, les Onondagas, les Cayugas et les Senecas. Des milliers de gens unis par une langue commune : l’iroquois.

Dans la vision du chef mohawk, Hiawatha, le légendaire Dekanawida s’adressait aux Iroquois en ces termes : « nous sommes unis, tous ensemble, par le grand cercle que forment nos mains. Un cercle si fort que, si un arbre venait à tomber dessus, il ne tremblerait ni ne se romprait. Ainsi, notre peuple et nos petits-enfants resteront dans le cercle en parfaite sécurité, dans la paix et le bonheur. »

Dans les villages iroquois, la terre était détenue et travaillée en commun. La chasse se faisait en groupe et les prises étaient partagées entre les membres du village. Les habitations étaient considérées comme des propriétés communes et abritaient plusieurs familles. La notion de propriété privée des terres et des habitations étaient parfaitement étrangères aux Iroquois.

Un père jésuite français qui les rencontra en 1650 écrivait :

« Nul besoin d’hospices chez eux car ils ne connaissant pas plus la mendicité que la pauvreté. (…) Leur gentillesse, leur humanité et leur courtoisie les rendent non seulement libéraux en ce qui concerne les possessions mais font qu’ils ne possèdent pratiquement rien qui n’appartienne également aux autres. »

Les femmes jouaient un rôle important et avaient un statut respecté dans la société iroquoise. En effet, le lignage s’organisait autour de ses membres féminins dont les maris venaient rejoindre la famille. Chaque famille élargie vivait dans la « grande maison » et lorsqu’une femme désirait se séparer de son mari elle déposait simplement les affaires de ce dernier devant la porte.

Les familles formaient des clans et une douzaine ou plus de clans pouvaient former un village. Les femmes les plus âgées du village désignaient les hommes habilités à représenter le clan aux conseils de village et de tribu.

Elles désignaient également les quarante-neuf chefs qui composaient le grand conseil de la Confédération des cinq nations iroquoises. Elles assistaient aux réunions de clans, se tenaient derrière le cercle formé par les hommes qui discutaient et votaient les décisions. Si ces derniers allaient dans un sens trop éloigné de celui qu’elles souhaitaient, elles pouvaient les démettre et les remplacer.

Les femmes surveillaient également les récoltes et s »occupaient de l’administration générale du village tant que les hommes étaient à la chasse ou à la pêche. En outre, comme elles fournissaient les mocassins et la nourriture pour les expéditions guerrières, elles avaient également un certain contrôle sur les affaires militaires.

Comme le fait remarquer Gary B. Nash dans son fascinant ouvrage sur les premières années de l’Amérique, « Red, Blacks and Whites », « le pouvoir était donc bien l’affaire des deux sexes, et l’idée européenne d’une domination masculine et d’une sujétion féminine en toutes choses était remarquablement étrangère à la société iroquoise ».

On enseignait aux enfants iroquois aussi bien l’héritage culturel de leur peuple et la nécessaire solidarité entre tribus que le devoir de ne pas plier devant un quelconque abus d’autorité. On leur enseignait aussi l’égalité des statuts et le partage des possessions.

Les Iroquois ne punissaient jamais cruellement les enfants. Le sevrage et la toilette n’étaient pas imposés autoritairement et les enfants étaient autorisés à franchir graduellement et de façon autonome ces étapes de leur éducation.

Tout cela, bien sûr, jurait parfaitement avec les valeurs européennes que les premiers colons apportèrent avec eux : une société divisée en pauvres et riches, contrôlée par les prêtres, par les gouverneurs, et par les hommes en ce qui concernait la vie familiale.

