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L’organisation collective des cellules

vendredi 23 octobre 2020, par Robert Paris

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L’organisation collective des cellules

J’en viens en effet au caractère collectif de la vie cellulaire qui mène à l’auto-organisation de ces cellules, c’est-à-dire à leur capacité spontanée de structurer le désordre originel et de supprimer le hasard lié à la fabrication de ces cellules.
De façon spontanée, les cellules se multiplient et se déplacent de façon désordonnée. La plupart arrivent à des zones où n’existe aucune cellule capable de leur envoyer un message de survie et se suicident. Le désordre qui existe dans le fonctionnement spontané est réglé ensuite par des suppressions massives de cellules.

Ce que l’on a appelé " le contrôle social de la vie et de la mort " c’est-à-dire la manière dont ces messages inter-cellulaires de survie sélectionnent les cellules qui vont se supprimer, va piloter non seulement le nombre de cellules dans chaque zone mais également le nombre de cellules de chaque sorte, de chaque famille et sous-famille.
C’est donc le processus d’autodestruction qui est à la base de l’ordre final issu du désordre.
Jean Claude Ameisen cite ici un passage d’Henri Atlan d’après son ouvrage intitulé " Entre le cristal et la fumée " :
" L’organisation des systèmes vivants n’est pas une organisation statique mais un processus de désorganisation permanente suivie de réorganisation. La mort du système fait partie de la vie. Sans perturbation, sans désorganisation, pas de réorganisation adaptatrice au nouveau. Sans processus de mort contrôlée, pas de processus de vie. "
Ameisen explique ainsi : " Les signaux qui contrôlent la localisation d’une cellule contrôlent aussi son destin. "

Il s’agit donc des destinées d’évolution des familles de cellules. Comme chacun sait, toutes les familles diverses de cellules qui ont des fonctionnement, des formes et des particularités aussi différentes qu’une cellule nerveuse et un globule rouge sont toutes le produit de filiations parties de la même cellule-mère, l’œuf fécondé originel, et c’est la première énigme du vivant. Comment a pu se produire cette diversification alors que la multiplication des cellules fonctionne sur la base d’un processus dans lequel une cellule donne deux cellules ayant exactement le même ADN sauf erreur de reproduction.

Pour le comprendre, il convient d’abord de savoir que le capital génétique n’est pas seulement constitué par l’ADN mais c’est aussi par les protéines et que, d’autre part, il y a des rétroactions entre les gènes de l’ADN et les protéines. En effet, l’ADN seul ne peut être lu. Ce sont les protéines qui enclenchent la lecture de tel ou tel gène ou, au contraire, en inhibent la lecture. Cela signifie que la présence ou l’absence ou même la variation de concentration de telle ou telle protéine changera la lecture de tel ou tel gène contenu dans l’ADN. La mise en route du capital génétique est donc fondée sur des suites ininterrompues de réactions biochimiques qui dépendent des produits de ces réactions. C’est ainsi que le système est régulé. Sinon, un gène qui produirait une protéine n’arrêterait jamais de la produire. Un seuil dans le niveau de concentration de sa production enclenche une autre réaction qui inhibe le gène.

C’est fondamental pour comprendre comment les cellules se diversifient. En effet, en se dédoublant, même si l’ADN est normalement recopié à l’identique, le corps cellulaire ou cytoplasme ne va pas se dédoubler en deux cytoplasmes identiques. Par exemple, il y aura une cellule au dessus de l’autre ce qui va faire jouer la gravitation et modifier les concentrations en protéines. Ou encore, dans la cellule originelle, il y avait des zones différentes qui vont se retrouver dans deux cellules différentes lors de la partition. Et, comme je viens de l’exposer, ces différences dans les concentrations des protéines vont entraîner finalement des lectures différentes du capital des gènes. A certains seuils, il s’agit même d’embranchements irréversibles ; on parlera de fermeture de certaines bibliothèques de gènes. La cellule qui était totipotente c’est-à-dire capable de produire n’importe quelle famille de cellule est maintenant une cellule spécialisée. Le processus est une rupture de symétrie.

Ce processus signifie que le matériel ADN contenait dès le départ de multiples lectures possibles et que c’est l’enchaînement des cascades de rétroactions entre gènes et protéines qui décide de telle ou telle lecture, c’est-à-dire de la production de tel type de cellule et même de tel type d’être vivant.

Un type simple de processus de rétroaction du matériel génétique a été découvert en 1959 par Jacob et Monod. Il est exposé par ce dernier dans son ouvrage " le hasard et la nécessité ". Il s’agit de la capacité d’une bactérie de dégrader un sucre à l’aide d’un enzyme. Si la bactérie n’est pas en présence du sucre, la protéine n’est pas produite. En effet, le gène qui devrait la produire est désactivé. Il est inhibé par un autre gène. Dès que la bactérie est en présence du sucre, le gène inhibiteur est lui-même inhibé et la production de la protéine qui dégrade le sucre est enclenchée. On constate dans de nombreux domaines que ce schéma inhibition de l’inhibition est très général.
Rappelons que nous avions dit peu avant que la mort est l’inhibition de l’inhibition du message de la mort.

Examinons le processus de diversification des cellules. Il provient de toutes les lectures possibles du capital génétique, en fonction de l’environnement intérieur et extérieur à la cellule. L’environnement intérieur c’est le corps de la cellule et l’extérieur essentiellement les messages venus des autres cellules.
Les cellules vont donc se diversifier. Mais les cellules voisines ne vont pas nécessairement être capables d’envoyer un message de survie aux nouvelles cellules produites. C’est ainsi que va se sélectionner le type de cellules qui vont être produites dans chaque zone et donc la structuration de zones, et même d’organes.
Des systèmes de rétroaction du même type vont également contrôler le rythme de reproduction des cellules donc la taille des zones fabriquées. L’auto-organisation des cellules pour former le corps est ainsi contrôlée à la fois par le matériel génétique et sur place par les messages inter-cellulaires.

Donc le processus d’auto-organisation peut être résumé ainsi : c’est l’inhibition de l’inhibition qui va permettre aux cellules d’exprimer des gènes qui étaient au début bloqués Mais, en les exprimant, c’est d’autres parties de ce capital génétique qui seront désormais inaccessibles. On obtient ainsi ce que l’on appelle les destinées cellulaires, c’est-à-dire les embranchements donnant les filiations des différents types de familles cellulaires et, à une autre échelle, c’est par le même processus que l’on obtient les embranchements de l’évolution du vivant. Et c’est encore une inhibition de l’inhibition, l’apoptose, qui va construire le vivant en détruisant toutes les cellules dont le type n’est pas adéquat à la zone et les cellules en trop.

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