Par exemple, le pasteur de la colonie des Pères Pèlerins, John Robinson, donnait à ses paroissiens les conseils suivants sur l’éducation des enfants :

« Assurément, il y a en chaque enfant une obstination, une intrépidité d’esprit, fruits d’une fierté naturelle qu’il faut absolument rabattre et briser. Ainsi, les fondements de l’éducation étant assimilés avec humilité et docilité, d’autres vertus pourront venir, en leur temps, s’y adjoindre. »

Guy Nash dépeint ainsi la culture iroquoise :

« Nulle loi ni ordonnance, ni shérifs ni gendarmes ni juges ni jurys ni cours de justice ni prisons – tout ce qui compose l’appareil autoritaire des sociétés européennes -, rien de tout cela n’existait dans les forêts du Nord-Est américain avant l’arrivée des Européens. Pourtant, les limites du comportement acceptable y étaient clairement déterminées. Bien que mettant en avant la notion d’individu autonome, les Iroquois n’en avaient pas moins un sens aigu du bien et du mal. (…) Celui qui volait de la nourriture ou se conduisait lâchement au combat était « couvert de honte » par son peuple et mis à l’écart de la communauté jusqu’à ce qu’il eût expié sa faute par ses actes et apporté la preuve, à la plus grande satisfaction de ses congénères, qu’il s’était moralement purifié de lui-même. »

source

Matricien, « Les femmes garantes de la première démocratie américaine » :

Les Iroquois (ou Haudenosaunee) connus aussi par l’expression Cinq-Nations comprennent effectivement cinq et puis plus tard six nationsamérindiennes de langues iroquoises vivant historiquement dans le nord de l’État de New York aux États-Unis au sud du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. La plupart des quelques 125 000 Iroquois vivent aujourd’hui en Ontario au Canada et dans l’État de New York. D’autres vivent au Wisconsin, au Québec et en Oklahoma. Seule une petite minorité des Iroquois parle aujourd’hui une des langues iroquoises dont notamment près de 1 500 locuteurs du mohawk dans le village Kahnawake, au sud de Montréal.

Les Iroquois croyaient en une femme-ciel, une déesse-mère qu’ils appelaient Ataensic. Ils disaient qu’un de ses fils jumeaux avait créé le monde avec le corps de sa mère décédée. Ils croyaient que la nature (les animaux, les plantes, etc.) était animée par des esprits.

Les Iroquois sont ceux qui se rapprochent probablement le plus de l’état matriarcal. Le jésuite Joseph-François Lafitau qualifie les sociétés iroquoiennes d’« empire de femmes ». Elles se comportent parfois en véritables guerrières amazones. Les femmes, surtout celles qui sont âgées, sont reconnues pour leur sagesse. Chez ces Indiens, c’étaient les femmes qui arrangeaient les mariages et qui, possédaient maisons et terres. Quelques-unes des plus importantes organisations cérémonielles étaient en bonne partie constituées et dirigées par les femmes et c’était dans leurs rangs qu’on choisissait trois sur six des fonctionnaires rituels de chaque clan. Les femmes nommaient leur candidat lors d’une vacance au conseil des chefs et avaient le droit de désapprouver et même d’empêcher l’élection d’un chef qu’elles jugeaient indigne. Néanmoins, c’est un fait certain que, même parmi les Iroquois, les femmes n’entraient pas dans le conseil suprême de la Ligue.

Les Iroquois vivaient dans des villages de 2000 habitants et plus et étaient jardiniers ou chasseurs. Les deux sexes travaillaient ensemble à la construction des longues-maisons permanentes, habitées par environ vingt-cinq familles. Les familles qui y vivaient en face l’une de l’autre utilisaient le même feu et des séparations délimitaient les zones de sommeil de chaque famille. Comme la plupart des peuplades natives nord américaines, les iroquois furent relativement matriarcaux. Au temps des premiers contacts (autour de 1650), la femme occupe une position sociale enviable si on la compare à celle qui s’impose dans les sociétés occidentales. La fonction procréatrice y est valorisée, les mères exercent une forte autorité sur leurs filles et fils, la femme occupe une place centrale dans le discours religieux, ses connaissances en matière médicale sont reconnues et elle détient souvent un droit de vie ou de mort sur les prisonniers de guerre. La terre est propriété des femmes. Elles ont un droit de véto sur toutes les décisions des hommes. Ce rôle leur donnait même le pouvoir d’inciter les chefs de guerre à organiser des expéditions pour venger la mort des membres de leur famille ou de la même lignée.

Article 44 de la constitution iroquoise : « La descendance se fait par le lien maternel. Les femmes sont la source de la Nation, elles possèdent le pays et sa terre. Les hommes et les femmes sont d’un rang inférieur à celui des mères ».

L’usage d’un objet entraînant sa possession chez les nations sauvages, la Mère, qui a charge de la demeure et de ses provisions, est maîtresse de la maison et de ce qu’elle renferme ; l’homme ne possède que ses armes et ses instruments de pêche et de chasse. Les enfants appartiennent à la mère, qui les a engendrés, nourris, élevés et logés ; la fille lorsqu’elle se marie, ne quitte pas la demeure maternelle ; le mari est un hôte, qui doit lui procurer des vivres. Le foyer servant à la préparation des aliments est propriété de la Mère et de sa fille aînée, quand elle meurt. Les matrones de la longue-maison contrôlaient la répartition de la nourriture et des autres marchandises qui assuraient le bien-être du groupe.

« Parmi les Iroquois…les enfants sont de la tribu de la mère, dans la majorité des nations ; mais la règle, même si elle était universelle depuis l’antiquité, ne l’est plus aujourd’hui. Quand la descendance de la lignée maternelle prévalait, elle était suivie par d’importants résultats, dont le plus remarquable était que la lignée paternelle était constamment déshéritée. Puisque tous les titres ainsi que les propriétés descendaient de la lignée maternelle, et étaient héréditaires, strictement, dans la tribu elle mêle, un fils ne pouvait jamais succéder au titre de son père en tant que Sachem, ni hériter de sa médaille ou de son tomahawk » – McLennan 1970 [1865]:51

Les Iroquois avaient un système similaire de distribution des terres. La tribu possédait toutes les terres, mais attribuait des territoires aux différents clans qui les répartissaient à leur tour entre les ménages pour les cultiver. Le terrain était régulièrement redistribué entre les ménages, au bout de quelques années. Un clan pouvait demander une réaffectation des territoires lors des réunions du Conseil des Mères de clan. Les clans coupables d’abus de terrain ou de négliger celui qui leur était alloué, recevaient un avertissement du Conseil des Mères. La pire punition était l’attribution de leur territoire à un autre clan. La propriété de la terre était l’affaire des femmes, de même que la culture du sol pour la nourriture était leur travail. Le Conseil des Mères réservait aussi certaines portions de terrain pour être travaillées en commun par les femmes de tous les clans. La nourriture produite sur ces terres, appelée kěndiǔ »gwǎ’ge’ hodi’yěn’tho, était consommée lors des fêtes et des grands rassemblements.

La contribution importante des femmes dans l’économie domestique leur faisait accéder à une autonomie importante même si la division socio-sexuée des tâches était très forte et que sa transgression impliquait une mise à l’écart. Femmes et hommes en nombre égal occupaient les fonctions de “gardiens de la foi”, personnes d’influence qui admonestaient les autres pour les infractions morale. Le rôle déterminant dans l’exercice du pouvoir appartenait aux aînés des deux sexes. Ce n’était pas une “gynécocratie” mais une “gérontocratie”. La division sexuelle des rôles était stricte, mais relativement égalitaire ; l’économie ne reposait pas sur l’exploitation d’un groupe par un autre, mais sur la coopération entre les familles et les sexes. La division du travail reflétait le clivage dualiste caractéristique de la culture iroquoise, où les dieux jumeaux Hahgwehdiyu, Jeune Arbre (Est) et Hahgwehdaetgah, Silex (Ouest) personnifiaient la séparation fondamentale entre deux moitiés complémentaires. Le dualisme appliqué au travail attribuait à chaque sexe un rôle clairement défini qui complétait celui de l’autre. Les femmes accomplissaient les tâches liées aux champs et les hommes, celles attachées à la forêt, y compris le défrichement et le travail du bois. Les hommes se chargeaient principalement de la chasse, de la pêche, du commerce et du combat, alors que les femmes s’occupaient de l’agriculture, de la cueillette et des tâches ménagères. Les activités artisanales étaient réparties également entre les sexes. Les hommes réalisaient les constructions et l’essentiel des équipements, y compris les outils utilisés par les femmes pour les travaux des champs, tandis que les femmes assuraient la fabrication du petit matériel de piégeage, des poteries et de la plus grande part des ustensiles ménagers, de l’ameublement, des articles textiles et des vêtements. Cette spécialisation par sexe était la principale façon de diviser le travail dans la société iroquoise. À l’époque de la rencontre avec les Européens, les Iroquoises produisaient environ 65% des biens et les hommes 35%24. En combinant des productions alimentaires différentes et réparties sur presque toute l’année, ce système mixte réduisait les risques de disette et de famine.

« La société iroquoise présente tous les aspects d’une démocratie matrilinéaire, essentiellement orientée vers la culture du maïs (15 qualités), de la courge et du haricot (60 variétés). Tandis que les hommes chassent et pêchent dans les rivières et sur les lacs, les femmes se consacrent aux activités agricoles. De longues « maisons communes » construites en écorce abritent plusieurs familles dont chacune est dotée d’un emblème distinctif (totem)… » – T.C. McLuhan, Pieds nus sur la terre sacrée.

Selon Bruce Johansen (1999), les premiers colons européens ont souvent envié les performances de la production vivrière iroquoise. L’organisation du travail des Iroquois était cohérente avec leur système de propriété du sol : à propriété commune, travail en commun. Pour les tâches difficiles, les femmes constituaient de grands groupes et allaient de champ en champ en s’entraidant pour travailler leurs terres. Pour les semailles menées en commun, une « maîtresse des champs » distribuait à chacune une quantité donnée de semence. Dans chaque groupe, les Iroquoises confiaient à l’une d’entre elles, ancienne, mais active, le rôle de chef des travaux pour l’année à venir, et s’engageaient à suivre ses directives. Les femmes coopéraient aussi en d’autres occasions. Ainsi, elles coupaient elles-mêmes leur bois, mais leur chef en supervisait le transport collectif jusqu’au village. Les clans de femmes assuraient encore de nombreuses tâches et selon Mary Jemison, une blanche qui s’était assimilée à la société indienne, l’effort collectif évitait « toute jalousie entre celles qui en auraient fait plus ou moins que les autres ».

La structure sociale était fondée sur le matriarcat. La cellule de base était matrilinéaire, se composant des descendants, par les femmes, d’une seule d’entre elles. Les femmes vivaient avec leur mari (qui appartenait à une autre cellule matriarcale) dans une seule longue maison. Un village pouvait ne contenir que quelques petites habitations de ce type ou en compter jusqu’à 50. La base de l’organisation sociale était le lignage dont les membres cohabitaient dans une maison longue autour d’une femme âgée. Un village typique comprend un grand nombre de maisons longues en écorce d’orme ou de cèdre. Chaque maison longue abrite plusieurs familles apparentées. Au moment de prendre résidence, le couple observe une tradition matrilocale. Après son mariage, le mari vit dans la maison longue de son épouse. De même, la filiation, le patrimoine et l’héritage suivent un ordre matrilinéaire. Un ou plusieurs ménages forment une matrilinéarité. Plusieurs lignées constituent un clan exogame représenté par un emblème totémique particulier. Les tribus sont formées de 3 à 10 clans dont les membres sont dispersés dans plusieurs villages. Chez certains groupes, les clans sont divisés en deux catégories ou moitiés. Les membres d’un clan et même d’une tribu, chez les Iroquois des Cinq-Nations, se considèrent comme frères et sœurs, indépendamment de leur village.

Les femmes, libres de disposer de leur corps et de leur sexualité, n’étaient pas l’objet d’un échange. La plupart, les Iroquoiens laissaient les femmes maîtresses de leurs relations sexuelles et de leurs sentiments, ne connaissaient pas le viol, s’adonnaient très rarement à la violence conjugale et ne réprouvaient pas le divorce. Ils favorisaient, de plus, une pédagogie de la conviction plutôt qu’une approche répressive pour l’éducation de leurs enfants.

Article 43 de la constitution iroquoise : » les membres d’un clan devront reconnaître comme leurs parents tous les autres membres de ce clan quelle que soit leur nationalité. Les hommes et les femmes d’un même clan ne pourront jamais s’unir ».
Plusieurs matriarcats formaient le clan matriarcal qui, en dehors de son importance symbolique et cérémoniale, servait à fixer les règles du mariage. Il était interdit de se marier entre membres d’un clan. La femme demeure dans sa maison ou dans celle de son clan, et jamais dans celle de son mari. L’observation suivante, citée par Morgan, d’après un pasteur protestant qui vécut pendant des années au milieu des Iroquois-Seneca, est typique :

« Du temps qu’ils habitaient dans leurs longues maisons (qui pouvaient contenir plusieurs centaines d’individus), un clan prédominait : mais les femmes y introduisaient leurs maris appartenant à d’autres clans. Il était d’usage que les femmes gouvernassent la maison ; les provisions étaient mises en commun : mais malheur au mari ou à l’amant trop paresseux ou trop maladroit pour ne pas contribuer pour sa part aux provisions de la communauté. Quel que fut le nombre de ses enfants et la quantité de biens apportés dans le ménage, il devait s’attendre à recevoir l’ordre de plier sa couverture et de déloger : il serait pour lui dangereux de désobéir. La maison deviendrait trop chaude. Il ne lui restait que de retourner dans son propre clan, ou, ce qui arrivait le plus souvent, il allait chercher un nouveau ménage dans un autre clan. Les femmes étaient le grand pouvoir des clans. Elles n’hésitaient pas, lorsque la circonstance le requérait, à faire sauter les cornes (le signe du commandement) de la tête des chefs et à les faire rentrer dans les rangs des simples guerriers. L’élection des chefs dépendait toujours d’elles ».

“Dans les villages iroquois, la terre était possédée en commun et travaillée en commun. La chasse était faite ensemble, et les prises étaient divisées entre tous les membres du village. Les maisons étaient considérées comme étant propriété commune et étaient partagées par plusieurs familles. Le concept de propriété privée de terrain ou de maison était complètement étranger aux Iroquois… Les femmes étaient très importantes dans la société iroquoise. Les familles suivaient une descendance matrilinéaire, c’est à dire que la lignée familiale descendait par rapport aux femmes, dont les maris rejoignaient les familles, tandis que les fils rejoignaient les familles de leurs épouses lorsqu’ils se mariaient. Les familles vivaient dans les ‘longues maisons’ et lorsqu’une femme voulait divorcer, elle mettait les affaires de son mari sur le pas de la porte.”

– Howard Zinn, “Une histoire populaire des Etats-Unis”, 1980

Le jésuite Joseph-François Lafitau présente la société iroquoienne comme un véritable matriarcat :

« C’est dans les femmes que consiste la Nation, la Noblesse du sang, et de la conservation des familles. C’est en elles que réside toute l’autorité réelle. Le pays, les champs et toute leur récolte leur appartiennent. Elles sont l’âme des conseils, les arbitres de la paix et de la guerre. Elles conservent le fisc ou le trésor public. C’est à elles qu’on donne les esclaves. […] Les hommes au contraire sont entièrement isolés et bornés à eux-mêmes. »

La société iroquoise était organisée en confédération tribale, gérée par des conseils démocratiques. Selon leur constitution, le pouvoir ultime de trancher et le pouvoir de veto sur les décisions votées à l’unanimité est accordé aux Mères de clans, les royaneh femmes, les « citoyennes » les plus influentes de la Confédération. Elles détiennent aussi le pouvoir de nommer de nouveaux chefs ou de les destituer. Le titre de sachem (chef civil) était par défaut transmis par la mère.

Article 36 : « les femmes sont les héritières des titres des chefs confédérés, aussi bien que de ceux des chefs de guerre »

Les femmes les plus sages ou les plus âgées peuvent ainsi casser un chef politique, en cas de défaut de confiance, d’erreur politique ou d’injustice sociale. Le vol, le mensonge, l’irrespect des lois et l’accumulation de richesses étaient durement réprimés. Un bon politique, c’est à dire un bon chef, était nommé à vie pour sa générosité, son intelligence, son bon sens, sa rhétorique et sa probité.

Article 39 : « Un chef de guerre qui agit contrairement aux lois de la Grande Paix peut être déposé par les femmes et par les hommes de sa nation, séparément ou conjointement. Après cela les femmes, détentrices des titres, choisiront le candidat. »

L’article 53 stipule : « Lorsque les femmes royaneh, détentrices du titre de chef, choisissent un de leurs fils comme candidat, elles doivent en choisir un qui inspire une confiance totale, qui est bienveillant et honnête, qui sait s’occuper de ses propres affaires, qui soutient sa famille et qui a obtenu la confiance de sa nation ».

Article 95 : « Les femmes de chaque clan doivent avoir un Feu du Conseil constamment allumé et prêt à accueillir une assemblée. Si, selon elles, il est nécessaire pour le peuple de tenir un conseil, alors il sera tenu et la décision qui en découlera sera transmise au Conseil de la Confédération par le Chef de Guerre. »

Les mères sont les détentrices du pouvoir réel et les gardiennes du feu. Il n’y a pas ici la stricte égalité du bulletin de vote qui d’ailleurs ne veut rien dire sur le plan de l’égalité entre hommes et femmes. Mais il y a un équilibre, une égalité dans la répartition des responsabilités politiques, économiques et sociales entre hommes et femmes. Pour départager un conflit politique, le pouvoir de trancher et de départager n’est pas attribué à une institution supérieure qui couvre les autres et dont les membres seraient sélectionnés parmi les citoyens par des procédés toujours et forcément contestables, peu démocratiques. Au contraire, ce pouvoir de trancher appartient à la communauté des mères, à celles qui exercent ou ont exercé la responsabilité humaine de donner la vie. Comme chez les gaulois et les celtes, ce sont donc elles qui vont décider en dernier lieu si leurs hommes, leurs enfants vont partir ou non à la guerre. Les querelles intestines entre petits chefs désirants devenir de grands chefs n’existent pas car les institutions ne le permettent pas et d’autre part parce que les mères ont le pouvoir de casser un chef mauvais ou belliqueux.

Pierre Bouchard, « La planète des hommes » :

« D’autres sociétés, comme les Iroquois, ont constitué des systèmes où les enfants appartiennent à la mère et portent le nom de la mère. Les enfants portent le nom de la mère, qui elle-même porte le nom de sa mère. Autour de ce noyau s’organise une société où la femme a plus d’importance dans la lignée. La lignée devient une référence pour le clan qui lui-même est un groupe de lignées.

Il y avait trois clans principaux chez les Iroquoiens : l’ours, le loup et la tortue. La plus vieille mère, la plus vieille ourse, la plus vieille louve ou la plus vieille tortue devient la mère du clan. Cette femme devient une référence pour le clan. Ensemble, les mères de clans vont nommer les chefs, orienter la politique et jouer des jeux politiques déterminants. Ce sont elles qui décident, mais d’une manière secrète, cachée.

Dans une société où les femmes contrôlent à la fois les enfants, les récoltes et donc l’économie, la reproduction, la politique, il reste un problème : comme la femme ne peut déléguer le pouvoir d’avoir des enfants, elle doit toujours rester près de sa progéniture, c’est-à-dire du foyer. Comment rester au foyer et dominer la vie sociale en même temps ? Voilà la grande question à laquelle toutes les sociétés matriarcales du monde ont eu à répondre. Pour contrôler les enfants et la maison, il leur a fallu éloigner le géniteur, dévaloriser le père biologique.

Mais en même temps, il a fallu chercher un autre homme pour prendre la responsabilité des enfants, un homme moins dangereux, qui appartient à la famille. Il faut dire que chez les Iroquois, on n’épouse pas une personne de son propre clan : une femme ourse n’épousera pas un homme ours, c’est interdit. Il lui faut trouver un homme loup ou tortue. L’autre homme responsable des enfants sera donc le frère de la femme. Il n’est pas dangereux : il est de la famille. Le frère va donc s’occuper des enfants de sa sœur. Ce père est un père culturel et il est plus important que le père biologique. Bien sûr, le père biologique aime ses enfants, mais il apprend à aimer ceux que sa culture lui impose, les humains sont des êtres culturels. Voilà comment les femmes iroquoises protégeaient leur pouvoir domestique et politique.

L’autre façon de protéger ce pouvoir est d’éloigner les géniteurs et les hommes de façon générale. Les femmes faisaient les enfants, mais elles étaient aussi gardiennes des graines et des semences. Elles connaissaient l’agriculture. La relation entre les femmes et l’agriculture est très ancienne ; faire de l’agriculture, c’est aussi faire de la reproduction. Il a donc fallu inventer un rôle pour les hommes. On en a fait des voyageurs, des commerçants. A eux de faire des échanges commerciaux ! A cette fonction économique s’est ajoutée une fonction politique, celle de faire la guerre. Les guerriers sont de plus en plus rentrés dans un rituel d’égalisation : les autres ont tué quelqu’un de chez nous, il faut tuer quelqu’un de chez eux. De plus, il faut protéger le territoire, établir des routes pour le commerce et les protéger. Résultat ? L’homme est pratiquement toujours absent. Il revient pour se reproduire, mais la plupart du temps, il est au loin. Ce monde est divisé en deux : un monde de femmes, établi dans la continuité, dans la « longue maison », et un monde d’hommes en voyage. (…)

L’homme iroquoien avait une femme qui était sa femme, ils se mariaient. Selon les ethnographies de la vie quotidienne, les hommes étaient très actifs, souvent en voyage et peu « à la maison ». L’univers domestique n’était pas celui de la famille nucléaire que nous connaissons, avec papa-maman-enfants. Il était construit autour de maisons communales, de maisons claniques. Le père était avec son clan, en voyage, pour le commerce et la guerre. Et quand il rentrait chez lui, il habitait dans la maison de son clan, qui n’était pas la maison de sa femme, puisqu’elle appartenait à un clan différent. Il vivait donc dans la maison de sa sœur, la maison de sa mère. Mais pour la reproduction, les rencontres étaient très rapides, il n’y avait pas d’intimité prolongée pour faire des enfants. Les rituels de reproduction n’étaient pas très sophistiqués, ils étaient rapides et pouvaient se pratiquer n’importe où. Dans les sociétés iroquoiennes d’il y a 300 ou 500 ans, on ne pouvait imaginer une vie quotidienne en face-à-face constant. Du temps des « longues maisons », ces maisons vraiment claniques, ces foyers féminins où l’on vivait entre femmes du même clan, les hommes ne pouvaient pas entrer à l’improviste. Ils n’étaient pas chez eux. »

Darmangeat, en théoricien en anthropologie de l’anticommunisme, essaie de contredire les faits sur le collectivisme iroquois !!!!

Les femmes amérindiennes, libres, émancipées et puissantes

Les amérindiennes, des femmes avant-gardistes

Matriarcat amazonien

Femmes autochtones du Canada

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.